samedi 31 octobre 2009

Jeunes de banlieue : poids sociologique ou choix de l’individu.

Ce midi, je me trouvais dans une fête de famille, à la campagne. Vous savez, la fête qui réunit plein de gens qui ne se connaissent pas, durant laquelle le repas dure des heures, où on enchaîne les plats, les vins, les digestifs et le café sans trop savoir ce que l'on fait. Au final, on passe un moment intéressant et on découvre, ou on redécouvre, des personnes qu'on ne connaît pas toujours très bien et que l'on ne rencontre pas dans sa vie quotidienne.

A un moment du repas (entre les copieuses entrées et le plat principal), des cousins se sont lancés dans une discussion concernant les jeunes de banlieue qui peuvent parfois faire preuve d'une certaine violence. Un débat démarra concernant les causes de ces situations particulières. Globalement, deux positions furent développées :

  • La première, marquée par le poids de l'individualisme, visait à développer l'idée que ces jeunes avaient énormément de chances dans la vie du fait de l'aide de la collectivité et qu'ils se devaient d'en profiter, de travailler et de réussir. Globalement, l'échec et la violence relevaient des choix individuels.
  • La seconde tente d'expliquer ces comportements par des phénomènes de masse. Ainsi, on explique les violences des jeunes de banlieue par la pauvreté, les phénomènes de chômage, les difficultés des familles.

Il ne manquait que la théorie raciste et on aurait eu les trois visions traditionnelles expliquant la situation des jeunes banlieusards. Au passage, on n'a pas du tout évoqué les gens plus âgés vivant en banlieue et pouvant parfois aussi être violents. Il est évident que nous étions focalisés sur les adolescents.

J'ai toujours vécu en banlieue, en Seine-Saint-Denis, et je dois te dire que je connais bien ces « jeunes ». A l'école, au collège et au lycée, ils ont été mes camarades de classe. Il en fut d'ailleurs de même à l'université. Depuis, je suis professeur dans un lycée où l'ultra-majorité des élèves sont issus des cités.

Après ces années de pratique, je reste attaché à la seconde hypothèse : vu la masse du phénomène, on ne peut expliquer autrement les comportements des jeunes de cité que par des phénomènes économiques et sociologiques de masse. Cependant, je ne peux que constater que certains individus parviennent à échapper à ce carcan et à vivre une vie totalement différente.

Pour moi, les causes sont multiples. Il y a certes la volonté du gamin, mais aussi celle de ses parents et de sa famille, les amis de l'enfant, ses désirs. En clair, sans que je sois capable d'expliquer pourquoi, une minorité parvient à s'extraire des grands schémas sociologiques qui s'appliquent à la majorité et font autre chose. Le débat est tellement complexe, le phénomène a des causes tellement multiples, qu'on ne peut l'analyser en deux phrases, le réduire en quelques mots.

Durant cette discussion, je n'ai pas participé. En effet, cette opposition entre ces deux positions m'a semblé improductive, car deux opinions se sont confrontées, dans le but unique de convaincre l'autre, sans aucune chance de pouvoir le faire. Ce qui m'aurait plus intéressé, je l'avoue, aurait été de savoir quels ressorts nous amènent à avoir une lecture tellement différente du phénomène. Là, on entrerait dans l'intime de chacun, le jeune de banlieue ne devenant qu'un moyen d'exprimer ce qui fait nos fondements, et finalement, notre identité. De plus, je me demande toujours pourquoi le gamin de banlieue est tant au centre de nos préoccupations. Finalement, ils sortent peu de leurs cités, et il est tout à fait possible à un Français moyen de ne jamais en croiser un seul. Pourquoi nous fascinent-ils plus que les banquiers, les patrons ou les riches qui ont pourtant bien davantage d'impact sur nos vies ?

Trop saoul et risquant de ne pas intéresser grand-monde, je ne me suis pas lancé. Je le fais ici. N'hésite pas, cher lecteur, à te saisir du débat.

vendredi 30 octobre 2009

Non, je ne participerai pas à la guerre scolaire.

Il y a quelques jours, l'Hérétique avait tenté de me provoquer en essayant de ranimer la guerre scolaire... Pendant trois jours, j'ai résisté, vaillamment, à cette envie toujours furieuse que j'ai de taper sur l'enseignement privé. Et puis, bon, il faut se poser et réfléchir.

Contrairement à ce que certains pensent, je trouve tout à fait normal qu'il existe d'autres écoles que l'école publique. Il est normal que des parents souhaitant élever leurs enfants dans la religion puisse le faire. Ce qui me gêne toujours, c'est quand les parents s'imaginent que le privé peut être une solution aux difficultés scolaires de leurs enfants. En général, deux ans après, le gamin revient vers le public, soit parce que l'école privée l'a viré, soit parce que les parents ont constaté que rien n'était résolu.

La grande majorité de l'enseignement privé est subventionné, l'État ne souhaitant pas prendre tout en charge. Le fait que ce financement existe est déjà une vraie question pour moi : pourquoi financer des écoles dont les usagers ont choisi de s'exclure de l'Éducation nationale ?

Alors, la nouvelle loi aggrave les choses, mais elle ne change pas fondamentalement la situation. Pour moi, il faudrait que la collectivité paie pour l'école publique, et laisse les personnes choisissant le privé se débrouiller.

Bon, cela ne marcherait pas, parce que les usagers du privé n'auraient pas les moyens, et on soutient malgré tout cette possibilité de choix. Problème insoluble... D'une certaine manière, oui, sans doute...

jeudi 29 octobre 2009

Compte-rendu de la RDB : Twitter n'est pas pour moi.

Hier soir, cher lecteur, soirée sympathique à la République des Blogs, d'autant plus que le gros de la troupe était présent, continuant à m'appeler Alain Juppé, à l'insu de mon plein gré.

Nous avons ainsi passé une bonne partie de la soirée avec Julien, Jean-Paul Oury, l'auteur du blog « Esprit libre », dont je n'ai pas retenu le prénom, et quelques autres qui sont passés par hasard à table, comme MIP, Dagrouik, Authueil, Hypos et Jon ou Vogelsong.

A un moment de la soirée, la conversation a dévié sur la manière de bloguer, le numéro 1 continuant de me dire que, décidément, mes billets sont trop longs. C'est terrible, cher lecteur, mais je n'arrive pas à faire plus court. Je suis bien conscient de la rapidité avec laquelle les internautes lisent les blogs. Je fais pourtant des efforts, mais reste coincé par mon passé d'étudiant, durant lequel j'ai appris qu'un raisonnement construit doit parfois prendre du temps.

Un débat s'est engagé entre Jean-Paul Oury et Nicolas sur l'intérêt de Twitter. J'en avais déjà débattu dans le passé avec Rubin. Pour J.-P., Twitter représente le meilleur moyen de veille existant actuellement sur la toile. Nicolas a opposé une défense en règle des blogs, estimant que Twitter ne permet pas vraiment de retenir l'information, vu la rapidité des flux.

Personnellement, même si j'avais pu y trouver des intérêts au moment de la crise iranienne, je ne parviens toujours pas à me mettre à Twitter. J'ai un compte, j'y diffuse mes billets et quelques rares informations, mais je trouve justement que l'outil oblige à une concision parfois très gênante, est facteur de conflit du fait du côté lapidaire des twits, et surtout, dévore considérablement le temps lorsqu'on s'y met vraiment.

Non, décidément, alors que les usages d'internet ne cessent de bouger, je suis déjà un vieux qui reste attaché à l'outil « blog ».

PS : en tout cas, j'ai l'impression que la RDB perd régulièrement en fréquentation. Ce n'est peut-être qu'une impression, et il ne s'agit pas pour moi de critiquer les organisateurs, juste de constater une évolution.

Ah, le bon vieux mythe de l'homme providentiel à droite.

Ils sont marrants, à droite. Je dis cela sans aucune méchanceté réelle, parce qu'à gauche, on est souvent très marrant aussi.

Depuis que Dominique de Villepin a lancé sa tentative de retour dans le champ politique français, nombreux sont les militants de droite à espérer un changement à la tête de la droite. Pourquoi ne pas espérer liquider politiquement Sarkozy et faire élire un autre homme providentiel à la place en 2012 ? On en a même qui croit voir en de Villepin un nouveau Pompidou...

