mercredi 29 octobre 2008

Ca y est, le privilégié est encore en vacances...

Cher lecteur, je sais que tu vas encore te désespérer et que le manque va être dur à gérer pour toi, mais, une fois n'est pas coutume, je vais interrompre quelques jours ce blog.

En effet, après m'être rendu ce soir à la République des Blogs, où Nicolas ne viendra pas, blessé semble-t-il par un billet de Toréador, contrairement à ce que j'avais annoncé quelques jours plus tôt, je m'en vais demain pour la capitale des Gaules. En effet, je vais retrouver à Lyon un couple d'amis qui nous ont promis une tournée des bouchons lyonnais et le meilleur tablier de sapeur de la ville, ainsi qu'un peu de tourisme et de culture. Comme je ne les ai pas vu depuis longtemps, c'est un vrai plaisir.

Ensuite, j'aurai la joie et le plaisir de me rendre en Bourgogne pour rencontrer pour la première fois des membres de la famille de ma conjointe que je n'ai pas encore eu l'occasion de connaître.

En clair, cher lecteur, je suis heureux car je vais visiter des endroits que je ne connais pas, et en plus, j'en ramènerai sûrement matière à de nombreux billets.

Comme tu es frustré de mon absence, je te renvoie à nouveau vers mes deux compères, qui te permettront sans doute d'occuper ton temps devenu libre avec profit.

A bientôt pour de nouvelles aventures...

P.S. : la source de la photographie ici.

mardi 28 octobre 2008

Sarkozy s'en va à Rethel : j'espère qu'il sera accueilli à coup de boudins blancs...

En me connectant sur le site du Monde ce matin, j'ai découvert que Nicolas Sarkozy se rendait aujourd'hui à Rethel, sous-préfecture des Ardennes. Je me suis alors rendu compte que c'est de cette région, et particulièrement de la préfecture des Ardennes, Charleville-Mézières, qu'il lança pour la première fois son célèbre "travailler plus pour gagner plus". Ayant pris conscience de ce fait, cher lecteur, j'ai eu un moment de divagation. En effet, je connais moi-même un peu Rethel : mon grand-père maternel était originaire de cette petite ville de l'Est de la France. Je n'ai pas trop connu cet homme, qui est mort lorsque j'avais neuf ans, mais ma grand-mère et ma mère nous emmenait régulièrement, ma soeur et moi, dans cette petite ville. Pour nous, cétait une fête. Le périple se faisait toujours de la même façon. Nous partions de la banlieue parisienne tôt le matin. Nous faisions une première étape à Reims, où nous achetions une petite boite de bouchons de champagne, chocolats fourrés au marc de champagne pour les adultes et au praliné pour les enfants. Puis, nous faisions les trente derniers kilomètres vers Rethel. Là, nous déjeunions dans l'un des restaurants rethelois, soit le Sanglier des Ardennes, soit, lorsque nous avions plus de moyens, au Moderne. On se goinfrait de la spécialité locale, le boudin blanc rethelois, puis on allait voir les membres de notre famille et on prenait le thé en dégustant une belle tarte au sucre. Rien que le nom de la ville m'évoque ces quelques souvenirs d'enfance...

Pourtant, cher lecteur, si tu prends un jour la route de Rethel, tu verras que les images communiquées par l'article du Monde sont très discutables. D'abord, la région est très belle : de grandes forêts, des vallées dès que tu t'approches de Charleville, des petits cours d'eau qui serpentent à travers les champs. Puis, tu entres dans Rethel, et là, tu te retrouves dans une ville qui ne ressemble pas à une ville traditionnelle française. Il ne reste d'ancien que l'église. La ville a en effet subi les bombardements massifs de l'armée allemande en 1914, et la guerre est repassée par là en 1940 puis en 1944. Rethel est donc une ville assez moderne en apparence, qui fait penser à certaines villes de Normandie, comme Lisieux ou Caen par le type de constructions.

Et puis, partout autour, des usines. L'article du Monde insiste fortement sur ce point. La région s'est construite au XIXe siècle autour de l'industrie du textile et de celle de la mécanique et de la forge. Ma propre arrière-grand-mère était ouvrière dans une usine de ce type. Évidemment, dès la fin des années 1960, la région a commencé à souffrir de la concurrence des pays du Sud, et le chômage s'est installé durablement. Les migrations ont commencé, certains allant vers Reims, beaucoup plus dynamique et plus riche, d'autres quittant carrément la région pour Paris ou pour le Sud de la France. Les gens du coin, qui restent encore et continuent à travailler dans les usines, ressentent tous les jours les menaces de suppressions d'emploi et du mur qui se trouve au bout du processus : l'impossibilité de retrouver du travail et l'émigration quasiment obligatoire pour les enfants.

Ces régions, il est vrai, ont beaucoup été marquées par la gauche et particulièrement par l'action des communistes. Sarkozy ne pouvait y venir sans aborder des questions sociales. Il y retourne aujourd'hui, et j'espère qu'il sera bien accueilli. A l'évidence, la région n'a pas bénéficié des HS défiscalisées, et souffre toujours autant économiquement. Les promesses se sont évanouies, et la crise menace maintenant tous ces emplois déjà difficiles à maintenir.

Ce qui me hérisse finalement, c'est que c'est encore Sarkozy qui va voir ces gens pour leur raconter ses conneries. Que font les autres ? Pourquoi la gauche ne va-t-elle pas à la rencontre de ces personnes-là, qui travaillent beaucoup et durement, qui sont inquiets et qui souffrent ? Nicolas, puisque tu vois Julien Dray demain, tu voudrais pas lui demander ???

P.S. : photographie réalisée par l'auteur du blog, tous droits réservés.

Dans "Entre les Murs", François Bégaudeau conduit une magnifique psychanalyse de son échec dans l'enseignement.

Cher lecteur, ça y est ! Après une longue période d'hésitation, nous nous sommes enfin décidés, ma conjointe et moi, à aller voir Entre les murs, palme d'or du festival de Cannes 2008. J'avais déjà exprimé mes appréhensions dans un lointain billet, dans lequel je m'inquiétais de ce que les journalistes allaient raconter sur ce film et des caricatures qui allaient en sortir. A l'époque, je me fis sermonner par Manuel et Audine, qui m'ont très justement signalé que je parlais d'un film que je n'avais pas vu. De même, ma conjointe m'a disputé à plusieurs reprises. Conscient de mon inconséquence sur ce thème, j'ai donc fini par céder...

Et figure-toi, cher lecteur, que j'ai plutôt eu quelques bonnes surprises. D'abord, la réalisation est simple, claire, limpide : on ne s'ennuie jamais, on rit souvent, et les deux heures s'écoulent vite. On est dans un collège comme j'ai pu moi-même en fréquenter. En effet, le film rend assez bien compte de certaines scènes typiques d'un établissement scolaire du second degré dans un quartier dit difficile. Ainsi, la rentrée est exactement à l'identique de la réalité, avec des enseignants se ruant sur les emplois du temps. J'ai moi-même vu dans le passé des souffrances équivalentes à celle de ce prof de technologie qui craque devant tout le monde en salle des profs et dit ne plus vouloir retourner en cours. De même, le conseil d'administration, avec ces enseignants qui dévient de la discipline des élèves, thème trop dur et impossible à démêler, pour se lancer à bâtons rompus sur le sujet fondamental de la machine à café, ou le conseil de discipline sont quasiment réels. Dans ces quelques scènes ressortent les débats qui traversent en ce moment notre profession et les difficultés que nous rencontrons. Finalement, Bégaudeau et Cantet illustrent bien les problèmes quotidiens que je vis moi-même.

Et pourtant, tout cela n'est pas l'aspect qui m'a le plus intéressé. Le film suit la classe de 4ème 3 du collège. La presse a beaucoup glosé sur la dureté de cette classe et son indiscipline. Pourtant, loin d'être durs, ces élèves sont relativement curieux, posent souvent des questions intelligentes, s'intéressent à de nombreux sujets. Souvent, Bégaudeau est en train de faire cours devant une classe silencieuse, même si des éclats se produisent régulièrement. Je peux t'assurer, cher lecteur, que j'ai connu moi-même des classes bien plus difficiles que celle-là.

Pourtant, Bégaudeau souffre, et c'est là que la lumière se fait : ce film n'est pas un film sur l'Éducation nationale. Au contraire, il est une analyse sur un homme ambigu face à son métier, et qui, transpercé par des conflits intérieurs que le spectateur ne peut jamais appréhender (la caméra ne sort jamais du collège et on ne sait rien de la vie du prof), fait de nombreuses erreurs qui l'amènent à s'en prendre plein la tête. Ce film aurait pu se dérouler dans n'importe quelle autre profession.

Dès le début, on se rend compte que Bégaudeau a une image très dévalorisée de ses élèves. Alors que son collègue d'histoire lui propose de bosser ensemble sur l'ancien régime en l'abordant par Candide, Bégaudeau décline en insistant sur le niveau trop faible de sa classe. En tant que prof d'histoire, je peux pourtant t'assurer que les élèves de seconde comprennent sans problème les textes des Lumières, du moment qu'on les sélectionne bien, et je n'ai pas souvenir que Candide fut illisible. D'ailleurs, le film parle très peu du contenu pédagogique des cours de l'enseignant et insiste plutôt sur les aspects affectifs. A la fin du film, une élève qu'il prend à l'évidence pour une imbécile le clouera au mur en lui avouant avoir lu Platon et avoir beaucoup apprécié La République.

