jeudi 14 août 2008

Triste Chine, triste Géorgie...

Ah, cher lecteur, je dois te dire que les vacances hors de la capitale française font du bien. Je t'avais annoncé que je reviendrai vers le 30 août, mais j'ai en ce moment la chance de me trouver à proximité d'une connexion que je pirate allègrement, dans une grande ville étrangère, et je remercie d'avance ce voisin provisoire de me permettre de lire mes blogs favoris en rentrant de nos visites touristiques et d'écrire mon petit billet d'humeur de la mi-août.

J'écris d'abord ici pour dire que mon boycott des JO de Pékin, auquel j'ai appelé il y a quelques temps, se passe très bien. Il faut dire aussi que le contexte me facilite grandement les choses : les compétitions se déroulent le matin, je suis dans une ville étrangère et je ne comprendrai rien aux commentaires et en plus, je fais du tourisme. J'espère, cher lecteur, que tu t'accroches autant que moi et que les chiffres de l'audience en France sont mauvais. J'en doute, mais bon...

Les Géorgiens ont sans doute été obligés de se priver aussi des JO à la TV, pour suivre en direct l'invasion de leur pays par les troupes russes, grâce à la merveilleuse manoeuvre militaire de leur président de plus en plus autocrate. Une crise de ce type couvait depuis de nombreux mois, même si elle a surpris dans la torpeur de notre été et en cette période de focalisation sur la Chine.

De nombreux blogueurs se sont risqués à des analyses géopolitiques de cette situation, qualifiant souvent les Russes de "méchants" et les Géorgiens de "gentils", ou l'inverse ! Il me semble très réducteur de tenir ce type de discours. La Géorgie fait partie des vieilles zones d'influence russe. Lorsque l'URSS a implosé, la Géorgie est parvenue à s'extirper de la tutelle de Moscou, comme d'autres nouveaux États, et il faut bien comprendre que les Russes ont globalement très mal vécu ce recul important de leur territoire. Depuis que Poutine a instauré son régime autoritaire, la reprise en main des marges de l'Empire est en marche et correspond à un vieux fantasme de la géopolitique russe : la crainte de l'encerclement. Cette idée a traversé la Russie des tsars mais aussi les leaders soviétiques (n'oubliez pas la constitution du bloc communiste en Europe pour se protéger de la menace américaine, que Staline, dans ses délires psychotiques, craignait beaucoup). Pour se protéger de l'étranger, les chefs d'Etat russes ont régulièrement constitué des glacis censés protéger l'intérieur du territoire russe, la vraie Russie en quelque sorte. Poutine puis Medvedev ne dérogent pas, d'autant plus que la Russie est plus réduite territorialement maintenant que jamais depuis la fin du XVIIIe siècle.

Encerclement, me diras-tu, cher lecteur étonné ? Mais par qui ? Là est la véritable question. Par nous bien sûr !!! Nous les Occidentaux, qui sommes les ennemis traditionnels depuis 1917 ; nous qui soutenons tous les États qui tentent de se dégager de l'influence russe (Ukrainiens, Kosovars, Baltes, Moldaves, Arméniens...) ; nous qui installons des bases militaires autour de la Russie (c'est de cette manière que les Russes voient la présence américaine en Irak et la présence de l'OTAN en Afghanistan) ; nous qui cherchons systématiquement à éviter la Russie dans notre exploitation du pétrole de la région (oléoduc de l'Asie centrale vers le Pakistan, oléduc BTC qui vient de l'Azerbaïdjan et passe justement par la Géorgie) ; nous qui continuons à dire que Poutine et Medvedev sont des dictateurs en puissance.

Or, lorsque les Géorgiens tentent vraiment de se dégager des Russes et de conserver leurs frontières, où sommes-nous ? Il était évident que Moscou n'attendait qu'un prétexte pour frapper et démontrer à ces jeunes États que le soutien occidental était un flan. Voilà qui est magistralement fait, et les Géorgiens n'ont eu pour renfort que Sarkozy venu arracher un accord de cessez-le-feu à minima auprès des Russes.

