Ce matin, Gérard Larcher, le nouveau président du Sénat, était invité de France Inter, à l'origine pour répondre à quelques questions concernant le futur débat sur la réforme de l'audiovisuel. La discussion à ce sujet fut d'ailleurs assez animée, mais, m'étant déjà exprimé sur ce sujet par ailleurs, je vais plutôt me consacrer à un autre aspect.
Un auditeur, dans la partie interactiv, osa questionner le deuxième personnage de l'État sur l'intérêt du Sénat et sur le poids que représentait la haute Assemblée sur nos institutions. Cette question est totalement légitime, alors qu'une réforme constitutionnelle vient d'être votée mais qu'elle ne concerne absolument pas le Sénat.
Pourquoi avoir une haute-assemblée ? La raison politique est simple : il s'agit de tempérer la chambre basse qui risque, du fait de sa légitimité de représentante du peuple, de devenir toute-puissante. Les expériences monocamérales en France furent d'ailleurs assez négatives, posant de vrais problèmes institutionnels, que ce soit durant la Révolution française ou sous la IIème République. Cependant, les chambres hautes ont aussi leurs poids : elles incarnent les conservatismes du fait de leurs compositions. Sous la IIIe République, le Sénat fut une forteresse du Parti Radical alors que celui-ci déclinait. Devenu Conseil de la République sans réels pouvoir sous la IVe République, il mena une lutte de longue haleine pour retrouver son statut (ses membres retrouvent d'ailleurs le titre de sénateurs dans les années 1950). La constitution de 1958 en fit une chambre dont les membres étaient toujours élus pour 9 ans (normalement, ils devraient bientôt l'être pour six), et où la droite, par une représentation surévaluée des territoires ruraux, était assurée de conserver la majorité (peut-être jusqu'à 2011, l'évolution des majorités des collectivités territoriales laissant espérer un jour un basculement à gauche).
Pourquoi ne peut-on pas modifier le Sénat ? Cette assemblée ne représente plus grand-chose dans un pays moderne comme le nôtre. Certes, je ne souhaite pas sa suppression, car une chambre peut rattraper les bêtises faites par l'autre, mais sa transformation pour lui donner une meilleure légitimité et éviter qu'il reste une maison de retraite dorée pour tout ce que le monde politique français compte de vieux sclérosés. Pour pouvoir se réformer, le Sénat doit donner automatiquement son accord à sa propre réforme (c'est l'article 45 de la constitution). Le général de Gaulle s'était cassé les dents en 1969 sur une tentative de fusion du Sénat et du Conseil Économique et Social, en tentant d'utiliser l'article 11, puisque le Sénat ne voulait pas de sa réforme.
Les critiques, et particulièrement récemment, ont été nombreuses contre le Sénat, à cause de son budget très libéral pour certains de ses membres. Ce matin, Larcher a donc tenté de défendre son institution. Et, très bizarrement, il s'y est pris n'importe comment, avec une démagogie étonnante pour un personnage politique comme lui. Je résume ici les trois arguments principaux utilisés :
Un auditeur, dans la partie interactiv, osa questionner le deuxième personnage de l'État sur l'intérêt du Sénat et sur le poids que représentait la haute Assemblée sur nos institutions. Cette question est totalement légitime, alors qu'une réforme constitutionnelle vient d'être votée mais qu'elle ne concerne absolument pas le Sénat.
Pourquoi avoir une haute-assemblée ? La raison politique est simple : il s'agit de tempérer la chambre basse qui risque, du fait de sa légitimité de représentante du peuple, de devenir toute-puissante. Les expériences monocamérales en France furent d'ailleurs assez négatives, posant de vrais problèmes institutionnels, que ce soit durant la Révolution française ou sous la IIème République. Cependant, les chambres hautes ont aussi leurs poids : elles incarnent les conservatismes du fait de leurs compositions. Sous la IIIe République, le Sénat fut une forteresse du Parti Radical alors que celui-ci déclinait. Devenu Conseil de la République sans réels pouvoir sous la IVe République, il mena une lutte de longue haleine pour retrouver son statut (ses membres retrouvent d'ailleurs le titre de sénateurs dans les années 1950). La constitution de 1958 en fit une chambre dont les membres étaient toujours élus pour 9 ans (normalement, ils devraient bientôt l'être pour six), et où la droite, par une représentation surévaluée des territoires ruraux, était assurée de conserver la majorité (peut-être jusqu'à 2011, l'évolution des majorités des collectivités territoriales laissant espérer un jour un basculement à gauche).