Le problème, c'est que la politique ne marche pas comme cela. Quelques points, totalement partis pris, pour m'expliquer :

  • On a jamais vu en France une majorité manœuvrer pour virer un président en place. Tout simplement parce que le risque est réel de voir l'opposition l'emporter avec la gabegie que provoquerait une telle opération. Souvenez-vous des atermoiements de Rocard en 1987, espérant chasser Mitterrand du pouvoir.

  • L'exemple de Giscard viré en 1981 est ressorti ce matin à la radio. C'est un très mauvais exemple. A l'époque, la droite était divisée, Giscard ne venait pas de la famille gaulliste et la gauche était très dynamique, avec un leader et un programme complet et crédible.

  • Ensuite, Sarkozy a totalement mis sous sa coupe la droite française, et continue à racoler vers l'extrême-droite. Il ne laissera pas faire les chiraquiens sans réagir. Et d'ailleurs, je ne sais pas si vous vous en êtes rendu compte, mais on a beaucoup parlé de Charles Pasqua et de Jacques Chirac ce matin dans nos médias.

  • Enfin, lors de la présidentielle, la droite se resserrera autour de celui qui a les réseaux et les moyens de l'emporter.

En clair, le seul moyen de virer Sarkozy en 2012 serait que quelqu'un de crédible, avec un programme cohérent, émerge à gauche. On en est loin, et je crains que Sarkozy ne soit gentiment en train de se positionner tout à fait convenablement pour l'emporter en 2012.

mercredi 28 octobre 2009

Quelques blogs de la toile des Lilas.

Tiens, par un camarade blogueur lilasien, je viens de découvrir ce blog d'informations locales sur ma commune.

Pour un blogueur comme moi qui cherche souvent de l'information locale, voici quelque chose de très intéressant.

Attention, cependant, pour mes lecteurs libéraux, de droite et réactionnaires, il semble bien que ce blog local soit en connexion avec l'équipe dirigeante de la commune,(majorité PS, PCF, Verts), mais je sais que vous savez faire la part des choses.

mardi 27 octobre 2009

RDB et KDB : un sur deux, c'est déjà pas mal.

Comme à mon habitude, je serai présent à la République des Blogs, qui se déroulera au café Le Pachyderme, situé à proximité de la place de la République, à partir de 19h00 le mercredi 28 octobre. Si tu souhaites t'entretenir de vive voix avec moi, ce sera avec plaisir.

Les sujets politiques sont nombreux en ce moment, mais j'espère qu'on ne parlera pas d'Éric Besson toute la soirée.

Par contre, je ne pourrai pas être présent au Kremlin des Blogs qui va se dérouler à la désormais mythique Comète, jeudi soir. J'espère que Nicolas me pardonnera de manquer ce rendez-vous. Je suis d'autant plus déçu que l'Hérétique sera présent, et que j'aurai bien aimé partager une bière avec lui.

Cependant, cela ne doit pas t'empêcher, cher lecteur, de t'y rendre toi-même, parce qu'il y aura du beau linge.

Des sans-papiers de la Porte des Lilas.

Le lundi 12 octobre, une collègue me déposa à la Porte des Lilas, côté Paris. Je devais ensuite rejoindre ma conjointe à Gambetta, ce qui est assez pratique depuis ce lieu. En effet, la petite ligne 3bis relie en trois minutes les deux points. Lorsque nous arrivâmes, ma collègue remarqua la présence de nombreux drapeaux de Solidaires entourant les barrières du chantier du tramway.

En effet, depuis plusieurs mois maintenant, d'importants travaux de déplacement des canalisations passant en-dessous des Maréchaux sont à l'œuvre, pour préparer le passage du tramway qui reliera la Porte d'Ivry au nord de la capitale, en passant par l'Est. Le premier tramway devrait passer là aux alentours de 2012.

« Sans doute une grève. », dis-je à ma collègue, elle-même syndiquée à SUD. Descendant de voiture, je décidais de passer à proximité du groupe de personnes qui s'étaient regroupées dans l'enclos. Tous des Africains à priori, venant d'Afrique Noire, avec des bannières indiquant leurs conditions de sans-papiers. Renseignements pris, un des sous-traitants d'ERDF, Selpro, employaient ainsi des sans-papiers. Ils sont toujours là, équipés de tentes que l'on déplie en 30 secondes mais que l'on remballe en une heure, et faisant des barbecues à l'intérieur du périmètre. Aujourd'hui, alors que je marchais dans Paris, j'ai pu voir un KFC à Châtelet couvert de tracts, d'affiches et de drapeaux de la CGT, exactement pour le même motif.

Traditionnellement, la tendance est de considérer que ces salariés sont les premiers coupables d'être venus en France sans autorisation et d'y travailler. Ils doivent donc être renvoyés chez eux, et fissa. Pourtant, ces personnes ont trouvé du travail, alors que le chômage est en hausse. Normal : les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées apparemment, se sucrent sur le dos de ces salariés, qui ont l'avantage d'être très malléables. Heureusement qu'ils parviennent à trouver la force de se révolter contre les conditions de travail et contre l'exploitation que les entreprises font d'eux.

Cette possibilité offerte aux entreprises l'est du fait de la politique de fermeture des frontières, en place depuis les années 1970. Craignant un déferlement d'immigrants, effrayé par le chômage et par la montée des mouvements d'extrême-droite, l'Europe s'est refermée sur elle-même. Instituant la libre-circulation des personnes à l'intérieur de son territoire, l'Union Européenne, libérale quant il s'agit des biens et du pognon allant et venant de l'extérieur, continue à se refuser à la libre-circulation des personnes.

Nous faisons une grave erreur. Rien ne démontre que ces gens viendront. On nous disait cela des habitants de l'Est, et, s'il existe une immigration venant de ces pays, elle est très majoritairement temporaire. Il n'y a pas eu la vague slave que les mouvements xénophobes nous promettaient dans les années 1980. Pourquoi y aurait-il une vague africaine si on ouvre les frontières. Intimement, les individus rechignent à immigrer si ce n'est pour des raisons de survie. Ceux qui en ont vraiment besoin font de toute façon déjà tout pour venir, et ils sont là, dans nos entreprises. La seule chose que nous faisons finalement est de permettre à un secteur informel de se développer chez nous, d'entretenir les réseaux mafieux des passeurs et de laisser des milliers de personnes dans la précarité et dans la honte d'eux-mêmes. Ces gens ont simplement voulu se trouver un avenir meilleur. Qui sommes-nous pour les condamner, nous et notre vie bourgeoise ?

Cher lecteur, nous nous targuons d'être de grands libéraux, mais finalement, nous tolérons sans arrêt de nombreuses contraintes qui ne nous font rien gagner, à part d'entretenir notre peur de l'autre.

En attendant que nous revenions enfin sur ces politiques migratoires frileuses et stupides et que nous cessions de la justifier par une soi-disant identité nationale (concept en soi lui-même totalement miteux, comme celui de patrimoine), tu peux toujours, cher lecteur, aller serrer la main des grévistes de la Porte des Lilas et leur donner un ou deux euros pour qu'ils tiennent le coup et parviennent à obtenir les papiers qui leur permettront de vivre une vie honnête et digne ici. Tu verras, ils ont beau être des infâmes délinquants qui sont entrés en France illégalement, ils sont tout de même sympathiques.

Toutes mes vues sur la politique migratoire sont là :

Immigration


PS : je suis agacé que toute la blogosphère de gauche tombe à pieds joints dans le piège du gouvernement sur l'identité nationale. C'est un débat sans intérêt, digne du Front national et introduit uniquement pour détourner les débats. Camarades, revenons aux choses sérieuses, et laissons les xénophobes s'amuser avec ces bêtises.

La réforme du lycée de Nicolas Sarkozy : haro sur les maths ?

Je n'ai pas encore eu l'énergie, cher lecteur, de me lancer sur ce blog dans une analyse profonde et construite de la réforme des lycées, présentée par notre président. Elle n'a pas suscitée de réactions profondes, sauf des considérations sur le peu d'ambition de l'ensemble. Malgré tout, il y a des choses dans cette réforme, et j'y reviendrai.

Depuis le discours, les premiers éléments concrets commencent à sortir. Depuis 2007, le pouvoir a pris l'habitude, lorsqu'il parle d'éducation, de faire des annonces très vagues sur lesquelles on ne peut réellement réagir. Cette stratégie avait d'ailleurs plombé le projet Darcos de l'an dernier, puisque la partie technique n'avait pas été réellement réfléchie au départ. Tous les opposants, de toute nature, s'étaient engouffrés dans la brèche, entraînant le report du projet. Depuis le 13 octobre, Luc Chatel rencontre les différentes organisations représentatives de l'éducation. Le SNES a été le premier à être reçu, avec le SNEP, et les autres se succèdent depuis. Ce matin, c'était le SE-UNSA qui diffusait ses informations. Le ministre laisse s'exprimer chaque organisation, sans doute pour mesurer les positions de chacun et voir avec qui il sera possible, à terme, de signer des accords.

