samedi 31 janvier 2009

Compte-rendu de la XXVIIIe République des blogs parisienne.

Ce qu’il y a d’amusant, cher lecteur, à la République des blogs, c’est que, globalement, on ne parle pas vraiment politique. Cela peut surprendre, pour un lecteur qui peut s’imaginer que la blogosphère politique est forcément composée de passionnés, ce qui est le cas par ailleurs. Finalement, on reste tous assez distant et on se contente de parler blogage. Cela évite les éventuels conflits et permet de maintenir une bonne ambiance, parfois fortement arrosée…

Évidemment, l’événement du jour était constitué par la présence de Nicolas, l’incontesté numéro 1 du classement Wikio. J’avais certes participé à l’intense lobbying visant à le décider à quitter son fief pour passer le périphérique. Nous bûmes "un" verre, et parlâmes un peu, le leader ayant rapidement été capté par toute une flopée de blogueurs divers et variés, avides de mettre un visage sur des écrits toujours aussi réjouissants.

Ma seconde rencontre de la soirée fut celle de Didier Goux. Certes, je n’ai pas un attrait particulier pour les réactionnaires (même si Manuel est souvent qualifié de « vieux réac » par Fabrice et moi-même). L’homme est impressionnant : mesurant près de 1,95m, large d’épaule, riche d’une grande culture, Didier est aussi incisif verbalement que dans ses écrits. Sans doute la rencontre la plus fascinante de la soirée. A la fin de notre conversation, je m’engage, auprès de Nicolas, à venir au prochain Kremlin des blogs.

La soirée fut remplie d’autres rencontres plus fugaces. J’ai pu discuter avec Sauce du difficile lien entre vie professionnelle et blogage (avant de l’abandonner aux mains d’un libéral très offensif dont j’ai oublié malheureusement le nom), ai été provoqué en duel par Authueil qui m’a titillé sur la grève du 29, ai tenté de comprendre comment Juan faisait pour faire 5 billets par jour et n’ai pas eu de réponse satisfaisante, ai découvert que M. Pingouin avait été élève dans le lycée dit difficile où j’enseigne (comme quoi, le pôle Nord n’est pas si loin de nous), ai à peine salué Eric et Denys (dont j'ai découvert le blog d’ailleurs).

Une tablée de blogueuses se trouvaient dans un coin. J’ai pu être présentée à Hypos et ai aperçu Quitterie, mais je n’ai pas eu l’occasion de leur poser la question de l’organisation de leur nouvelle page COZOP de blogs féminins : pourquoi Marc Vasseur, Nicolas et Juan y sont-ils en une ???

Enfin, comme je suis un blogueur ouvert, j’ai passé un moment avec quelques LHC, que je n’ai pas tous identifié, mais était là Rubin, Aurélien et LOmiG. La conversation a longtemps été consacrée à l’hebdomadaire Vendredi (Jacques Rosselin se trouvait au Pachyderme) et sur l’intérêt, pour les blogueurs, d’accepter d’y être publiés. Cette discussion m’a fait réfléchir, même si j’admets ne pas en avoir encore tiré de conclusion réelle, autant au plan des idées que sur mon plan personnel.

Bon, ce fut une bonne soirée, mais finalement assez calme pour une veille d’une grève d’une telle ampleur. Sans doute respections-nous une sorte de cessez-le-feu, entre gens distingués et de bonne composition.

Peut-être, le mois prochain, parviendrai-je enfin à convaincre Fabrice de se déplacer…

vendredi 30 janvier 2009

Une belle journée de janvier, de l'intérieur...

Comme tu le sais bien, cher lecteur, je suis un déjà, malgré mon jeune âge, un vieux routard de la manifestation. Je n’avais pas particulièrement d’espérances sur cette action du 29 janvier. En plus, en sortant de chez nous, ma conjointe et moi-même avions constaté que le bordel annoncé n’était pas là : les transports en commun semblaient fonctionner assez normalement. Et puis, Paris était vide, totalement vide. Pas vide comme un dimanche, non, vide de manière inhabituelle. Rien à voir avec les bordels causés d’habitude par de gros mouvements de grève, comme ces hallucinantes séances d’auto-stop en région parisienne durant le mois de décembre 1995.

Vu le beau temps, nous décidâmes de traverser Paris à pied, en dressant l’oreille pour écouter les conversations des gens, les réactions. Nous captons, dans le troquet où nous nous arrêtons pour déjeuner, la conversation d’un groupe de salariés du privé. L’un d’entre eux raconte comment son DG a déboulé dans son bureau ce matin après avoir appris qu’il allait quitter son poste pour se rendre à la Bastille. Apparemment, de lourdes menaces, équivalentes à cette blague racontée dans les commentaires de ce billet de Manuel, assez révélatrices du respect profond, dans les structures privées, des managers et des employeurs pour le droit de grève.

En approchant de la Bastille, les rues se densifient. On croise de plus en plus de gens, équipés de chaussures de randonnée et de divers panneaux, aux slogans les plus divers et les plus variés. Ça prend des cafés dans les troquets, voire des verres de rouge. Ça rigole beaucoup.

En arrivant sur la place de la Bastille, c’est le choc. La place est déjà noire de monde, alors que nous sommes une demi-heure avant le rendez-vous. Nous allons nous tasser vers le cortège des enseignants, entourée d’une foule d’assez bonne humeur, mais nerveuse. Il est 14h00. Les bousculades sont de plus en plus fréquentes. La CGT, qui doit partir en tête, commence à peine à s’ébranler, alors que le boulevard Beaumarchais est déjà noir de monde. A 15h30, on apprend que la tête de cortège est arrivée à Opéra, alors qu’on a pas bougé, et que la place de la Bastille ne désemplit pas. Les chiffres de la manifestation de Marseille circulent dans la foule, mettant du baume au cœur à tout ce petit monde, et permettant de se moquer des agents des ex-RG qui ont des méthodes de décompte de plus en plus drôles.

A 16h30, fatigué, je décide de m’extraire du cortège prof pour partir avec la CGT.

La foule piétine, vu le monde, mais avance, déterminée. Les slogans sont d’une extrême variété. Je me retrouve dans le cortège de la CGT du privé du Val d’Oise. Les salariés hurlent des slogans très offensifs sur les salaires, mais, à l’évidence, c’est la peur qui domine. Progressivement, la fatigue aidant (de même que le mojito à 1,50 € de la CGT, avec de l’alcool dedans et une vague feuille de menthe pour décorer), les slogans changent. Des « Sarko démission ! » commencent à fuser.

A 18h00, on atteint République. Je n’ai malheureusement pas aperçu Martine Aubry, juste Arlette Laguiller de loin… Je poursuis ma progression jusqu’à la Porte Saint-Martin, beaucoup plus rapide car la rue est plus large et que les manifestants commencent à repartir pour rentrer chez eux, mais je n’en peux plus. A la porte Saint-Martin, je décide d'abandonner.



A l’évidence, cette manif était exceptionnelle. Dans quelques heures, après mûres réflexions sur ce sujet, je vous dirais comment j’analyse les comportements et les slogans des manifestants.

PS : les photographies et la vidéo de ce billet ont été réalisées par mes soins. Tous droits réservés.

jeudi 29 janvier 2009

mercredi 28 janvier 2009

Tiens, Sarkozy dit un truc cohérent : le bac S est majoritairement choisi par les futurs bacheliers.

Je découvre dans Le Monde, en rentrant de mon lycée dit difficile, que Nicolas Sarkozy, souhaitant reprendre l’offensive sur la réforme des lycées, vient de s’offusquer des mauvais résultats de la série économique et sociale (ES), sous prétexte que les élèves qui en sortent ont du mal à intégrer les écoles de commerce, face aux élèves issus de section scientifique (S).

Aujourd’hui, les études générales attirent à peu près la moitié des élèves français, les autres arrêtant les études, ou se répartissant entre les bacs professionnels et les bacs technologiques. Si on prend les trois bacs généraux, 10% des élèves vont vers la section littéraire (L), 40% vers le bac ES et 50% vers le bac S.

Le président souligne qu’on se dirige vers le bac S pour de mauvaises raisons. Il a fondamentalement raison, car, si nos élèves font des sciences au lycée, ils se dirigent en majorité ensuite vers des domaines pas du tout scientifiques. On a plutôt l’impression que le bac S actuel dégoûte nos élèves des sciences, alors que les débouchés et les perspectives de carrière sont nombreux. L’année où j’ai obtenu l’agrégation d’histoire, en 2001, 65% des reçus détenaient un bac S. Cela peut certes être un avantage (la culture générale, c’est quand même bon pour l’épanouissement personnel, et il est bon d’avoir un bagage scientifique), mais il est assez incohérent que les agrégés d’histoire aient fait des études de maths avant…

Sarkozy semble penser que le système pousse les bons élèves à aller en S. C’est en partie vrai. J’ai déjà souvent vu des élèves sans difficulté, mais qui voulaient aller vers des bacs moins valorisés, se faire réellement harceler par certains enseignants pour aller en S, ou au moins en ES.

