Je sais qu'il se passe des choses bien plus graves dans le monde, mais hier, cher lecteur, je te faisais un billet qui concernait la loi SRU, et je me félicitais de la défaite de Christine Boutin sur ce point, malgré le côté assez symbolique de l'événement. Dans la nuit qui a suivi, les sénateurs ont failli récidiver en manquant de peu de refuser l'ensemble du projet de loi. Ce matin, autant la presse écrite que les radios se gargarisaient de l'incroyable audace des sénateurs. Ceux-ci sont pourtant bien protégés par un statut quasiment intouchable : le Sénat ne peut être dissous, il ne peut être réformé sans son propre accord, il est quasiment hors de contrôle.
Au même moment, la commission des finances de l'Assemblée nationale insérait dans le projet de loi budgétaire pour 2009 quelques éléments qui vont à l'encontre des volontés gouvernementales. Ainsi, la prime transport se voyait remise en question, de même que le cumul des niches fiscales et du bouclier ci-devant fiscal. Là encore, les médias jouaient les vierges effarouchées et criaient à la crise opposant le gouvernement affaibli et les deux majorités parlementaires.
Il est sans doute fondé de penser que les majorités des chambres adoptent ces comportements à cause du contexte économique et politique. Malgré les moulinets du président de la République, les difficultés du gouvernement sont réelles, et cela se voit. Je le sais dans mon domaine : les reculades de Darcos sur la réforme des lycées après une seule manifestation, certes importante, l'illustrent. Sur le primaire, il n'avait pas hésité comme cela. Les parlementaires marquent ainsi leur agacement au gouvernement et prépare d'ores et déjà les futures élections législatives. Ils pourront dire aux électeurs qu'ils n'ont pas été les moutons de ce gouvernement impopulaire.
Pourtant, les réactions des médias m'agacent. Dans une démocratie moderne, le fait que le Parlement soit parfois en désaccord avec le gouvernement n'est pas une mauvaise chose. On est plus à l'époque du Général, où un simple vote "contre" pouvait menacer le mandat des parlementaires. En cas de grave crise, l'Assemblée peut toujours renverser le gouvernement, et le président dissoudre l'Assemblée. L'échec de Chirac en 1997 lors des législatives anticipées garantit d'ailleurs que cette procédure ne sera plus utilisée qu'en cas de nécessité.
Les médias, pourtant, continuent à promouvoir l'idée, pourtant dépassée, que le Parlement devrait normalement voter sans discuter les propositions du gouvernement. Ils marquent ainsi le maintien dans notre pays de l'image d'un chef suprême qui gouverne en écrasant tout sur son passage. Ce leader, qui rappelle le roi du passé, a pourtant parfois été remis en question. Sous la IIIe République, ce sont les parlementaires qui gouvernaient. Cependant, l'échec des républiques parlementaires en cas de crise a permis le retour de ce monarque, devenu républicain. J'avais personnellement pensé que l'effacement du rôle du président sous Chirac marquait une réelle modernisation, la France prenant enfin en compte l'idée que le pouvoir d'un seul, même élu, pouvait avoir un côté archaïque. Les difficultés du Parlement démontrent chaque jour le contraire. L'incompréhension des médias lorsqu'il se rebelle ajoute une caution morale au phénomène.
Sarkozy aura peut-être ce mérite, cher lecteur : faire prendre conscience à la France que l'existence d'un chef suprême à la tête de l' Etat, qui conduit seul la politique de la nation, a un côté désuet dont on pourrait se passer avec profit dans le futur.
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