Je suis en train de dicter quelques phrases de cours, lorsque je me penche dans sur le cahier d'une élève : « attention, Mademoiselle, si vous ne mettez pas une cédille à votre c, vous allez obtenir le son q ici et changer le sens du mot. »
Et là, tollé général ! Un garçon de la classe m'interpelle : « Eh, Monsieur, vous venez de faire une grosse erreur, là.
- Ah bon ? Laquelle ?
- Ben, on ne dit pas cédille, mais cécédille ! (désolé, je n'écris pas en phonétique.)
- Euh, non, on ne dit pas « cécédille », on parle d'une cédille. Vous savez, c'est le petit signe que l'on met sous le c pour signifier qu'il se prononce comme un s, s'il est suivi par un a, un o ou un u.
- Monsieur, je sais ce que c'est qu'un cécédille, ce n'est pas ce que je voulais dire. C'est juste qu'on ne dit pas cédille mais cécédille : vous oubliez une partie du mot.
- C'est vrai, Monsieur, surenchérit un autre élève, on dit cécédille et pas cédille. Nos autres profs disent ça ! »
Pendant un moment, je reste interloqué. Il est vrai que je ne sais pas toujours flamboyant en orthographe, mais là, quand même, je décide de m'accrocher.
« Bon, les enfants, le mot « cécédille » n'existe pas. Je ne vois vraiment pas d'où vous le tenez. Je suis sûr que ce petit signe est une cédille. »
Cependant, mes élèves ne sont pas convaincus. On discute un moment. Et puis, alors que je me demandais bien d'où venait ce nouveau mot, je finis par comprendre, grâce au même garçon.
« Mais Monsieur, par exemple, si je vous épelle le mot « ça », je vais vous dire : « cécédille, a ! » Vous voyez bien que j'ai raison ! »
Et là commence une longue explication pour leur faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'un moment mais d'un rapprochement de la lettre c et du mot cédille, qui permet d'épeler. « En fait, on dit « c cédille » pour que vous rajoutiez la cédille au c. Il ne s'agit pas du nom de cette lettre, et il n'y a pas une vingt-septième lettre à l'alphabet. Ce n'est pas un y, bon sang !
- Monsieur, le y, il vient vraiment de Grèce ? »
C'est vendredi soir, cher lecteur, et je suis très fatigué.
Pour information, la définition de cédille, selon mon bon vieux Littré :
« Cédille. n. f. (XVIIe s. ; de l'esp. cedilla, « petit c »). Petit signe en forme de c retourné, que l'on place sous la lettre c suivie des voyelles a, o, u pour indiquer qu'elle doit être prononcée comme un s dur. Façade, façon, reçu. »
Je crois que le Littré ment, c'est un complot dont tu es partie prenante en tant qu'agent du gouvernement qui veut égarer nos chères têtes blondes. La preuve : ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants ? D'ailleurs ils le savent bien, et t'ont avancé des témoignages de spécialistes, alors... ;-)
RépondreSupprimer@ Cloran : je crois que je suis vraiment prêt pour basculer à droite...
RépondreSupprimerCela me rappelle une histoire avec un élève homosexuel notoire dans une classe de première STG (ces faits me semblent importants), je rappelle à l'occasion d'une lecture expliquée ou analytique ou logique ou tout ce que l'on voudra l'histoire d'OEdipe, et je ne raconte pas selon lui la version de la rencontre avec Laïos telle qu'il l'avait lue ou entendue autrefois. Il se lève et me traite de menteur parce que j'ai déclaré qu'OEdipe n'avait pas voulu céder le passage à son père qu'il ne connaissait pas. Il dit alors que c'est parce qu'il pensait que c'était un bandit. Je tente de lui faire comprendre qu'il y a plusieurs versions de la même histoire et qu'il y a plusieurs textes antiques, il hurle, il ameute ses camarades qui parlent de scandale en disant qu'on leur a donné un "prof de merde", tous approuvent, on utilise le téléphone portable en appelant la vie scolaire pour faire sortir le mauvais prof qui a donné la mauvaise version de l'histoire que leur grand copain connaît mieux que le prof qui ne sait rien.
RépondreSupprimerBref, cela termine en portnawak et il n'y aura aucune excuse, aucune sanction pour le comportement durant le cours ou aucun changement d'opinion puisque je n'ai obtenu que des ricanements lorsque je suis revenu sur le même texte. Ils ont compris la règle des émissions de télé : c'est celui qui gueule le plus fort ou qui tape le plus fort ou qui manipule le plus fort qui a raison, pas celui qui en sait plus long que les autres ou qui pourrait recadrer si la règle était acceptée. Les faibles ont su découvrir comment devenir aussi forts que les autres et cela peut faire peur. Le nouveau principe, c'est que l'enseignant ne sait rien, même si l'élève ne connaît que MSN et Skyblog.
Zut alors ! Si la droite commence à massacrer notre belle langue, je vais finir par m'encarter au PS :)
RépondreSupprimerUn vrai sacerdoce, l'enseignement
RépondreSupprimerLa langue française se perd depuis l'arrivée du langage SMS. Attends toi à d'autres surprises bien plus étonnantes !
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerBon çourage...
RépondreSupprimerLe pire, c'est que je trouve adorablement mignon ce billet !!! Pétard, c'est une publicité pour être prof ça.
