La notion de poste, pour bien comprendre le problème, mérite que l'on s'y arrête. Dans l'éducation, tous les établissements du secondaire sont dotés d'un certain nombre de chaires de chacune des disciplines. Comme je te l'avais expliqué ici, les chaires correspondent au besoin de l'établissement pour pouvoir exécuter les programmes mis en place par le ministère à chaque niveau. Les établissements doivent définir, lors de leurs conseils d'administration (CA), le nombre de chaires dont ils ont besoin. Ils sont contraints par le temps de travail des enseignants, défini par les décrets de 1950.
L'existence d'une chaire signifie qu'un titulaire doit y être affecté. Cependant, cela n'est pas forcément le cas. Par exemple, dans mon bahut dit difficile, un certain nombre de postes n'ont pas été pourvu à la dernière rentrée, tout simplement parce que personne ne les a demandés, vu la réputation du coin. Dans ce cas, le poste est pourvu par un titulaire remplaçant, qui va rester au moins un an, et bénéficie, en fin d'année, d'un bonus de points pour obtenir le poste s'il souhaite rester et si le poste existe toujours.
Par contre, l'absence d'un poste ne signifie pas que des heures de cours n'ont pas lieu. Tout d'abord, les titulaires déjà présents peuvent prendre des heures supplémentaires. Les enseignants ont obligation d'accepter une heure sup annuelle, mais ils peuvent ensuite en prendre autant qu'ils veulent, sans aucune limite à part la capacité physique et mentale de l'individu. Ensuite, ces heures peuvent être effectuées par un titulaire remplaçant, par un contractuel ou par un vacataire. Chacun de ces statuts est dur pour les personnels, et particulièrement celui de vacataire : ton salaire est misérable et tu es embauché pour 200 heures, ce qui signifie que tu ne peux pas faire une année scolaire entière. Les élèves voient alors deux ou trois personnes passer dans l'année. Contrairement à ce qu'affirme Darcos, la suppression d'un poste n'a donc rien d'anodin.
La dernière fois, je t'avais expliqué comment le rectorat de Créteil essayait de faire voter des suppressions sans cohérence par les CA. Un nouvel épisode a depuis eu lieu. Montrant la volonté toujours aussi forte de nos politiques de développer l'autonomie des établissements, des postes ont été supprimés dans de nombreux établissements du 93, contre les votes des CA. Contrairement à ce que j'affirmais la dernière fois, les parents et les élèves ont souvent soutenu les démarches des enseignants, estimant que le titulaire valait mieux que le contractuel ou le vacataire plus instable. Les rectorats évitent d'agir aussi brutalement d'habitude, car ils bafouent leurs discours, mais la pression du ministre est telle qu'ils ne peuvent faire autrement, contre, souvent, toute logique structurelle.
Des mouvements de grève collectifs se sont donc engagés pour récupérer des postes qui pouvaient exister sur le papier, sauf en anticipant une baisse démographique qu'il est actuellement impossible de mesurer. Là, notre administration a été plutôt maligne. Les collèges ont globalement échoué à récupérer les postes, et ont fait des mouvements, d'une semaine en général, pour rien. Par contre, les quelques lycées qui se sont agités ont obtenu très vite satisfaction, souvent sans même avoir à déclencher une grève. Plusieurs facteurs expliquent cette décision. Le ministre sait pertinemment que le climat dans l'éducation est tendu, et il doit absolument éviter qu'un mouvement d'ensemble ne démarre. De plus, il faut prendre en compte le mouvement universitaire, toujours actif, et la négociation menée par la commission Descoings dans les lycées. Enfin, voir un mouvement dans les lycées démarrer implique souvent que les élèves s'en mêlent, sans que les enseignants le demandent d'ailleurs, et les mouvements lycéens, le gouvernement n'aime pas. Donc, on a gentiment arrosé les lycées et on a matraqué les collèges.
Les rectorats parviendront-ils, malgré tout, à supprimer les postes avec l'ampleur que souhaite le ministère ? Je doute, vu la tension déjà forte sur les personnels disponibles. En tout cas, je ne vois pas comment, en laissant le système tel qu'il est, le gouvernement pourra supprimer davantage. S'ils veulent avancer, il faudra faire des réformes avec cet objectif-là. Je ne suis pas sûr que ce gouvernement ait encore les reins pour se lancer dans cette aventure, mais attention les conclusions de Richard Descoings sur le lycée…
Vous n'allez tout de même pas nous faire croire qu'ils suppriment des postes LE LUNDI DE PÂQUES ???
RépondreSupprimer(Tiens, je vous ai fait un petit lien moqueur chez moi...)
@ Didier : surtout le lundi de Pâques ! Quelques postes de gauchiste en moins, c'est bon pour la transsubstantiation...
RépondreSupprimerAh ouais, pas con...
RépondreSupprimerLA POLITIQUE DE L’AUTRUCHE
RépondreSupprimerIl faut sortir d’un état d’esprit qui fait croire que les fonctionnaires sont en général d’une utilité discutable, du fait qu’ils ne produisent rien en apparence. En effet si l’on exclut les entreprises publiques qui font payer leurs services, leur production, indirecte, est peu visible.
Même un simple planton, par le renseignement qu’il donne, produit quelque chose, un service, certes impalpable, mais utile à la société : il fait gagner du temps. De même l’éducation nationale qui en France représente 80% des dépenses budgétaires de la fonction publique ne produirait rien ? Ce montant certes est important, mais les éducateurs, ne dépensent rien ? Les étudiants formés, ne sont pas une richesse accumulée qui sera ensuite répandue dans les circuits économiques, d’une façon ou d’une autre ?
Il faut clamer haut et fort que toutes dépenses, immédiates ou à échéance sont source d’augmentation de la masse monétaire, donc source de croissance, bien que le profit, la plus value de l’entreprise, ne soit pas toujours à l’origine de cette dépense. C’est au contraire les plus-values, en particulier celles des multinationales, comme on le voit actuellement, qui posent le plus de problèmes. Que l’on cesse cette absurdité de vouloir faire des économies budgétaires en supprimant postes sur postes de la fonction publique ! Pourquoi plutôt ne pas essayer de faire des économies dans le budget de l’armée ?
Faire des économies c’est donner d’une main ce que l’on prend de l’autre, car ne pas dépenser, c’est accentuer encore la décroissance.
En particulier en période de faible croissance, il faut impulser les dépenses, autrement qu’avec le crédit, c’est-à-dire en augmentant massivement les bas salaires. Les seules vraies économies seraient plutôt les excès de gaspillages, notamment ceux de l’énergie, qui sont cause d’inflation, difficile à maîtriser. (texte tiré d’un essai sur « L’économie vue sous l’angle des systèmes »). Louis Peretz (www.citoyenreferent.fr)
@ Peretz : je souscris globalement à ce commentaire, mais j'apprécie moyennement à cette tactique d'un texte décroché du billet originel et visant surtout à faire de la pub à son auteur. Tu aurais pu dire la même chose en le rapprochant du billet ci-dessus.
RépondreSupprimerCependant, merci pour le texte.