Ne t'inquiètes pas, cher lecteur, je ne suis pas en train de réclamer une intervention militaire occidentale en Géorgie. Elle est impossible techniquement, politiquement, stratégiquement et militairement. Je me pose juste la question de la logique de nos comportements stratégiques. Est-il normal de promettre notre soutien à des gens que nous n'aiderons pas en cas de vraie crise ? En tant que citoyen, c'est une vraie question que je te pose, cher lecteur, car nous sommes face ici à une réalité : ni les Etats-Unis, ni l'Europe n'ont les moyens d'affronter une grande puissance nucléaire et militaire comme la Russie ou la Chine. La question est maintenant de savoir où s'arrêtent les zones d'influence de chacun. Il semble bien que la Géorgie retourne vers Moscou, contrainte et forcée...

Ces questions sont cependant centrales, car les pays d'Europe de l'Est, candidats à l'UE et à l'OTAN, savent maintenant que la Russie est prête à frapper militairement s'il le faut. Soutiendrons-nous les Ukrainiens le jour venu ? Sont-ils dans la zone russe ou dans la nôtre ? Cet aspect de notre politique étrangère devrait, en tant que citoyen démocrate, nous questionner, car elle engage éventuellement notre responsabilité et l'attractivité du modèle démocratique auprès des pays étrangers.

7 commentaires:

  1. Guerre froide bis?
    Sauf qu'on aura plus d'acteurs qu'au temps du 20è siècle..

    RépondreSupprimer
  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  3. Salut Mathieu

    Ton analyse du périmètre de sécurité que les Russes veulent instituer tout autour de leur territoire me semble juste ainsi que leur volonté millénaire d'impérialisme c'est à dire d'extension de leur territoire géographique sinon d'influence.
    Il est vrai également que l'Europe mais surtout les américains ont eu tort de laisser croire à la Georgie qu'ils seraient là pour les soutenir en cas de crise, on voit bien que les Russes font ce qu'ils veulent et que les menaces américaines leurs font ni chaud ni froid.
    Cette crise révèle que, contrairement à ce que beaucoup d’occidentaux veulent croire, les Russes n’ont pas changé !
    Cela m'amène à une réflexion qui est que face à la Russie, il y a de plus en plus nécessité d'une Europe politique forte et unie et on en est très loin !
    Le traité de Lisbonne devait nous permettre d'avancer dans cette direction ...dommage !

    RépondreSupprimer
  4. Guerre froide ? Non... Juste un retour des traditionnelles relations entre grandes puissances, sans guerres directes à cause de l'arme nucléaire. C'est quand même une situation nouvelle, car l'avantage ira à celui qui tire le premier...

    RépondreSupprimer
  5. @ Nicolas : entièrement d'accord avec toi, même si je ne crois pas vraiment au traité de Lisbonne. Je suis plutôt fédéraliste, et je ne crois pas que l'on pourra s'en sortir sans un commandement militaire intégré, sans les États-Unis, et une politique cohérente de l'UE. Evidemment, c'est une utopie, mais qui devrait nous permettre d'avancer un peu...

    RépondreSupprimer
  6. C'est sûr qui'l ne faut pas schématiser en plaçant d'un côté les bons, et de l'autre, les méchants, mais ce qui est sûr, c'est qu'on a des victimes, et elles sont géorgiennes.
    On a aussi des agresseurs, et ils sont russes, et on a comme tu le dis des beaux parleurs, et ce sont les occidentaux.

    RépondreSupprimer
  7. En fait, je crois que les Russes sont en train de totalement paniquer. Ils ont aujourd'hui menacé la Pologne de frappes si elle acceptait sur son sol le bouclier anti-missile américain. Il va vraiment falloir se poser des questions sur toute cette situation stratégique, et vite.

    RépondreSupprimer

Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

La modération des commentaires est activée 14 jours après la publication du billet, pour éviter les SPAM de plus en plus fréquents sur Blogger.