Il faut cependant prendre en compte les autres acteurs du système éducatif. Comme les enseignants, les parents sont toujours, en priorité, dans l’idée que seule la S vaut pour leurs chères têtes blondes. Les grandes écoles sélectionnent principalement des S, enracinant la croyance que la réussite passe par ce bac. Enfin, le bac S reste le seul bac qui ne ferme aucune porte pour les études générales supérieures. En ES, il n’y a plus de sciences, et en L, il n’y a ni maths, ni sciences, ni économie.

Ces paramètres doivent être pris en compte si on veut réellement réussir une réforme des filières du baccalauréat.

mardi 27 janvier 2009

La loi de l'individu contre les bienfaits de la collectivité !

« Qu’ils se démènent ! »

C’est ainsi qu’Eric Woerth, ce matin sur France Inter, répondit au journaliste qui le questionnait sur sa position sur la grève du 29 janvier. Il venait d’expliquer que cette grève était stupide, du fait de la situation économique actuelle, et que les travailleurs devaient plutôt travailler de plus en plus durs pour relancer la machine.

Ce type d’argumentaires a déjà été largement développé sur de nombreux blogs libéraux pour mettre en cause l’intelligence de la grève. A chaque fois, c’est l’idée individualiste qui ressort : seul l’individu peut réagir et gérer sa situation face à une difficulté, quelle qu’elle soit.

En soit, cette idée est très belle et cohérente. Après tout, pourquoi attendre d’un État ou de qui que ce soit d’autre une aide alors qu’on peut soi-même aller chercher sa propre réussite. En période de croissance comme en période de crise, cette idée fonctionne magnifiquement bien. Elle justifie aussi, de manière plus insidieuse, la réduction de la place de l’État et de nombreuses institutions publiques, la réduction des prélèvements obligatoires et des systèmes de redistribution des richesses, l’absence de toute institution servant de représentation à des individus insaisissables par essence (les syndicats, malgré le fait qu'ils aient le plus d'adhérents parmi les associations en France, ne représentent qu'eux-mêmes...). C’est un système purement individualiste et qui met uniquement en valeur le dynamisme de l’individu. Face à ce groupe de gens dynamiques, apparaissent les emplois protégés et aidés, mais aussi les assistés, qui veulent continuer à être protégés.

Cette idée est belle, et j’aurais vraiment envie d’y croire.

Cependant, elle a un vice caché mais fondamental. Elle est profondément anti-démocratique ! Par définition, ce qui permet à la démocratie de vivre est l’idée que les citoyens, ensemble, peuvent faire évoluer leurs vies. Le peuple désigne des représentants qui portent un programme, il désigne des délégués du personnels, des élus divers et variés, parce qu’il espère réellement que ces gens, dotés du pouvoir démocratiquement, s’évertueront à rendre le monde plus vivable. La logique individualiste oblitère complètement cette possibilité, l’État n’étant plus que le garant qu’à aucun moment, des individus ne pourront pas restreindre l’ensemble des libertés d’un seul individu.

Pour moi, la logique est autre. La démocratie permet aux citoyens de faire leurs choix librement. S’ils veulent un régime libéral, grand bien leur fasse. S’ils veulent un régime socialiste, tant mieux. Du moment qu’ils sont aptes à revenir sur leurs choix et à changer encore de politique, cela ne me gène en rien. Pour moi, la démocratie doit avoir comme pilier d’empêcher un groupe, une minorité, d’empêcher les citoyens de décider de leurs vies, de leurs choix, de ce qu’ils veulent payer comme impôts, de ce qu’ils veulent mettre en commun et de ce qu’ils veulent continuer à gérer seuls, même si c'est sous le masque de droits fondamentaux et tout à fait positifs par ailleurs. La démocratie doit protéger le peuple contre ceux qui ont une vision monolithique et inamovible du monde. La démocratie est le régime de la responsabilité collective, une idée fondamentale, certes utopiste, mais bien plus belle que celles de l’individu responsable de lui-même et de rien d’autre.

La grève de jeudi est une action collective et qui risque de ne pas donner grand-chose, je le reconnais entièrement. Elle va être menée par une minorité, malgré le soutien de la majorité, car la grève est un droit bafoué régulièrement dans ce pays, dès qu’on a pas un statut qui le permet. Cependant, elle est le seul moyen légal qui permet aux employés, quels que soient leurs secteurs, de dire quelque chose aux employeurs : de dire qu’il est anormal qu’ils préfèrent rémunérer davantage le capital que le travail, de dire que le travail est le seul moyen honnête et clair de gagner sa vie pour la très grande majorité de la population, de dire qu’on est outré par les scandales financiers actuels alors qu’on aurait, nous, bien mieux géré notre argent avec nos petites vies de pauvres et de classes moyennes et qu’on aurait généré une croissance bien plus saine, de dire que les impôts ne sont pas un vol, mais un moyen de vivre sa vie à bien moindre coût pour 90% des gens, de dire qu'il est méprisant et honteux que le représentant de ce groupe qui nous a mis dans la merde nous dise aujourd'hui : "qu'ils se démènent !"

Alors, jeudi, malgré tous mes doutes, je serai en grève, comme beaucoup de monde, y compris dans le privé, pour dire que l’emploi et le pouvoir d’achat de la majorité de la population valent bien mieux et que, dans une saine démocratie, les employeurs doivent aussi entendre les souhaits de leurs salariés.

Trolls libéraux et réactionnaires, la page des commentaires est ouverte. Je ne visais bien sûr pas à vous convaincre, mais à expliquer quelle peut être la logique d'une autre forme de démocrate. Je sais qu'on en a déjà beaucoup parlé chez vous, mais poursuivons le débat !

lundi 26 janvier 2009

Les universités bientôt en grève ?

Tant qu'on est dans la préparation de la semaine sociale à venir, tu as sans doute entendu, cher lecteur, que les universités bougeaient en ce moment. En effet, le SNESUP-FSU a lancé un appel à la grève à partir d'aujourd'hui.

Pour une information la plus claire possible et pour provoquer le débat, voici le texte de l'appel :

Le gouvernement refuse d’entendre les universitaires et chercheurs.

* Plus de 20 000 d’entre eux (et deux tiers des présidents élus des sections du CNU) refusent l’atomisation du statut national des enseignants-chercheurs, garant des libertés scientifiques, assurant partout et dans toutes les disciplines l’articulation enseignement-recherche qui est le cœur de l’enseignement supérieur et qui nourrit la formation des étudiants. A l’inverse les collègues entendent faire reconnaître toutes leurs activités au service de l’avancée des connaissances dans la diversité des méthodes des champs disciplinaires et dans les aspects multiformes de la formation et du suivi des étudiants ainsi que dans le partage collégial de toutes les responsabilités mutualisées au sein des établissements et dans la société. Ils refusent à la fois une conception punitive de l’enseignement comme l’alourdissement de cette part de leur activité, induite par la modulation des services. Ils exigent le maintien du CNU dans son rôle de gestion nationale des carrières.
* Plus de 70 universités (sur 85) par des votes de leurs conseils centraux, pourtant affaiblis par la loi LRU, contestent les lourdes modifications envisagées pour la formation et le recrutement des enseignants du premier et du second degrés.
* Partout, dans les établissements, au CNESER, dans la rue avec les étudiants, s’exprime la nécessité de recruter sur des emplois statutaires les enseignants, les chercheurs, les personnels techniques et administratifs requis pour assurer un service public de qualité. La suspension immédiate des 1030 suppressions d’emplois prévues au budget 2009 dans les universités et la recherche en est le premier pas, pour lutter contre un développement programmé de la précarité.

Le développement de l'action partout en France sur ces revendications, le succès des mobilisations du 20 janvier, l’adhésion forte des collègues à la grève administrative qui passe par la rétention des notes d’examens (et de partiels) conduisant à différer la tenue des jurys, est exceptionnel.

* Le SNESUP exige l’annulation des actuels dispositifs « masterisation » et la négociation globale de la formation des maîtres (concours et masters). L’exigence du maintien des formes actuelles et d’un volume d’emplois élevé pour les concours 2010, le respect des IUFM – missions et personnels – se renforce du refus de transmettre les maquettes.

* Le SNESUP exige le retrait du décret qui casse le statut des enseignants-chercheurs.

Le SNESUP appelle à passer de cette phase de grève administrative à la grève à partir du lundi 26 janvier, avec l'objectif de paralyser les universités, tous les établissements d’enseignements supérieur et de recherche le jeudi 29 et au-delà selon les réponses apportées par le gouvernement.

Conscient de la gravité de cette bataille menée pour empêcher une régression féodale de la recherche et de l’enseignement supérieur, la CAN du SNESUP mandate une délégation de sa direction nationale et des responsables de l'activité militante SNESUP dans les établissements pour se rendre dès 11 heures à la coordination dont elle a contribué à assurer le rayonnement.

