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vendredi 13 juin 2014

Grève à la SNCF : les idées conservatrices dominent le débat.

Depuis mercredi, deux syndicats de la SNCF (la CGT et SUD) ont déclenché une grève. Cette grève et même si elle serait minoritaire, elle perturbe bien le trafic.

Très personnellement, comme je dois pas mal me déplacer pour aller à mon travail mais aussi dans mes activités de militant, cette grève me pose beaucoup de problème. J'ai dû rajouter de une à deux heures de transport chaque jour. Heureusement que la RATP ne participe pas au mouvement, car je serais sinon cloué chez moi, voire condamné à des heures dans les bouchons et à avoir des problèmes avec mon employeur.

Mais...

Depuis trois jours, les médias cassent cette grève, rejouent la chanson de la grève qui prend la France en otage et ne donnent évidemment aucun élément d'information qui permettrait de comprendre ce qui se passe ; les politiques font de même, puisque même le président s'est permis d'émettre un commentaire là-dessus alors que c'est son projet de loi qui est à l'origine du conflit ; la blogosphère n'est pas en reste. Dans cette dernière, si on ne s'étonne guère que la droite (malgré des exceptions) répète encore et toujours sa rengaine anti-grève, il est nettement plus curieux de voir des blogueurs de gauche chanter le même refrain, ou tout simplement garder le silence.

Qu'en conclure ?

Tout d'abord, la très grande majorité des acteurs médiatiques ne connaissent rien à la SNCF mais se permettent de condamner les cheminots. Rassure-toi, cher lecteur, dans l'Education, on vit cela tout le temps : on n'arrête pas de juger notre métier sans jamais avoir une quelconque idée de ce en quoi il consiste. C'est donc la notion même de grève qui est attaquée, pas simplement cette grève-là.

Le fait qu'une partie de la gauche s'attaque aux syndicats (qui sont composés de ses électeurs) alors qu'elle semble complètement accepter les lobbies de l'autre camp (qui certes, eux, ne me font pas perdre de temps de transport mais m'infligent l'austérité depuis 2008 et la baisse régulière de mon pouvoir d'achat et de ma qualité de vie au profit de je ne sais qui) démontre bien que c'est la droite qui domine les idées politiques de ce pays en ce moment. La grève, c'est mal, et même à gauche, cette idée progresse.

Notre gouvernement est malheureusement à la remorque de l'opposition là-dessus, comme il l'a été dans les derniers scrutins électoraux.

lundi 20 mai 2013

Position sur la réforme des retraites à venir.

La réforme des retraites à venir commence à faire causer. Cela tombe bien : on nous a vendu il y a trois ans une réforme qui devait tout résoudre, et qui, bien évidemment, n'a rien résolu.

Il y a quatre manières de rééquilibrer les comptes du système de retraite :
  1. faire chuter le chômage, mais cela a l'air compliqué pour nos gouvernants actuels, et aussi pour leurs prédécesseurs d'ailleurs ;
  2. augmenter les cotisations, ce qui permettrait de réorienter une partie des flux financiers du capital vers les salaires (il ne faut pas oublier que les cotisations sociales sont une partie du salaire qui est prélevée et mis de côté pour des jours moins heureux) ;
  3. jouer sur les prestations des retraités en faisant baisser le poids des pensions ;
  4. jouer sur la situation des salariés en augmentant la durée de cotisation.
Je suis clairement pour la deuxième solution, et ce d'autant plus qu'on a déjà joué, dans toutes les réformes précédentes, sur le point 4. Quant au point 3, je suis résolument contre l'idée d'attaquer les pensions des retraités, car beaucoup touchent peu, et ceux qui touchent beaucoup ont beaucoup cotisé dans le passé : cela saperait toute confiance dans le système.

Enfin, je suis totalement contre la fiscalisation des recettes des caisses. En effet, il ne faut pas oublier qu'un prélèvement par l'impôt ne pèse que sur les salaires nets, alors que les cotisations sociales pèsent sur le capital puisque celles-ci augmentent la part des salaires.

Et toi, cher lecteur, qu'en penses-tu ?

mercredi 10 avril 2013

Quelques leçons de l'ANI...

Tout le débat sur l'ANI pose de vraies difficultés que le mouvement syndical devra bien, à un moment, surmonter.

