lundi 8 mars 2010

La grève du 12 mars 2010 : explication de la stratégie des syndicats enseignants.

Cher lecteur, je pourrais te parler de la journée internationale des droits des femmes, mais d'autres le font très bien : je t'invite à consulter ma blogroll.

Comme tu le sais sans doute, cher lecteur, l'intersyndicale de l'Éducation appelle à une grève nationale vendredi 12 mars.

Ah, encore une grève, une de plus, qui ne va servir à rien et vous permettre de faire un long week-end ! Encore une grève pour dire que c'est la faute au vilain-méchant Sarkozy qui n'est pas beau du tout et qu'en plus il est petit et qu'il fait rien qu'à nous embêter ! Encore une grève pour demander des moyens !

Bon, redevenons sérieux deux minutes. La grève de vendredi est une grève consécutive aux mouvements spontanées apparus dans le Val-de-Marne et en Seine-Saint-Denis le mois dernier, et qui se sont un peu diffusés en province durant la période des vacances d'hiver. En dehors des problèmes de violence qui ont suscité des réactions fortes dans quelques établissements, le mouvement était structuré par le nouveau système de stages pour les jeunes profs et par les réformes des lycées. Il y a bien longtemps qu'on en est plus à demander des moyens, mais simplement à essayer de sauver les meubles et à stopper cette hémorragie de postes.

Pourquoi une grève un vendredi, alors qu'il est sûr que les droitiers anti-profs vont encore nous accuser de prendre un week-end prolongé ? Il y a plusieurs facteurs qui expliquent ce choix :

  • Tout d'abord, il fallait faire très vite à cause de l'approche de l'importante mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites du 23 mars. La fenêtre médiatique est étroite.
  • Il fallait ensuite prendre en compte la répartition des congés. La zone C est rentrée en cours aujourd'hui. Le temps que les représentants des différents syndicats fassent le tour des établissements, mobilisent et construisent un mouvement, il fallait bien cinq jours, d'autant plus que la zone C reste la plus mobilisée.
  • Le but de cette grève, contrairement à d'habitude, est de susciter une action de grève reconductible, qui doit construire un rapport de force tout en durant suffisamment longtemps pour ennuyer le gouvernement. Or, la zone B repart en vacances le 3 avril, ce qui laisse à peine trois semaines pour faire quelque chose.
  • Et enfin, il y a les régionales. Tu l'auras remarqué, cher lecteur, j'en suis sûr. Le premier tour a lieu dimanche prochain, et le second la semaine suivante. Le but de l'intersyndicale est clairement de se faire voir un maximum pendant la semaine de l'entre-deux tours. Comme le gouvernement est notre employeur, la logique semble imparable.
Cette stratégie prendra-t-elle ? Difficile à dire à ce niveau de la semaine, mais quelques établissements se seraient déjà mis en grève dès aujourd'hui en Seine-Saint-Denis. Reste à voir si les collègues n'ont pas déjà perdu trop d'argent avant les vacances pour s'amuser à en reperdre maintenant.

Par contre, j'ai un doute sur la stratégie politique. Les sondages annoncent que la gauche va fortement se mobiliser mais que la droite (qu'elle soit sarkozyste ou non) restera à la maison. Le risque est grand que les profs servent d'épouvantail aux militants de droite et les mobilisent pour se défendre de l'hydre des privilégiés-marxisants-conservateurs-planqués-voleurs d'impôt.

Cela se jouera sur quelques jours : attendons de voir les résultats de ces actions...

13 commentaires:

  1. A peine repris et déjà en grève ...
    Plaisanterie (?) mise a part, peux tu me dire quel est le % de profs a etre syndiqués, tout syndicats confondus ?
    merci

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  2. Hum si j'ai bien compris les trop nombreuses vacances vous empêchent de faire grève ?

