samedi 10 janvier 2015

Contre la peur, sortons par le haut de ce délire.

C'est évident, en ces journées difficiles, nous sommes tous choqués. Rien de plus normal. Notre pays vient de traverser un épisode atroce, ponctué de massacres, de coups de feu, de sirènes de police et d'alertes multiples partout où l'on pouvait passer en Île-de-France.

Dimanche, beaucoup d'entre nous vont manifester, se recueillir et se tenir chaud.

Mais après ?

Il va être très urgent que les femmes et hommes de gauche se mettent à réfléchir sur tout ce qu'il vient de se produire et à émettre des idées et des raisonnements pour construire.

Tout d'abord, il faut prendre la mesure de l'influence des réseaux islamistes en France et proposer des solutions qui ne soient pas celles de la droite et de l'extrême-droite. La tentation va être forte pour beaucoup de plonger dans le sécuritaire, poussés par l'extrême-droite qui va en rajouter dans le "on vous avait prévenu, les musulmans, y sont très dangereux". Cela fait pourtant de nombreuses années que les islamistes labourent le terrain des quartiers populaires et séduisent. J'en ai parlé à différentes reprises dans ce blog, dans le cadre du système éducatif sequano-dyonisien, et tous ces éléments sont toujours d'actualité. Évidemment, la répression a son rôle à jouer, mais on ne peut non plus oublier la question sociale, la déshérence des quartiers populaires, le retrait progressif des services publics de ces zones, l'abandon des milieux populaires et des classes moyennes et enfin l'absence d'alternative politique progressiste crédible, ne laissant plus à cette jeunesse que l'extrême-droite franchouillarde ou l'extrême-droite islamiste pour espérer sortir de son trou.

Ensuite, il faut réaffirmer la volonté de la gauche de défendre la liberté d'expression et de défendre ses valeurs. Il est intéressant de constater que nos dingo-islamistes ont frappé trois adversaires qu'ils estiment centraux : la gauche progressiste, les juifs et l'autorité républicaine. On a beaucoup dit ces derniers jours, du fait du métier des journalistes de Charlie, que c'était la liberté d'expression qui était attaquée. C'est vrai, bien sûr, mais cela ne résume pas tout le sens politique de ce crime. Nos dingos auraient parfaitement pu canarder le siège du Front National ou encore tenter d'agresser Nicolas Sarkozy, qui, rappelons-le, est à l'origine de la légitimation de l'islamophobie par le lancement du débat sur l'identité nationale. Ils auraient pu essayer de frapper les tenants de la théorie du grand remplacement qu'on a beaucoup entendus dans les médias ces derniers temps. 

Mais non, ils ont attaqué Charlie, journal militant mais aussi en difficulté financière importante et dont l'audience pouvait laisser penser qu'il ne représentait pas un adversaire substantiel, pour une raison simple : ceux que j'ai cités auparavant sont leurs alliés objectifs, car ils entretiennent l'amalgame entre musulmans et islamistes, et ils servent donc leurs intérêts en renforçant les craintes du reste de la population. Ces fachos jouent en permanence sur toutes ces ambiguïtés et ils les exploitent : un homme qui se moque des religions est un raciste, un juif est forcément un soutien total des politiques israéliennes, un policier est forcément un xénophobe. Les islamistes ont donc frappé la gauche progressiste, qui se permet de se moquer ouvertement d'eux et d'ouvrir les consciences, et qui est un réel adversaire politique qu'ils doivent faire taire.

Nous devons donc à la fois défendre la liberté d'expression mais aussi la liberté de se moquer de tout le monde, y compris d'ailleurs de nous-mêmes. Nous devons défendre une laïcité militante, pas celle qui vise à stigmatiser les musulmans et qu'on a trop souvent vu à l’œuvre ces dernières années, mais celle qui nous permet à tous d'être libres et de pouvoir se moquer et critiquer tout le monde.

