Vincent Peillon est un type malin : depuis plusieurs semaines, il occupe les médias en injectant sans arrêt des éléments nouveaux sur une question clivante, celle des rythmes scolaires. Et pendant ce temps, la loi d'orientation sur l'école avance et a commencé à être analysée et modifiée par les parlementaires. Et le moins que l'on puisse dire est que, contrairement à ce qui est dit un peu partout, cette loi va assez loin.
On risque d'entendre beaucoup parler dans les prochains jours du concept d'école du socle. C'est un très vieux débat, cher lecteur.
Pour le résumer de manière très caricaturale (on est sur un blog, pas sur un site de sciences de l'éducation), il s'agit, en réalité, d'une division organisationnelle du système scolaire. Je te résume les positions existantes :
- actuellement, le système scolaire est divisé en trois morceaux bien distincts qui permettent de mettre en place des ruptures dans la vie de l'enfant. On trouve l'école primaire, le collège et le lycée. L'école primaire et le collège font partie de la scolarité obligatoire (à l'exception de l'école maternelle, même si l'ultra-majorité des gamins y vont). Cependant, les deux sont nettement séparés. Au primaire, les enfants sont face à un enseignant généraliste qui traite l'ensemble du programme (même si des intervenants extérieurs sont fréquents, en fonction des moyens des communes). A partir de la 6e, les enfants sont face à plusieurs enseignants qui, eux, sont spécialisés dans un petit nombre de disciplines. Cette rupture est très critiquée, les enfants ressentant apparemment une vraie souffrance à ne plus avoir un seul enseignant qui les cajole toute la journée. La réalité est que, après une ou deux semaines d'attentisme, la plupart des 6e se comporte comme s'ils étaient au collège depuis toujours. Par contre, il est vrai aussi que les gamins en grande difficulté au primaire ne s'en sortent pas mieux ensuite au collège ;
- les tenants de l'école du socle considèrent qu'il faudrait réunir le primaire et le collège avec une transition progressive et non pas brutale, en s'appuyant sur le célèbre socle commun de compétences, de connaissances et de culture, vieille marotte des libéraux qu'une partie de la gauche a aussi entretenu. La vraie rupture se placerait alors à l'entrée en 2nde. Le socle est très populaire au PS, mais c'est pourtant la droite qui en a mis en place une première mouture, que Peillon n'a pour le moment pas modifiée. Je ne vais pas me lancer ici dans le débat sur ce conflit à mon sens stérile sur l'opposition entre compétences et connaissances que je laisse à mes collègues qui préfèrent s'entretuer plutôt qu'avancer.
Cette division actuelle date de 1989. A cette date, Jospin a tranché entre le collège et le primaire et a provoqué de profonds remous dans le monde syndical enseignant. En effet, jusque là, enseignaient au collège des certifiés, des agrégés, mais aussi des PEGC, professeurs pouvant enseigner plusieurs disciplines. Or, ces PEGC se syndiquaient au grand syndicat du primaire de l'époque, le SNI-PEGC, alors que les autres émargeaient au SNES, au SNEP (pour le sport) ou au SNETAA (pour le professionnel). Ces deux syndicats (SNES et SNI-PEGC) appartenaient à la FEN, mais étaient chacun tenus par deux tendances opposées, Unité, indépendance et démocratie (plutôt proche du PS) pour le SNI-PEGC et Unité et Action (proche du PCF) pour le SNES. UID espérait, en permettant aux professeurs du primaire d'aller au collège, donner une perspective professionnelle à ses adhérents et rééquilibrer un peu les rapports de force au sein de la FEN car UA y progressait. En faisant ce choix, Jospin a choisi UA, et de fait, la FEN a explosé en 1992. La tendance UID a gardé la FEN qu'elle a transformé en SE-UNSA, et les membres d'UA, avec les autres tendances de la FEN, ont fondé la FSU.