L'architecture de la nouvelle première générale, en particulier, commence à se dessiner. Elle serait beaucoup moins spécialisée que les premières actuelles, avec 3/5e d'enseignement commun et 2/5e d'enseignement spécialisé, permettant ainsi aux élèves de changer plus facilement d'orientation. Le pouvoir s'éloigne ainsi des positions du syndicat enseignant de droite, le SNALC-CSEN, qui cherche plutôt à faire passer l'idée d'une différenciation plus précoce des parcours des élèves, dès la fin de la cinquième. Dans cette première, quelques matières ont été d'ores et déjà définies comme devant être faites par tous les élèves, avec des horaires importants : le français, l'histoire-géographie, les langues vivantes 1 et 2, l'EPS et l'éducation civique. Et là, les collègues ont été réellement surpris.

En effet, les mathématiques ne sont pas présentes dans ce groupe. Pourtant, depuis la fondation de l'école publique, avec le français et l'histoire-géographie, les mathématiques ont été un des piliers du système éducatif français. N'oublions pas qu'il s'agit encore d'une des rares épreuves que les collégiens affrontent en fin de troisième au brevet. De même, l'horaire de mathématiques reste important dans la seconde actuelle. Elle est enfin réellement une matière de sélection, dans un ordre très déterminé.

Le système actuel s'appuie en effet sur deux matières pour trier les élèves en fin de seconde. D'abord, se pose la question du français. Si un gamin présente des difficultés importantes dans cette discipline, il est quasiment assuré de ne pas pouvoir passer en première générale, et d'avoir du mal à se trouver une place dans les sections technologiques. Si le français passe, les mathématiques permettent de faire un second tri, en envoyant les bons élèves en maths vers la première S, les moyens vers la ES et les faibles en maths vers la L. Certes, les profs reconnaîtront rarement publiquement l'existence de ce tri, mais il est bien réel.

Depuis plusieurs années, les syndicats enseignants réclamaient une évolution de ce système très sélectif, soit en supprimant les filières et en créant un enseignement modulaire (comme le SGEN-CFDT), soit en proposant un rééquilibrage des filières (comme le SNES) soit même en créant un cycle unifié jusqu'au bac. Finalement, Sarkozy a suivi cette demande en se calquant sur la position du SNES, alors que Darcos était plutôt CFDT l'an dernier.

Or, l'exclusion des maths du tronc commun pose question. Les syndicats enseignants ne se sont jamais positionnés là-dessus mais les fédérations de parents ont souvent réclamé un rééquilibrage des matières. Il s'agit donc bien là d'un choix de Sarkozy lui-même, et ce n'est pas la première fois. En mai dernier, lorsque Descoings menait ses travaux, le président, dans un lycée, s'était déjà lancé dans une tirade contre les maths, en affirmant qu'un étudiant en médecine n'avait pas besoin d'avoir un bagage considérable dans cette discipline.

Pourquoi ce choix, alors que la France est reconnue pour ses succès dans cette discipline et la spécificité de son enseignement ? Comme pour la lettre de Guy Môquet, le président semble bien affirmer ses goûts personnels et imposer à l'ensemble du système éducatif sa propre vision d'une bonne éducation. Mes collègues de mathématiques risquent bien d'en faire les frais…

En tout cas, les salles des profs vont bientôt être animées de ce type de débat que seuls les profs apprécient : « les maths dans le tronc commun ou pas ? » Quoique l'école, c'est comme pour l'équipe de France, tout le monde a un avis dessus…

Si cela t'intéresse, cher lecteur, n'hésite pas à te lancer ici…

lundi 26 octobre 2009

En Seine-Saint-Denis, les partis de gauche s’affrontent pour le contrôle des syndicats et des associations.

Cher lecteur, il se passe des choses intéressantes dans le syndicalisme en ce moment. Certes, peut-être pas au niveau national, mais à notre petit niveau local, dans le joli département de la Seine-Saint-Denis. Comme tu le sais, j'ai dernièrement été très critique sur les stratégies menées par les centrales syndicales depuis le début de l'année. Il y a quelques semaines, j'avais signalé que le leader du NPA, Olivier Besancenot, s'était lui aussi mis à critiquer la CGT. A l'époque, je m'étais dit que la vieille lutte entre le PCF et les trotskystes était toujours active.

Pourtant, sur mon département, de grandes manœuvres se déroulent en ce moment, qui n'arrêtent pas de me surprendre. Lorsqu'on tend l'oreille aux bruits de couloir, on apprend que les différents partis de gauche se livrent à une guerre sans merci pour tenter de prendre la main sur les organisations syndicales locales.

Pour comprendre cette évolution, il faut se référer à l'histoire du département. Il n'y a que quelques mois que le conseil général, longtemps bastion communiste, est tombé aux mains du PS. Ce changement entraîne des modifications dans toutes les organisations ayant des rapports avec le conseil. De nombreux syndicats étaient tenus par des dirigeants PCF bien identifiés de la part des militants. Pour les anciens, cela ne posait pas de problème, vu que le PC était tout de même le parti de la transformation sociale. Or, en ce moment, ce parti est en pleine crise, et s'il cherche à se relancer par son flirt avec le Front de Gauche, les militants au plan local souffrent.

Il se développe donc des stratégies des différents partis de gauche pour tenter de se disputer les bastions du PCF sur le département, et les sections syndicales sont devenues un véritable enjeu. Dans les syndicats enseignants marqués à gauche, la chasse au militant socialiste est ouverte, et il paraît que des débats très houleux se sont déroulés en juin dernier dans certaines organisations. De même, les partis d'extrême-gauche se sont relancés dans la conquête. Voulant se débarrasser du PCF, leurs stratégies ont varié. A partir de janvier 2009, ils ont affirmé vouloir profiter des importants mouvements sociaux de l'année 2009 pour refaire des syndicats des lieux de lutte, que ce soit dans les entreprises privés ou dans les différents secteurs de la fonction publique. Les militants du NPA étaient les plus en pointe sur ce mouvement. Puis, au mois de septembre, suivant leurs leaders, les NPAistes ont changé de braquet et ont commencé à critiquer violemment les directions syndicales locales, tentant de faire passer un message clair : « la transformation sociale ne viendra pas de directions syndicales complètement sociale-démocrates et en collusion avec le pouvoir, mais du NPA qui est maintenant l'incarnation de la lutte contre le capitalisme ». Bien évidemment, les intérêts politiques sont nombreux, car les syndicats, malgré leur soi-disant faiblesse, ont bien plus de militants que les partis, et ces militants sont souvent désabusés, et parfois prêts à sauter le pas de l'engagement partisan.

Ces grandes manœuvres ne touchent pas que les syndicats. En juin, le PS a tout fait pour faire virer l'actuel président de la FCPE, lui aussi militant communiste, sans doute pour tenter de réduire la critique de la fédération de parents à l'égard de la nouvelle politique du conseil général à destination des collèges. Ce fut un échec, mais la question est reportée au congrès suivant.

Il est impossible de couper complètement le lien entre syndicats et partis, tout simplement parce que les militants sont souvent actifs dans les deux types d'organisation, sans avoir besoin de développer des intenses stratégies d'entrisme. Cependant, il est évident que les partis de gauche se trompent en espérant prospérer par un contrôle des syndicats ou des associations au plan local. En effet, ces organisations sont affaiblies déjà par elles-mêmes, et animer des conflits en leur sein ne fera que les faire décliner encore davantage.

A moins que les partis de gauche croient avoir les reins pour animer et coordonner le mouvement social ? Ils se trompent complètement. De nombreux militants syndicaux, pourtant très actifs par ailleurs, n'iront jamais dans un parti. Le NPA, puisque c'est lui qui tient ce discours, ne pourra pas animer les luttes car il n'en aura jamais les moyens humains.

On peut critiquer les syndicats, mais les achever par ces luttes improductives ne sert finalement qu'un groupe d'acteurs : les patrons, les riches et les gouvernants. Il serait temps que les directions partisanes de gauche arrêtent leurs entreprises d'autodestruction et se remettent au boulot pour lutter contre nos véritables adversaires politiques.

dimanche 25 octobre 2009

L’appropriation de la culture patrimoniale par Nicolas Sarkozy.