Pour terminer, je crois qu'il faut aussi combattre un certain discours visant à dire que Charlie avait d'une certaine façon une responsabilité du fait de ses attaques récurrentes contre l'islam. Et quand bien même, un républicain ne peut laisser passer cela : en République, un journal peut être condamné lorsqu'il dépasse les bornes posées uniquement par la loi. Charlie a régulièrement été trainé en justice. On pourrait d'ailleurs demander à ceux qui soutiennent cette idée si la policière municipale de Montrouge l'avait aussi un peu cherché, ou si les clients de cet Hyper Cacher avaient aussi une part de responsabilité dans ce massacre qu'ils ont subi... Ensuite, nous devons dire que ce qui permettra à la situation des musulmans d'évoluer, c'est le traitement de la question sociale. Ce n'est qu'en améliorant la situation des Français dans leur ensemble, en réduisant le chômage, en permettant à l'école d'être plus égalitaire, en diminuant le temps de travail, en faisant monter les salaires et en partageant mieux les richesses, en réformant pour l'améliorer notre sécurité sociale, en faisant progresser la démocratie sous toutes ses formes, qu'on viendra à bout de tous ces abrutis qui n'ont qu'un rêve : nous pourrir la vie et vivre sur la peur que nous éprouvons.

23 commentaires:

  1. L'abandon des quartiers populaires, le chômage, le manque de perspective d'avenir d'une certaine jeunesse française peut expliquer beaucoup de choses, comme la délinquance et la violence, mais en aucune façon le terrorisme islamiste que l'on vu a l’œuvre avec Merah, Nemmouche et ces derniers jours.
    Depuis des années, je refuse l'amalgame et la stigmatisation et je ne vais pas changer aujourd'hui mais force est de constater que l'Islam vit une période très sombre avec son épicentre au moyen orient et que ce mal-être nous touche maintenant directement.
    S'il est difficile (mais nécessaire) d’éradiquer par les armes, les Daesh, et divers Al Qaeda, il est indispensable de détruire les mouvements salafistes hautement prosélytes qui font des ravages dans nos quartiers et sur les réseaux sociaux.
    Et nos amis les musulmans français sont primordiaux pour cela, tout comme les politiques. Il faut que les imams de France soient sous contrôle d'une autorité religieuse affirmée. Quand j'entends l'Imam de Drancy, j'ai espoir, quand je lis les réseaux sociaux ou Boubakeur defendre sa petite paroisse, j'ai peur.

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    1. Manuel : je pense que la seule manière réellement efficace de saper les mouvements islamistes, comme toutes les extrême-droites, c'est d'améliorer la vie du public visé. Sur l'autorité religieuse, franchement, je ne sais pas. D'abord, je suis assez mitigé sur le fait que l'Etat se mêle de la vie des Eglises. Ensuite, les islamistes ne sont pas des religieux mais des politiciens, qui se servent de la religion comme prétexte. C'est donc plus politiquement qu'il faudrait les combattre.

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  2. J'adore ta solution, elle est juste magnifique. Améliorer la vie des gens pour éviter qu'ils ne décident de nous buter. Donc la crise économique, le chômage, on fait comme si c’était facile de s'en sortir. C'est choquant ce que tu dis, car rien n'excuse le terrorisme dans un pays comme le notre. A Gaza, je veux bien que le vie soit dure et que le Hamas vive de cette misère, mais en France!!?? Non mais faut arrêter de déconner 5 minutes! On bute des gens dans la rue a la Kalachnikov parce que la vie est dure??

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    1. Manuel : non, on ne bute pas les gens parce que la vie est dure. Les dingues cherchent juste des raisons pour tuer et se justifier. Par contre, il y a des islamistes qui, eux, ne tuent pas, mais qui militent et progressent dans les quartiers. Et ceux-là, ils prospèrent sur la misère et la pauvreté. Comme l'extrême-droite franchouillarde, d'ailleurs.