RépondreSupprimerÇa fait du bien un samedi matin, merci de ce billet.
J'aime bien lire les morceaux de vie de prof...
@ Dominique : dans mon cas, ce n'était pas aussi grave. Je l'ai tourné à l'humour ici, mais la discussion est restée bon enfant tout au long de l'échange.
RépondreSupprimer@ Paul : la droite massacre déjà tant de choses, pas la peine d'y ajouter la langue.
@ Olivier P : heureusement qu'il n'y a pas de vœu de chasteté.
@ Homer : je ne crois pas que cela soit lié au SMS, que l'on ne retrouve jamais dans les copies. Il s'agit d'une incompréhension de l'épellation.
@ Nicolas : merçi !
@ Faucon : de rien. Je n'en fais pas souvent, parce que je ne veux pas que mes élèves, s'ils lisent cela, soient blessés par mes discours. Mais là, c'était bien trop tentant.
Heuuuuuuuu mais rappelle moi quand même, tu n'enseignes pas en primaire ??
RépondreSupprimer(purée, ils sont graves quand même ...)
Même remarque qu'Audine (qui me gonfle à toujours me piquer mes idées de trollage...).
RépondreSupprimer@ Audine : bon, eh, il n'y en avait qu'un, soutenu par un camarade histoire de... Les 33 autres étaient normaux.
RépondreSupprimer@ Didier : C'est le problème des réactionnaires. Toujours en retard !
Ahahahah ! Je trouve ça très savoureux ! On pourrait complexifier l'alphabet, puisqu'ils semblent au moins autant férus de complications que ceux qui pondent des programmes à l'EN, tes élèves !
RépondreSupprimer(cours de CP réformé) "Récitez l'alphabet :
a, aaccengrave, aaccencirconflexe, bé, cé, cécédille, dé, euh, euhaccentaigu, euhaccengrave, euhaccencirconflexe..."
Cela dit, j'ai aussi des expériences de dictées comme devoirs en collège où des élèves écrivaient alinéa ou tiret en toutes lettres (de manière approximative, n'attendons pas trop d'eux). Sans compter ceux qui ne comprenaient pas points de suspension parce qu'on leur avait toujours dit trois petits points en primaire ou qu'ils n'avaient pas saisi le moment du synonyme plus exact. Cela ne concerne qu'un ou deux élèves sur cent par an, mais si l'on a une classe vraiment très faible cela peut monter vite. Le rapport avec l'écrit est totalement compromis, il ne peut plus être question d'améliorer l'orthographe ou la grammaire, il n'y a pas de compréhension des codes.
RépondreSupprimerMarie-Georges ; il y a toutes les lettres diacritées ou les digrammes dans d'autres langues. Voir par exemple le turc, le hongrois, l'albanais ou le tchèque. Cela fait des alphabets à une trentaine ou une quarantaine de signes. L'espagnol n'a fait sortir que récemment (un ou deux ans) le double l et le n tildé de son alphabet scolaire. Le w ne faisait pas partie de l'alphabet français au siècle dernier pour des raisons un peu xénophobes. Les alphabets nationaux ne sont que des conventions, certains ont moins de lettres que le français, comme l'italien.
Tu es dans un pays de langue d'oïl...
RépondreSupprimerFinalement, ils ont l'air plus mignons au lycée qu'en élémentaire dis donc !
RépondreSupprimerc'est à ce genre de détail qu'on mesure à quel point prof est un beau métier ! :-)
RépondreSupprimerPierre Robes-Roule, vous auriez pu vous abstenir d'un pourriard à la fin de votre contrepéterie totalement ratée et déjà foireuse par sa syntaxe. Il faut écrire ou dire professeur en entier afin de faire la métathèse dans "quel beau métier, professeur !" Vous êtes juste une des autres victimes de la baisse de niveau générale...
RépondreSupprimer@ MGP : 26 lettres, c'est déjà beaucoup.
RépondreSupprimer@ Dominique : oui, j'ai déjà eu des gamins écrivant "virgule" dans leur phrase, alors que je venais de signaler la présence de l'une d'entre elles. Mais généralement, il n'y en a jamais plus d'un ou deux par classe, de ceux-là.
@ Mtislav : "cécédille" en occitan s'écrit comment ?
@ Nathalie : mignon n'est pas le terme que j'emploierais. Je dirais plutôt "gentil".
@ PRR : cela dépend des jours...
@Dominique
RépondreSupprimerOuh là là, qu'est ce que c'est que ce procès d'intention ? Contrepèterie ? J'en suis bien incapable. L'album de la Comtesse du Canard Enchaîné m'a toujours été inaccessible. Prof me semble un raccourci acceptable et à mes yeux sympathique comme le billet de notre hôte. Il raconte comment il se "casse la tête" pour démonter ce mythe bien ancré du "cécédille".
Ce mythe fut le mien à une époque.
Ce billet résume bien le quotidien d'un prof dans ce qu'il peut avoir de plus complexe et de plus méritant. Relaxe, Dominique, ce n'est pas le fascisme qui est à votre porte.
pourriard ? la dernière création des IUFM ?
et j'ajoute pour Dominique que prof est sûrement un des métiers les plus solitaires (avec un T pas un D)
RépondreSupprimerTu as de la chance, les miens (d'élèves) disent "la queue du C" !
RépondreSupprimerTrès bien ce blog, je découvre...
@ Jeff : merci du compliment.
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