Depuis son arrivée à la tête de l'Etat, le président de la République n'a cessé d'intervenir sur l'éducation en employant le terme de « patrimonial ». Le dernier discours qu'il a prononcé sur la réforme des lycées est typique de cette tendance de Sarkozy.

Souviens-toi, cher lecteur. En 2007, l'une des premières décisions du président fut de tenter d'obliger les enseignants à lire à leurs élèves, le 22 octobre, la lettre écrite par Guy Môquet à sa mère juste avant son exécution en 1941. Il a ensuite retenté le coup avec l'adoption des enfants juifs déportés par chaque enfant de CM2. Ces tentatives, les plus médiatiques, ont couvert la principale innovation introduite par Sarkozy sur ce plan-là : l'introduction de l'histoire des arts à tous les niveaux du système éducatif, de l'école primaire jusqu'au lycée en s'appuyant sur un programme largement influencé par le chef de l'Etat. Cette volonté, concernant le lycée, va loin. Sarkozy veut faire ouvrir un ciné-club dans chacun des lycées de France, et aurait déterminé une liste de 200 films, libres de droit, que les enfants pourraient regarder. Pourquoi ces 200 films ? On ne sait pas, mais le président nous a garanti que ces œuvres étaient patrimoniales.

Attention, cher lecteur, ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit. Je sais pertinemment que je travaille pour l'enseignement public. Le politique se doit donc d'y intervenir. De plus, en France, la conception des programmes d'histoire-géographie a été, depuis le début du XIXe siècle, un enjeu important pour nos dirigeants. Les conflits des années 1960 sur les programmes Braudel, l'affrontement entre René Haby et Giscard, ou entre Chevènement et l'inspection générale restent dans nos inconscients collectifs d'enseignant. Pourtant, depuis le début des années 1990, la conception des programmes s'était un peu échappée des mains du politique pour tomber dans celles des experts. On pouvait penser que les interventions intempestives du pouvoir dans les savoirs seraient au moins réduites à la fixation d'un cap, et que les commissions travaillant sur ces sujets pourraient s'inspirer davantage des travaux de la recherche pour réformer.

Avec Sarkozy, il n'en est rien. Vu ses conceptions politiques, on s'attendait à ce que le président revienne sur les programmes et réintroduise une manière assez traditionnelle d'enseigner, surtout à la suite de ses discours sur mai 68 durant la campagne électorale. Il n'a pour le moment pas touché aux programmes (la réforme en cours au collège a été lancée avant lui et sur le lycée, personne n'a encore parlé de changer les programmes) mais il a été, de manière symbolique, beaucoup plus loin.

Jusque là, le pouvoir fixait les programmes et les manières d'enseigner. Depuis le début des années 1990, il imposait l'étude de certains documents dans les différentes leçons au collège, mais laissait une marge assez large de liberté aux professeurs pour choisir leurs documents, en fonction des axes dominant la recherche. Or, Sarkozy a décidé, à plusieurs reprises, d'imposer ses documents aux enseignants, et donc, par là, aux élèves. Le patrimoine dicte ces décisions, ce qui signifie que le président parvient à concentrer en lui-même ce que les Français considèrent comme leur patrimoine. Or, c'est impossible. Personne ne peut, malgré des recherches intenses, définir un patrimoine commun à tous. C'est justement l'Etat qui transmet, par l'école, certains points de repère communs, mais ils ne suffisent pas à fixer ce que sont les fondements de notre société. Ce n'est pas le patrimoine des Français qui s'impose à tous par les décisions de Sarkozy, mais Sarkozy qui impose à tous sa vision du patrimoine des Français.

Beaucoup de mes collègues ont dénoncé le peu d'intérêt de la lettre de Môquet au plan historique. Je crois qu'il n'y a même pas besoin d'aller aussi loin. Le simple fait qu'un président décide du document que l'on doit étudier, et impose une problématique et une date pour l'aborder, est en soi un vrai problème. Il en est de même pour les autres démarches. Sarkozy se voit comme celui qui devrait fixer chez les citoyens les documents patrimoniaux nécessaires, parce qu'il les aime.

La résistance des enseignants à cette espèce de cérémonie s'explique donc par là. En France, les professeurs ont été formés dans le cadre de l'université, en lien avec la recherche, et ont appris une démarche intellectuelle rigoureuse, hors des affects. Elle leur permet d'aborder le même sujet de multiples façons, tout en essayant de transmettre aux élèves les valeurs que les programmes demandent. Ainsi, le fait qu'un chef d'État décide d'imposer son document, puis ses films et ses œuvres d'art, pose de vraies questions sur l'évolution de l'éducation.

Finalement, la lettre de Môquet est appréciée du président, et tous les enfants doivent donc l'entendre, sans raison historique pertinente et sans lien avec les programmes ni même avec un quelconque patrimoine. De plus, on ne voit pas bien pourquoi il faudrait accepter le caprice de notre dirigeant. Un président n'est pas là pour régir nos références et nos valeurs, mais pour diriger l'État.

Heureusement que Jacques Chirac n'avait pas les mêmes velléités : on aurait du western à toutes les sauces dans nos ciné-clubs…

Qu’est-ce que tu fichais donc à 23 ans ?

Me voici tagué (il y a longtemps que cela ne m'était pas arrivé) par Le Coucou, qui se demande quelles étaient mes activités au jeune âge de 23 ans. Contrairement à lui, j'ai un souvenir assez cuisant de cette année.

« Tu te masturbais ? » me suggère la Privilégiée assise à proximité au moment où je tape ces lignes et curieuse de ce que pouvait être ma vie avant que je la rencontre, mais non, malheureusement.

Lorsque je passais ce cap des 23 ans, j'étais en pleine préparation des oraux du CAPES. Normalement, 23 ans, c'est un âge où l'on s'amuse, on apprend des choses et on profite de la vie. Moi, cela faisait un an que je bossais comme un damné (au moins apprenais-je des choses), près de 12 heures par jour (sauf le dimanche, jour du seigneur), pour tenter d'accéder à ce statut de privilégié. Les oraux commençaient réellement mi-juin et je me dirigeais donc, tout flétri par une année de labeur, vers la douce ville de Châlons-en-Champagne pour essayer de décrocher le précieux sésame. Ce fut fait au milieu du mois de juillet.

Et là, je dus faire un choix. Quant on obtenait le concours, il y avait trois possibilités à cette époque :

  • soit on pouvait demander à débuter son stage au 1er septembre suivant, dans le but d'être intégré à la fonction publique, en sachant qu'on devrait aller à l'armée l'année d'après,
  • soit on se devait de demander son incorporation dans les forces armées pour effectuer son service militaire dans un coin perdu de l'ouest de l'Allemagne,
  • soit on était un peu masochiste, et on demandait un report des deux options précédentes pour débuter une thèse ou pour préparer l'agrégation de la discipline obtenue précédemment au CAPES.

Je fis ce dernier choix et je me lançais dans l'agrégation d'histoire, dès le milieu du mois d'août, et passait cette 24ème année de ma vie à préparer ce si difficile concours. Lorsque je franchissais le cap des 24 ans, j'étais admissible à l'agrégation.

Evidemment, cher lecteur, si tu espérais trouver dans ce billet les récits de mes soirées étudiantes, tu dois être déçu. Il aurait fallu que la chaîne s'intitule « qu'est-ce que tu fichais donc à 21 ans ? » ou bien « à 26 ans ? »

Bon, en attendant, comme toute chaîne doit se poursuivre, je vais demander à Homer (pour savoir ce qu'un gars du Nord faisait de sa jeunesse), à Peuples (pour savoir ce qu'un gars du Sud faisait de sa jeunesse), à Gaël (pour savoir ce qu'un gars du Centre faisait de sa jeunesse), à Rubin (pour savoir ce qu'un libéral pouvait bien faire étant jeune) et à Didier Goux (pour savoir si un réactionnaire l'était déjà étant jeune) de poursuivre le mouvement…

Edit : damned, le Faucon m'avait aussi tagué, et je ne l'avais pas vu. Toutes mes excuses...

vendredi 23 octobre 2009

Supprimez les rubriques de commentaires sur les sites des grands journaux français.