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    2. Pour l'instant, l’extrême droite ne commet pas d'attentats en France, en fait, personne ne commet d'attentats en France hormis les illumines qui pensent parler au nom du prophète.
      Aujourd'hui, les mosquées sont financées de manière privée et les imams échappent a tout contrôle national. Chaque Imam que j'entends ou lis parler depuis le drame explique que le problème vient entre autres d'une multiplicité des courants et d'un manque de lien et contrôle.
      Mais je vais être franc avec toi, je pense que tu fais de la recuperation, involontairement peut-être, mais quand même.
      Le terrorisme naît sur le terreau de la pauvreté et supprimer ce terreau affamerait le terrorisme.
      Laisse moi deviner, le capitalise libéral actuel est une grande raison de cet appauvrissement de la population, donc il faudrait changer.... Et on retombe dans les mêmes discussions que depuis toujours.

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    3. Je ne fais pas de la récup, car je ne suis pas en campagne pour accéder au pouvoir. J'essaie juste de réfléchir un peu.

      Je te rappelle que l'an dernier, un jeune homme a été assassiné à Paris par des fachos.

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    4. Tu peux pas comparer l'affaire Meric a ce qu'il se passe en ce moment.

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    5. Non, car ce n'était pas prémédité, mais c'était le dernier assassinat politique en date.

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  3. Les islamistes se servent de l'Islam, d'une religion, pas de l'UMP, ni du MPA que je sache. Si quelqu'un parle en mon nom, je ne me laisserai pas faire, et bien que les véritables musulmans haussent le ton.
    Et la solution politique, hormis ameliorer le niveau de vie des francais, elle consiste en quoi?

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    1. Manuel : ce serait déjà pas mal ! Tu as l'impression que la vie des Français s'est améliorée depuis ta naissance ? On aurait une politique totalement nouvelle au moins.

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    2. Non, la vie de français ne s'est pas améliorée, néanmoins tu parles de ça comme si c’était aussi simple que d'appuyer sur un bouton. J'aimerais autant freiner le terrorisme sans que ce soit lie au niveau de vie, car sinon on n'est pas sortis de l'auberge.

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    3. Tu ne le pourras pas. Apparemment, c'est assez simple de dégrader la vie des gens, cela ne doit pas être bien compliqué d'aller dans l'autre sens.

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    4. Alors c'est le debut de la fin. Mais je pense que tu te trompes. Car si on ne peut plus blasphemer, ni etre juif ou porter un uniforme sans risquer de se faire tuer, c'est la fin de la France.
      Franchement ta phrase est vraiment trop reductrice pour toi

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    5. Je le répète : je cherche une sortie par le haut.

      S'il suffisait de mettre des policiers à chasser les islamistes, le problème serait résolu depuis longtemps. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, je dis juste que c'est insuffisant pour abattre un mouvement d'extrême-droite comme l'islamisme.

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    6. J'espere que tu prends le temps de lire ce que je prends le temps d'ecrire, Mathieu, sinon mieux continuer au telephone... Tu as lu ce que je preconise pour sortir de cette situation? Car j'ai ecrit quelques idees, je ne me contente pas de dire qu'il faut rendre les gens moins pauvres

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    7. Je suppose que tu fais référence à ton premier commentaire.

      Sur le Moyen-Orient, tu le sais, j'ai toujours été très réservé sur les interventions militaires extérieures visant à faire la police, parce qu'on s'engage souvent dans des trucs énormes, qui nous engagent pour des années, et dont on sort en plus mauvaise posture qu'au départ. Je préférerais autant qu'on soutienne des gens proches de nous sur place.

      Sur la participation des musulmans demain, on verra bien. Je ne me permettrai pas en tout cas de dire qu'ils ont obligation de participer. Je considère personnellement de base qu'ils ne sont pas islamistes. Après, si certains d'entre eux veulent hausser le ton, qu'ils le fassent, mais en tant que Français aussi.