Pourquoi ne peut-on pas modifier le Sénat ? Cette assemblée ne représente plus grand-chose dans un pays moderne comme le nôtre. Certes, je ne souhaite pas sa suppression, car une chambre peut rattraper les bêtises faites par l'autre, mais sa transformation pour lui donner une meilleure légitimité et éviter qu'il reste une maison de retraite dorée pour tout ce que le monde politique français compte de vieux sclérosés. Pour pouvoir se réformer, le Sénat doit donner automatiquement son accord à sa propre réforme (c'est l'article 45 de la constitution). Le général de Gaulle s'était cassé les dents en 1969 sur une tentative de fusion du Sénat et du Conseil Économique et Social, en tentant d'utiliser l'article 11, puisque le Sénat ne voulait pas de sa réforme.
Les critiques, et particulièrement récemment, ont été nombreuses contre le Sénat, à cause de son budget très libéral pour certains de ses membres. Ce matin, Larcher a donc tenté de défendre son institution. Et, très bizarrement, il s'y est pris n'importe comment, avec une démagogie étonnante pour un personnage politique comme lui. Je résume ici les trois arguments principaux utilisés :
- "On trouve partout des chambres hautes désignées de manière indirecte, sauf en Italie où ça ne marche pas" : le fait que les autres le fassent ne veut rien dire et c'est un argument fallacieux. De plus, c'est infondé, car il existe une autre grande démocratie où la chambre haute est élue de manière directe. Il s'agit des États-Unis, où chaque État fédéré est représenté par six sénateurs élus au suffrage direct. Il ne me semble pas que les États-Unis soient anecdotiques tout de même, et que le pouvoir législatif américain soit inopérant.
- "Le Sénat a plus de temps que les députés et n'a pas la même temporalité que l'Assemblée nationale" : tiens, quand on analyse le planning du Sénat, il n'a pas l'air moins chargé que celui de l'Assemblée. Les projets de loi sont très nombreux en ce moment, et je crains que les sénateurs n'aient pas plus de temps que les députés. Le président aurait plutôt dû dire que les sénateurs ne craignaient pas la dissolution ou l'épreuve de l'élection, mais je n'ai pas souvenir que le Sénat se soit montré davantage résistant que l'Assemblée. Larcher a mis en avant les tests ADN pour les étrangers, mais ceux-ci ont finalement été adoptés, et, s'ils ne s'appliquent toujours pas, c'est simplement parce que les décrets d'application n'ont toujours pas parus.
- "Le Sénat est indispensable pour représenter les territoires" : c'est l'argument le plus atterrant. Alors que le pays est devenu ultra-majoritairement urbain, le Sénat continue de représenter une France rurale qui n'a plus d'existence.
Finalement, en écoutant Gérard Larcher, j'ai pu constater que, loin de s'incarner dans sa fonction, il avait une lourde tendance à défendre son corps d'appartenance. C'est dommage : on attend davantage du deuxième personnage de l'État, non ?
PS : tiens, dans les bonnes idées parlementaires, il paraît que Sarkozy, actuellement en vacances au Brésil, veut limiter le droit d'amendement des parlementaires pour limiter l'opposition. Elle est belle, la démocratie...
Complètement d'accord avec ce que tu as écrit. Hélas, il faudra probablement attendre aussi longtemps une véritable réforme du Sénat que la limitation radicale du cumul des mandats...
RépondreSupprimerEt merci pour le lien !
@ Rubin : de rien pour le lien.
RépondreSupprimerJ'aime pas le Sénat. J'aime pas les chambres qui ne sont pas élus par l'ensemble des français.
RépondreSupprimerPourtant, les jours d'élections sénatoriales, on se marre bien quand même ^___^ (mais c'est tout, j'aime pas le Sénat).
C'était mon analyse politique d'avant Noël. Pardon du niveau, et bonne fin d'année ^___^
@ FalconHill : tu as déjà commencé le réveillon ?
RépondreSupprimerJe suis en train là (pourquoi, j'ai vraiment dit beaucoup de bétises ? ^___^)
RépondreSupprimerBon réveillon copain de ouèbe privilégié :)
@ FalconHill : bon réveillon à toi, et joyeux Noël.
RépondreSupprimerLes russes, britanniques, allemandes, américaines, turques et espagnoles votaient depuis longtemps quand c'est un général qui a du accorder le droit de vote aux femmes en France : entre 1922 et 1936, le Sénat y avait opposé son véto 5 fois.
RépondreSupprimer(ceci dit, bonnes fêtes de fin d'année à toi et les Gueules !)
@ Audine : je n'ai pas parlé de ça, mais c'est un autre argument. Il paraît que les sénateurs de l'époque pensaient que les femmes voteraient pour les réactionnaires, à cause de l'Église... Résultat, Sarkozy est président ! Les sénateurs avaient-ils raison ? ;)
RépondreSupprimerJoyeux Noël à toi aussi !