En tant que bon enseignant dont le salaire diminue en euros constants mais qui se refuse aux heures supplémentaires, je me dois de toujours trouver des moyens de réduire mes dépenses quotidiennes. Parmi celles-ci, le poste « journaux et magasines » pouvaient être dans le passé un véritable gouffre. On ne se rend pas compte, en donnant 1,20 € à son vendeur de journaux tous les jours, que ces petites sommes s'accumulent très vite, d'autant plus si on se prend à acheter plusieurs journaux par jour. Progressivement, au fil des années, je me suis donc mis à la presse en ligne. S'il m'arrive encore d'acheter un quotidien de temps en temps, je lis en ligne. Certes, j'ai encore du mal à comprendre comment les journaux parviennent à survivre avec des sites gratuits, et ce malgré la publicité, mais tant que j'en bénéficie…

Je suis un usager des trois sites des grands quotidiens : le Figaro, Libération et le Monde. On y retrouve, en général, les mêmes articles que dans la version papier du quotidien. Or, il y a une différence qui agresse le lecteur dès l'ouverture de sa page : les rubriques de commentaires.

Tu pourrais me dire, cher lecteur, que je suis mal placé pour critiquer cet aspect des choses. Sur ce blog, il y a une section « commentaire ». Certes, mais cela n'a rien à voir. D'abord, ce blog n'a pas le flot de visiteurs de ces grands sites. De plus, dans la plupart des cas, les commentaires que tu laisses ici, cher lecteur, ont un certain niveau, malgré l'intervention de quelques trolls malvenus.

Or, sous les articles de journaux, rien de tel. Au contraire, quel que soit le sujet, ces articles sont systématiquement trollés par des commentateurs qui n'apportent rien à l'article en lui-même. C'est d'autant plus incohérent que les articles n'apportent en général que des informations, et que la prise de position du journaliste n'est pas frappante. Il serait plus cohérent qu'on puisse commenter les tribunes, mais sur de tels sites, est-ce intéressant ?

En clair, pour ce petit billet du soir, je me demande juste pourquoi les journaux maintiennent ces fenêtres ouvertes aux pires trolls et aux militants des différents mouvements politiques de ce pays. Cela n'apporte rien au lecteur, à part de l'agacement. Pourquoi, Mesdames et Messieurs les concepteurs de ces sites, ne pas fermer ces commentaires ?

mercredi 21 octobre 2009

La FSU lance un appel à la grève dans l'Education et la recherce le mardi 24 novembre 2009.

Il y a des jours, cher lecteur, où on a du nez. Hier, je te disais qu'on allait vers la grève dans l'Education et que le SNES commençait à s'agiter en abandonnant l'action dans le cadre de l'intersyndicale.

Ce soir, la FSU appelle l'ensemble des personnels de l'Éducation et de la recherche à la grève avec possibilité de reconduction et de suites le mardi 24 novembre 2009. Mtislav a perdu son pari !

Voici un extrait du texte d'action :

Dans l’Education et la Recherche, prenant acte des réponses des autres organisations à ses propositions d’action unitaire avec grève, il appelle à mener une campagne pendant le vote du Budget dans le cadre du collectif « Notre Ecole, Notre Avenir » en utilisant la carte pétition unitaire et la lettre unitaire aux parlementaires et il décide d’une journée de grève et de manifestations le 24 novembre pour un système éducatif qui assure la réussite de tous les jeunes, contre les suppressions de postes, pour l’augmentation des recrutements aux concours pour une autre réforme de la formation des enseignants, contre la précarité, pour les salaires et la revalorisation de l’ensemble des personnels pour la défense des statuts. Il prend contact avec l’ensemble des organisations syndicales de l’éducation pour leur re-proposer l’organisation commune de cette journée. Il appelle tous les personnels à y participer massivement, et à débattre dès le jour de la grève, en AG, des suites.

Voilà qui nous promet encore de beaux débats avec les divers anti-grèves sévissant dans ce pays...

mardi 20 octobre 2009

Les syndicats enseignants bougent, et nous allons progressivement vers le conflit.

Depuis l'arrivée de Sarkozy au pouvoir, les syndicats de l'éducation s'étaient structurés dans une stratégie d'action collective. Ils s'étaient réunis avec de nombreuses associations, dont la FCPE et les syndicats lycéens, dans le collectif « une école, un pays, notre avenir », qui avait obtenu quelques beaux succès l'an dernier, en parvenant à faire reculer le président de la République sur la réforme des lycées. Ensuite, les syndicats avaient rallié la grande stratégie de la CGT et de la CFDT de manifestation importante mais ponctuelle, en janvier 2009.

Progressivement, cette stratégie a fait long feu, avec son dernier avatar du 7 octobre. De leur côté, les syndicats enseignants n'ont plus réussi à créer de dynamiques propres. Parmi eux, le SNES est resté relativement apathique. Il a ignoré les grandes mobilisations des universités et a fini par semer le trouble dans les salles des profs en laissant passer le principe de la masterisation du recrutement des enseignants, provoquant de nombreux débats sur l'intelligence de ce positionnement idéologique. Depuis, les décrets de mise en œuvre de ce principe ne cessent de paraître et risquent bien de marquer une nette dégradation des conditions de travail des professeurs.

Depuis la rentrée, les syndicats semblaient dans l'attente. L'intersyndicale continuait à se réunir, sous l'impulsion du SNES, mais sans parvenir à prendre des décisions cohérentes. Deux pôles se distinguaient :

  • Le SGEN-CFDT, la FAEN et le SE-UNSA poussaient à l'inaction, préférant attendre les annonces du gouvernement sur la suite des réformes, et espérant que des dynamiques renaissent d'elles-mêmes chez les collègues.

  • La CGT et SUD-Éducation s'enfermaient dans des discours très offensifs sans aucune réalité chez les enseignants, et risquant de n'aboutir à rien.

  • Entre ces deux pôles, le SNES tentait d'obtenir une journée d'action collective, voire une semaine d'action, sans parvenir à l'emporter. Il restait donc inactif.

Et puis, il y a quelques jours, il y a eu un événement. Traditionnellement, les intersyndicales ne font pas de compte-rendu de réunion mais publient des communiqués communs. Là, le SNES a publié un compte-rendu indiquant les avis de chacun et obligeant les autres syndicats à se positionner. Ce compte-rendu se montre assez offensif et plutôt dans une direction de conflit à l'égard du gouvernement.

Cela signifie deux choses :

  • Tout d'abord, l'intersyndicale de l'Éducation semble avoir vécue. Elle ne devrait pas tarder à exploser si le principal syndicat enseignant ne la soutient plus.

  • Ensuite, le SNES va sans doute se relancer dans la dynamique de conflit, entraînant toutes les autres organisations avec lui. En effet, les autres syndicats sont tellement faibles qu'ils ne peuvent prendre le risque de voir le SNES réussir une grève sans eux. De plus, la FSU, confédération dont le SNES fait partie, risque bien de suivre, car cela s'agite dans le primaire...

En clair, on entre dans une période de conflit. Peut-être que cette analyse est fausse, mais nous le saurons, cher lecteur, très rapidement...

lundi 19 octobre 2009

On ne regarde pas assez souvent le ciel.

Durant un de mes voyages scolaires, nous étions, après une harassante journée de visites, en train de retourner vers notre lieu de résidence. Par la fenêtre du car, nous profitions d'un merveilleux coucher de soleil.

C'est alors qu'une élève, assise derrière moi, dit à sa voisine :

"C'est dommage, on ne regarde pas assez souvent le ciel."

PS : demain, retour des billets politiques.

dimanche 18 octobre 2009

Les Canadiens vont-ils adopter le TGV ?

En ce moment, cher lecteur, la presse canadienne francophone est captivée par un sujet fondamental : l'arrivée potentielle du TGV sur le continent nord-américain.

Le Canada a une relation particulière avec le transport ferroviaire. Au XIXe siècle, la puissance britannique a utilisé ce moyen pour souder une colonie dont les provinces étaient très diversifiées et menacées par la puissance étatsunienne. Le transcanadien a ainsi relié Halifax sur la côte atlantique du Canada (port ayant l'avantage de ne pas être bloqué par les glaces durant six mois comme Québec ou Montréal) et Vancouver sur la côte ouest. Depuis, l'avion et la route ont supplanté le chemin de fer, mais celui-ci subsiste pour le transport de marchandises. En effet, dans un pays où les distances sont monumentales (en avion, il est plus rapide de se rendre à Paris depuis Montréal qu'à Vancouver), le train, même s'il est très rapide, ne peut concurrencer l'avion. Pour relier Montréal à Vancouver, vous devrez planifier un voyage de quatre jours en train, avec certes un seul changement, contre 5h30 en avion.