Malgré cette vision négative, Bégaudeau aime ses élèves et veut leur faire apprendre des choses. Il emploie des trucs mais il souffre d'un défaut : il a toujours du mal à justifier ses réponses. Plusieurs fois, alors que le prof de français est par définition celui qui maîtrise les tenants et les aboutissants de la langue, il se refuse à expliquer des mots et se retrouve en difficulté car les élèves sentent bien qu'on ne leur répond pas. Ainsi, à une élève qui lui demande pourquoi on appelle l'imparfait "de l'indicatif", il répond que c'est pour le différencier du "subjonctif", puis se lance dans une définition du subjonctif, oubliant au passage l'indicatif précédent. Même dans ses moments de dérapage, Bégaudeau est flou : il insulte à un moment les deux déléguées en les traitant de pétasse, puis leur explique que ce mot n'est pas une insulte, alors que les gamines savent très bien de quoi il s'agit.

En fait, Bégaudeau passe son temps à insulter ses élèves car il cherche à entrer en contact avec eux mais n'y parvient pas. Souvent, il se met à leur niveau, perd la hauteur que nécessite sa fonction, et il dit des choses qu'il ne devrait surtout pas dire : il leur parle de sa vie sexuelle, les insulte copieusement et régulièrement, descend dans la cour pour s'expliquer avec sa classe dans une scène finalement assez ridicule pour lui. Personnellement, moi qui suit d'un naturel calme, je m'énerverai vraiment si on passait son temps à me traiter comme cela, et je ne peux que comprendre les élèves.

Et, ce qui est amusant pour le spectateur, c'est que Bégaudeau lui-même n'arrête pas de faire ce qu'il interdit à ses élèves. Il fume dans la cantine alors que c'est interdit, insulte ses élèves puis exige le respect de leur part, cache lui-même ses propres erreurs. Quand il est pris en faute par ses collègues ou par les parents d'élèves, il tente d'abord de nier et de fuir puis finit par avouer bon gré mal gré. Le réalisateur veut tellement insister là-dessus que même le principal lui demande, à propos d'un rapport où il a caché la partie de l'histoire qui le gène, de "revoir sa copie et de la lui rendre pour le lendemain". Il tente, avec maladresse, de se cacher derrière l'inégalité de droit entre prof et élève, alors qu'elle n'a plus cours aujourd'hui et est même souvent scandaleuse. Il dit ainsi à ces deux déléguées qu'il a le droit de dire qu'elles sont des pétasses, alors qu'elles n'ont pas le droit de le traiter d'enculé. N'oublions pas que nous sommes censés former nos élèves à l'égalité des droits...

Ce film est une magistrale analyse psychanalytique d'un homme sur une expérience qu'il a vécue. Il exorcise son passé d'enseignant et admet finalement ses fautes et ses erreurs. Seulement, il ne nous donne aucune clef pour expliquer tout cela.

Mais l'a-t-il fait sciemment ? Après avoir lu plusieurs interviews du bonhomme, je doute. J'ai même plutôt eu l'impression que Bégaudeau cherchait encore à régler ses comptes avec l'institution, et à mettre en valeur la crise de l'Éducation nationale. C'est la leçon qu'en ont tiré les médias. Si c'était l'objectif, l'équipe du film a échoué. Ce film est finalement l'analyse de l'échec d'un homme dans l'enseignement, incapable de se projeter dans son rôle et de résoudre ses propres névroses. Si Bégaudeau et Cantet voulaient montrer cela, alors, cher lecteur, c'est une réussite.

Dans tous les cas, je te conseille vivement d'aller voir le film, pour cette plongée dans l'esprit tourmenté d'un individu, pour la manière dont les adolescents interagissent avec lui, du fait de leurs propres crises personnelles, et pour cette perception finalement assez juste de quelques traits saillants de l'école d'aujourd'hui.

lundi 27 octobre 2008

Anniversaire

Un joyeux anniversaire à Marie-Georges Profonde. C'est l'occasion, cher lecteur, d'aller visiter son blog.

Oui, je sais, encore une privilégiée. Et en plus, je te parie qu'elle est en vacances...

La République des blogs d'octobre 2008 approche, et j'y serai...

Cher lecteur, comme tu as peut-être pu le lire ces derniers jours sur un autre blog honorable quoique de droite, la République des Blogs parisienne se déroulera le mercredi 29 octobre à partir de 19h00 au café le Pachyderme, situé 2bis boulevard Saint-Martin, dans le Xe arrondissement de Paris. Cette fois-ci, la RDB devrait avoir la visite du numéro un du classement Wikio politique, le célèbre Nicolas, à qui je dois déjà au moins deux bières, si ce n'est plus.

Comme j'avais passé un assez bon moment la dernière fois, je vais à nouveau m'y rendre. Tu auras donc la joie d'y croiser un privilégié en goguette et en vacances (encore ??? Mais oui, c'est la Toussaint).

Une question est cependant pendante et fascine Penthièvre, Criticus et LOmiG : Fabrice, mon compère parisien d'Avec nos gueules... m'accompagnera-t-il cette fois ? Te répondre aujourd'hui, cher lecteur, je ne puis, mais je suis sûr qu'il va rapidement se positionner avec sa ferveur habituelle.

En tout cas, si tu es un commentateur apprécié de ce blog et que tu vas venir, n'hésite pas à me le signaler...

samedi 25 octobre 2008

Vive le Québec libre, mais attention, pour plaire aux Français quand même...

Les Rendez-Vous de l'Histoire de Blois se sont étalés cette année sur quatre jours. J'y suis arrivé le premier jour, et j'en suis reparti à la fin du troisième. En ce samedi après-midi, j'ai été rejoint à Blois par ma conjointe, et, après avoir salué un ami historien et mon ancien directeur de recherche, nous avons quitté le Blésois pour aller écumer les caves du Saumurois, à une heure de là en voiture.

Cependant, avant ce départ, je tenais à assister à une dernière conférence. Cette année, le Québec était invité de cette manifestation, alors que la thématique générale était "les Européens". Lorsque j'ai découvert le programme, je me suis étonné : les organisateurs considéraient-ils le Québec comme partie de l'Europe ? Certes, comme la majorité des habitants des Amériques, les Québécois descendent de populations européennes, mais pourquoi alors ne pas avoir invité les Étasuniens, les Canadiens anglophones, les Mexicains ou les Brésiliens ? A cette question, je n'ai pas de réponse très claire.

Malgré ce flou artistique, le thème m'intéressait. En effet, je suis très lié au Québec du fait de mon histoire familiale (que je n'étalerai pas ici, vu mon billet de la dernière fois) qui m'a permis d'y voyager très régulièrement. Surtout, j'ai fait mon mémoire de maîtrise sur la Nouvelle-France. J'ai appris énormément de choses sur une partie de notre histoire dont la grande majorité des Français ignore presque tout. Justement, la programmation de Blois nous offrait une conférence sur les causes de cette ignorance en France, et en particulier sur la quasi-absence de cet important aspect de notre histoire des programmes scolaires depuis la fondation de l'école républicaine. Elle était animée par trois historiens : Philippe Joutard, Jacques Mathieu et Didier Poton.

En soit, la conférence, je pense, n'aurait pas dû me permettre de faire un billet. Elle fut certes intéressante pour des spécialistes, mais cela s'arrêtait là. Pourtant, à un moment, un membre de l'assistance s'est permis une réflexion qui me questionne encore beaucoup aujourd'hui : "Merci, Messieurs, pour cette intéressante analyse historique. Cependant, vous oubliez les facteurs politiques : ne pensez-vous pas que les Français s'intéresseraient davantage à leurs cousins d'Amérique si ceux-ci n'avaient pas refusé par deux fois de se séparer du Canada ?"

Il est vrai, cher lecteur, que le Français moyen ne sait pas grand-chose du Québécois. C'est d'autant plus surprenant que le Québec est l'une des seules tentatives d'implantation d'une population d'origine française qui a subsisté hors du territoire national. Les Anglais ont eu beaucoup plus de succès dans ces entreprises-là. Les Français ne connaissent rien du Québec : à peine quelques noms de villes, un peu de condescendance pour un accent jugé prononcé, quelques bribes d'histoire (Champlain et la défaite française des plaines d'Abraham), des chanteurs qui ne reflètent rien de la vitalité de la chanson québécoise et l'émission Surprise sur Prise. A peine a-t-on parlé en France du quatrecentième anniversaire de la fondation de Québec, fêté en grande pompe tout au long de l'année, à part lorsque François Fillon a été dire quelques bêtises au Canada. Finalement, heureusement que le général de Gaulle est allé crier "Vive le Québec libre" en 1967 à Montréal, car sinon, personne ne saurait qu'il y a des Francophones en Amérique.