Je ne vais pas m'étaler ici sur les raisons qui font que je suis contre cet accord. Des dizaines de textes ont été publiés pour expliquer pourquoi il fallait s'y opposer. Trois syndicats de salariés ont choisi de signer ce truc, et les députés n'ont pas été capable de l'amender. Il reste le Sénat, mais il est certain que le PS trouvera quelques voix de droite pour le faire passer en l'état.

Je préfère revenir sur les questions qui sont posées par tout ce qu'il s'est passé, et sur les étapes de cette affaire.

1) Est-il normal que le gouvernement convoque les "partenaires sociaux" et impose un ordre du jour et une date-limite pour trouver un accord ? En théorie, un gouvernement a un programme et n'a donc pas besoin des syndicats pour trouver des idées. Le pouvoir peut éventuellement demander un avis, mais dans un pays où la loi républicaine prime sur tout, cette étape n'est nullement indispensable. D'autre part, les partenaires sociaux sont libres de signer des accords sur tous les sujets qui les intéressent, d'autant plus qu'un accord signé obligerait forcément le Parlement et le gouvernement à s'en saisir.

2) Le deuxième point porte sur la réalité du programme gouvernemental. En convoquant cette négociation avant la publication des chiffres de la représentativité, le gouvernement a démontré qu'il craignait de se retrouver avec FO et la CGT majoritaires. Il a donc poussé les consultations avant que ces résultats soient publiés, faisant ainsi appliquer son programme par les syndicats réformistes et par le patronat. Finalement, les députés et les sénateurs socialistes peuvent utiliser cet argument ("les partenaires sociaux ont négocié et signé") et gentiment se planquer derrière. Tout cela dénote bien un refus d'assumer la poursuite de l'application de la politique de l'offre.

3) La publication des chiffres de la représentativité arrange bien le patronat et les futurs gouvernements. Je dois dire que je ne cesse de m'étonner de ce bloc de 51% (chiffre tout à fait surprenant), et ce d'autant plus que j'ai une véritable expérience syndicale. Autant, la CFDT est réellement présente sur le terrain, dans le privé comme dans le public, autant on peut s'interroger sur cette force de la CFTC et de la CGC (qui, au passage, ne représente que les cadres...).

4) Il est de plus en plus problématique que certains syndicats construisent leurs mandats sur l'opposition aux autres syndicats et pas sur les revendications des salariés. Quand on lit que la CFDT n'est pas un syndicat qui s'oppose, on voit bien que le but est de créer de la division. Or, sans unité syndicale, les victoires sont très difficiles à obtenir. Pour moi, les syndicats qui font la course à l'échalote avec les autres organisations, et qui, pour exister, s'amusent à signer n'importe quoi, sont grandement responsables de la décrédibilisation des organisations syndicales auprès des salariés et de la délégitimation de la représentativité.

5) Mais il est vrai que cette représentativité ne s'appuie que sur des résultats électoraux, et évacue définitivement et complètement la question du nombre d'adhérents des syndicats. Cette logique s'appuie sur le fonctionnement des partis, mais on ne peut raisonner de la même façon. Un parti tire sa légitimité de ses résultats électoraux, un syndicat de son action sur les lieux de travail. La logique électoraliste amènera, à terme, les syndicats à ne pas se battre particulièrement pour conserver des adhérents et à se bureaucratiser encore davantage.

6) Et c'est là que nos organisations ne représenteront vraiment plus rien, à part les pensées de leurs permanents. Ce sera d'autant plus criant lorsque ces permanents seront aussi encartés dans divers partis politiques...

Alors, il faut d'ores et déjà réfléchir à revoir la représentativité sur plusieurs points :
  • intégration des syndicats patronaux dans le calcul de la représentativité. On verrait ainsi que le MEDEF représente le CAC 40 avant tout.
  • ajout, dans les critères de représentativité, de l'implantation réelle des syndicats dans les entreprises et les services publics. On pourrait imaginer, par exemple, demander aux employeurs de déclarer la liste des sections syndicales qui sont effectivement présentes en face d'eux dans la vie de tous les jours. On se rendrait compte ainsi que SUD fait peu de voix aux élections mais a souvent des militants actifs sur le terrain, ce qui n'est pas forcément le cas d'autres organisations.
  • maintien du rôle souverain du Parlement sur le droit du travail, les accords patronat-syndicats donnant des orientations à suivre, ou pas, en fonction des programmes des partis au pouvoir. Sinon, vu que le MEDEF ne signera pas d'accord de gauche, on n'est pas prêt d'avancer.
En attendant, cher-e-s ami-e-s, si vous êtes syndiqués, il serait temps de regarder un peu ce qu'il se passe dans vos orgas. J'ai franchement de la peine pour les camarades cfdtistes, qui doivent assumer l'ANI sur le terrain. Les prochains congrès pourraient être le moment de remettre les pendules à l'heure avec vos directions. Quant aux non-syndiqués, après tout, hein, vous aviez qu'à l'être, mais il vous est possible de vous engager. C'est quand on reste en dehors qu'on accepte que d'autres décident pour vous.