L’engagement du SNESUP dans cette phase nouvelle de l'action pour le service public d’enseignement supérieur et de recherche, appelle la participation active de tous les adhérents. Plus que jamais les voies démocratiques pour l’élaboration locales des dispositifs et calendriers d’action sont garantes de l’unité exceptionnelle de la communauté universitaire. Au cœur de ce mouvement majeur, les orientations syndicales du SNESUP ancrées dans les réalités de nos métiers, doivent être amplifiées : l’adhésion au syndicat en est un élément essentiel.

dimanche 25 janvier 2009

69% des Français soutiennent la grève du 29 janvier ! Alors, pourquoi hésiter ?

Pour poursuivre dans ma veine militante du moment, je tenais à remercier CC qui nous relaie l’information suivante : 69% des Français, d’après un sondage réalisé selon la méthode des quotas, soutiennent le mouvement de grève du 29 janvier.

Chose encore plus intéressante, sur les personnes interrogées, seulement 38% des sympathisants de droite y sont opposés.

Le gouvernement semble prendre le problème au sérieux. Dès mercredi dernier, Brice Hortefeux annonçait qu’il allait revoir la loi sur le service-minimum dans les transports pour éviter les actions développées par SUD ces dernières semaines à Saint-Lazare. Ce que je trouve comique, c’est que la grève de 59 mn était impossible avant la loi de 2007 sur cette question.

D’ailleurs, au même moment, SUD-Rail se lance dans une intéressante initiative. Le syndicat propose que les cheminots et les personnels commerciaux puissent pratiquer, en cas de conflit social, une grève de la gratuité (plus de billets à payer), qui ne lèserait pas les usagers, mais qui frapperait la SNCF au portefeuille. Le syndicat est soutenu par une association d’usagers, la FUTSP. Je soutiens complètement cette initiative, d’autant plus s’il y a un préavis de grève à l’avance et que les agents perdent les paies de leurs jours de grève.

De toute façon, je souhaiterais que les transports publics soient gratuits. Je suis donc cohérent avec mon discours, tu l’auras remarqué, cher lecteur.

Je crains cependant que notre gouvernement ne soutienne pas cette proposition. En effet, les Français, en général, soutiennent les mouvements de grève, contrairement à ce que les médias cherchent à nous faire croire. Offrir aux salariés des transports un autre moyen de contester qui ne touche plus les usagers casserait la stratégie de décrédibilisation du mouvement social menée par le président et ses ministres. En effet, le service continuerait à fonctionner, ce qui prouverait la réelle bonne volonté des grévistes et le fait qu’ils ne sont pas des fainéants qui ne veulent pas travailler. Accepter cette idée, c’est faire un beau cadeau aux syndicats.

Il est donc certain que, vu la politique de casse menée par le gouvernement des services publics, les usagers continueront à en être gênés, pour des motifs assez politiciens…

Cher lecteur, le privilégié te transmet ton planning de la semaine.

En tant que privilégié, cher lecteur, je vais avoir la joie de réaliser, sous tes yeux ébahis, le planning de ta semaine. En effet, j’ai plein d’activités très intéressantes à te proposer.

Ce mercredi, après une harassante journée de labeur, tu auras la joie de te rendre à la République des blogs, qui, en sa qualité de XXVIIIème édition, se tiendra le 28 janvier (elle est belle, celle-là). Tu pourras t’entretenir avec un privilégié, mais aussi avec de nombreux autres blogueurs parisiens qui valent le détour. En plus, le bar est ouvert jusque tard, ce qui te permettra, en parlant politique et blogage, de boire (pas mal) et de manger (un peu, parce qu’on a beau être privilégié, c’est pas donné). Rendez-vous au Pachyderme, localisé au 2bis, boulevard Saint-Martin, dans le 10e arrondissement de Paris, juste à côté de la place de la République.

Évidemment, cher lecteur, tu vas picoler un petit peu et tu vas rentrer tard. Heureusement, le lendemain, tu vas pouvoir dormir un peu, car, je te le rappelle, le jeudi 29 janvier, il y a grève interprofessionnelle. Alors, le matin, tu vas avoir la joie, puisque tu as perdu ta journée de salaire, de profiter un peu de ton temps libre, voir même de tes enfants, puisqu’à mon avis, il n’y aura pas beaucoup de privilégiés dans les écoles. Quant au service minimum d’accueil, n’y pense pas trop, car les fonctionnaires territoriaux sont aussi appelés à la grève.

Une fois passée une bonne matinée pour te remettre de ta soirée de débats, tu te rendras, à 14h00, place de la Bastille, pour la grande manifestation. Tu auras la joie de voir Paris sous un autre angle, parce que les manifestations servent aussi à cela. Si tu n'aimes pas les grévistes, ces sales gauchistes, tu vas de toute façon perdre ta journée à garder tes enfants, ou tu ne pourras pas aller au travail à cause des mouvements dans les transports. Alors, va donc manifester !

Et comme je suis bon prince, je pense aussi aux habitants de nos belles régions. Quelques événements ont lieu ailleurs dans notre beau pays :
  • A Lille, la RDB a lieu à 20h30, le mercredi 28 janvier au restaurant le Drarcir, 12 rue Léon Trulin, à l’initiative de René Foulon, relayé par Marc Vasseur. Je crains que René ne manifeste pas le lendemain, mais je compte sur Marc pour y représenter la blogosphère lilloise.
  • Si tu ne peux manifester à Paris, je t’invite à cliquer ici pour y découvrir, émerveillé, la liste des nombreux points de rendez-vous des manifestations.

Je défilerais à Paris, peut-être avec Fabrice, à qui je n’ai pas encore demandé s’il faisait grève, mais je n’ose douter de sa résolution.

Alors, cher lecteur, on dit merci à qui ?

P.S. : un message personnel pour Manuel, qui ne cliquera pas sur le lien. Pour toi, la manifestation est à 14h00. Rendez-vous à Annecy, devant la préfecture.

samedi 24 janvier 2009

Pour changer le parlement, changeons l'état de la majorité.

La semaine parlementaire a été très agitée. De nombreux blogueurs s’en sont largement fait l’écho, autant à droite qu’à gauche, et même au centre. En effet, le débat sur la loi organique discutée à l’Assemblée en ce moment. Le débat sur le droit d’amendement a permis au PS de tenter de faire un retour sur la scène politique nationale, ce qu’il a quand même un peu réussi, malgré les dénégations de certains : en faisant l’union contre la droite, on se retrouve…

Ce débat soulève un vrai problème de fonctionnement de notre parlement. Le système actuel fonctionne avec deux chambres qui ne représentent pas du tout les mêmes groupes. L’Assemblée nationale, qui est censée représenter le peuple, est devenue le reflet de la majorité à l’instant des élections. Le Sénat, normalement représentant des collectivités territoriales, est plutôt une maison de retraite pour le monde politique français. Globalement, la droite domine en ce moment, mais, même si le Sénat basculait à gauche (comme certains le prédisent pour 2011), le problème resterait entier.

Certes, l’opposition dispose de divers droits, et les réformes récentes en ont rajouté quelques-uns. La réforme actuelle, en fonction du temps dont disposeront les groupes parlementaires, peut réellement bloquer les opposants, mais pour moi, le vrai problème n’est pas là.

En France, c’est la majorité parlementaire qui pose problème, et pas l’opposition. Elle peut parfois se rebeller au Sénat, mais les décisions des vi… des sénateurs peuvent être annihilées sans difficulté par l’Assemblée. Et là, la majorité est liée par le fait qu’elle doit défendre sans discontinuer le président et le gouvernement. Lorsque des critiques émanent, on sort la matraque. Et si jamais les parlementaires de la majorité entraient en conflit ouvert avec le président (ou le Premier ministre en temps normal), soit en rejetant des articles ou des lois problématiques, soit en votant (allez, soyons fous) une motion de censure, ils se retrouveraient sous la menace de la dissolution et le risque de perdre leurs mandats. Tous savent ce qui s’est passé en 1962, lorsque l’Assemblée vota une motion de censure contre le gouvernement Pompidou, à cause de la proposition de de Gaulle de faire élire le président au suffrage universel direct : une dissolution ! Hum, dangereux, la révolte...

Je ne suis pas pour une république parlementaire, et je ne souhaite pas la disparition du droit de dissolution. Cependant, une vraie réforme parlementaire devrait redonner à la majorité les moyens d’avoir un poids sur les propositions du gouvernement. Une fois cela atteint, l’opposition pourrait à son tour sortir de la posture, et tenter, parfois, de faire évoluer une majorité qui ne serait plus aux ordres.

Il n’y a pas forcément besoin de réformer la constitution pour y arriver. Il faudrait que les mentalités des politiciens changent. Certes, aller à l’élection est risquée, mais être député n’est pas un contrat à vie. De plus, dissoudre l’Assemblée peut résoudre des conflits, mais, et Jacques Chirac en a fait l’expérience, elle peut aussi amener à l’arrivée au pouvoir d’une autre majorité, ce qui fait qu'un président peut réfléchir à deux fois avant d'en faire usage. Si Sarkozy tentait une dissolution maintenant en cas de conflit avec sa majorité, il n’est pas certain qu’il la retrouve quelques semaines plus tard.