Bon, je caricature un peu, et je disgresse. Le participant référait à ceci : le gouvernement québécois a tenté par deux fois de se séparer du Canada par référendum. Le premier fut lancé en 1980 par le leader historique du Parti Québécois, René Lévesque, et fut un échec net : 60% des habitants de la province votèrent Non. Par contre, lors de la seconde tentative de 1995, les Francophones donnèrent la majorité au Oui, mais le Non l'emporta de justesse (50,58%) à cause des Anglophones, de la majorité des immigrés récents et du rejet de l'indépendance par les Amérindiens.

J'étais au Canada en 1995 durant un mois, et j'ai pu suivre à l'époque quelques semaines de la campagne électorale. Je me souviens de la tension politique et sociale très forte, de l'inquiétude pour l'avenir, de la crainte de violences éventuelles en cas de Oui mais aussi de l'effondrement possible de l'économie (le Québec est un moteur économique et produit 30% du PIB annuel du Canada), de ce qui arriverait aux provinces canadiennes situées à l'Est du Canada, sur la côte atlantique, du futur de la relation avec les États-Unis. A l'évidence, les Canadiens et les Québécois étaient inquiets pour leur avenir, et je ne pouvais que les comprendre. Faire un tel choix relevait du dilemme cornélien.

Il faut bien te dire, cher lecteur, que je n'ai jamais, durant ce mois, entendu parler de la France, sauf lorsque Jacques Chirac déclarât que la France ne dirait rien avant le résultat du vote. Logiquement prudent, le président français ne voulait pas souffler sur le feu. Je pense qu'il a eu raison. La France a abandonné le Canada en 1763. Elle n'a pour moi pas de raison de donner maintenant des leçons à une nation qui s'est posée la question de son avenir. Qu'aurions-nous fait si le Québec avait voté Oui ? Rien ! Cette zone est le terrain des États-Unis, et ils auraient sans doute seuls géré la crise.

Pour moi qui aime beaucoup ce pays, entendre cette question à Blois m'a dégoûté. Les Québécois sont bien loin de considération de ce type. Certes, ils cherchent la France et c'est normal : ils en viennent. Je suis persuadé que la France n'est plus grand-chose pour eux dans le présent politique, même s'ils parlent souvent de nous. Par contre, la question de ce spectateur me fait me dire que les Français continuent à se voir comme les habitants d'une grande puissance, qu'ils espèrent encore que notre pays se comporte de manière irresponsable et sème partout les graines de la haine et de la violence, tout en étant prêt à ne jamais rien assumer, et qu'ils sont persuadés que toute la planète ne rêve que d'une chose : que la France s'intéresse à elle !

Je vous encourage grandement, cher lecteur, à vous intéresser au Québec. Nos cousins ont une culture originale et très vivace, un mode de vie unique, nous confrontent à nous-mêmes et à nos propres contradictions. Par contre, n'oublions pas que nos ancêtres les ont abandonnés, et ne leur donnons pas de leçon. Si, un jour, ils décident de tenter l'aventure de l'indépendance, nous devrons alors nous demander, en citoyens responsables, ce que nous devons faire pour eux, et ce que nous pourrons faire, en fonction de nos petits moyens...

Pierre Larrouturou frappe encore !

Une nouvelle tribune de Pierre Larrouturou à lire ici.

vendredi 24 octobre 2008

Tous les jours, je vous écris une lettre anonyme.

J'ai découvert avec intérêt un billet du Chafouin qui concerne l'anonymat des blogueurs. Comme tu pourras le lire dans les commentaires, une violente polémique l'a opposé à certains contradicteurs. Cette question de l'anonymat est intéressante en soi.

Personnellement, j'aimerai vraiment ne pas être anonyme. Lorsque j'ai créé ce blog en avril dernier, j'avais volonté à ne pas l'être. J'y avais mis ma photo, un lien vers mon ancien blog sur lequel est écrit mon nom. La seule chose que je m'étais très logiquement imposé comme convention personnelle de départ était simple : ne jamais donner aucun élément explicite qui permette d'identifier le nom de mon lycée dit difficile, les collègues de mon établissement et les élèves. Pour moi, il me fallait être capable de parler d'éducation quand je le souhaitais sans engager les gens avec qui je travaille directement.

J'ai assez bien tenu cet engagement de départ. Normalement, si tu lis régulièrement ce blog, cher lecteur, tu devrais être totalement incapable d'identifier mon établissement. Je sais que quelques collègues me lisent, et ils m'auraient indiqué un éventuel dérapage.

Pourtant, rapidement, j'ai commencé à effacer de ce site les éventuels moyens de me reconnaître. En effet, des anciens élèves puis des élèves actuels m'ont trouvé. C'est un peu de ma faute, car j'ai eu tendance au début, pour m'attirer des visiteurs, à laisser traîner l'adresse du site partout. Je me suis alors demandé s'il était sain de leur montrer à ce point mes opinions politiques. En tant qu'enseignant, et surtout en tant que professeur d'histoire-géographie, je me dois d'essayer de maintenir une certaine image d'objectivité. Il serait possible, si des élèves commençaient à me lire régulièrement, qu'ils doutent de ma volonté d'objectivité lorsque j'enseigne. Certes, je peux quand même compter sur leur intelligence et leur capacité à faire la part des choses, mais je ne peux être sûr qu'ils soient tous capables de le faire.

En plus, je ne parle pas que de politique ici. Il serait possible que mes chers élèves connaissent des aspects de ma vie privée que je n'ai pas forcément envie de partager avec eux. Certains font tellement tout partager, avec drôlerie, tout en mettant leur nom, que j'en suis envieux. C'est dommage, car un nom n'est qu'un nom, et la majorité des lecteurs s'en fichent : ils ne viennent pas ici pour le nom mais pour la qualité du texte et le plaisir éventuel lors de la lecture.

Ainsi, j'ai ôté ma photographie, retiré le lien vers mon ancien blog et supprimé mon adresse de certains endroits. Je subis donc un anonymat contraint. Je pourrai m'en passer, et peut-être que je pousse la contrainte professionnelle un peu loin, mais je ne me sens pas de faire autrement pour le moment. Malgré tout, mon prénom est le vrai, de même que la première lettre de mon nom de famille. Le Chafouin et ses adversaires n'ont apparemment pas envisagé cet anonymat-là, même si je me l'impose pour des raisons sans doute peu fondées.

Je me sens d'ailleurs assez mal avec ça. Tous les jours, je dis à mes élèves qu'une source non-anonyme a forcément plus de poids qu'une autre, et ici, je fais l'inverse. Ah, conscience professionnelle, quand tu nous tiens...

P.S. : à noter que la conclusion la plus claire laissée chez le Chafouin sur ce sujet, finalement assez personnel et peu intéressant pour la grande majorité des lecteurs, me semble être un très court commentaire de Rubin. Comme quoi, pas besoin d'en écrire des tartines pour dire des choses intelligentes.

mercredi 22 octobre 2008

Le Parlement, toujours un pouvoir méprisé dans ce pays moderne qu'est la France...

Je sais qu'il se passe des choses bien plus graves dans le monde, mais hier, cher lecteur, je te faisais un billet qui concernait la loi SRU, et je me félicitais de la défaite de Christine Boutin sur ce point, malgré le côté assez symbolique de l'événement. Dans la nuit qui a suivi, les sénateurs ont failli récidiver en manquant de peu de refuser l'ensemble du projet de loi. Ce matin, autant la presse écrite que les radios se gargarisaient de l'incroyable audace des sénateurs. Ceux-ci sont pourtant bien protégés par un statut quasiment intouchable : le Sénat ne peut être dissous, il ne peut être réformé sans son propre accord, il est quasiment hors de contrôle.

Au même moment, la commission des finances de l'Assemblée nationale insérait dans le projet de loi budgétaire pour 2009 quelques éléments qui vont à l'encontre des volontés gouvernementales. Ainsi, la prime transport se voyait remise en question, de même que le cumul des niches fiscales et du bouclier ci-devant fiscal. Là encore, les médias jouaient les vierges effarouchées et criaient à la crise opposant le gouvernement affaibli et les deux majorités parlementaires.

Il est sans doute fondé de penser que les majorités des chambres adoptent ces comportements à cause du contexte économique et politique. Malgré les moulinets du président de la République, les difficultés du gouvernement sont réelles, et cela se voit. Je le sais dans mon domaine : les reculades de Darcos sur la réforme des lycées après une seule manifestation, certes importante, l'illustrent. Sur le primaire, il n'avait pas hésité comme cela. Les parlementaires marquent ainsi leur agacement au gouvernement et prépare d'ores et déjà les futures élections législatives. Ils pourront dire aux électeurs qu'ils n'ont pas été les moutons de ce gouvernement impopulaire.

Pourtant, les réactions des médias m'agacent. Dans une démocratie moderne, le fait que le Parlement soit parfois en désaccord avec le gouvernement n'est pas une mauvaise chose. On est plus à l'époque du Général, où un simple vote "contre" pouvait menacer le mandat des parlementaires. En cas de grave crise, l'Assemblée peut toujours renverser le gouvernement, et le président dissoudre l'Assemblée. L'échec de Chirac en 1997 lors des législatives anticipées garantit d'ailleurs que cette procédure ne sera plus utilisée qu'en cas de nécessité.