vendredi 8 mars 2013

Loi d'orientation : l'école du socle au programme.

Vincent Peillon est un type malin : depuis plusieurs semaines, il occupe les médias en injectant sans arrêt des éléments nouveaux sur une question clivante, celle des rythmes scolaires. Et pendant ce temps, la loi d'orientation sur l'école avance et a commencé à être analysée et modifiée par les parlementaires. Et le moins que l'on puisse dire est que, contrairement à ce qui est dit un peu partout, cette loi va assez loin.

On risque d'entendre beaucoup parler dans les prochains jours du concept d'école du socle. C'est un très vieux débat, cher lecteur.

Pour le résumer de manière très caricaturale (on est sur un blog, pas sur un site de sciences de l'éducation), il s'agit, en réalité, d'une division organisationnelle du système scolaire. Je te résume les positions existantes :
  • actuellement, le système scolaire est divisé en trois morceaux bien distincts qui permettent de mettre en place des ruptures dans la vie de l'enfant. On trouve l'école primaire, le collège et le lycée. L'école primaire et le collège font partie de la scolarité obligatoire (à l'exception de l'école maternelle, même si l'ultra-majorité des gamins y vont). Cependant, les deux sont nettement séparés. Au primaire, les enfants sont face à un enseignant généraliste qui traite l'ensemble du programme (même si des intervenants extérieurs sont fréquents, en fonction des moyens des communes). A partir de la 6e, les enfants sont face à plusieurs enseignants qui, eux, sont spécialisés dans un petit nombre de disciplines. Cette rupture est très critiquée, les enfants ressentant apparemment une vraie souffrance à ne plus avoir un seul enseignant qui les cajole toute la journée. La réalité est que, après une ou deux semaines d'attentisme, la plupart des 6e se comporte comme s'ils étaient au collège depuis toujours. Par contre, il est vrai aussi que les gamins en grande difficulté au primaire ne s'en sortent pas mieux ensuite au collège ;
  • les tenants de l'école du socle considèrent qu'il faudrait réunir le primaire et le collège avec une transition progressive et non pas brutale, en s'appuyant sur le célèbre socle commun de compétences, de connaissances et de culture, vieille marotte des libéraux qu'une partie de la gauche a aussi entretenu. La vraie rupture se placerait alors à l'entrée en 2nde. Le socle est très populaire au PS, mais c'est pourtant la droite qui en a mis en place une première mouture, que Peillon n'a pour le moment pas modifiée. Je ne vais pas me lancer ici dans le débat sur ce conflit à mon sens stérile sur l'opposition entre compétences et connaissances que je laisse à mes collègues qui préfèrent s'entretuer plutôt qu'avancer.
Cette division actuelle date de 1989. A cette date, Jospin a tranché entre le collège et le primaire et a provoqué de profonds remous dans le monde syndical enseignant. En effet, jusque là, enseignaient au collège des certifiés, des agrégés, mais aussi des PEGC, professeurs pouvant enseigner plusieurs disciplines. Or, ces PEGC se syndiquaient au grand syndicat du primaire de l'époque, le SNI-PEGC, alors que les autres émargeaient au SNES, au SNEP (pour le sport) ou au SNETAA (pour le professionnel). Ces deux syndicats (SNES et SNI-PEGC) appartenaient à la FEN, mais étaient chacun tenus par deux tendances opposées, Unité, indépendance et démocratie (plutôt proche du PS) pour le SNI-PEGC et Unité et Action (proche du PCF) pour le SNES. UID espérait, en permettant aux professeurs du primaire d'aller au collège, donner une perspective professionnelle à ses adhérents et rééquilibrer un peu les rapports de force au sein de la FEN car UA y progressait. En faisant ce choix, Jospin a choisi UA, et de fait, la FEN a explosé en 1992. La tendance UID a gardé la FEN qu'elle a transformé en SE-UNSA, et les membres d'UA, avec les autres tendances de la FEN, ont fondé la FSU.