Dernièrement, le projet de loi sur le dimanche est passé à la trappe, preuve que la majorité peut parfois faire changer d’avis le gouvernement. Cependant, il y a encore du chemin à faire, pour qu’on arrive à avoir, dans une république dominée par le président, un parlement qui puisse, réellement, faire évoluer les politiques…

Source de la photographie de l'Assemblée nationale ici.

vendredi 23 janvier 2009

Et toi, cher lecteur, aimes-tu manifester ?

La semaine qui débute, cher lecteur, va être absolument décisive pour la suite du mandat de Nicolas Sarkozy. Ce jeudi, le président affronte la première grève générale depuis 2003, mouvement appelé par un grand nombre de syndicats. Vu ses efforts pour saquer le mouvement social, Sarkozy démontre que le rendez-vous est important.

Évidemment, cette grève, en dehors de divers blocages, va surtout être visible par des manifestations un peu partout en France, et particulièrement à Paris. On oublie souvent que le but originel de la grève était de pouvoir manifester son mécontentement dans la rue.

J’ai défilé pour la première fois de ma vie en 1994, lors d’une immense manifestation qui contestait la réforme de la loi Falloux, portée par François Bayrou, ministre de l’Éducation nationale d’Édouard Balladur. A ce moment-là, j’étais lycéen. Il y a ensuite eu les grands cortèges de 1995, et ceux de 2003. Et puis, il y a dans ma mémoire la monstrueuse manifestation du 1er mai 2002, lorsque nous sommes tous descendus dans la rue, de droite comme de gauche, pour dire notre inquiétude devant l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. Depuis que je suis enseignant, et surtout depuis 2002, je manifeste souvent, soit avec mes collègues, soit dans le cas d’autres causes que je peux soutenir par ailleurs, souvent en week-end.

Pour moi, la manifestation a plusieurs sens. Elle permet d’abord de montrer au grand jour sa contestation d’un adversaire éventuel ou d’une politique. Elle peut être politique, ou social, ou même s’appuyer sur des problèmes économiques : on peut manifester pour tout (et même pour n’importe quoi). Elle a aussi l’avantage de se compter et de voir si son sentiment est partagé par une part importante de la population. Elle autorise le défoulement (ça compte parfois). Enfin, symboliquement, pendant quelques heures, le peuple reprend le contrôle de l’espace public, supplantant un peu l’activité économique traditionnelle. Elle est dangereuse aussi, autant à cause de groupes de casseurs que des réactions inattendues des forces de l’ordre. En tout cas, dans mon cas, c’est un vrai plaisir, et je me sens exister politiquement, et vivant, vraiment vivant.

Traditionnellement, la manifestation en France est marquée à gauche. La droite sait aussi en faire usage, dans sa version violente (comme le 6 février 1934) comme dans sa version pacifique (30 mai 1968), ce qui fait penser aux étrangers qu’il s’agit là d’une vraie tradition française.

Pourtant, lorsque je discute avec mes proches, je me rends compte que la manifestation touche aussi à l’intime. Beaucoup de gens de gauche ne manifestent jamais, d’autres le font tout le temps. Beaucoup de citoyens de droite sont révulsés par l’idée, mais le font quand même régulièrement. Les ressorts sont nombreux dans l’acte de manifester, et il faut aller au-delà de la simple position politique pour entrer dans les mécanismes psychologiques de chacun. Je sais par exemple que je me suis souvent retrouvé en cortège avec l’ami Fabrice, mais pas sous les mêmes bannières. Par contre, à part une fois en 1995, je n'ai pas vu Manuel se lancer dans ce genre d'actions (depuis, il a changé, il a même été candidat pour entrer dans le réseau LHC…).

Et toi, cher lecteur, outre tes positions politiques, la manifestation te révulse-t-elle ? Est-elle un moment de joie ? T'indiffère-t-elle ? La partie commentaires est ouverte.

mercredi 21 janvier 2009

La chaîne de la rencontre avec une vedette !

Il y a de cela quelques heures, le redouté Mtislav m’a affublé d’une chaîne dont j’admets que je me serais bien passé. Me voici dans l’obligation de raconter une rencontre avec une célébrité. En plus, le taulier m’a mis en concurrence avec trois stars de la blogosphère. Vu la première réponse que j’ai pu lire (et que je te conseille d’aller consulter par ailleurs), je sais que j’ai fort à faire.

En lisant le thème de la chaîne, je me suis dit tout de suite : « je n’ai jamais rencontré de stars. Quant à imaginer un truc, faudrait encore que je sache écrire un peu, ce qui n’est pas gagné d’avance. » Et puis, une anecdote m’est revenue. J’ai croisé un des grands hommes politiques de ce pays, un de ceux auquel, vraiment, tout homme rêve de ressembler, que toute femme rêve de posséder : François Fillon !

Bon, je sais, cher lecteur, tu es déçu. Tu t’attendais à une vraie étoile, mais Mtislav nous a dit d’imaginer une vedette. Alors, pendant quelques instants, lecteur désappointé, tu vas t’imaginer que notre rigolard Premier ministre est une vedette.

A l’époque, Fillon était ministre de l’Éducation nationale (eh oui, encore le boulot). Nous l’avions rencontré alors qu’il faisait une visite dans l’Académie de Créteil. L’homme s’était montré relativement sympathique, assez accessible malgré son air hautain. Durant la réunion, comme la presse avait apparemment boudé le rendez-vous, le ministre avait commencé à se confesser et à nous dire qu’il ne connaissait franchement rien à l’éducation, mais que sa mère ayant été prof d’anglais, il avait un certain plaisir à diriger ce ministère. Quelques mois plus tard, nous nous sommes tous expliqués ainsi la relative inertie,
sous son court mandat, de l’Éducation nationale dans les réformes rétrogrades.

Devant nous, cher lecteur, le futur Premier ministre avait évoqué son œdipe plus ou moins bien résolu. Beau moment que celui-là !

Bon, je sais, ce n’est pas une rencontre qui te fera fantasmer toute ta journée, mais faut bien briser nos chaînes.

Comme il faut transmettre le flambeau, j’envoie ce boulet à Nicolas, Manuel, Fabrice, l’Inositol et Rubin. Débrouillez-vous avec ça, moi, je retourne m’intéresser à la politique.

mardi 20 janvier 2009

Optimisons le temps de travail des mauvais élèves !

« Franchement, Madame, votre fils ne travaille pas assez. »

Nous sommes en mars 1994. Je suis en classe de première scientifique, dans un lycée dit difficile. Je suis face à ma professeur de mathématiques. Depuis le début de l’année, je déteste ses cours, sa pédagogie ne passe pas, elle ne m’intéresse pas. En seconde, ma moyenne de maths tournait autour de 18 sur 20, et ma prof de math considérait que j’étais sa tête de classe. Elle m’utilisait comme un moteur, et s’étonnait toujours lorsque je ne parvenais pas à résoudre quelque chose : à chaque fois, j’étais flatté.

Là, rien, aucune envie. J’avais commencé l’année à 15, mais, en ce deuxième trimestre, ma moyenne tomba à 5. Ce fut ma plus mauvaise moyenne de toute ma carrière d’élève, plutôt facile globalement. Je n’ai pas repris de note de ce type avant ma préparation à l’agrégation d’histoire.

Cette prof s’adresse à ma mère, qui ne dit rien. Je m’inquiète, me demandant ce que ma génitrice est en train de penser. Je n’ai jamais été sanctionné pour des notes, vu qu’il n’y a jamais eu de raison à cela. Quelques minutes plus tard, nous sortons du lycée. Je me tortille un peu en me demandant comment aborder le problème. Je me tourne vers elle et lui dit : « tu sais, Maman, cette prof, elle est nulle, elle ne m’intéresse pas. C’est pour cela que je ne fais rien. »

Ma mère tourne vers moi un regard positif, sans amertume, sans méchanceté, sans rien de négatif, et me dit, tranquillement : « ce n’est pas grave, je sais que tu réussiras de toute façon. » Sur le moment, en plein dans ma crise d’adolescence, je réagis en me disant que, décidément, ma mère est bien oedipienne. Aujourd’hui, ses paroles prennent pour moi un autre sens.

Elles sont d’abord les fondements de ma liberté par rapport aux autres. Ce jour-là, ma mère m’a affirmé, de manière claire, que j’étais le maître de mon avenir professionnel, et qu’elle ne se donnerait pas le droit de m’en faire reproche. Après tout, ce que je fais ne concerne que moi, tant que cela ne touche pas les autres individus. De plus, elle a montré son assurance face à l’affirmation de ma prof de maths, inquiète pour mon avenir, et a réaffirmé la confiance qu’elle me portait. J’ai pu profiter librement de mes vacances de printemps 1994, sans m’infliger de cours particuliers ou de devoirs de vacances. Un an plus tard, j’obtenais un 11 sur 20 en math, sans vraiment me fouler, mais j’avais décidé que je n’irai pas dans cette voie. D’une certaine manière, j’avais un peu grandi.

