samedi 31 décembre 2011

2012 : année électorale passionnante, comme toutes les autres années électorales...

En cette période particulière de l'année, c'est en général le moment de faire des bilans (merci au Faucon pour son petit message d'amitiés : je vais bien et je me porte pour le mieux, et j'espère qu'il en est de même pour lui) et de tenter de tracer des perspectives.

Cette année, cela tombe bien, est une année électorale. On a donc enfin la possibilité de s'exprimer en dehors d'un blog, d'un mouvement social ou d'une élection locale, pour choisir nos dirigeants. Tant mieux.

Depuis quelques semaines, on voit poindre un peu partout l'idée que les élections présidentielles de 2012 (et peut-être les législatives qui suivent, mais tout le monde a l'air de s'en moquer totalement) seront les plus ouvertes que nous ayons jamais connues.

Ce genre d'assertion est toujours totalement étonnant lorsqu'on regarde notre passé récent. En réfléchissant aux grandes échéances dont j'ai la mémoire, je n'ai pu identifier que trois scrutins  nationaux dont les résultats aient été conformes aux résultats prévus par nos dirigeants et par leurs sondages : les présidentielles de 1988, le référendum de 2000 sur le passage du septennat au quinquennat (grosse erreur politique d'ailleurs, mais passons...) et les législatives de 2002. J'exclus les sénatoriales de mon raisonnement, parce qu'on ne peut pas dire qu'elles soient d'ampleur nationale. En clair, aucune autre élection n'a donné le résultat attendu.

Essayons donc de nous obliger à cet exercice de style :

  • 1992 : référendum sur Maastricht. Alors que le oui devait triomphalement gagner, il l'emporte d'un poil, donnant des sueurs froides à tous les gouvernements européens, et alors que toute la classe politique soutient le oui.
  • 1993 : légistatives. Les sondages s'attendent à une victoire de la droite, mais en fait, le PS est totalement écrasé et subsiste avec moins de 100 élus. Une débâcle historique absolument pas prévue.
  • 1995 : Balladur devait triomphalement être élu. Sic...
  • 1997 : Chirac dissout l'Assemblée en espérant chiper la victoire à la gauche alors que les sondages le donne encore gagnant. Il rate son pari et s'engage dans une cohabitation de 5 ans...
  • 2002 : Jospin devait triomphalement être élu. Sic... En plus, Le Pen est nettement au-dessus de son score dans les sondages.
  • 2005 : le référendum sur le TCE, traité là encore soutenu par la très grande majorité de la classe politique démocratique, devait être ratifié, avec 60% de oui. Il a été largement rejeté, donnant des sueurs froides à toute l'Europe...
  • 2007 : Royal devait triomphalement être élue. Sic...
  • 2007 : les législatives devaient être un triomphe pour la droite, mais elle ne l'emporte pas aussi facilement, avec une majorité assez courte.
Que peut-on tirer de cet inventaire ? Quelques leçons finalement assez simples mais, je trouve, très revigorante.

Tout d'abord, aucun résultat n'est joué d'avance, et notre vote conserve donc une importance réelle. Ouf !

Ensuite, si les sondages parviennent parfois à dégager des tendances, ils se trompent souvent sur le résultat final.

Enfin, dans le contexte actuel, il est quasiment certain que de nombreux électeurs ne vont pas cesser de changer d'avis.

L'année s'annonce donc passionnante.

Youpi !

jeudi 29 décembre 2011

Évaluation des profs : encore des approximations...

La question de l'évaluation des enseignants n'a bizarrement pas beaucoup occupé la presse, ni la blogosphère d'ailleurs (en fouillant mon reader, je n'ai trouvé que deux articles sur le sujet en deux mois...). Pourtant, en pleine campagne électorale, le vote des 800 000 enseignants devrait quelque peu préoccuper, particulièrement à gauche, mais pour le moment, on ne peut pas dire que ce sujet passionne. On a eu le droit aux habituels déclarations des membres du gouvernement informant le peuple que les "profs allaient enfin être évalués", relayées par les chiens de garde du Figaro. Sur celui-ci, j'ai même vu un sondage, lors de la journée de grève du 15 décembre, qui demandait aux lecteurs s'ils trouvaient positifs que les profs soient évalués. Evidemment, la très grande majorité répondait oui, et moi aussi, impliquant ainsi que maintenant, on était dans la plus totale des libertés.

Il existe pourtant tout un courant pédagogique demandant que les profs ne soient pas évalués, et s'appuyant là-dessus sur l'exemple finlandais, où les enseignants ne sont pas suivis par un corps d'inspection. C'est d'ailleurs le cas dans de nombreux pays.

Bon, pour essayer un peu de clarifier le débat, cher lecteur, et ayant de très bonnes notes, je vais essayer de t'expliquer comment cela marche aujourd'hui.

Un prof est noté tous les ans, eh oui, avec une notation divisée en deux parties d'inégale importance. D'un côté, le chef d'établissement donne une note sur 40, et de l'autre, l'inspecteur de discipline distribue une note sur 60. Cela donne donc une note sur 100. Chaque année, lorsqu'on a suffisamment d'ancienneté dans un échelon, une commission paritaire analyse les notes de chacun des collègues de l'échelon et les répartit en trois catégories : les collègues passant au grand choix (les mieux notés) qui montent plus vite, les collègues au choix (qui sont au milieu) et les collègues à l'ancienneté (qui montent le moins vite).

