mardi 13 janvier 2009

Sarkozy présente ses voeux à l'Education : proposition d'analyse (Partie II).

Venons-en maintenant aux propositions du président de la République pour tenter de faire évoluer cette école profondément en crise qu’il nous a dépeint dans son discours. Ce billet est un peu long, n'en déplaise à Nicolas et à ses conseils de blogage, mais la prose du président mérite qu'on s'y arrête.

Nicolas Sarkozy a définit deux axes sur lesquels je vais un petit peu revenir ici, et qui devraient conduire, normalement, à des réformes pour sauver notre école.

Le premier axe s’appuie sur cette phrase : « Rétablir l’autorité du savoir. » Il y a dans cette vision une idée à la fois très conservatrice (le citoyen français doit acquérir un savoir considérable qui est ancrée dans la mentalité française, alors que le maniement de ces connaissances n’est pas forcément envisagé) et très autoritaire (c’est le ministère qui dit ce que les citoyens doivent savoir, et il n'est pas prévu que les citoyens puissent en discuter).

Vient ici l’idée que les élèves reçoivent un savoir qui est apporté par des enseignants tout-puissants, investis de l’autorité de l’État. Personnellement, je trouve ce modèle totalement suranné. Les élèves devraient respecter nos enseignements par leur qualité et leur sérieux et par les efforts que nous faisons pour les mettre en confiance et leur permettre d’acquérir et de manier les connaissances des programmes. Ils nous respecteront s’ils sentent que nous sommes humbles devant notre mission et prêt à tout faire pour qu’ils réussissent. Car il était simpliste, le modèle de l’école autoritaire de la IIIe République est dépassé à partir du moment où l’école s’est massifiée et que tous les élèves n’ont plus été des élites choisies par le système.

Vient ensuite cette deuxième citation : « La même exigence pour tous, mais l’unité de notre système scolaire n’implique pas l’uniformité pédagogique. » Ah, voilà une idée qui me plaît et ne colle d'ailleurs pas avec la citation précédente. Malheureusement, le président ne dit rien sur la manière de mettre en œuvre cette valeur. La chose inquiétante est qu’il s’est félicité de la réussite de la réforme du primaire, très fortement rejetée par les professeurs des écoles, et particulièrement du soutien scolaire qu’il a mis en place pour remplacer progressivement des RASED soi-disant inefficaces. Cette réforme a pourtant été le symbole de la même politique appliquée uniformément sur l'ensemble du territoire. De plus, la mise en place de politiques différentes risque bien de coûter chère : les élèves en difficulté demandent des moyens, et bien plus que des étudiants embauchés pour donner quelques heures de soutien. Ils demandent de la formation des enseignants, des modifications de la pédagogie, la mise en place de groupes plus restreints. Le modèle actuel (27, 30 voire 35 élèves qui grattent pendant qu’un prof parle) a l’avantage de ne pas être trop onéreux.

Car ce que l’on peut constater, finalement, à l’écoute du discours, c’est le vide global des propositions, malgré une durée de plus de 40 mn !

La seule annonce concrète, à part la mutation de Hirsch, a été la nomination de Richard Descoings, directeur de Sciences Po, à la tête des négociations avec les acteurs de l’éducation pour préparer la réforme des lycées. Descoings est le créateur de la convention ZEP de Sciences Po, qui a certes permis à des élèves de ZEP de contourner le concours d’entrée à Sciences Po, mais qui a aussi donné à l’école un alibi pour maintenir des procédures d’admission hyper-sélective socialement par ailleurs (concours d'entrée, admission par les mentions Très Bien). Alors que le président voulait permettre à tous les jeunes, en fonction de leur travail, de construire leurs destins, on peut se demander si le choix de ce supporter de la discrimination positive est le bon.

Quoi d’autre, cher lecteur ? Rien, à part des attaques contre ces syndicats enseignants qui refusent de négocier, vieille rengaine de la droite visant à brosser son électorat. On oublie ainsi qu’il n’y a pas eu de négociations sur la réforme des lycées, mais simplement des discussions pour prendre des avis qui n’engageaient en rien les autorités gouvernementales.

Au total, le discours du président m’a laissé le sentiment d’un grand magma n’aboutissant à rien : des bons sentiments ; des rappels d’idées sur l’éducation dépassées ; des reproches aux élèves qui ne veulent pas travailler et aux syndicats qui ne veulent pas négocier ; une absence de propositions réelles pour avancer un peu.

Le président n’aurait-il aucune vision sur l’éducation, autre que celle de diminuer les dépenses, alors que ce domaine devait être sa priorité ? Suite à l’audition du discours, cher lecteur, je ne suis pas loin de le penser. En effet, le président a réussi à justifier les suppressions de poste en invoquant la baisse de 57 000 élèves cette année en lycée, tout en disant après que le lycée ne verrait aucune suppression de poste...

Si tu as une quelconque explication, cher lecteur, je suis tout ouï...

8 commentaires:

  1. La violence sociale a envahie les écoles et les hopitaux, voilà le problème !

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  2. @ Jeandelaxr : c'est marrant, j'aurais plutôt dit "l'inhumanité"...

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  3. J'aime bien ton analyse. Je suis sûr que tu as des propositions, ou du moins des pistes à proposer. Voilà une belle série de billets à rédiger !

    Merci aussi pour le lien, même si je ne brosse aucun électorat !

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  4. @ Rubin : peut-être, mais je ne suis pas encore assez arrogant pour faire des propositions. Dans quelques mois peut-être...

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  5. Ce blog n'a pas un an. C'est bien : le taulier espère encore voire quelque chose dans le discours de Nicolas Sarkozy. Ca revitalise la blogosphère.

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  6. Ouïe...

    Ta première partie était remarquable, en particulier ta réflexion sur "l’école le lieu, où selon son travail et son mérite, les destins vont pouvoir se dessiner. "

    Quant au programme de Sarkozy pour l'éducation, ce n'est pas dans l'enrobage idéologique qu'on en trouvera la cohérence mais dans les faits qui confirment une tendance qui précédait son accès aux commandes.

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  7. D'un autre coté, tu nous aurais expliqué que Notre Président Vénéré avait avancé des propositions, ça m'aurait fait un choc.

    Je suis assez d'accord avec le commentaire de Mtislav.
    Me demande si Sarko a une cohérence idéologique d'ailleurs.

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  8. @ Nicolas : je garde encore ma naïveté de jeune homme, qui me permet de ne pas péter complètement les plombs.

    @ Mtislav : merci pour le compliment. Pour l'enrobage, il était quand même intéressant de déconstruire le discours, cela permet d'avancer.

    @ Audine : il lui arrive quand même d'en faire, et des grosses. Là, rien...

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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