Les médias, pourtant, continuent à promouvoir l'idée, pourtant dépassée, que le Parlement devrait normalement voter sans discuter les propositions du gouvernement. Ils marquent ainsi le maintien dans notre pays de l'image d'un chef suprême qui gouverne en écrasant tout sur son passage. Ce leader, qui rappelle le roi du passé, a pourtant parfois été remis en question. Sous la IIIe République, ce sont les parlementaires qui gouvernaient. Cependant, l'échec des républiques parlementaires en cas de crise a permis le retour de ce monarque, devenu républicain. J'avais personnellement pensé que l'effacement du rôle du président sous Chirac marquait une réelle modernisation, la France prenant enfin en compte l'idée que le pouvoir d'un seul, même élu, pouvait avoir un côté archaïque. Les difficultés du Parlement démontrent chaque jour le contraire. L'incompréhension des médias lorsqu'il se rebelle ajoute une caution morale au phénomène.

Sarkozy aura peut-être ce mérite, cher lecteur : faire prendre conscience à la France que l'existence d'un chef suprême à la tête de l' Etat, qui conduit seul la politique de la nation, a un côté désuet dont on pourrait se passer avec profit dans le futur.

mardi 21 octobre 2008

Quand le bâtiment va, tout va !

Aujourd'hui, cher lecteur, je dois te dire que j'ai éprouvé un moment de satisfaction intense. Lorsque je suis sorti de mon établissement scolaire dit difficile, remontant dans mon automobile, j'ai pu entendre la nouvelle suivante : Christine Boutin venait de subir un camouflet au Sénat, les retraités de la République retoquant l'un des articles de sa loi sur le logement visant à permettre aux communes d'inclure les logements en accession sociale à la propriété dans les 20% de la loi SRU.

Cet événement (il est quand même rare que le Parlement crache sur un ministre issu de la majorité) m'amène à te proposer quelques réflexions sur cette loi.

A l'époque, je faisais partie de ces gens plutôt sceptiques devant cette nouvelle tentative de réforme de Lionel Jospin. La loi SRU contenait plusieurs aspects, mais le plus médiatisé à l'époque fut cette mesure visant à imposer à toute commune de plus de 3 500 habitants de construire du logement social pour que 20% de son parc immobilier soit en social. Cette mesure visait les communes des grandes agglomérations françaises se refusant obstinément à en construire. Cette situation marque simplement la volonté toujours plus ségrégative des groupes sociaux les plus aisés de notre pays. Le processus est ancien, et il se poursuit malgré la loi.

Son principe était a priori très clair. Pourtant, j'étais sceptique car cette loi me semblait l'illustration même de la politique jospinienne : une mesure forte dans le principe mais tout à fait évitable dans les faits. D'abord, l'existence même de la loi reconnaissait que la gauche au pouvoir renonçait plus ou moins à ce que l'État investisse à nouveau massivement dans le logement, alors que les besoins commençaient à se faire sentir pour les plus pauvres à l'époque. Ensuite, elle ne réglait pas les problèmes des quartiers, puisque peu de choses étaient prévus pour ceux-ci, et elle n'empêchait pas les communes riches de concentrer ces 20% de logements quelque part à leur tour. Enfin, il était possible aux riches de la contourner en payant une contribution, ce que s'empressèrent de faire les communes bourgeoises de la région parisienne.

Comme sur les 35 heures, Jospin avait poussé en avant une loi molle qui ne pouvait changer radicalement la répartition spatiale des groupes sociaux dans notre pays et amener à une vraie mixité sociale. En plus, j'étais sûr que la droite allait s'empresser, une fois revenue au pouvoir, de la remettre en cause. Cette loi n'avait en effet rien de libéral, symbolisait l'interventionnisme de l'État sur les communes et imposait en plus aux riches de vivre avec des pauvres ou de payer pour l'éviter.

Et pourtant, il n'en fut rien. La loi existe toujours et le Sénat vient de réclamer qu'elle reste en l'état (mais rien n'est joué, le texte devant faire une nouvelle navette vers l'Assemblée nationale). Il est vrai que la loi étant déjouable, pourquoi s'en débarrasser, vu que tout le monde sait qu'elle ne marche pas ?

Il y a sans doute le contexte qui a joué. Il ne faut pas oublier que les sénateurs représentent les collectivités locales. Ils sont cependant aussi parlementaires, et ils ont pris en compte la situation nationale. Comment en effet justifier aux Français qu'on renonce au logement social alors que nous entrons dans une dépression économique grave et que les prix du crédit immobilier et des logements restent inaccessibles pour beaucoup ? Nous aurions été en croissance économique, les choses auraient sans doute été différentes. De plus, les Français ne savent pas que la loi ne sert pas à grand-chose, mais ils sont attachés au symbole : remettre cela en cause dans le contexte du jour ferait du plus mauvais effet.

Finalement, la loi SRU semble s'installer dans le paysage politique et historique français, encore plus que les autres lois de Jospin. Les 35 heures ne sont plus qu'un souvenir, la CMU est régulièrement accusée de tous les maux par les pseudo-penseurs de droite. La loi SRU tient le coup, envers et contre tous les membres de la majorité au pouvoir.

Dommage pour cette loi qui, finalement, n'a que peu d'impact sur la crise du logement et sur celle des quartiers difficiles de notre pays...

P.S. : aucun de mes blogs favoris ne parle de cette nouvelle, m'empêchant de faire même un seul lien... Si cela change, je le ferai, cher lecteur avide de lectures enrichissantes...

lundi 20 octobre 2008

Cohérence, pragmatisme, ouverture et dogmatisme.

Je vais, en cette belle soirée d'automne, te conter, cher lecteur, une petite aventure du blogueur tout à fait moyen que je suis. Hier matin, avant une magnifique manifestation qui a encore fait enrager les réactionnaires soi-disant blogueurs, je me suis levé un peu tôt et j'ai fait ma traditionnelle tournée de ma soixantaine de blogs favoris grâce à mon Netvibes. Comme souvent, j'ai regardé le blog de l'aimable Didier Goux, et j'ai trouvé ce billet. Pour une fois, le troll officiel de Nicolas a décidé de faire un compliment envers une autre blogueuse, avec des tournures dont il a le secret. Etonné qu'il en émette, j'ai immédiatement cliqué sur le lien en question.

J'ai donc dévoré le billet d'Intervecinus Raptus (IR) qui aborde la question du dogmatisme. Même si je n'adhère pas au côté violent du billet, je dois dire que je suis particulièrement touché par sa logique implacable. Dans ma pratique du blog, j'ai souvent eu le sentiment d'être face à des blogueurs totalement clos, défendant une position absolue, sans aucun moyen de pouvoir fendiller cette carapace. Souvent, j'ai éprouvé un sentiment d'exaspération terrible, en particulier envers les premiers blogueurs avec qui j'ai pu discuter, quel que soit leur attachement politique.

Et puis, à la toute fin de ce billet, je découvre un lien pointant vers un billet de LOmiG ! J'en suis presque tombé de ma chaise ! En effet, lorsque j'ai commencé à bloguer, LOmiG fut un de mes premiers contradicteurs, et le premier à m'avoir linké dans un billet assez dur d'ailleurs. Plusieurs fois, je l'ai traité de dogmatique, et j'ai même interrompu plusieurs discussions avec lui. Pourtant, avec le recul, je me dis qu'il est possible de partager avec des gens avec qui on a aucun point commun politique. A force de bloguer, j'ai appris beaucoup de choses sur mes adversaires politiques. Cela ne m'a pas forcément rapproché d'eux, mais je les saisis mieux. D'ailleurs, je souscris en partie à son billet linké, mais pas complètement. LOmiG discute la notion de pragmatisme en disant qu'une personne ne peut abandonner certains principes sur l'autel du pragmatisme. J'y souscris, tant que la réalité démontre que ce principe n'est pas nuisible à la société dans son ensemble : c'est là que se loge le dogmatisme, quand on s'accroche à une idée dangereuse (mais là encore, la notion de dangerosité d'une idée est toute relative, et finalement très dogmatique aussi).

Ce que je retire de ces lectures, c'est que je reste persuadé que nous sommes tous, plus ou moins, dogmatiques sur certains points. J'estime personnellement être assez ouvert à la discussion, même si j'ai abandonné le fol espoir de pouvoir convaincre tout le monde que je détiens la seule vraie vérité. Il y a pourtant des valeurs, des idées, des concepts auxquels je tiens par dessus tout, même si je suis prêt à les discuter, et que je ne lâcherai pas. Ils viennent de mon histoire, de mon éducation, de mon métier, de mes engagements, de mon milieu social, voire même peut-être encore d'ailleurs. Sur ces points-là, je suis quasiment dogmatique et je suis capable de m'affronter avec tous, même avec mes deux larrons d'Avec nos gueules... Mais au moins, cher lecteur, je le sais et j'en joue, voire même j'en surjoue parfois, rien que pour provoquer et susciter le débat avec ceux qui répondront forcément.

Alors, le billet d'IR fait du bien, et j'en conseille la lecture à tous ceux qui sont tombés sur ce type de personnage. Pourtant, on sera toujours le dogmatique de quelqu'un d'autre, et il faut aussi aborder nos adversaires avec une certaine humilité. C'est ce qui peut nous éviter de nous-mêmes devenir ce que nous détestons chez les autres, et qui peut ouvrir la voie à une réflexion politique saine, et là, réellement cohérente.

samedi 18 octobre 2008

Sésame, ouvre-toi !