Aujourd’hui, mon expérience d’enseignant m’affole par rapport aux élèves qui échouent. Il y a différents types d’élèves en échec : certains décident de ne pas travailler parce qu’ils rejettent l’école, d’autres vivent des situations cauchemardesques chez eux et ne peuvent se concentrer sur leurs études, quelques-uns ont tellement de difficultés scolaires dues à leurs problèmes de logique et de compréhension qu’ils sont totalement perdus et que tous les acteurs du système éducatif ne peuvent plus rien pour eux, avec le système actuel. Parfois, les trois vont ensembles !

Face à ces souffrances de l’échec, face à ces douleurs, il souffle un vent mauvais : les parents des milieux populaires, très angoissés, et encore plus maintenant en période de crise économique, réagissent par les cours particuliers, par les punitions, par les baffes, par la privation de sorties. Les professeurs restent majoritairement dans le reproche et dans la vulgate du « il faut travailler plus pour avoir de bonnes notes », alors que certains gamins travaillent déjà tant et plus qu’ils nous vomissent dès qu’ils nous voient, parce que leurs notes ne bougent pas d’un iota. On n’hésite pas à dire à un élève : « tu devrais arrêter le sport (seul moment de détente qu’il lui reste) pour travailler encore plus ». Le système propose à ces gosses stressés et épuisés des soutiens le soir, des stages durant les petites vacances et les vacances d’été, rogne leurs loisirs chaque mois un peu plus, met la pression aussi. Au final, on est de plus en plus dans les objectifs, dans l’optimisation, dans le traitement de la difficulté comme s’il s’agissait d’une maladie.

Toute cette politique oublie d’abord l’importance du temps libre : les élèves en difficulté ont le droit de se reposer. Dans cette logique, les vacances deviennent une récompense au travail bien fait et ne sont plus un droit dont chacun peut jouir, quels que soit ses succès et ses échecs. On oublie aussi la confiance de l’élève, déjà très abîmée par l’humiliation des notes, en le pressurant tant et plus. On omet de rappeler qu’il est possible à tous de réussir et d’être heureux sans avoir un parcours scolaire flamboyant. Certes, tous ces dispositifs restent dans la proposition, pas dans l'obligation, mais quand le jeune refuse, on ne cesse pas de le culpabiliser, de lui dire qu’il se gâche, qu’il se perd, qu’il ne fera rien de bien de sa vie.

A travers ces évolutions de la manière de faire la classe, c’est toute une société, toute une mentalité qui change. C’est une société des bons points et des mauvais points, une société où le choix d’être nul est de plus en plus impossible, une société où on récompense et où on corrige, où on soigne et où on traite, qui se met en place.

Tout cela, à mon humble avis de privilégié, au prix de notre qualité de vie et de nos libertés.

dimanche 18 janvier 2009

Une publicité sur la question salariale en France et dans le monde et sur les conflits au travail.

Je tiens, cher lecteur, à te relayer un article dont Hypos a fait la publicité sur Twitter. Il s'agit d'une analyse des statistiques de l'INSEE sur l'évolution des salaires, réalisée par Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités.

Ses conclusions éclairent assez bien les articles que j'avais publiés en juin 2008 sur les salaires.

Il donne des éléments très intéressants qui vont peut-être préciser les discussions que j'ai pu avoir récemment avec Paul Guignard et Rubin Sfadj.

Et, comme Hypos est en forme aujourd'hui, un lien aussi vers ce très intéressant article sur les conflits au travail.

Bonne lecture !

Sur la même place, les islamistes du PMF et les défenseurs de l'école publique. Mais que fait le préfet de police ?

En cette humide journée de janvier, j’ai été manifester pour défendre l’école publique française. Le cortège devait partir de la place de la République et se rendre au métro Saint-Augustin.

Le rendez-vous avec les collègues de mon lycée dit difficile était placé devant le Léon de Bruxelles, qui se trouve au coin de la place et de l’avenue de la République, à l’opposé du point de regroupement du cortège qui devait emprunter le boulevard Saint-Martin. J’ai donc retrouvé mes quelques collègues.

Après avoir attendu un peu, nous nous sommes décidés à traverser la place. J’avais déjà repéré un petit regroupement autour de la statue, séparé du reste du cortège et très encadré par de nombreux gendarmes mobiles. En approchant, j’ai pu apercevoir des banderoles parlant de Gaza et de l’intervention israélienne.

Je m’étonne alors à haute-voix : « Tiens, c’est marrant, je croyais que la manifestation contre l’intervention israélienne était censée démarrer de Châtelet. » Un collègue, originaire du Maghreb et qui semblait bien connaître ce groupe, me répond : « Euh, non, Mathieu. Là, c’est le Parti des Musulmans de France (PMF) qui fait une manifestation. »

Je ne connais pas vraiment tous les mouvements organisés par les mouvances islamistes. Mon collègue m’a expliqué, très pédagogue, que ce parti, fondé par un certain Mohamed Latrèche, était une création de ces militants islamistes qui tentaient de se donner un vernis républicain. Alors que nous passons à côté d’eux, le speaker entame un discours demandant le retrait de la loi de 2004 sur la laïcité.

Évidemment, le lien avec Gaza ne saute pas à l'esprit. Voici l’explication, cher lecteur, que j’ai pu entendre de la bouche de l’orateur du PMF : "les femmes musulmanes sont opprimées en Palestine par Israël et son occupation coloniale. En France, de la même manière, les femmes musulmanes sont opprimées par l’État qui a supprimé le port du voile à l’école. La lutte est donc la même, pour permettre aux femmes musulmanes de retrouver leurs libertés, et en particulier, en France, le droit de porter leur voile partout où elles le souhaitent, y compris à l’école." Je reste encore totalement éberlué par ce parallèle plus que douteux, entre deux situations sans aucun rapport et deux problèmes sans aucun rapport non plus.

Et là, cher lecteur, je voudrais te dire que je me demande à quoi pouvait penser le préfet de police lorsqu’il a autorisé ces deux manifestations à se regrouper au même endroit ! Voici, sur la même place, un cortège de parents d’élèves de la FCPE et de profs militants, tous laïques et défenseurs de la laïcité de l’école publique, et des islamistes qui hurlent pour ramener le voile dans cette même école publique. Si ce préfet voulait susciter un incident, il n’aurait pas fait mieux. Heureusement que la manifestation des défenseurs de l’école n’était pas trop importante. Les deux groupes ont pu rester éloignés l’un de l’autre.

Bon, la manif éducation n’a pas été un grand succès, mais elle n’était pas ridicule non plus. Attendons maintenant le grand mouvement interprofessionnel du 29 janvier

vendredi 16 janvier 2009

Pourquoi des salariés jettent une journée de salaire par la fenêtre à Saint-Lazare ce mardi ?

En début de semaine, je me trouvais en stage, pour améliorer ma pratique concernant une des disciplines que j’enseigne. Ce stage se déroulait à Val de Fontenay, qui se situe sur un carrefour entre la ligne A et la ligne E du RER. Le mardi, je suis arrivé en retard (j’avais mal calculé mon temps de parcours) d’une dizaine de minutes, et je me suis dit que j’allais être affiché par la formatrice. Et là, en entrant dans la salle, j’eus la surprise de découvrir que nous n’étions que 4.

« Il paraît qu’il y a un problème sur la ligne E à cause de la grève à Saint-Lazare. » Ne passant jamais par là, je pose des questions et découvre que cette gare connaîtrait des perturbations régulières depuis plusieurs semaines. De plus, ce matin-là, ce serait particulièrement catastrophique. Habitué aux critiques des libéraux anti-grèves, je me dis que tout cela doit être assez déformé, et je passe à autre chose.

Le soir, en rentrant chez moi, j’ouvre mon netvibes et les sites internet de la presse et me rend compte que cette grève-là a largement débordé le simple cadre de la grève SNCF classique et habituelle. Le truc a été tellement important que même Manuel, de plus en plus indulgent avec les grévistes depuis que Fabrice et moi le travaillons sur ce sujet (il a même de la sympathie pour la grève du 29 janvier), a commis un billet d’humeur pour la dénoncer, reprenant les arguments des libéraux suscités.

La grève de Saint-Lazare s’appuie sur le sentiment d’insécurité qui traverse l’ensemble des agents de la fonction publique. En effet, ces 20 dernières années, l’agression contre les fonctionnaires et les agents des EPIC est devenue quelque chose d’assez habituel. Vue la culture française du respect de l’autorité de l’État, que le président a encore évoqué lundi, nous réagissons toujours de manière assez épidermique, et une grève de ce type n’est pas rare. J’ai moi-même déjà participé à une grève de ce type en 2002, suite à l’agression d’une collègue devant la porte de l’établissement. Il s’agissait de pousser le chef d’établissement à prendre des sanctions et à faire intervenir la police, ce que nous avons obtenu assez facilement. Je me suis d’ailleurs demandé à l’époque si le chef que nous avions à ce moment-là ne l’aurait pas fait de toute façon. Sans doute, cher lecteur, mais la grève immédiate a été une réaction épidermique à un problème de confiance et d’inquiétude pour notre propre sécurité, et le chef a agi très vite, mais je ne saurais jamais ce qu'il en aurait été.