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  3. Amis du privé, donnez-nous vos tickets restaurant, vos pc portables , vos tel mobiles, votre 13 mois et autres primes de fin d'année, votre salaire à niveau d'étude équivalent, votre CE...
    Chacun ses avantages les gars, nous on achète nos feuilles et nos stylos mais on a les vacances.
    Libre à vous de nous rejoindre, ils cherchent justement des remplaçants.

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  4. @ Didier : tous les liens sont en rapport avec le sujet.

    @ Corto74 : le SNES revendique environ 65 000 adhérents, je ne sais pas pour les autres syndicats. Pour info, il y a un peu plus de 800 000 enseignants.

    Dans mon lycée, sur 110 personnels pédagogiques, il y a un peu moins d'une trentaine de syndiqués je crois (c'est à la louche).

    @ Paul : oui, heureusement qu'on travaille de temps en temps pour pouvoir faire grève...

    @ Anonyme : je ne suis pas sûr que tirer sur le privé soit la solution non plus. Chacun vit son travail d'une certaine manière. L'objectif serait quand même d'arriver à ce que tous les salariés soient capables, lorsqu'ils le souhaitent, de contester. Aujourd'hui, les gens du privé ne le peuvent pas et se vengent sur nous. Nous devons briser ce cercle.

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  5. Mon propos ne visait pas à tirer sur le privé, juste à démontrer que nous avons tous des privilèges.
    Que nous sommes jalousés pour nos vacances certes mais que nous jalousons aussi certaines choses.
    Marre simplement d'être considéré comme les nantis de service, les bouc émissaires sur lesquels on se défoule.
    Au fait, il parait que quand on fait grève on est payé ! :D (autre idée reçue).
    Et qu'en plus quand nos 18 heures de cours sont faits, on a fini notre semaine de présence au bahut et de travail chez nous. Quel beau métier que le notre !

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  6. @ Anonyme : je comprends bien, mais pensons aussi au 10 % de chômeurs et aux 30 % de précaires. Nous devons y faire attention dans notre manière de diffuser nos visions.

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  7. C'est exact.
    De la même façon pourquoi jalouser les professeurs alors qu'il y a tellement de personnes plus favorisées avec des primes indécentes etc...
    On trouvera toujours pire et toujours mieux que soi.
    Le chômeur lui même dans ce cas devrait se satisfaire de son sort par rapport à un pauvre africain non payé depuis des mois , mourant de faim et qui peut se faire massacrer à tout moment juste parce qu'il n'est pas de la bonne ethnie (j'ai vu cette situation, ayant vécu deux ans en Afrique).
    Il faut évidemment trouver anormal que les autres aient moins mais si on regarde toujours vers le bas, et qu'on demande à ceux d'en haut de renoncer à leurs avantages,il faudrait qu'on renonce à tous nos provilèges d'occidentaux (sécu, alloc chomage, sécurité de l'emploi pour les fonctionnaires , etc...) là pour le coup la planète entière serait à égalité.

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  8. @ Anonyme : je pense que dire que nous sommes malheureux est une chose, mais il faut expliquer pourquoi et théoriser. Si on y parvient, on sort de l'affect, du ressentiment, et on entre dans la raison.

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  9. Mathieu toi qui semble être également enseignant, n'es-tu pas fatigué qu'on te montre comme un privilégié payé à avoir des vacances ? Je regrette mais moi ça me fatigue à la longue, je suis comme tout le monde, je travaille beaucoup, je ne gagne pas assez et je suis stressé par ma vie professionnelle et lassé de toutes les réformes inutiles et sans moyens réels. Rien de moins que les autres travailleur finalement. Simplement je supporte de moins en moins les attaques infondées et stupides : le coup du prof = gréviste en vacances, c'est juste marrant 5 minutes.

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  10. @ Collègue anonyme : progressivement, je me suis blindé contre ça, et je cherche toujours à ne pas tomber dans le même travers envers d'autres professions. Cependant, je comprends qu'on puisse en être exaspéré.

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  11. La preuve : le nom de ton blog ?

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