      Sur les cultes, j'ai répondu.

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    8. Par ailleurs, on pourra aussi continuer par tel.

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    9. Une interventionau moyen orient peut et doit se faire differemment de ce qu'on a vu jusqu'a present en Irak ou en Afghanistan. L'armee irakienne, les kurdes, l'armee syrienne libre sont des partenaires potentiels, mais il faudra faire ce qu'il faut pour eradiquer Daesh et les divers groupe affilies a Al Qaeda.
      Les musulmans ne sont pas islamistes, biensur, mais si demain, ils ne se sentent pas assez concernes pour une participation en masse, alors je pense qu'il y a un leger probleme...
      Sur les cultes, je pense que c'est ta laicite qui parle. Je partage cette laicite, mais j'ai l'impression que pour la defendre, il faut reguler et pour reguler, il faut une intervention de l'etat dans le domaine religieux.

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    10. Le problème, au Moyen-Orient, ce sont les alliés potentiels que nous aurions la possibilité de trouver. Dans ceux que tu cites, aucun ne me satisfait. Mais bon, du moment qu'on envoie rien au gouvernement syrien, cela me va encore.

      Je ne ferai aucun procès aux musulmans. Après tout, c'est chiant que l'on te reproche de ne pas condamner des dingues, parce que cela veut dire que tu pars d'un présupposé qu'ils pourraient soutenir. C'est pareil avec les cathos quand le pape fait une connerie, ou avec les juifs concernant Israël. Ils peuvent aussi avoir la trouille de se faire ennuyer dans les cortèges.

      Sur la régulation, je connais mal le fonctionnement de l'actuel CFCM. Difficile donc de se faire une opinion sur ses dysfonctionnements pour moi.

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    11. « Je le répète : je cherche une sortie par le haut. »

      Une sortie par le haut, ça s'appelle une cheminée : encore un truc de nazis, ça…

      (Sinon, magnifique dialogue de sourds entre vous deux, que j'avais raté à l'époque.)

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    12. Didier : on a réussi à résoudre ces contradictions lorsque nous nous sommes vus. La discussion par blog n'aide pas toujours à clarifier le propos.

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  4. Mathieu, je t'invite à venir lire mes deux dernières bafouilles sur le sujet.

    Manuel, itou. Et je te recommande dans mon dernier billet de lire in extenso le texte de Cyran "Charlie Hebdo, pas raciste ? Si vous le dites…" en cliquant sur le titre. Ainsi qu'un lien (à copier) dans les commentaires qui conduit à un texte ancien du maire de Clichy-sous-Bois.

    Manuel, le désespoir des pauvres est le terreau sur lequel pousse l'islamisme comme naguère le nazisme a poussé sur le désespoir allemand... Si tu supprimes le terreau, tu ne supprimes pas l'islamisme ou d'autres courants extrémistes, tu les fais étioler faute de nourriture.

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    1. Partageux : j'ai lu hier le papier de Cyran, et si je peux reconnaître que certaines caricatures de Charlie ne valaient pas grand-chose, j'ai lu longtemps ce journal et je n'ai jamais eu le sentiment d'être face à du racisme. Par contre, j'ai arrêté lorsque Val a appelé à voter pour le TCE en 2005...

      Quant à ton deuxième article, que dire... La mort de Rémi Fraisse a provoqué une véritable émotion dans la population, je crois, et même si l'Etat n'a bien sur pas manifesté contre son propre crime, de nombreux Français se sont exprimés. Peut-on pour autant qualifier la mort de Rémi Fraisse d'assassinat politique ? Je doute que cela ait été la volonté du gendarme qui a tiré cette grenade. Du politique qui en a donné l'ordre ? On risque de ne jamais le savoir.

      Je rapprocherai plus tout cela du meurtre de Clément Méric, mais là encore, même si elle était moins visible, l'émotion était forte aussi.

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