Ces évolutions dans la hiérarchie sont assez lentes. Si tu es dans une entreprise privée, que tu es haut-cadre et que tu es très bien vu par ton boss, ton salaire augmente très vite. Pour moi, je ferai la grille en vingt ans en restant au grand choix toute ma carrière, alors qu'un prof à l'ancienneté la fera en 30 ans. Au final, la différence est tout de même très importante : pour un certifié, c'est presque 100 000 euros d'écart de revenu en dix ans... Et pour moi, qui suis agrégé, c'est encore plus important.

Il existe donc bien une notation au mérite ! Cependant, elle favorise certains types de collègues, du fait de la structure même de la notation.

Il faut en effet comprendre comment la note se construit. D'un côté, le chef d'établissement note des aspects très parcellaires de l'activité, globalement le respect des obligations de service (cahier de texte, arrivée à l'heure, respect des bulletins et des conseils de classe, participation aux réunions...), ce qui n'est tout de même pas rien. Un collègue qui arrive tous les jours en retard de 10 mn ennuie tout le monde : les élèves qui attendent, les collègues qui doivent supporter une classe à l'abandon qui met le souk dans le couloir, les surveillants qui doivent venir la récupérer ensuite, le chef qui n'a plus de surveillant. Cependant, dans la plupart des cas, les chefs sont tellement surchargés de boulot (ce que l'on ne dit pas beaucoup d'ailleurs) qu'ils ne pratiquent pas une évaluation fouillée, sauf dans les cas les plus problématiques. De même, ils ne peuvent favoriser réellement les collègues les plus méritants (ceux qui respectent les obligations de service strictement) et encore moins les favoris, car les notes sont contingentées. On ne peut aller au-delà du maximum de l'échelon. Donc, dans le système actuel, on peut être ralenti si on fait n'importe quoi, un peu accéléré si on est très bon ou bon copain avec le chef, mais cela ne va pas plus loin.

L'inspection a plus de poids, mais là encore, tout dépend de nombreux facteurs. On le dit peu, mais un collègue lambda est très peu inspecté. En moyenne, cela dépend des endroits, du type d'établissement, du nombre d'inspecteurs disponibles sur l'académie... Personnellement, je suis dans ma dixième année, et j'ai vu l'inspecteur trois fois, ce qui est déjà pas mal. En effet, on peut demander son inspection, ce que je fais personnellement chaque année. En moyenne, l'inspecteur vient dans ce cas une fois tous les quatre ans, car il a tellement de monde à voir qu'il ne peut pas se déplacer tous les ans. Il commence par papoter avec le principal/proviseur pour se faire une idée, puis assiste à une heure de cours, puis a un entretien avec le prof où il fait le point. Le rapport écrit arrive dans les deux à trois mois, puis la note dans l'année suivante. On sait alors si on va monter ou pas.

Là encore, les notes sont contingentées et ne peuvent dépasser un certain niveau pour éviter qu'un petit jeune soit très rapidement au-dessus des plus âgés. L'ancienneté garde, dans le système actuel, un rôle fondamental.

En clair, pour résumer un peu la situation :

  • Il existe une notation au mérite qui a un impact réel sur les revenus des profs,
  • elle est dépendante de deux évaluateurs qui ont peu de moyens et de capacités pour évaluer réellement les profs,
  • ce qui fait que pour beaucoup, elle devient inique car incomprise et trop peu fréquente,
  • et l'ancienneté garde un rôle très important, pour des raisons finalement logiques : il est cohérent de penser que quelqu'un d'expérimenté est meilleur qu'un jeune, même si les exceptions existent.
La réforme actuelle propose de confier le tout au seul chef, déjà incapable par manque de temps de noter aujourd'hui. En clair, cela ne réglera pas la problème de fond et n'aura qu'une conséquence : ne plus évaluer les cours eux-mêmes, mais tout le reste, soit finalement l'accessoire.

Que faudrait-il faire ? Personnellement, je pense qu'il faut maintenir le système actuel, mais en rendant l'inspection beaucoup plus fréquente et en reconstruisant une véritable formation professionnelle qui pourrait servir de recours aux inspecteurs pour aider les collègues en difficulté. Le licenciement ou la reconversion pourrait être l'arme ultime. Ils sont aujourd'hui inemployable, car comment justifier, en voyant un collègue une fois une heure tous les sept ans, qu'il ne mérite pas le concours très difficile qu'il a pourtant décroché dans le passé ?

On pourrait ensuite, pour favoriser les plus méritants, augmenter l'accès à la hors-classe, aujourd'hui très limitée par un accès uniquement au mérite en l’occurrence. Du moment que les critères sont clairement définis et que le copinage n'y intervient pas...

PS : très bizarrement, de nombreux collègues restent terrifiés par l'inspection, qui ne peut pourtant que vous faire passer à l'ancienneté dans le cadre actuel...

PS2 : ah, mais oui ! C'est tout simplement parce qu'il existe d'autres moyens de promotion dans l'Education nationale, dont on parle là encore très peu, et pour lesquels l'évaluation est vitale. Mais bon, j'y reviendrai une autre fois.