En Amérique du Nord, la problématique du train rapide pourrait se poser sur des distances assez courtes, entre des grandes métropoles. L'administration Obama a ramené le sujet sur le tapis pour la Floride et la Californie, avec des métropoles assez proches les unes des autres. Au Canada, ce qui intéresse le gouvernement est l'ensemble métropolitain se situant entre Québec et Windsor (en Ontario). Ce projet aurait l'avantage de pallier une carence importante des transports dans cette zone. En effet, la route est longue entre Québec et Toronto (près de 9 heures). Il existe bien un Express ferroviaire qui relie Montréal et Toronto en cinq heures, pour faire 500 km, mais on ne peut pas dire que la fiabilité soit son fort. J'ai eu l'occasion de l'emprunter, avec un minimum de 30 mn de retard, et près de 3 heures au retour ! J'avais d'ailleurs admiré le stoïcisme des Canadiens face à ces dysfonctionnements…


Le TGV pourrait faire cette distance en deux heures, et changer réellement l'équilibre des entreprises dans une région dominée par Toronto, où les villes québécoises jouent un rôle important, et où le contact avec les Etats-Unis est primordial. Tout d'abord, Air Canada a mis en œuvre un lobbying important pour lutter contre ce projet, craignant qu'une de ses lignes les plus rentables soient vidées de ces passagers, alors que la concurrence des low costs est déjà féroce. De plus, les compagnies de transport par car luttent aussi, du fait de leur importance sur un marché où le rail n'a plus d'importance depuis 50 ans. Enfin, un vrai débat sur la place de la puissance publique existe au Canada, et s'il semble avéré que c'est l'Etat qui financera les voies, les compagnies privées pourraient être tentées de devenir opérateur de TGV, concurrençant ainsi Via, la compagnie publique gérant actuellement le réseau. Parmi ces concurrents potentiels, on trouve… Air Canada.


Il est intéressant de constater que ce sont deux villes québécoises qui ont commandé à la SNCF une étude sur ce sujet : Montréal et Québec. Certes, la campagne municipale en cours n'y est certainement pas pour rien. Cependant, dans un contexte de crise économique, il est révélateur que ces deux cités s'imaginent reliées aux grandes villes de l'Ontario, et particulièrement à Toronto. Pour les Montréalais, la croissance de Toronto a signé, depuis la fin des années 1970, le déclassement de leur cité. Autrefois premier pôle économique du Canada, Montréal a vu partir de nombreuses compagnies pour Toronto, à la fois pour des raisons économiques et pour des craintes quant à une éventuelle indépendance du Québec. Les élites anglophones du Canada ont préféré continuer à faire du business en terrain tranquille.


Aujourd'hui, si les villes du Québec restent dynamiques, elles souhaitent tout de même bénéficier des impulsions des villes anglophones. Or, il n'y a pas si longtemps, les Québécois s'imaginaient se tourner davantage vers les Etats-Unis, et en particulier vers Boston et New York. Ce virage marque une prise de conscience de l'intérêt de l'ancrage à l'intérieur du Canada.


En réalisant une liaison rapide à l'Est du Canada, le TGV pourrait bien symboliser une intégration économique de plus en plus forte du Québec dans le Canada, loin des désirs indépendantistes d'une moitié de la population de la Belle Province. Le train pourrait ainsi être à nouveau un ferment d'unité d'un pays qui se demande toujours comment s'inventer en tant que nation.


Pourtant, une question me taraude. En France, le TGV fonctionne par une alimentation électrique par les caténaires. Or, au Canada, tout le système ferroviaire s'appuie sur des locomotives s'alimentant sans caténaire, à cause des hivers qui abattraient les câbles. Le TGV peut-il fonctionner avec une alimentation par rail uniquement ?

samedi 17 octobre 2009

La polémique Frédéric Mitterrand vue d’une salle des profs.

Vendredi matin, alors que j'étais en train de faire des photocopies pour préparer mes cours de la journée, un collègue, connaissant l'existence de ce site, m'alpagua pour avoir mon opinion sur les affaires Frédéric Mitterrand. Je m'étais abstenu jusque là d'en parler sur mes blogs, tout simplement parce que je suis assez partagé sur la question et que j'ai du mal à faire part de mes doutes sur un espace public. Sans doute un péché d'orgueil…

Alors que j'exprimais mon opinion, s'engagea entre les collègues présents une discussion assez intéressante. Certains profs de gauche sont très gênés par l'origine frontiste de cette polémique, et ont exprimé leur refus de s'associer à cette charge contre le ministre. Je reste d'ailleurs toujours surpris, si ce livre est si infâme que cela, qu'on n'en parle que maintenant, près de 4 ans après la publication. Pourtant, il semblait évident, vu la teneur du débat, que si ce n'était pas la Marine qui avait tiré la première, mes collègues se seraient engouffrés dans la brèche et auraient participé à l'hallali. Pourquoi, cher lecteur ?

La question centrale fut posée par un de mes collègues : « mais franchement, Mathieu, tu crois que si un enseignant avait affirmé dans un livre qu'il fantasmait sur des gamins, comme le ministre le dit dans son bouquin, voire qu'il passait à l'acte durant ses vacances en Asie, il aurait été défendu comme cela par le président, l'ensemble des ministres et l'UMP ? Tu rêves ! »

Cette évidence, je ne peux la nier. Depuis la fin des années 1980, de nombreux enseignants ont été frappés, à tort ou à raison, d'accusations de pédophilie. Pour les professeurs de lycée, la menace est toujours présente, et d'ailleurs, l'un des premiers conseils de l'IUFM porte sur cette question : « surtout, cher stagiaire, ne restez jamais seul dans une salle fermée avec un élève, sous n'importe quel prétexte ! » Ce conseil apparaît en même temps que celui de ne pas oublier sa clef, de prendre une assurance ou de se renseigner sur le règlement intérieur de l'endroit où l'on va enseigner.

Pourtant, ces sujets ne sont jamais abordés entre nous, et il s'agit bien d'un des tabous des enseignants. Et là, dans cette discussion, sont revenus les cas des professeurs et des instituteurs traînés dans la boue sans preuves à la fin des années 1990 et au début des années 2000, suite à l'action de Ségolène Royal notamment.

Je n'avais jamais pris conscience du poids de cette menace sur les enseignants, parce que la question n'était jamais venue sur le tapis. En quelques minutes, mes collègues m'assenèrent cette évidence, pourtant inscrite dans mon inconscient de professeur : je veille toujours à ne jamais me retrouver seul avec un ou une élève dans une classe, comme on me l'a appris, machinalement et sans y penser.

Je suis ressorti de cette discussion encore plus troublé que je pouvais l'être auparavant. Progressivement, le débat a dévié sur le cas Polanski, et sur son traitement positif dans les médias. Là encore, un de mes collègues affirma : « si je me tapais une élève de 13 ans, je peux te dire que je me retrouverais au trou aussi sec, même si la gamine consentait, et c'est normal : une gamine de 13 ans ne peut pas consentir. Polanski a pu parcourir tous les pays démocratiques sans être ennuyé avec cette affaire pendant 30 ans… »

Alors, cher lecteur, la polémique contre Frédéric Mitterrand, s'il n'avait pas été lancé par Marine le Pen, aurait fait mouche dans les salles des profs et soulève des questions taboues. On constate que les privilégiés ne le sont pas sur tout…

jeudi 15 octobre 2009

1 500, cher lecteur, 1 500…

Évidemment, toi qui a été attiré par ce titre, tu te demandes de quoi je parle.

Aujourd'hui, par une source syndicale, nous avons appris que 1 500 gamins n'avaient toujours pas de place en classe de seconde sur l'Académie de Créteil. La plupart d'entre eux avait demandé une place en seconde professionnelle, et les conseils de classe de troisième avaient donné leur accord. Or, depuis deux ans, le lycée professionnel est en pleine réforme, mettant en place le bac professionnel en trois ans.