Ce matin, nous remettions à nos joyeux anciens élèves diplômés leurs sésames : le baccalauréat.
En effet, cher lecteur, la remise du diplôme a changé. Autrefois, l'Éducation nationale faisait cela à la française. Tu recevais un vague courrier cartonné par la Poste, dans lequel se trouvait le papier salvateur. Qu'en as-tu fait, cher lecteur ? Moi, pas grand-chose. Je l'ai remisé dans un vague carton qui doit traîner dans ma cave, entre mon dernier carton de vin rouge et les boites occupées par les cours des années précédentes de ma conjointe. En fait, en y réfléchissant bien, je ne sais même pas où est mon bac.

Depuis deux ans, le système a changé. Voulant redonner un peu de sens aux choses, le gouvernement de droite a décidé d'une mesure salvatrice et qui a l'avantage de faire économiser à l'administration des milliers d'euros de frais de port. Dorénavant, les diplômes sont remis au lycée où l'élève se trouvait inscrit. Certains établissements envoient alors un courrier pour demander aux anciens élèves de se déplacer sur les heures ouvrables pour les récupérer.

Dans mon bahut dit "difficile", nous avons décidé de faire autrement. Une cérémonie de remise est organisée, qui réunit les édiles locaux, les anciens élèves, l'administration du lycée et les enseignants qui le souhaitent. Les élèves ont droit à quelques discours, puis le diplôme est solennellement remis. A la fin, le lycée offre un pot aux jeunes bacheliers.

Au départ, je dois t'admettre, cher lecteur, que je ne voyais pas bien ce que le gouvernement pouvait trouver à cette organisation, à part économiser des timbres. Après avoir assisté à deux cérémonies, je reste persuadé que cela ne change pas vraiment l'attachement de nos élèves à la France et au respect des lois.

Par contre, il y a un effet inattendu : nos anciens élèves repassent au lycée tous ensemble, viennent nous voir, nous racontent leurs premières expériences d'étudiant et, s'ils le souhaitent, nous marquent un peu d'affection.

Je dois te dire que je ne suis jamais retourné dans mon propre lycée après l'obtention de mon diplôme. Pour moi, le lycée avait été un calvaire total. Je n'ai pas vraiment été un adolescent épanoui et ma jeunesse a plutôt ressemblé à une survie qu'à une vie. Mon lycée était devenu un peu un symbole de ce mal-être, et y revenir était bien la dernière des idées que j'aurai eu à l'époque. D'ailleurs, je ne me sentais pas du tout proche de mes enseignants, des gens sans aucune capacité d'écoute et détachés de leurs élèves, et je n'avais pas vraiment envie de les revoir, à l'exception peut-être de mon prof d'histoire-géographie, homme admirable par les cours que j'ai eu la joie et le bonheur de suivre.

Il y a six ans, par un hasard étrange, j'ai été nommé dans un jury de bac qui siégeait dans cet établissement. J'y suis donc revenu, et rien n'avait changé, à part peut-être quelques peintures refaites. Intrigué, je me suis glissé dans la salle des profs et j'ai retrouvé quelques noms de personnes qui avaient été mes profs et qui étaient maintenant mes collègues. Je n'ai rencontré personne, mais je me suis dit, alors jeune enseignant moi-même, que j'aurai quand même pu venir dire un mot à ceux que j'aimais bien, mais à l'époque, je ne pouvais pas.

Ce matin, j'ai croisé quelques-uns de mes anciens élèves de l'an dernier, tout heureux de nous raconter leurs aventures dans le supérieur. Ces quelques échanges avec ces jeunes serrant leurs bacs dans les bras m'ont suffi à me satisfaire du travail effectué. Je sais d'expérience que nous avons une part infime de responsabilité dans la réussite de ces jeunes, qu'il y a tout un contexte qui entre en jeu et qu'ils sont les seuls acteurs de leur succès. Moi-même, je n'aurai jamais reconnu à un seul de mes profs de lycée une toute petite part dans mes réussites scolaires. Mais là, ces quelques échanges m'ont largement suffi, et fait du bien. Je suis regonflé à nouveau, et prêt à manifester demain.

Finalement, cher lecteur, voici un exemple de mesure gouvernementale qui, réapproprié par un lycée, a permis peut-être de consolider un lien entre ces jeunes et leur école. Par contre, pour la belle image de la nation triomphante, je crois qu'il y a encore beaucoup à faire...

vendredi 17 octobre 2008

Le 19 octobre, la France est dans la rue pour défendre l'éducation.

Il va se dérouler, cher lecteur, une petite scène assez inhabituelle ce dimanche. A l'appel d'une cinquantaine d'organisations (syndicats, associations de parents, syndicats lycéens, associations professionnelles, syndicats étudiants), les Français sont appelés à manifester pour dénoncer l'abandon dont souffre aujourd'hui l'école publique. En effet, le gouvernement, dans son budget 2009, annonce la suppression de 13 500 postes supplémentaires, et toute une série de réformes qui remettent en cause le fonctionnement de notre administration.

Parmi ces réformes annoncées, celle qui angoisse le plus les enseignants est la réforme des lycées. Darcos a engagé des discussions avec les grands syndicats de l'Éducation nationale qui ont abouti à un grand vide. D'un autre côté, des fuites régulières ont été orchestrées dans la presse, le Journal du Dimanche ayant annoncé il y a deux semaines une réforme totalement délirante, loin de ce que le représentant du ministre, Jean-Paul de Gaudemar, recteur d'Aix-Marseille, avait expliqué aux représentants syndicaux. Dans cette réforme, se trouve contenue une remise en cause du baccalauréat comme diplôme commun, national et anonyme, comme à chaque fois qu'un gouvernement de droite essaie de réformer le système secondaire. Darcos vient d'annoncer que l'annonce de la réforme réelle se fera la semaine prochaine.

En attendant, le ministère continue de supprimer des postes régulièrement, pour économiser des miettes. Au total, cette suppression réduit les dépenses de l'État de 750 millions d'euros, soit moins d'un milliard d'euros. Il faut comparer cela aux 40 milliards qui viennent d'être injectés dans les banques. On va me dire qu'on récupérera cette argent plus tard. Je te propose donc juste de relier ce chiffre aux 15 milliards de la loi TEPA par exemple ou au déficit de l'État ou de la Sécurité Sociale. Alors que cette loi n'a eu aucun impact sur l'économie, je reste persuadé que ces 750 millions d'euros auraient une utilité bien plus grande dans l'Éducation nationale.


Cette manifestation fait suite à un mouvement de grève le 7 octobre des enseignants qui avait mobilisé 30% des profs du secondaire sur les mêmes revendications. Hier, les profs du primaire de Paris ont fait grève pour protester contre l'application bête et méchante des réformes.


Pourquoi manifester un dimanche, cher lecteur ? Il y a, à mon avis, trois raisons principales :
  • Il s'agit d'abord de permettre à l'ensemble des provinciaux de monter à Paris plus facilement. Il s'agit d'une manifestation nationale.
  • Il s'agit ensuite de mobiliser des enseignants qui se refusent à faire grève, mais aussi de montrer à la population que nous ne manifestons pas uniquement pour sécher nos cours.
  • Il s'agit enfin de permettre à l'ensemble des Français qui ne travaillent pas encore le dimanche (avant que la réforme du droit du travail passe) de venir soutenir l'Éducation nationale et défendre une vision égalitaire et républicaine de l'école.

Je suppose qu'il y aura encore quelques libéraux pour venir me dire que je vais l'empêcher de se balader tranquillement dans Paris dimanche après-midi. Tant pis pour eux !

Alors, cher lecteur, si tu veux venir nous soutenir et rencontrer les gens qui travaillent dans l'Éducation, ceux qui y sont éduqués et leurs parents, discuter avec nous, échanger et comprendre ce qui se passe chez nous, ou si tu es un habitant de province par hasard à Paris, rendez-vous à partir de 13h30 à Paris, Place d'Italie, pour une manifestation nationale qui s'étendra jusqu'à Bastille.

Et si tu penses que nous manifestons sans aucune bonne raison et que nous avons tort, viens quand même discuter avec nous. Même si tu ne changes pas d'avis, tu pourras au moins y apprendre des choses.

jeudi 16 octobre 2008

Quelques réflexions sur les évolutions de l'histoire coloniale.