Ces grèves épidermiques n’existeraient pas, à mon sens, si nous avions une quelconque confiance dans notre hiérarchie. Le travail de sape mené par nos gouvernants ces 20 dernières années des services publics a entraîné une perte de confiance envers une hiérarchie qui soutient forcément ces politiques (sinon, elle ne serait pas dans la hiérarchie). Dans l’éducation, la réduction toujours plus importante du nombre d’adultes dans les bahuts a forcément un impact sur la sécurité, mais les chefs d’établissement sont bien obligés de masquer cette réalité, pour ne pas désavouer leurs autorités de tutelle. Le phénomène est aggravé depuis la suppression de la carte scolaire, les chefs d’établissement camouflant les chiffres des violences, souvent avec la bénédiction des enseignants, pour éviter de provoquer une fuite des élèves : Darcos pourra dire bientôt que l’insécurité a nettement diminué dans les établissements du 93.

Après tout, on pourrait s’en moquer complètement, mais cela ne peut être le cas. D’abord, on se sent parfois menacé personnellement. Ensuite, beaucoup de personnes travaillant pour le public ont aussi choisi cela par vocation et se désolent de l’évolution de nos systèmes.

Évidemment, je ne tente pas de cacher les manipulations qui ont pu avoir lieu autour de cette grève. Je souhaite, cher lecteur, que tu puisses comprendre comment des salariés en arrivent à perdre une journée de salaire et à mettre un tel bordel sans aucune raison cohérente apparente. C’est l’absence de dialogue, l’absence de communication et la peur qui permettent le succès de tels initiatives.

Pour moi, les directions ont aussi des responsabilités. La réaction du patron de la SNCF à ce conflit, qui cède d’un côté aux grévistes mais casse de l’autre, ne risque pas d’améliorer les choses.

jeudi 15 janvier 2009

Les privilégiés soutiennent Rachida Dati !

Je sais, cher lecteur, que c’est assez rare, mais je voudrais participer avec toi aujourd’hui à une polémique qui a beaucoup occupé les médias la semaine dernière : la naissance de la fille de Rachida Dati et la reprise rapide, suite à une césarienne, de son activité ministérielle.

De nombreux billets ont été écrits à ce sujet par les blogueurs, et la presse nationale s’est aussi largement fait l’écho de cette polémique.

Rachida Dati a été assez pourchassée depuis qu’elle est enceinte. Authueil rappelait justement que, si la ministre avait assez largement utilisé les médias au début de sa mission dans un but People, elle s’était, depuis 9 mois, fait assez discrète. Très vite, la polémique est apparue sur le nom du père, mettant en avant toute une série d’hommes politiques plus ou moins importants. Et puis, la ministre a accouché, avec une césarienne, et a ensuite repris son travail cinq jours plus tard, déclenchant une nouvelle polémique. Cette fois, il s’agissait de dénoncer le mauvais exemple donné aux employeurs ou l’absence de sentiment maternel de la part de la ministre.

Très bizarrement, à l’exception notable de Ségolène Royal, la gauche s’est plutôt placée en position critique, et certains politiques de droite, espérant sans doute abattre la ministre à ce moment-là, se sont largement jetés dans cette vague de critiques (souvenez-vous des propositions délirantes de Valérie Pécresse).

« Qu’est-ce qu’on en a à foutre ?», se demandait ici mon camarade Manuel. A priori, pas grand-chose. Tout cela ressemble bien à de la basse politique politicienne à laquelle on aimerait bien échapper, moi compris.

Cependant, il y a un côté nauséabond, dans tout cela, qui pique un peu ma curiosité. Lorsque la nouvelle de la grossesse de Rachida s’est diffusée, la question du père s’est posée de suite, comme s’il était impossible à une femme d’envisager faire un enfant sans la présence charnelle et officielle d’un homme. Le fait que de nombreux hommes politiques laissent carrément l’éducation de leurs propres enfants à leurs femmes, voire à des emplois-services, ne semble pas perturber outre mesure nos polémistes. Dati fait un enfant, mais sans homme. Pourquoi pas ? Cet aspect est devenu encore plus puant lorsqu’on a suggéré que la ministre avait fait appel à une insémination artificielle, poussant le vice jusqu’à se passer du coït pour procréer. Un véritable symbole d’immoralité !

Puis vint la seconde étape, concernant le congé-maternité. Loin de moi l’idée de remettre en cause ce congé, qui doit absolument être défendu, et je dirais même plus largement étendu aux hommes. Ce droit permet à tous, quel que soit son milieu social, de pouvoir faire un enfant dans les meilleurs conditions possibles. Cependant, Rachida Dati n’est pas une salariée comme les autres : c’est une ministre de la République. Par définition, elle ne peut pas prendre un congé-maternité normal, ou bien alors, elle démissionne. L’État doit appliquer la continuité de son service aux postes de direction. La ministre s’est soumise à ce principe, ce qu’on peut éventuellement déplorer, mais de là à en faire une affaire d’État…

Alors, pourquoi ce délire politico-médiatique ? A mon sens, il s’agit d’un problème nettement plus profond. Ce que l’on reproche à Dati, c’est de ne pas se soumettre au stéréotype de la mère traditionnelle. Une femme normale, répondant aux schémas dominants, éprouvant son impérieux sentiment maternel, se serait forcément arrêtée. Là, cette femme, presque masculine, qui fait passer sa carrière politique (qui sera forcément courte) avant son enfant (qu’elle a sans doute sur le dos pour les 25 prochaines années), devient scandaleuse. Elle transgresse nos schémas machistes de la femme-mère, et là, malheureusement, nombreux sont ceux qui sont prêts à défendre la domination de l’homme sur la vie politique, sur le travail, sur tout finalement.

J’attendais de mes concitoyens une plus grande acceptation de la libération des femmes. Malheureusement, cette polé-nique nous montre encore qu’il reste un gros boulot à faire. Je ne dis pas que c’est facile. Comme tout homme, je suis moi-même pris dans les schémas machos. Mais quand on en prend conscience, il est quand même bon de s’en indigner.

Dommage que les membres de la gauche n’aient pas tous pris conscience de cela. Ségolène a certes été totalement maladroite dans son intervention, mais pour une fois, je trouve que la logique des valeurs était plutôt de son côté.

Franchement, si on veut critiquer Dati, cher lecteur, je pense que sa politique judiciaire suffit amplement à tout opposant au sarkozysme. Au lieu de donner des armes aux réactionnaires, battons-nous un peu sur de vraies questions.

mardi 13 janvier 2009

Sarkozy présente ses voeux à l'Education : proposition d'analyse (Partie II).

Venons-en maintenant aux propositions du président de la République pour tenter de faire évoluer cette école profondément en crise qu’il nous a dépeint dans son discours. Ce billet est un peu long, n'en déplaise à Nicolas et à ses conseils de blogage, mais la prose du président mérite qu'on s'y arrête.

Nicolas Sarkozy a définit deux axes sur lesquels je vais un petit peu revenir ici, et qui devraient conduire, normalement, à des réformes pour sauver notre école.

Le premier axe s’appuie sur cette phrase : « Rétablir l’autorité du savoir. » Il y a dans cette vision une idée à la fois très conservatrice (le citoyen français doit acquérir un savoir considérable qui est ancrée dans la mentalité française, alors que le maniement de ces connaissances n’est pas forcément envisagé) et très autoritaire (c’est le ministère qui dit ce que les citoyens doivent savoir, et il n'est pas prévu que les citoyens puissent en discuter).

Vient ici l’idée que les élèves reçoivent un savoir qui est apporté par des enseignants tout-puissants, investis de l’autorité de l’État. Personnellement, je trouve ce modèle totalement suranné. Les élèves devraient respecter nos enseignements par leur qualité et leur sérieux et par les efforts que nous faisons pour les mettre en confiance et leur permettre d’acquérir et de manier les connaissances des programmes. Ils nous respecteront s’ils sentent que nous sommes humbles devant notre mission et prêt à tout faire pour qu’ils réussissent. Car il était simpliste, le modèle de l’école autoritaire de la IIIe République est dépassé à partir du moment où l’école s’est massifiée et que tous les élèves n’ont plus été des élites choisies par le système.