Au passage, le Rectorat de Créteil, sous l'impulsion ministérielle, ferme des places. Pourquoi ? Officiellement parce que le gouvernement s'est engagé à appliquer la loi d'orientation de 2005 visant à respecter le 100-80-50, soit 100% des élèves avec un diplôme, 80% avec un bac et 50% avec une licence. Or, seulement 35% des élèves vont maintenant vers le lycée général. Pour arriver à 50% d'une classe d'âge à BAC+3, il faudra donc pousser davantage d'élèves à aller au lycée général, car les deux autres lycées donnent plutôt accès à des cycles courts d'étude (BAC+2 par des BTS ou des DUT). Au passage, on récupère ainsi des postes

Pour obliger les gamins à changer d'idée, on ferme donc les places et on les réaffecte en lycée général. Enfin, en théorie… parce qu'en parallèle, contraint par la politique de suppression des postes, le ministère de l'Éducation pousse à la fermeture de classe partout où c'est possible. Comme, officiellement, nous sommes, au lycée, dans un creux démographique, on fait des projections et on élague autant que faire se peut.

On arrive à une situation kafkaïenne ! Les élèves les meilleurs demandant le pro sont pris, vu qu'ils ont un bon dossier, et restent sur le carreau les gamins dont le dossier est le plus fragile. Ceux-là ne trouvent alors plus de place en lycée général, où s'ils en trouvent, risquent d'avoir de grosses difficultés. En parallèle, les élèves sortant de seconde générale et qui avaient demandé une réorientation vers le professionnel, alors que le président souhaite instaurer un droit à l'erreur dans l'orientation, se voient obligés de redoubler en seconde générale, en attendant des jours meilleurs.

Parmi ces 1 500 gamins, 400 ont moins de 16 ans. Ils sont donc soumis à l'obligation scolaire, mais ils ne peuvent poursuivre les études auxquelles ils ont droit de par leurs résultats. Certains ont donc été remis en troisième ! Mais oui, cher lecteur, tu as bien lu. Alors que le redoublement doit devenir l'exception, selon Sarkozy, on oblige des élèves ayant obtenu leurs passages à retaper une troisième. D'autres sont carrément hors de l'école, malgré leurs âges, et sont pris en charge par la Mission Générale d'Insertion, alors que celle-ci n'est pas censée s'occuper d'enfants de moins de 16 ans.

Et les autres, vas-tu me dire ? Eh bien, ils restent à la maison…

Depuis deux ans, les ministres et les recteurs affirment que les suppressions de postes et les réformes ne changent rien. Pourtant, pour la première fois, on entend parler de cas où l'école ne parvient pas à respecter la loi et à scolariser les gamins qui y ont droit. En clair, c'est le désordre

Je suis sûr que dans quelques années, on va commencer à nous parler de privatisation ou de décentralisation parce que, soi-disant, cela ne marche pas…

mercredi 14 octobre 2009

Le GPS, une vraie solution pour les désorientés ou un gadget coûteux de plus ?

Il y a deux ans, un groupe d'amis m'a offert un GPS, à l'occasion d'un anniversaire. Pour moi, c'était un fantasme : un appareil qui était capable de situer, à quelques mètres près, ma position exacte ! Une véritable jouissance pour tout géographe en herbe ! Je pensais que cet outil était une véritable révolution pour tous ceux qui éprouvent des difficultés avec la localisation et les cartes. J'avais été là-dessus très influencé par la publicité mais aussi par les discours, très positifs, de mes proches.

De nombreuses personnes sont en effet incapables d'utiliser convenablement une carte. Cette difficulté vient d'une incapacité à faire le rapport entre une représentation graphique de l'espace et l'espace réellement perçu par l'individu. Un autre problème peut se surajouter : l'incapacité d'imaginer un espace jamais vu auparavant en usant de ce qui est indiqué sur la carte. Je trouve souvent des élèves en classe avec ces problèmes-là. Pour les détecter, on peut faire un test très simple : demandez-leur de représenter quelque chose sur une carte, un itinéraire local par exemple ou le plan de la classe. Les quelques gamins qui échouent totalement et ne parviennent pas à respecter les échelles se repèrent vite. Ces problèmes se maintiennent à l'âge adulte, même si l'on feint de croire que la sortie du système éducatif les annule.

Le GPS semble une solution réellement satisfaisante pour ces personnes, pour qui utiliser une carte en conduisant est un vrai problème. Or, après un peu de pratique, il n'en est rien.

Lorsqu'un conducteur se retrouve à utiliser un GPS, il gère trois informations différentes :

  • ce qu'il voit devant lui, dans l'espace,
  • l'image projetée par le GPS lui-même,
  • la voix du GPS qui lui indique quoi faire.

Ce groupe d'information implique que le conducteur soit capable de faire le rapport instantané entre ce qu'il voit et les informations du GPS. Or, une personne qui ne perçoit pas convenablement l'espace ne peut pas faire le lien avec les informations de la carte. Les fabricants tentent d'ailleurs de créer des images se rapprochant de la vision humaine, mais il faut encore être capable de faire le lien entre la carte (qui en plus change tout le temps) et la réalité.

Il reste bien la voix, avec son côté directif, mais elle n'est pas non plus sans poser problème. Par exemple, si le GPS vous dit de tourner à gauche mais que vous voyez deux routes vers la gauche, vous êtes obligés de regarder l'image, et vous risquez de retomber dans l'erreur. De plus, certains individus ne relativisent pas les indications (le GPS me dit d'aller tout droit, mais la route est légèrement sur la droite…) voire sont eux-mêmes mal latéralisés et, lorsqu'on leur dit d'aller à droite, vont tourner à gauche

En clair, après deux ans d'expérience, le GPS me semble de plus en plus être un gadget qui n'apporte pas grand-chose. Pour ceux qui savent déjà utiliser une carte, il peut être utile, mais il est tout de même beaucoup plus cher qu'un recueil de cartes. Il évite juste de tourner la tête tout le temps pour regarder la carte et risquer de se planter dans le platane du carrefour. Il perd cet intérêt dès qu'on bénéficie d'un copilote. Par contre, pour les personnes ayant des difficultés de localisation dans l'espace, le GPS ne règle rien et ne permet pas à quelqu'un de vivre mieux les choses. Ces individus devront trouver d'autres voies pour sortir de leurs difficultés.

Un beau gadget, qui procure du plaisir à un fan des cartes, mais qui reste, malheureusement, un beau gadget.

En y réfléchissant, j'y ai trouvé un intérêt : permettre à un aveugle de se diriger dans les rues avec un GPS pour piéton, grâce aux indications vocales. Cependant, encore faut-il que cet aveugle ait une bonne perception de l'espace…

mardi 13 octobre 2009

Quel ancrage idéologique du président sur l’éducation ? Première analyse du discours sur la réforme des lycées.

Comme je te l'avais annoncé, cher lecteur, Nicolas Sarkozy a montré une nouvelle fois qu'il s'intéressait aux jeunes en annonçant, par un long discours, la réforme des lycées. L'initiative est forte. C'est en effet la première fois qu'un chef d'Etat prend le risque de se mettre en avant dès le début d'une réforme de l'éducation. A l'évidence, l'enjeu est important et le président cherche à gagner un nouveau titre : celui du président de droite qui est parvenu à réformer quelque chose dans l'éducation sans trois mois de grève et un changement de Premier ministre.

Il y aurait beaucoup à dire de ce que l'on trouve dans ce discours, et j'y reviendrai dans un futur proche. Pour le moment, je souhaite te faire partager, cher lecteur, une courte analyse des fondements idéologiques du discours présidentiel.

Il a commencé par un petit historique extrêmement rapide du lycée. Rappelant les origines napoléoniennes de cette institution (1802), Sarkozy a remis en contexte le lycée de l'époque : voici une institution imaginée par l'empereur pour aider à la création d'une nouvelle élite, principalement issue de la bourgeoisie, permettant de concurrencer l'ancienne noblesse déclassée par la Révolution. Longtemps, le lycée a été cette voie royale réservée à nos élites. Sarkozy a ensuite rappelé que, depuis le milieu des années 1980, le lycée s'était massifié en s'ouvrant à la majorité de la population (65% d'une classe d'âge aujourd'hui). Et le président de fustiger ce système qui ne parvient pas à amener les 35% restant au baccalauréat et à des diplômes de haut-niveau…

Ce qui est intéressant, c'est que le président ne dit pas que, si le pourcentage de bachelier s'est étendu, c'est uniquement grâce aux filières technologiques et professionnelles. Le lycée général a un peu augmenté, mais on reste à 35% des élèves contre 30% dans les années 1980. Or, Sarkozy est maintenant lié par la loi de 2005 imposant de réussir à atteindre le taux de 50% d'une classe d'âge au niveau BAC+3. Il souhaite donc une chose : permettre aux élèves du professionnel et du technologique d'accéder au supérieur.