Lors de mon séjour à Blois, j'ai assisté à plusieurs conférences réellement intéressantes. Certaines étaient bien trop spécialisées pour que j'en tire un quelconque article pour ce blog. Par contre, vu le sujet que j'ai abordé hier soir et qui a beaucoup rebondi ces dernières heures, il y en a une qui va sans doute t'intéresser.
La conférence portait le titre suivant : "la part coloniale de l'histoire européenne." Le lien avec l'Europe a été fait car c'était le thème des Rendez-Vous de l'Histoire 2008. Personnellement, j'ai été attiré parce que j'ai fait ma maîtrise en histoire coloniale, ce qui peut expliquer, cher lecteur, que je m'emballe un peu facilement sur ce sujet-là. En plus, l'affiche était belle. Cinq étoiles de l'histoire coloniale se pressait sur la tribune : C. Coquery, M. Cattias, A. Forest, J. Vogel et surtout B. Stora, spécialiste de la guerre d'Algérie.
Je ne vais pas te faire un résumé complet mais je voudrai, cher lecteur intéressé par l'histoire, te soumettre trois idées que les historiens semblent considérer comme fondamentales pour poursuivre la réflexion sur la colonisation :
  1. "A un moment où l'Europe n'existait pas encore pour les Européens, au XVIe siècle, l'esclavage a été la première occasion de consensus entre les États européens. Ceux-ci se sont cependant affrontés pour se partager les bénéfices de la traite, dans plusieurs conflits comme la guerre de succession d'Espagne (1701-1713)", par M. Cattias.
  2. "Il est aujourd'hui totalement inconcevable de comprendre les raisons de la croissance européenne depuis le XVIe siècle sans prendre en compte l'existence des empires coloniaux. Le rôle des empires durant les conflits mondiaux en est une preuve flagrante" par Benjamin Stora.
  3. "Aujourd'hui, l'histoire coloniale est revenue sur le devant de la scène à cause de l'arrivée massive d'immigrants en France et en Europe. Elle est marquée par la nécessité de donner des réponses, par ses problématiques, aux questions du présent" par A. Forest.

Le point 3 me touche particulièrement, moi qui bosse dans un lycée dit difficile où les descendants des anciens colonisés sont nombreux.

Par contre, le point 2 m'intéresse, car il me semble correspondre exactement à la situation des programmes actuels d'histoire. L'historien, cher lecteur, est un homme libre, quoique bien sûr influencé par son temps. Le professeur d'histoire-géographie du secondaire, lui, doit répondre au programme que le politique a mis en place. Ce programme, grâce aux progrès de la démocratie, est maintenant un savant équilibre entre les résultats de la recherche historique, les besoins supposés des futurs citoyens et quelques considérations politiques non-négligeables.

La colonisation est abordée en première ES et L durant le premier tiers de l'année. Bizarrement, et en contradiction avec l'affirmation 2, elle est détachée du tout premier cours de l'année sur la croissance de l'Europe entre 1850 et 1939. Cette croissance, ainsi présentée, semble causée par les résultats des évolutions de la recherche, et la colonisation en est une conséquence et un débouché éventuel pour les produits européens. La décolonisation est vue en terminale, dans le chapitre sur la guerre froide.

En terminale S, le phénomène est encore plus marqué. Alors qu'on travaille sur la puissance de l'Europe au XIXe siècle en première, la colonisation dans son ensemble est étudiée en terminale, complètement séparée de la période où elle est pourtant primordiale.

Dans ces choix, il y a sûrement des arrières-pensées. Lesquelles ? Je te laisse, cher lecteur, te poser ces questions...

mercredi 15 octobre 2008

Ah, la Marseillaise sifflée réveille encore le syndrôme colonial...

Depuis hier soir, les sifflets contre la Marseillaise chantée par Lâam occupe largement la blogosphère de droite, qui exprime son mécontentement. Les blogueurs de gauche sont plus passionnés par la crise financière, mais se laissent quand même tenter. Mon camarade Manuel est tombé dans le piège de ce sujet d'actualité qui n'a dans le fond aucune importance réelle. La preuve de cette affirmation : le gouvernement s'est immédiatement saisi de l'événement et a annoncé des mesures débiles comme d'habitude. Voilà que maintenant, les stades devront être vidés si des sifflets sont entendus durant un hymne. J'espère que le ministère de l'intérieur prévoira des cars bien remplis de CRS lorsqu'il faudra vider 20 000 jeunes du 93 du Stade de France.

Parmi ces billets, j'ai découvert aujourd'hui celui de Criticus. Tu as déjà pu voir que nous avions avec ce blogueur, membre du politburo du réseau LHC, de nombreux désaccords. Encore aujourd'hui, je ne partage pas son indignation ni son inquiétude sur l'éventuel décès de la nation française.

Mais il y a une phrase qui m'a fait sursauter. Je te la livre ici : "Ni le Maroc, ni la Tunisie, n'ont été colonisés au sens strict."



Avec cette citation, pour te la remettre dans son contexte, Criticus s'étonnait du contentieux qui semblait occuper l'esprit des jeunes d'origine marocaine et tunisienne à l'égard de la France, se référant aux deux derniers matchs joués par la France contre ces deux équipes à Saint-Denis. Son argument central était que ces deux pays n'avaient pas été colonisés à la même échelle que l'Algérie.




D'une certaine manière, Criticus n'a pas complètement tort. Conquise entre 1830 et 1847, l'Algérie a subi une véritable mise en coupe réglée. Le gouvernement français a détruit les institutions locales, puis a mis en place une organisation ressemblant comme deux gouttes d'eau à l'administration métropolitaine. Près d'un million d'Européens sont venus s'installer sur place et ont vécu avec des droits de citoyens, alors que les indigènes n'en avaient pas. L'Algérie a été exploitée au plan agricole, industrielle et pour permettre l'influence de la France dans le monde.




Les deux autres territoires n'ont pas connu la même histoire. La Tunisie a été conquise à la fin des années 1880, et le Maroc en 1911 après une confrontation avec nos amis allemands. Dans ces deux cas, la France a mis en place des protectorats qui ont maintenu vivant les institutions présentes précédemment (le roi du Maroc descend de la famille régnant avant la colonisation). Les colons ont été peu nombreux dans ces deux cas, et l'exploitation moins intense. Ils servaient surtout à sécuriser l'Algérie et à permettre à la France de s'appuyer pour contrôler la Méditerranée.




Crois-tu pourtant, cher lecteur, que les Marocains et les Tunisiens ont mieux supporté la colonisation ? Comme les Algériens, les Indochinois, les Malgaches et les autres, les habitants de ces deux royaumes ont connu l'occupation, l'oppression et l'exploitation. Si on suivait ce raisonnement, on pourrait imaginer que ces deux territoires n'avaient pas vraiment de raison de se révolter contre nous. Pourtant, le Maroc a connu une grande révolte en 1925 qui a amené à l'une des plus sanglantes répressions de l'époque coloniale, la Guerre du Rif, menée d'une main de maître par le maréchal Pétain. De même, les Tunisiens et les Marocains ont lutté pour leurs indépendances : ils n'ont pas eu besoin de faire de guerres car la France a privilégié le sauvetage de l'Algérie, et a choisi de laisser filer.




Affirmer que les Marocains et les Tunisiens n'ont donc pas à être marqués par leur passé colonial est donc une affirmation grave, qui est pour moi teinté d'un esprit colonial, l'auteur semblant considérer que c'est encore à nous de décider qui des indigènes a des reproches à nous faire et qui n'en a pas. Quelle incroyable arrogance, cher Criticus, et je m'étonne que tu avances ce type d'arguments alors que tu montres tout de même souvent une certaine modération.




Je laisse à l'auteur la possibilité de me répondre, bien évidemment. Je suis sûr qu'il le fera. Cependant, sur cette question, habituel champ de débat entre gauche et droite, il y a aussi une analyse historique sur lequel, cher lecteur, je ne céderai rien.

Comment les néolibéraux répondent à la crise...

Va, cher lecteur, lire ce billet sur la Pire Racaille. Voilà ce qui nous attend du côté des néolibéraux ces prochains jours...

Charlatan Crépusculaire is back !

Avis au peuple : Charlatan Crépusculaire, l'un de mes plus fidèles commentateurs, a publié un billet !

Il ne l'avait plus fait depuis mi-septembre... Alors, allez le lire.

mardi 14 octobre 2008

Remarques sur l'abstention du PS au Parlement.

Aujourd'hui, le premier ministre a une nouvelle fois appelé à l'unité nationale devant la crise. Contrairement à son attente, l'Assemblée nationale va apparemment se diviser sur le plan Sarkozy pour sauver les banques.

Je voudrai revenir, cher lecteur, sur le terme d'Unité nationale. Ce vocabulaire-là n'est pas du tout innocent. Il date de la Première Guerre Mondiale. Au début du conflit, l'ensemble des partis politiques se réunirent pour former un gouvernement pour enfin régler leurs comptes aux infâmes Prussiens qui nous avaient scandaleusement dérobé l'Alsace-Lorraine. C'est à ce moment-là qu'un socialiste entra au gouvernement pour la première fois, Albert Thomas. Cette alliance tint bon jusqu'en 1917. L'Unité nationale est donc une tradition lorsque la patrie est menacée. Est-ce le cas ? La réponse est non.

François Fillon a sorti ce vocable dès le début de la débâcle boursière. Y avait-il un précédent économique ? La réponse est encore non. Bien au contraire, en 1929, la droite et la gauche française se sont royalement affrontées. La gauche est finalement parvenue à accéder au pouvoir en 1936. Il en fut de même dans les années 1970, la gauche du programme commun affrontant l'alliance centro-gaulliste. En France, la question économique n'a jamais fait l'objet d'un consensus quelconque, contrairement à ce qui peut se passer dans d'autres pays de notre beau monde développé.

Dès le début du mandat du petit président, les mouvements de gauche ont dénoncé l'inefficacité de la politique sarkozyste, celui-ci poursuivant la libéralisation tout en accroissant le poids du travail sur les salariés, coulant les finances publiques pour faire des cadeaux fiscaux aux plus aisés sans résultat économique avéré, gesticulant plus qu'agissant. Cette faiblesse des leaders de droite est une constante depuis les années 1980 dans le domaine économique.