Tu vas me dire, cher lecteur, que cette incise sur le syndicalisme ne concerne pas le sujet. En réalité, il est en plein dedans, car il faut bien voir que cette organisation actuelle de l'école n'est pas forcément venue de "l'intérêt de l'élève" mais bien de toute une série de rapports de force. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi Jospin a privilégié les proches du PCF, mais si un ancien du PS de l'époque passe par là, je serais très intéressé par son commentaire.
La loi d'orientation revient sur ce choix historique. En effet, elle met en place des conseils école-collège et prévoit que les enseignants des deux bords pourront aller enseigner chez les autres. Le PS est resté très accroché à cette idée que le SE-UNSA continue à défendre mordicus. Cependant, après réflexion, je continue à ne pas bien comprendre ce que le fait de faire venir des profs du primaire au collège, et inversement, pourra bien changer.
Les difficultés scolaires, dans le système actuel, apparaissent tout au long du système. Souvent, les gamins qui sont largués dans le primaire continuent à l'être ensuite. Dans le cadre actuel, nous sommes tous en échec sur les 120 000 gamins qui sortent du système sans diplôme. Ces 10% d'une classe d'âge restent notre grosse difficulté.
A partir de là, la question de l'école du socle apparaît plus comme une réforme institutionnelle que comme une réforme dans l'intérêt des élèves. Un enseignant du primaire a l'avantage de bosser 27h par semaine par rapport à un prof du secondaire qui en fait 18 ou 15. D'autre part, envoyer des profs du secondaire de certaines disciplines (langues, musique, arts plastiques, sports) permettrait de faire sauter tous les intervenants qui font souvent ces missions aujourd'hui.
En clair, où est l'intérêt des élèves dans tout cela ? Si quelqu'un a une idée...
Je vois des gens s'écharper hardi petit et j'avoue que je ne comprends pas grand chose à ces controverses que semble adorer le monde enseignant...
RépondreSupprimerL'impression fâcheuse de voir des joueurs professionnels jouer avec des cartes ou dés pipés comme dans Lucky Luke. Par exemple je n'ai pas trop souvenir d'avoir entendu le monde enseignant exiger la fin des vacances par secteur géographique. Cette segmentation est pourtant faite tout à fait ouvertement pour favoriser l'industrie touristique et personne n'a jamais dit que c'était en faveur des élèves ou même des enseignants.
L'impression aussi que le discours doit être en phase avec l'idéologie même si la réalité est autre. J'ai un copain prof qui se tape non pas 15 ou 18 heures de cours mais 28 heures par semaine dans les deux lycées où il enseigne.
Il faudrait ajouter cette haine de l'enseignement "privé" qui ne fait pourtant que répondre à une demande de parents désemparés qui ne trouvent pas dans le public l'établissement répondant aux besoins. Je songe à un de ces gamins "différents" dont les parents ont "le choix" entre une école spécialisée publique à 3 heures de chez eux ou une école privée dans leur ville à quelques minutes de chez eux. Je songe à une copine instit du public qui me racontait en 1985 qu'il devrait y avoir au moins quatre ou cinq écoles spécialisées de plus comme celle où elle bossait pour répondre aux besoins de son département. Mais que ces écoles ne seraient JAMAIS créées dans le public. Elle avait raison. Son école spécialisée est toujours l'unique école publique du département...
Tout ça laisse un peu désemparé et donne l'impression que le corporatisme est une notion importante pour comprendre le monde enseignant.
@ Partageux : c'est bien pour cela qu'on est aussi des professionnels. On connaît bien certains sujets.
SupprimerLe zonage des vacances date des années 1980 ou 1990. Je n'ai aucune idée du discours des collègues de l'époque. Par contre, je sais que le zonage des vacances d'été inquiète à cause de la question du bac. Pas encore d'info du gouvernement là-dessus.
Je ne vois pas comment on peut faire 28 h de cours sans être d'accord. Quel est son statut ?
Ecole spécialisée en quoi ? La mise en place de structures spécifiques dépend de l’administration et non des profs eux-mêmes. Je ne vois aucun lien avec le corporatisme.