Vient ensuite cette deuxième citation : « La même exigence pour tous, mais l’unité de notre système scolaire n’implique pas l’uniformité pédagogique. » Ah, voilà une idée qui me plaît et ne colle d'ailleurs pas avec la citation précédente. Malheureusement, le président ne dit rien sur la manière de mettre en œuvre cette valeur. La chose inquiétante est qu’il s’est félicité de la réussite de la réforme du primaire, très fortement rejetée par les professeurs des écoles, et particulièrement du soutien scolaire qu’il a mis en place pour remplacer progressivement des RASED soi-disant inefficaces. Cette réforme a pourtant été le symbole de la même politique appliquée uniformément sur l'ensemble du territoire. De plus, la mise en place de politiques différentes risque bien de coûter chère : les élèves en difficulté demandent des moyens, et bien plus que des étudiants embauchés pour donner quelques heures de soutien. Ils demandent de la formation des enseignants, des modifications de la pédagogie, la mise en place de groupes plus restreints. Le modèle actuel (27, 30 voire 35 élèves qui grattent pendant qu’un prof parle) a l’avantage de ne pas être trop onéreux.

Car ce que l’on peut constater, finalement, à l’écoute du discours, c’est le vide global des propositions, malgré une durée de plus de 40 mn !

La seule annonce concrète, à part la mutation de Hirsch, a été la nomination de Richard Descoings, directeur de Sciences Po, à la tête des négociations avec les acteurs de l’éducation pour préparer la réforme des lycées. Descoings est le créateur de la convention ZEP de Sciences Po, qui a certes permis à des élèves de ZEP de contourner le concours d’entrée à Sciences Po, mais qui a aussi donné à l’école un alibi pour maintenir des procédures d’admission hyper-sélective socialement par ailleurs (concours d'entrée, admission par les mentions Très Bien). Alors que le président voulait permettre à tous les jeunes, en fonction de leur travail, de construire leurs destins, on peut se demander si le choix de ce supporter de la discrimination positive est le bon.

Quoi d’autre, cher lecteur ? Rien, à part des attaques contre ces syndicats enseignants qui refusent de négocier, vieille rengaine de la droite visant à brosser son électorat. On oublie ainsi qu’il n’y a pas eu de négociations sur la réforme des lycées, mais simplement des discussions pour prendre des avis qui n’engageaient en rien les autorités gouvernementales.

Au total, le discours du président m’a laissé le sentiment d’un grand magma n’aboutissant à rien : des bons sentiments ; des rappels d’idées sur l’éducation dépassées ; des reproches aux élèves qui ne veulent pas travailler et aux syndicats qui ne veulent pas négocier ; une absence de propositions réelles pour avancer un peu.

Le président n’aurait-il aucune vision sur l’éducation, autre que celle de diminuer les dépenses, alors que ce domaine devait être sa priorité ? Suite à l’audition du discours, cher lecteur, je ne suis pas loin de le penser. En effet, le président a réussi à justifier les suppressions de poste en invoquant la baisse de 57 000 élèves cette année en lycée, tout en disant après que le lycée ne verrait aucune suppression de poste...

Si tu as une quelconque explication, cher lecteur, je suis tout ouï...

lundi 12 janvier 2009

Sarkozy présente ses voeux à l'Education : proposition d'analyse (Partie I).

Enfin, cher lecteur, la tension est tombée dans l’éducation. Le président de la République s’est exprimé aujourd’hui sur l’Éducation nationale, nous adressant ses bons vœux. Tu pourras regarder ce discours en entier ici, si le cœur t’en dit.

Je sais cependant que tu n’en as pas le temps, vu que cela dure plus de 40 mn. Heureusement, en tant que bon privilégié que je suis, et comme j’ai beaucoup de temps libre, puisque je suis un fainéant qui ne fiche rien, je l’ai regardé et vais t’en communiquer la substantifique moelle, en deux parties.

Je dois te dire que j’ai été assez surpris par les réactions des autres blogueurs : tous se concentrent sur la nomination de Martin Hirsch à la tête d’un haut-commissariat à la jeunesse. Quand on analyse le discours, on se rend bien compte que le nouveau haut-commissaire n’a pas de mission bien claire. Pour le créateur du RSA, cette promotion ressemble bien à une mise au placard, et à une mesure visant à calmer les lycéens encore en mouvement.

Pour commencer une analyse un peu plus solide, parlons de la vision de l’éducation du président. Une phrase pour moi résume l’ensemble :
« On va refaire de l’école le lieu, où selon son travail et son mérite, les destins vont pouvoir se dessiner. »
Cette phrase est passionnante en elle-même. Elle s’appuie sur les vieilles valeurs qui ont fondée notre système éducatif à l’époque des lois Ferry. Voulant consolider la République, ces lois visaient à construire un système où tous les citoyens travailleurs pourraient accéder aux plus hautes fonctions de notre société. L’objectif était noble, mais il n’a jamais été réalisé : depuis sa fondation, l’école publique française n’a jamais pu briser la sélection des élites et l’a même entretenue, par le système des classes préparatoires et des grandes écoles. Ainsi, l’école française sélectionne toujours les dirigeants parmi les mêmes 10% de sa population, aujourd’hui comme en 1900.

Pourtant, depuis 40 ans et les lois Haby et Jospin, l’école a connu une réelle ouverture. Aujourd’hui, près de 65% des enfants d’une classe d’âge obtiennent le bac, contre à peine 30% au début des années 1980. L’école a atteint un seuil à la fin des années 1990, permettant une élévation générale des connaissances des citoyens. Cette évolution est un vrai succès, et elle est autant due aux efforts des gamins, aux volontés de progrès social des familles qu’aux évolutions du système.

Pourtant, l’école ne parvient pas à dépasser ces seuils. Ce chiffre de 65% n’évolue plus, on a toujours 100 000 gamins qui sortent de l’école sans diplôme, alors que cette donnée n’avait cessé de diminuer durant la période précédente, et 15% des gamins sortant du primaire ne savent pas lire correctement. Ces seuils, apparus avec la massification, nous posent, à nous enseignants, de véritables problèmes car l’école telle qu’elle est ne peut les surmonter, d’où la nécessité de réformes.

Cependant, le président de la République inverse l’histoire pour nous mettre en place une crise de l’école. Niant le passé du système éducatif, il affirme que l’école arrivait autrefois à permettre aux élèves travailleurs de réussir, ce qui est faux. En suivant ce raisonnement, contrairement à la crise de seuil que nous vivons, le voici qui met en place l’idée d’une dégradation, qui nécessite donc une réforme. D’ailleurs, il cite la période des « 40 dernières années » comme début de cette dégradation, soit l’époque de la massification de l’enseignement secondaire.

De plus, le président semble considérer que l’école est seule responsable de cette dégradation, rejetant toutes les responsabilités extérieures. Une fois de plus, c’est l’idée d’une école hors de la société, hors du monde, mais qui peut, seule, corriger les difficultés extérieures, ce qui ne manque pas de piquant.

A la logique d’une réforme positive visant à améliorer le système, Sarkozy avance l’idée d’une réforme visant à corriger des dysfonctionnements, ce que je trouve politiquement déplorable et dangereux socialement.

Demain, cher lecteur, je te parlerai des propositions du président pour sortir de cette « crise » de l’école.

dimanche 11 janvier 2009

Appel à la manifestation le 17 janvier pour défendre l'Education publique française.

Alors que la grande grève du 29 janvier approche, voici une manifestation dont je voudrais, cher lecteur, te faire part.

Le collectif qui avait lancé l’appel à la manifestation nationale du 19 octobre 2008 à Paris récidive avec un appel à la manifestation le 17 janvier 2009. A Paris, le cortège s’élancera à 14h00 de la place de la République.

Décidément, nous satisfaisons de plus en plus les libéraux : encore une action sans grève, qui ne paralyse plus l’économie de notre pays et n'embête plus l’ensemble de nos concitoyens.

On mollit, chers camarades et collègues, on mollit…

samedi 10 janvier 2009

Education nationale : le calme avant la tempête ?

Depuis quelques semaines, l’Éducation nationale est le terrain d’une tentative permanente d’apaisement.

Pourquoi te dis-je cela, cher lecteur ? Tout simplement à cause de l’évolution récente du contexte politique.

Durant le mois de décembre, Xavier Darcos est resté étonnement offensif, devant la montée d’un mouvement social venant de tous les niveaux (écoles, collèges, lycées, universités) et de tous les acteurs de l’école (élèves, parents, étudiants, professeurs). Encore au milieu du mois de décembre, il proclamait qu’il ne serait pas le « ministre de l’hésitation nationale », entretenant le climat, à mon avis assez délétère, régnant dans mon administration.

Et puis, le ministre a craqué, sous l’impulsion du président de la République. La première étape a d’abord été le report de la réforme des lycées en décembre. Depuis, les annonces visant à l’apaisement se multiplient. Le ministère semble se préparer à un recrutement plus important de fonctionnaires que les années précédentes. De plus, Darcos a brutalement annoncé qu’il reculait partiellement sur les RASED, puisque le nombre de suppression de poste pour 2009 passe de 3 000 à 1 500. Partout, on sent que la tendance est à l’apaisement. Je t’invite à lire ici le compte-rendu qu’a fait le SNES de sa rencontre avec Darcos de ce jeudi, assez marquée par ce nouveau climat.