Le vote par la gauche de ce sauvetage des banques n'est en rien une nécessité. Tout le monde sait qu'il faut financer le système bancaire pour éviter de ruiner les citoyens qui y ont mis leurs économies. D'ailleurs, le PS va s'abstenir et le PCF voter contre, mais vu le nombre de députés, cela n'empêchera pas le vote de la loi. Ce qui est plus scandaleux, c'est que le gouvernement tente de se refaire une légitimité sur ce sauvetage de l'économie alors qu'il a lui-même aggravé la crise, qu'il a refusé de voir venir, en sapant les moyens d'intervention de l'État.

Alors, cher lecteur, non seulement je soutiens les parlementaires de gauche dans leurs choix, mais je les appelle aussi à déposer une motion de censure. La crise était annoncée par certains économistes depuis au moins deux ans (je pense à Bernard Maris, à Pierre Larrouturou, à Joseph Stiglitz) mais ce gouvernement a refusé d'écouter les avertissements. A cause de cela, il mérite d'être mis à la porte.

Cher lecteur, répercute cet appel sur les autres blogs et sur les sites de journaux, et demande que le PS, le PCF et les Verts déposent une motion de censure. Pas question d'Unité Nationale avec une majorité d'irresponsables !

dimanche 12 octobre 2008

Deux questions politiques qui préoccupaient les historiens ce week-end.

Comme je te l'indiquais dans mon billet précédent, pendant que certains blogueurs se prélassent devant des films et que d'autres lisent des blogs de concurrentes, j'ai eu la chance d'aller passer quelques jours à Blois pour assister aux Rendez-vous de l'Histoire 2008.


Cette réunion est une création de Jack Lang, maire de Blois de l'époque, en 1997. Son objectif officiel était de réunir dans un même endroit des historiens reconnus pour leur permettre de s'adresser à un large public avec un système de conférences gratuites. Évidemment, Jack cherchait sans doute aussi à se faire mousser un peu et il était d'ailleurs présent durant l'une des conférences du week-end.

C'était la première fois que je me rendais là. Étudiant, je ne voyais pas l'intérêt d'aller à un endroit où j'allais réentendre les mêmes professeurs que j'écoutais chaque jour en cours ou que je lisais. Devenu professeur, je ne pouvais m'y rendre aisément, vu que l'ancien maire de Blois (Jack Lang, si tu as suivi) avait eu la bonne idée de placer cette manifestation en période scolaire, empêchant les enseignants, qui sont pourtant très souvent en vacances, de s'y rendre aisément.


Je m'attendais un peu à trouver une manifestation poussiéreuse (c'est mon image des historiens) avec le gratin universitaire venu se montrer et un public clairsemé. Je me consolais en me disant qu'il y avait peut-être une chance que certains des collègues avec qui je devais être en stage soient sympathiques. Ce fut d'ailleurs le cas, et nous avons ensemble dégusté les nombreux petits vins du pays blésois et tourangeau, et en particulier la bernache, juste arrivée, et le Oisly, un sauvignon très agréable en fin de soirée.

Ce fut bien la seule chose que j'avais prévue. Le reste fut tout différent : une foule incroyable se pressait dans toutes les conférences, mais aussi au salon du livre d'histoire organisé à la Halle aux grains de Blois. Je me suis même fait refuser de deux conférences ! En plus, la ville grouillait de profs d'histoire-géographie du secondaire, car l'académie d'Orléans-Tours autorisait les profs de la zone à venir sur place : impossible de boire un verre sans entendre parler de copies et d'élèves autour de moi ! Le grand public était là aussi, certes plus attiré par les stars venues se montrer que par les historiens peu connus, mais toujours diffus dans la ville. Je retiens d'ailleurs une image assez amusante du salon du livre : voir Jean-Louis Debré, venu dédicacer son dernier livre, Les oubliés de la République, attendre une bonne dizaine de minutes à son stand que quelqu'un lui tende nonchalamment son ouvrage. N'est pas historien qui veut !

Malgré l'ambiance studieuse, ça parlait politique souvent durant ce salon, et sur deux sujets différents :



  • Première préoccupation de mes collègues : la crise financière que nous vivons est-elle une rupture historique ? Durant les tables rondes mais aussi dans les cafés et les restaurants autour, j'ai pu entendre une multitude de comparaison menée par des spécialistes. En laissant traîner mes oreilles, j'ai pu comprendre que les historiens économiques semblent d'accord pour dire que la structure de cette crise est unique et qu'elle ne ressemble pas du tout à la crise de 1929 souvent évoquée par la presse. Certains historiens sont déjà prêts à travailler dessus. En tout cas, vu la passion des collègues, si la rupture n'est peut-être pas réelle (il est trop tôt pour le dire), elle marque largement les esprits.

  • Cependant, ce sujet occupait moins les tablées que la rumeur courant depuis quelques jours dans le milieu de la sortie de l'histoire-géographie des matières obligatoires au lycée et de la séparation de l'histoire et de la géographie. D'ailleurs, Xavier Darcos, qui devait passer, a finalement annulé sa venue et a laissé un inspecteur général se faire huer à sa place au moment de l'inauguration officielle le vendredi matin. La rumeur a finalement été démentie, mais le projet de réforme du lycée reste toujours très flou. Dès que le ministère aura enfin annoncé un projet stable, je t'en ferai bien sûr quelques billets.


En tout cas, cher lecteur, j'ai écouté quelques conférences qui peuvent avoir des consonances politiques, et je t'en parlerai bientôt, si l'actualité m'en laisse le temps.

En rentrant, j'ai découvert près d'une centaine de billets dans mon Netvibes. J'ai pu voir que LOmiG fêtait son anniversaire, mais je ne te cacherai pas que celui qui m'a fait le plus rire est celui-là. Il m'en reste encore 80 à lire. Au travail !!!

P.S. : source de l'image.

jeudi 9 octobre 2008

Mise en vacances du blog : les Rendez-vous de l'histoire de Blois.

Cher lecteur,

Je serai inactif durant quatre jours. En effet, j'ai eu la joie d'obtenir un stage pour aller me réactualiser en histoire aux Rendez-vous de l'Histoire de Blois. Je vais donc aller écouter de nombreux historiens sur des thèmes d'actualité, principalement l'Europe et mai 1968, dont les problématiques historiques sont en train d'être refondées.

Si je vois une conférence et/ou un historien qui méritent vraiment le détour et qui apportent quelque chose au plan politique, je t'en ferai quelques billets à mon retour.

En attendant, tu peux aller lire la réaction à un de mes derniers billets de Marie-Georges Profonde. Tu peux aussi aller engueuler Penthièvre sur le blog de LOmiG qui réclame l'abandon de l'ISF. Tu peux enfin continuer à lire mes deux compères sur Avec nos gueules...

A dimanche !

mercredi 8 octobre 2008

Jean Ziegler sur France Inter le 8 octobre.

L'avantage quand je me déplace entre différents lieux pour le travail dans la journée, c'est que j'ai l'occasion d'écouter la radio dans ma voiture. Au moins, je détruis la ressource mondiale et l'environnement en me cultivant. Souvent, je suis sur le service public, et majoritairement sur France Inter.

Aujourd'hui, en retournant vers mon lycée, je suis tombé sur l'émission Là-bas si j'y suis. Lorsque j'étais étudiant et jeune gauchiste, j'étais un inconditionnel de Daniel Mermet. Maintenant, je travaille en général à cette heure-là, et je suis parfois en désaccord avec certaines de ses positions.

Cependant, là, l'invité était Jean Ziegler, qui publie un nouveau livre sur les rapports Nord-Sud, la haine de l'Occident. C'est clair, c'est intelligent, c'est un discours d'un homme engagé mais rationnel. Je te conseille vraiment, cher lecteur, d'écouter cette émission, surtout si tu fais partie de ces gens qui considèrent que l'Occident est la seule civilisation qui peut encore servir de modèle universel.

Et Pascal Lamy s'imagina sauvant le monde de la débâcle financière...

Hier matin, Pascal Lamy, secrétaire général de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) était sur France Inter. L'objectif était de voir comment le chef de l'une des organisations mondiales taxées de néo-libéralisme réagissait à la débâcle générale des bourses ces derniers jours. L'ami Lamy a cependant été très clair, annonçant des choses qui m'ont beaucoup surpris : tout d'abord que l'OMC n'existait que pour réguler le commerce, qu'elle n'avait aucun intérêt à discuter qui intervenait sur les marchés et dans les échanges (entreprises publics ou privées !!!), et que l'OMC pouvait apporter une voie très positive aux évolutions en cours en stabilisant l'économie réelle.