@ Mathieu
RépondreSupprimerPas d'accord avec ton interprétation de l'argument numéro 3 "Le Sénat est indispensable pour représenter les territoires". Ça ne signifie aucunement que le Sénat représente les campagnes, la "France Rurale". Il représente les collectivités territoriales.
Comme dans un État fédéral où la deuxième chambre législative représente les États fédérés, le Sénat est en France le porte-parole des collectivités territoriales. (article 24 de la Constitution : "(le Sénat) assure la représentation des collectivités territoriales de la République".
Le problème vient en fait des collectivités territoriales elles mêmes qui ne sont plus adaptées et doivent être modernisées d'urgence. Nous en avons deux fois plus que les allemands, pour 20 millions d'habitants en moins !
(Il me faudrait un police d'écriture minimale pour écrire : suppression des départements, fusion des communes voire disparition au profit de l'intercommunalité. Je risque en effet la lapidation).
Le Sénat gagnera en légitimité avec plus de décentralisation, et une cartographie plus rationnelle des collectivités territoriales. Mais il représente justement les élus de celles-ci, qui n'ont aucun intérêt à voir bouger les lignes !
Si le Sénat fait figure de représentant des campagnes, c'est à cause du mode d'élection : la grande majorité des grands électeurs sont les conseillers municipaux, qui sont proportionnellement beaucoup plus nombreux dans les petits villages que dans les zones urbaines.
Cela explique en partie pourquoi cet organe est parfois un bastion du conservatisme, mais parfois aussi porteurs des valeurs et d'une certaine idée de la France...
Savez-vous par exemple que pendant 20 ans (1948-68), le président du Sénat était noir ?
@ P. Guignard : je ne suis pas en désaccord fondamental avec toi, mais je pense qu'il n'y a pas forcément besoin de refondre les communes pour rééquilibrer le Sénat. Il suffirait de décider que les communes ont une représentation au Sénat en fonction de leur poids démographique. Cela suffirait amplement.
RépondreSupprimer@ Mathieu
RépondreSupprimerPourquoi ne pas tout simplement enlever les conseillers municipaux des grands électeurs du Sénat ? Les communes sont des collectivités tellement différentes les unes des autres (de 0 à plus d'1 million d'habitants). Pourquoi pas une représentation limitée aux régions ? On aurait un Sénat de gauche :) et on accélèrerait la dynamique qui tend à faire de la région la collectivité territoriale incontournable (aux dépends du département).
Cela dit il y a deux conceptions d'une chambre haute représentants les collectivités ou les États fédérés :
Au Sénat américain, il y a deux sénateurs par État, quelque soit sa population.
Au Bundesrat allemand, il y a une certaine proportionnalité mais qui avantage quand même les petits Länder (comme au parlement européen les petits pays).
@ P. Guignard : en désaccord avec ton idée. Si on fait cela, on réduit le corps électoral et les élections seront encore intéressantes. Autant demander aux départements et aux régions de désigner directement des représentants, comme au Bundesrat.
RépondreSupprimerDans mon idée, la chambre haute pourrait représenter les régions autrement. On pourrait faire par exemple une chambre élue à la proportionnelle par région, avec maintien de la domination de l'Assemblée nationale. On aurait ainsi la chambre basse qui représenterait la majorité et la chambre haute la diversité.
Voilà les deux systèmes qui seraient, à mon sens, les plus acceptables.
@ Mathieu :
RépondreSupprimerJe ne disais pas ça dans l'absolu, mais dans la logique de représentation des collectivités territoriales. Les communes sont sur-représentées par rapport aux autres collectivités (95% des grands électeurs). Et pour rester dans la logique constitutionnelle, oui, pourquoi pas une désignation de représentants par les régions.
Mais bon la France n'est pas un État fédéral.
Et ton idée d'une assemblée "diversité" est intéressante, dans l'absolu, j'opterais plutôt pour ça. Le projet de réforme de De Gaulle en 1969 est d'inspiration similaire (sauf qu'il voulait représenter les corps sociaux).
Le problème en fait c'est que pour réformer le Sénat, il faut en passer par le Sénat, toute modification constitutionnelle devant être acceptée par les deux assemblées en des termes identiques (article 89 de la Constitution).
D'où le coup d'État (au sens propre) de De Gaulle en 1969.
@ P. Guignard : c'est bien le problème. Je crains que l'on soit encore obligé de repasser par l'article 11 pour réformer.
RépondreSupprimerOui mais je crains que ça ne soit pas du tout d'actualité, à moins qu'on élise Besancenot aux prochaines élections :D
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