Cependant, cher lecteur, approche un événement qui me fait craindre à nouveau de nouveaux bouleversements, voire même de véritables séismes !

Le 12 janvier 2009, Nicolas Sarkozy adresse ses vœux à l’Éducation ! Rien que devant cette échéance, je crains que le président ne nous adresse une nouvelle excellente bonne idée de réforme, avec la méthode dont il a le secret. Darcos, dans le compte-rendu dont je te parle ci-dessus, n’a pas l’air de vraiment savoir ce que va dire le président. Quant on sait que Rachida Dati a appris la suppression du juge d’instruction dans la presse, on peut s’attendre à tout.

Je crains le pire. Essayons au moins de bien profiter de ce week-end avant ce nouveau tsunami présidentiel…

Je suis d'accord avec Jean-Claude Gaudin.

En lisant ce titre, cher lecteur, tu as dû te demander ce qui pouvait bien m’arriver. Évidemment, je parle ici de l’épisode neigeux qui a touché Marseille cette semaine. François Fillon s’est très officiellement étonné de la désorganisation des services publics face à la neige du début de semaine, qui est fortement tombée sur le Sud-Est.

Dans les médias télévisuels, ont fleuri les commentaires de nos concitoyens agacés : « Putaing, j’habite à Aix, et je suis bloqué à Marseille depuis trois jours ! C’est un scandale ! » Je ne me lasse pas de m’étonner de ce type de réaction. Bien sûr, quand la neige tombe, je suis comme tout le monde. D’abord, je suis inquiet, si jamais je dois me déplacer en voiture. Ensuite, je m’amuse à jeter quelques boules de neige par-ci par-là, et surtout sur ma conjointe qui est la victime de mon jeune âge mentale. Enfin, après un dégel et un regel, et quelques chutes, je m’énerve contre la malchance. Tout cela fait partie du hasard et de l’absurdité de la vie : il faut s’y faire, tout simplement. Certes, je plains mes concitoyens vivant dans des régions isolées, mais que puis-je faire de plus que me dire : « Hé bé, dans les Ardennes, doit pas faire chaud… »

Cependant, il ne me viendrait jamais à l’idée de m’exciter contre les pouvoirs publics. Pourquoi ? Si l’hiver revenait tous les ans avec brutalité, comme en Amérique du Nord, on aurait de quoi s’énerver. Quand la situation est récurrente, c’est normal. Par contre, en Provence, où la neige tombe comme cela une fois tous les 20 ans, il est cohérent que cela perturbe la vie durant quelques jours. On ne peut pas demander à la ville de Marseille et aux Bouches-du-Rhône d’entretenir un parc de déneigeuses dans une région où il ne neige jamais ! Voilà ce qui serait un beau gâchis d’argent public. Dans ce cas-là, le politique doit organiser les choses pour gérer une situation exceptionnelle avec les moyens du bord, permettre aux citoyens de supporter l’épreuve, et parler en personne responsable. C’est ce qu’a fait Jean-Claude Gaudin.

Et ce n’est pas ce que François Fillon a fait. Le Premier ministre a simplement brossé les Provençaux dans le sens du poil, espérant récupérer une partie de leur mécontentement. Franchement, cher lecteur, c’est une attitude pitoyable de la part d’un Premier ministre, qui aurait plutôt dû féliciter les personnels territoriaux pour leur travail dans une situation difficile, et mobiliser les moyens de l'État pour assister la région. Dommage que nos politiciens ne soient pas parfois un peu moins mesquins dans leur recherche de la sacro-sainte popularité…

jeudi 8 janvier 2009

La communication de Sarkozy ne doit pas nous faire oublier que réformer la justice est une nécessité !

En début de semaine, le président de la République, avant de s'envoler faire un tour au Moyen-Orient, avait annoncé une grande réforme : la suppression du juge d'instruction. Au départ, je me suis dit que le président avait encore eu un moment d'excitation, exactement à la même période durant laquelle il avait annoncé, l'an dernier, la suppression de la publicité sur l'audiovisuel public. Je me suis même dit que le président allait sans doute se dédire rapidement, vu le tollé médiatique qui explosa immédiatement.

Mais non, hier, devant le CSM, le président a confirmé sa proposition de réforme. Nous pouvons tous, cher lecteur, avoir accès au contenu du discours. Je l'ai trouvé personnellement chez Maître Eolas. Dans ce long texte, la partie sur la suppression du juge se résume à cela :

Je veux être clair : le respect des libertés individuelles doit aussi être garanti dans le secret du cabinet des juges d’instruction. Puisqu’il ne l’est pas suffisamment aujourd’hui, je m’engage très fermement à ce qu’il le soit demain.

Le juge d’instruction, en la forme actuelle ne peut être l’arbitre. Comment lui demander de prendre des mesures coercitives, des mesures touchant à l’intimité de la vie privée alors qu'il est avant tout guidé par les nécessités de son enquête ?

Il est donc temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction, qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus.

Le juge d'instruction est le pilier de notre système pénal. Il instruit les affaires et est censé viser toutes les visions possibles de l'affaire, à charge et à décharge. Il permet une certaine équité de l'appareil judiciaire, comme le rappelle assez justement Le Coucou dans un billet récent. Mis en place par le code Napoléon, il est cependant issu d'une vieille tradition judiciaire : en France, c'est l'État qui enquête, et cela existait à l'époque moderne.

Cependant, de nombreuses catastrophes judiciaires ont amené à des remises en cause de ce système. J'ai gardé un souvenir assez marquant des débats de la Commission d'Outreau, qui ont été, à mon humble avis, d'excellentes qualités, et qui ont amené à la production d'un document qui, s'il n'est sans doute pas parfait, donne des pistes de réflexions, accessibles aux citoyens lambdas. Les parlementaires ont réussi à aboutir à des projets consensuels qui pourraient avoir le soutien de l'ensemble de nos familles politiques.

Personnellement, je trouve quand même sain que l'on se pose des questions sur le fonctionnement de la justice. J'ai toujours eu le fantasme des erreurs judiciaires : pour moi, la police et la justice, comme l'armée, sont le symbole du pouvoir exorbitant de l'État sur nos vies, et de la nécessité d'encadrer profondément son action et son mode opératoire, dans le but de protéger au maximum, dans le rapport de force de la justice, le citoyen accusé qui est forcément le plus faible. L'affaire d'Outreau a révélé toutes les dérives qui pouvaient apparaître.

De plus, ma pratique de l'histoire m'a appris que, dans nos démocraties libérales, ils n'existent pas de système judiciaire parfait. Contrairement à la justice divine, et malgré nos tentatives permanentes pour tenter de toucher à cette perfection, notre justice se plante souvent. Il ne s'agit donc pas de transformer la justice française en justice américaine, tout aussi soumise à l'erreur, mais d'essayer d'améliorer notre système judiciaire imparfait en quelque chose d'un peu moins imparfait.

Si le président Sarkozy avait voulu se lancer dans une vraie réforme de la justice, qui pourrait être l'une des plus importantes de son quinquennat, il aurait dû prendre son temps, lire les travaux parlementaires déjà réalisés, les rapports des organisations internationales sur le système français, les jugements de la cour européenne des droits de l'homme, recevoir les dirigeants des grands partis, les représentants des juges et des avocats, et prendre le temps de construire une vraie réforme, en n'oubliant pas la question des moyens dont notre justice manque cruellement.

Mais comme d'habitude, Sarkozy ne peut pas s'empêcher de faire du Sarkozy. Deux défauts apparaissent immédiatement :
  • Comme on l'a déjà vu par le passé, le président intervient sans consulter personne et en proposant quelque chose que personne n'avait jamais envisagé, la suppression du juge d'instruction et le placement de l'enquête sous le contrôle du parquet. En procédant de cette manière, Sarkozy heurte tout le monde et provoque la tempête.
  • De plus, comme on connaît sa volonté d'avoir le contrôle sur tout, il est à craindre que cette réforme soit l'occasion pour l'État de resserrer son contrôle sur les enquêtes : n'oublions pas que les juges d'instruction ont été capables, dans le passé, de défier des hommes politiques influents. Cette capacité risque d'être largement écornée.
Pourtant, quand on lit le texte du discours, on voit que Sarkozy a quand même progressé sur une chose. Finalement, il ne dit rien de précis, et même la citation ci-dessus est totalement vide, si on prend la peine de se pencher un peu dessus. Cela peut lui permettre de s'adapter au vent du boulet et, vue la réaction générale, de dire que ce qu'il a dit ne voulait pas dire qu'il avait voulu dire ce que l'on avait cru avoir compris... Enfin, tu as compris ce que je veux dire, cher lecteur ?

Cela peut nous permettre de développer nos idées et de préparer le terrain pour éviter une réforme judiciaire qui serait totalement désastreuse et à minima. Continuons à en parler sur nos blogs respectifs, lisons attentivement la presse et les réactions politiques, et essayons de convaincre que, si la simple suppression du juge d'instruction serait un grave danger, sa réforme pour l'améliorer est cependant une nécessité.

Et maintenant, place au débat !