vendredi 12 septembre 2008

Darcos, ou la saine pratique de la démocratie et du débat.

Hier soir, pendant que d'autres blogueurs parlent assidûment de la visite papale ou de la Fête de l'Huma (l'ayant fait il y a deux jours, je n'en dis pas plus), j'ai décidé de regarder une émission politique sur France 2. Arlette Chabot recevait, en première partie de A vous de juger le futur premier ministre mais encore ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos. Je ne regardais plus ce programme depuis les émissions de Sarkozy alors ministre de l'intérieur. Il s'agit d'un véritable show qui trace les qualités positives de l'invité de droite, tout en ne laissant pas la possibilité à un contradicteur intéressant de s'exprimer.


D'ailleurs, dès le début, Arlette Chabot a donné le ton en demandant à Darcos s'il n'était pas trop difficile pour un homme de droite de diriger l'Education. Cette phrase est d'autant plus drôle qu'elle est de plus en plus fausse. En effet, en 2002, 40% des profs avaient voté à droite, et ils ont été 50% en 2007, sans doute à cause de l'abandon par la gauche de la thématique éducation et des discours plutôt volontaristes de Sarkozy. Darcos, d'ailleurs, certes homme de droite, est aussi un prof, ce qui démontre bien qu'il peut exister des enseignants de droite.



Durant cette émission, Darcos a inauguré un changement radical de comportement politique de la droite à l'égard des profs. Dans la décennie 1990, époque où la FSU était parvenue à mettre en place un rapport de force favorable avec l'Etat (de droite ou de gauche), la droite attaquait l'ensemble des profs avec le discours sur les privilégiés et les fainéants. Cela a perduré jusqu'à la victoire de Sarkozy. Aujourd'hui, les syndicats enseignants ont quand même réussi à faire passer l'idée que pour beaucoup d'enseignants, le boulot était dur et qu'il n'était pas très bien payé par rapport aux qualifications demandées et à sa difficulté. En plus, beaucoup de profs votent maintenant à droite.



Darcos a donc changé de fusil d'épaule en divisant le corps professoral en deux parties inégales. Dans une première, on trouve les enseignants qui travaillent, et qui sont aimés des parents d'élèves et des élèves eux-mêmes du fait de leur sérieux. Et puis, il y a une petite minorité pénible, les syndicalistes, qui sont des réactionnaires complètement de gauche et qui paralysent, pour de sombres raisons idéologiques, toute réforme possible de l'Education. Darcos a débité cela pendant une heure, tirant sur les syndicats systématiquement.



Bon, après tout, pourquoi pas ? C'est ce que j'ai pensé en me disant que Chabot allait forcément donner la parole à un syndicaliste à un moment qui pourrait s'exprimer et répondre au ministre. Mais non, pas du tout. Pour être interrogé, Darcos a eu droit à deux de ces profs écrivains qui sortent des bouquins imbuvables sur le thème "Ah, qu'elle était bien l'école d'avant, quand les élèves marchaient au pas ! Ah, que c'est dur de bosser en ZEP ! Ah, pourquoi les pauvres, y sont pas respectueux !", et qui lui ont demandé de ramener un peu d'ordre et d'autorité dans tout cela, le tout enrobé de la sortie à venir de la palme d'or de cette année.

Cet écart aurait pu être effacé par l'arrivée d'un membre du PS très dynamique et offensif, et pour porter la pensée de gauche avec force, Chabot avait invité... Manuel Valls ! Ouais, bon, finalement, c'était vraiment la soupe servie au ministre.


Il existe, dans toute démocratie cohérente, ce qu'on appelle le droit de réponse. Lorsque quelqu'un affirme une idée sur quelqu'un d'autre, celui-ci devrait pouvoir répondre sans problème. Or, il n'y avait pas un syndicaliste, pas un seul, même pas quelqu'un du syndicat de droite, le SNALC-CSEN ! C'est quand même dingue, alors que les discours des syndicats enseignants ne sont jamais réellement diffusés dans les médias. Le Canard Enchaîné avait sorti en juin une déclaration de Sarkozy appelant à briser les syndicats de profs : sans doute le fait que ce soit l'un des derniers milieux syndicaux résistants à la politique du pouvoir en est-il la cause.



Tu pourrais me dire, cher lecteur, qu'après tout, vu que les syndicalistes sont une espèce à part, il est normal qu'on donne plutôt la parole à de vrais profs qui bossent. Je vais te répondre clairement, cher lecteur. Les syndicalistes profs bossent toujours, et tous, car aucun syndicat ne pratique la décharge complète. Ils font leurs cours comme les autres, et ne sont pas moins aimés par les élèves. Certains ont des décharges, mais qui sont peu nombreuses, car les décharges interdisent la possibilité des heures supplémentaires et donc, obligent les jeunes profs à rester à temps complet et à mener leur activité syndicale de front s'ils veulent avoir un salaire réellement intéressant.



Enfin, les représentants syndicaux sont des gens élus par les collègues, et donc représentatifs. Ils expriment donc la voix des profs. On peut nous trouver réactionnaire (en langage de droite, cela veut dire de gauche), mais il faut aussi savoir que les plus gros syndicats enseignants ne sont pas du tout révolutionnaires, loin s'en faut. Si tu souhaites te cultiver, tu trouveras sur le côté une blogroll des syndicats enseignants.



Un blogueur a souvent affirmé que 70% des journalistes étaient de gauche. Une chose est sûre, Arlette Chabot et son équipe n'en font pas partie.

2 commentaires:

  1. Arlette Chabot, vous dites? Son nom me rappelle vaguement quelque chose. Ça fait quatre ans que nous n'allumons plus la télé chez nous. Trop allergisante, et l'impression de consulter un supplément "actualité" ou "culture" d'un magazine people…

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  2. @ LCC : là, j'aurai plutôt dit qu'on regardait l'ORTF...

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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