Lamy s'est lancé dans un comparatif avec la crise de 1929. Voilà l'analyse du grand homme : la crise qui s'est déclenchée en 1929 était financière mais a provoqué un repli quasi-immédiat des États sur eux-mêmes. Ce protectionnisme croissant aurait entraîné la seconde guerre mondiale. Cette analyse ne manque pas d'une certaine forme de réalité, mais il faut la contextualiser. En effet, la crise de 1929 est très différente de la crise actuelle. Elle fut une crise financière au début, liée à une surévaluation des bénéfices futurs des entreprises de l'économie réelle par les financiers et les spéculateurs. Les grandes entreprises avaient surdimensionné leurs investissements productifs, alors qu'à la fin des années 1920, les marchés étaient saturés dans les pays riches, les colonies n'ayant pas les moyens d'acheter. En quelques jours, les financiers se sont effondrés, suivis par l'économie réelle. Aujourd'hui, nous sommes plutôt dans une économie qui commence à manquer de ressources et qui va avoir, avec la croissance des pays du Sud, besoin d'une production beaucoup plus forte. La crise d'aujourd'hui, très liée à la finance et à ses montages délirants, risque de freiner le développement des pays du Sud et de gêner la croissance. Processus totalement différent, donc...

Mais poursuivons l'argumentaire Lamy. D'après lui, l'ennemi est le protectionnisme, qui suscite des envies et des frustrations entre les États. L'existence de l'OMC, qui lie de nombreux pays, empêche le retour de cette hydre malfaisante. Le commerce restera donc au moins aussi ouvert qu'aujourd'hui et va empêcher le retour de bâton protectionniste qui pourrait apparaître.

En l'occurence, je pense que Lamy fait l'erreur classique des libéraux, qui tendent toujours à mettre en avant l'économique sur le politique dans les motivations humaines. Il faut en effet se rappeler que le mouvement de libre-échange actuel est né d'une volonté profondément politique exprimée dans la Charte de l'Atlantique et réalisée par les accords de Bretton Woods (1944). L'idée était que le commerce permettrait aux États de développer des relations amicales qui ne se distendraient plus. De plus, rendre la planète interdépendante aurait dû obliger tout le monde à une meilleure composition.

Mais tout cela reste lié au politique. Si les peuples, les États ou les ensembles régionaux décident de se renfermer sur eux-mêmes, l'OMC ne pourra rien faire. Pour nous, les États restent encore largement le cadre de référence, et on comprendra qu'un pays envoie paître l'OMC si besoin, mais pas l'inverse. De plus, elle n'a pas de réels moyens coercitifs envers les grands pays. Le commerce n'est donc que le symbole d'une volonté politique, qui peut changer à tout instant en fonction du contexte.

Désolé, M. Lamy, que vous fassiez preuve d'un tel angélisme, mais je vous donne au moins le crédit de vouloir être optimiste.

Correctif important au classement wikio

Cher lecteur,

Je voulais signaler que j'ai fait une erreur importante dans mon
dernier billet concernant les classements wikio. J'ai démontré ainsi qu'en lisant trop vite, on fait des bêtises, et je le redirai encore à mes élèves.

Je vous ai donné le classement général de nos deux blogs. En vérité :
  • Mon blog est classé 630e du classement divers, mais je devrai dès le mois prochain être remis dans la catégorie politique.
  • Avec nos gueules... est 389e du classement politique.

Et voilà donc, chers lecteurs, les choses justes remises à leurs justes places.

lundi 6 octobre 2008

Le 7 octobre, une nouvelle grève des profs...

Cher lecteur, ce soir, je devrai être en pleine forme. En effet, je viens de rentrer dans le classement Wikio. Eh oui, c'est un fait avéré : j'occupe désormais la ... 1352e place du classement divers !!! Et, je te rassure, avec mes camarades d'Avec nos gueules..., nous trustons littéralement la ... 5711e place du classement politique. Bon, je sais, cher lecteur, on ne bosse pas depuis très longtemps, et il va nous falloir un travail long et douloureux pour parvenir à nous hisser vers le haut de la blogosphère. En plus, l'accession à la tête du classement de Nicolas et la montée de nombreux blogs que j'aime beaucoup m'ont vraiment fait plaisir.

Et pourtant, cher lecteur, je suis d'humeur maussade. En effet, demain, je vais encore perdre 76 € et quelques centimes. Ai-je joué aux courses ? Ai-je fait des paris sur les résultats de France-Tunisie ? Il n'en est rien. Demain, à l'appel du SNES-FSU et de la CGT-Educ'action, je serai en grève.

Ah, j'attends évidemment tous mes commentateurs libéraux qui vont venir, avec leurs gros sabots, me dire que je suis un sale privilégié, que je remets en cause le service public, que je ne pense pas à mes élèves qui se lamentent de ne pas pouvoir jouir du savoir. Je vois venir Manuel, mon compère, qui va me dire que dans ce contexte de crise financière, ce n'est vraiment pas le moment. Je les vois tous approcher de moi et exiger que je retourne au travail.

Je ne sais pas combien de jours de grève j'ai pu faire dans ma carrière de prof. En tout cas, une chose est sûre : je n'ai jamais participé à un conflit victorieux. En 2001, j'ai commencé à bosser. A ce moment-là, l'Éducation nationale était calme : Jack Lang ne faisait rien pour faire évoluer le système. Puis, dans un contexte dramatique, la droite est revenue au pouvoir, et depuis, les dépenses et les investissements dans l'Éducation n'ont cessé de se réduire. Chaque année depuis 2002, nos syndicats nous font descendre dans la rue au moment de la discussion sur le budget, attirant pas mal d'enseignants sur la question des salaires, mais sans aucun relais dans la population. Jusqu'en 2007, les luttes étaient plutôt molles, malgré les discours des libéraux qui affirmaient que nous étions d'infâmes privilégiés qui profitions honteusement de statuts d'un autre âge (celui de la libération en fait, honteuse période d'interventionnisme massif de l'État dans la vie de la nation, tu sais, l'époque où la croissance était à 5%).

Et puis, Sarkozy est arrivé au pouvoir. Bizarrement, la moitié des enseignants ont voté pour lui, parce qu'il promettait un véritable investissement dans l'Éducation et une revalorisation du statut des enseignants. Mes collègues ont péché par excès d'optimisme, pensant avant tout à un éventuel intérêt propre plus qu'à la logique de notre pays et de l'éducation de nos enfants : que n'ai-je entendu souvent mes collègues se féliciter de la mesure sur les emprunts immobiliers.

Nous avons vite déchanté. Certes, sous Darcos, l'école n'a que peu bougé, mais depuis 2007, nous sentons la pénurie. Aujourd'hui, sur mon académie, il n'y a plus de remplaçants dans une dizaine de disciplines. Nous savons qu'il suffit d'un arrêt-maladie longue durée pour que le lycée se retrouve dans un désordre pas possible. A la rentrée 2009, 13 500 postes vont disparaître, et nous savons tous que le système est au bord de l'explosion.

L'an dernier, il n'y a pas eu de mouvement massif d'enseignants. Certes, les lycéens se sont un peu bougés là où des postes disparaissaient, mais contrairement à l'imagerie populaire, les profs n'ont pas vraiment suivi. Nous étions persuadés que la population, soumise à la même austérité que les années précédentes, ne nous soutiendrait pas, et que le message que l'Éducation n'était plus une priorité était admis par la majorité. Certes, environ 4 000 postes ont été sauvés l'an dernier, dans les bahuts où les parents et les élèves se sont mobilisés, mais l'ambiance est morose.
En ce début d'année scolaire, les annonces se poursuivent, plus sombres les unes les autres. Hier, on annonce dans le primaire la suppression des Réseaux d'Aide et de Soutien aux Élèves en Difficulté (RASED), 3 000 profs spécialisés dans l'aide aux élèves très difficiles dans le primaire, qui vont être remis devant des classes classiques, alors que l'État avait fait des dépenses massives pour les former, et qu'on demande à des profs non compétents de faire du soutien dans toutes les classes. De plus en plus, on est dans l'incohérence et dans le non-sens.

Dans cette morosité éducative, la grève de demain s'annonce peu suivie, sauf peut-être dans les zones les plus difficiles. J'ai bien failli ne pas la faire, me disant que la lutte était perdue et que je ferai mieux de garder mes 76 €.

Et puis, la crise financière a commencé, et là, j'ai vu que notre pays venait d'accepter, avec la bénédiction de tous, de mettre 22 milliards d'euros pour les PME et 3 milliards dans Dexia, pour réparer les conneries des élites, soutenus par les mêmes libéraux qui vont remplir ce blog de commentaires haineux, en deux jours ! Alors que nos mêmes élites nous disent qu'il n'y a plus de pognon pour éduquer les gosses ! Franchement, cher lecteur, cette moralité, cette idéologie sont à gerber.

Alors, regonflé à bloc, je vais me lancer à nouveau en grève, et je défilerai demain. Je perdrai mes 76 €, mais je vais au moins avoir le sentiment de me battre pour une idée, pour un modèle, pour un espoir, pour un progrès. Pour l'école publique, que j'aime et qui vaut le coup qu'on se batte pour elle, malgré tous ses défauts que je dénonce régulièrement ici.

De toute façon, j'aime les manifs, on a l'impression d'être vivant. Cela ne sert peut-être à rien, mais ça fait du bien !

Si tu veux venir manifester avec les profs, qui se joindront ensuite au cortège de tous les salariés qui manifestent à l'appel de la CIS pour le travail décent, le rendez-vous est à 14h00 au métro Sèvres-Babylone à Paris, et partout en France. Continuons à affirmer nos idées, les amis, et battons-nous.