Toutes ces propositions sont accompagnées d'une violente charge contre les élites qui souhaitent rester entre elles. Or, Sarkozy propose simplement d'étendre le système des non-élites en essayant d'amener certains de ces jeunes jusqu'au supérieur. Se dessine ainsi un lycée général qui resterait dans la même position, avec des élites dedans, mais qui serait renforcé par des lycées professionnels et technologiques beaucoup plus puissants et capables de mener loin des élèves. En clair, il se maintiendrait un lycée d'élite et deux lycées pour les autres, mais rassurez-vous, vous pourrez vous en sortir.

Ces propositions sont matinées d'individualisation des parcours. Le président a annoncé la reconnaissance d'un droit à l'erreur et la possibilité pour les élèves de changer de filière en cas d'échec. Evidemment, je me suis tout de suite imaginé l'effondrement de la traditionnelle autorité de l'éducateur en France et l'apparition d'une liberté très forte de l'élève. Or, en allant plus loin dans le discours, on ne peut que constater qu'il n'en est rien. Un élève ayant de bons résultats mais se rendant compte d'une erreur ne pourra pas changer de voie : c'est le conseil de classe qui décidera, et il ne pourra le faire que si l'élève est faible. De même, un soutien obligatoire pour tous est mis en place, mais attention, avec des différences. Si tu es bon, on te renforcera. Si tu es moyen, on te soutiendra. Si tu es mauvais, on t'aidera à refaire un projet pour aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte.

On ressort du discours assez troublé. Derrière une logorrhée très volontariste et presque socialisante parfois, le président n'a fait que confirmer que la sélectivité du système se maintiendrait, avec des aménagements pour les pauvres, et que l'individualisation serait le nouveau mot, ce qui ne changera sans doute rien à l'égalité des chances que le président chercherait à (re)trouver. En clair, la vie des élèves de ce pays ne va pas beaucoup changer, quoique… Cette individualisation risque de réellement modifier leur perception d'eux-mêmes, de leurs réussites mais aussi de leurs échecs. Là, l'éducation peut réellement bouger, mais est-ce dans le bon sens ?

dimanche 11 octobre 2009

Mardi, le lycée sait comment il sera mangé.

Enfin !

Quoi, comment ça, enfin ?

Eh bien, cher lecteur, nous y sommes. Le président de la République va annoncer, dès mardi, en fin de matinée d'après l'agenda de l'Élysée, sa réforme du lycée.

Car il s'agit bien de sa réforme, et il faut ici nous rafraîchir un peu la mémoire.

A la fin de l'année dernière, après une série d'annonces et de contre-annonces totalement désordonnées, Xavier Darcos décide finalement de suspendre la réforme du lycée. sous la pression d'un président effrayé par les événements en Grèce et par la croissance des cortèges de lycéens. Rapidement, le président de la République indique, lors de ses vœux à l'Éducation en janvier 2009, qu'il n'abandonne pas le projet de changer le lycée (pour l'UMP, la réforme du collège a été faite par François Fillon et celle du primaire par Darcos). Il indique cependant que cette réforme se fera à moyen constant, ce qui a quelque peu brimé les velléités réformatrices des cadres administratifs du ministère de l'Éducation (quoi, on ne supprime plus de postes ???).

Lorsque Luc Chatel arriva, les bruits qui parvinrent dans les salles des profs furent assez inquiétants. D'abord, le ministre semblait régulièrement faire la démonstration d'une ignorance crasse du fonctionnement du système éducatif. Ensuite, il se mit à imiter Xavier Darcos (fin connaisseur du système par contre) en tergiversant sur le processus de réforme. Il devait s'exprimer le 15 septembre, puis le 24 septembre. Finalement, c'est le président qui lui souffle la politesse et qui prend en main le dossier. Chatel n'aura plus qu'à gérer la mise en œuvre et à aller porter une parole qui n'est pas la sienne : un vrai porte-parole du gouvernement !

Cette prise en main de Sarkozy ne rassure pas, et j'ai pu m'en rendre compte durant les Rendez-vous de l'Histoire de Blois, en laissant traîner mes oreilles dans les troquets, les conférences et les librairies. En effet, le ministère a eu une fâcheuse tendance à appliquer scrupuleusement les déclarations du président, même quand elles aboutissaient au grand n'importe quoi. Ce fut le cas pour la lettre du Guy Môquet, puis pour l'instauration en catastrophe et dans un grand désordre de l'histoire des arts au collège.

Il est donc à craindre que le président fixe les cadres dès le début et qu'aucun espace de manœuvre ne soit accessible, pour les administratifs comme pour les enseignants, les parents et les élèves.

Ce week-end, le pouvoir a apparemment lancé des ballons d'essai dans la presse, semblant suggérer que cette réforme, bien moins ambitieuse que celle de l'an dernier, se contenterait de généraliser, encore, l'accompagnement éducatif en lycée.

Personnellement, j'attendrai les véritables annonces pour démêler les ballons d'essai des véritables roquettes...

samedi 10 octobre 2009

La problématique de la pratique de l'oral.

Il y a quelques temps, je m'étais lancé dans une tentative sur la question de la naissance d'un nouveau type d'écrit à travers internet, c'est-à-dire la naissance d'un écrit fortement teinté d'oralisation que nous développons, nous, blogueurs. D'ailleurs, il était intéressant de voir que nous pouvions ainsi reconnaître que la plupart des blogueurs n'étaient pas des écrivains (surtout dans la blogosphère politique), mais en même temps, écrivaient quelque chose qui n'était pas de l'oral écrit pur et dur.

Hier, lors d'une conférence des Rendez-vous de l'Histoire, j'ai pu expérimenter l'autre versant du problème. Je me suis rendu à une conférence sur un thème totalement périphérique. J'aime ces sujets complètement ignorés par la masse des historiens, mais qui nous apportent toujours quelque chose sur des thèmes bien plus généraux. A Blois, cette année, le thème était le corps, ce qui pouvait amener à des questionnements vraiment divers sur des sujets très variés.

Durant cette conférence, dès que l'historienne a commencé à parler, la salle s'est endormie. Pourquoi ? Parce que la conférencière a extrait de son sac une liasse de feuillets, assez importante, et a commencé à nous lire sa communication. Pendant une heure, elle n'a pas décroché de son texte, a lu tout en continu. Immédiatement, un certain nombre de spectateurs ont rembarqué leurs effets et ont quitté la salle, sans même jeter un regard sur une conférencière qui, progressivement, a commencé à se rendre compte que la salle décrochait. Décontenancée, elle s'est accrochée mais a semblé ne pas saisir le problème, et a même émis des remarques sur la politesse du public (seuls moments où elle n'a pas lu, avant la phase de questions du public).

Personnellement, je me suis accroché, n'ait pu que constater la qualité de son écrit et me suis demandé pourquoi cette personne se refusait à passer au registre oralisé alors qu'elle était en train de faire une conférence. Un complexe ?

Souvent, on lit sur internet des critiques très violentes sur la dégradation de l'écrit, en tant que tel, sur la toile. C'est une réalité, tout simplement parce qu'une grande partie des blogueurs ne maîtrise pas le style littéraire. Par contre, on n'évoque jamais la question de l'autre sens. Il existe un nombre important de personnes pour qui l'oral est une vraie difficulté et qui s'accrochent à l'écrit lorsqu'ils se retrouvent à devoir faire une communication ou à s'exprimer devant un public.

Or, nous sommes quand même dans une véritable schizophrénie. En France, de plus en plus, alors que de nombreux acteurs affirment que l'écrit ne cesse de baisser en qualité, les épreuves du secondaire sont de plus en plus marqués par l'écrit (cela coûte moins cher que les oraux) alors que notre société pratique massivement l'oral, dans de nombreuses professions et dans la vie sociale. Aujourd'hui, nous ne formons pas les élèves et les jeunes à l'oral.

Une éducation à la langue, dans ce pays, ne peut se contenter de travailler l'écrit, que l'écrit, seulement l'écrit. L'oral, qui certes ne perdure pas, reste un aspect considérable de la vie quotidienne du citoyen, surtout dans une société traversée par les médias comme la nôtre. Peut-être pourrait-on envisager un bac noté à 50% à l'écrit, avec une vraie attente au niveau de la maîtrise des élèves, et une notation à 50% à l'oral ?

En tout cas, je me permets, modestement, de lancer le débat...