Tu vas me dire, cher lecteur, que cette incise sur le syndicalisme ne concerne pas le sujet. En réalité, il est en plein dedans, car il faut bien voir que cette organisation actuelle de l'école n'est pas forcément venue de "l'intérêt de l'élève" mais bien de toute une série de rapports de force. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi Jospin a privilégié les proches du PCF, mais si un ancien du PS de l'époque passe par là, je serais très intéressé par son commentaire.

La loi d'orientation revient sur ce choix historique. En effet, elle met en place des conseils école-collège et prévoit que les enseignants des deux bords pourront aller enseigner chez les autres. Le PS est resté très accroché à cette idée que le SE-UNSA continue à défendre mordicus. Cependant, après réflexion, je continue à ne pas bien comprendre ce que le fait de faire venir des profs du primaire au collège, et inversement, pourra bien changer.

Les difficultés scolaires, dans le système actuel, apparaissent tout au long du système. Souvent, les gamins qui sont largués dans le primaire continuent à l'être ensuite. Dans le cadre actuel, nous sommes tous en échec sur les 120 000 gamins qui sortent du système sans diplôme. Ces 10% d'une classe d'âge restent notre grosse difficulté.

A partir de là, la question de l'école du socle apparaît plus comme une réforme institutionnelle que comme une réforme dans l'intérêt des élèves. Un enseignant du primaire a l'avantage de bosser 27h par semaine par rapport à un prof du secondaire qui en fait 18 ou 15. D'autre part, envoyer des profs du secondaire de certaines disciplines (langues, musique, arts plastiques, sports) permettrait de faire sauter tous les intervenants qui font souvent ces missions aujourd'hui.

En clair, où est l'intérêt des élèves dans tout cela ? Si quelqu'un a une idée...

jeudi 28 février 2013

La loi d'amnistie des syndicalistes : une opération à somme nulle.

Le Sénat a adopté la loi sur l'amnistie des syndicalistes. Tu en trouveras, cher lecteur, le texte ici. Immédiatement, la blogosphère s'est saisie du sujet : la droite râle, le FdG trouve que l'on ne va pas assez loin, certains blogueurs socialistes considèrent que ce sujet n'est pas au centre des préoccupations des Français. Globalement, on n'échappe nulle part à tous les clichés habituels sur l'action syndicale.

En tant que syndicaliste moi-même, je trouve le sujet tout à fait intéressant. Il pose en fait la question du délit qui n'est pas motivé par la volonté du délinquant de s'enrichir personnellement mais de défendre une cause. En clair, on considère souvent, dans le monde syndical, que des décisions iniques légitiment des actions illégales (cette différence entre légitimité et légalité est primordiale). A droite, on estime que la délinquance des syndicalistes est un problème de fond, aussi grave que celui de la délinquance classique, et bien plus que la délinquance des entreprises qui, elles, ont les moyens de se payer des juristes pour mener des actions illégitimes en toute légalité. Rappelons que la droite trouvait normal que des maires refusent de mettre en œuvre la loi votée il y a encore quelques semaines ou qu'on lit régulièrement, dans la blogosphère de droite, le fait que les droits sociaux sont des entraves à la liberté : aucune raison de rentrer dans ce débat face à cette mauvaise foi totalement assumée.

D'expérience, on sait que l'action syndicale peut amener à enfreindre la loi. C'est une évidence, et il me semble important que chaque syndicaliste en ait une pleine conscience. Lorsque l'on fait un acte illégal mais qu'on estime légitime, on prend ainsi ses responsabilités, d'autant plus que l'on sait que la justice, surtout durant les dix dernières années mais encore aujourd'hui, est particulièrement sévère. Après, je l'ai souvent écrit : le fait de résister aux pouvoirs amène à prendre des risques. On se doit de faire avec. C'est bien pour cela que la droite, très globalement attaché au respect de la loi (surtout lorsque cela protège ses intérêts), estime que les syndicalistes doivent être particulièrement sanctionnés. Cependant, pour relativiser, c'est en général l'opinion dans son ensemble qui décide et qui légitime, ou pas, des actions syndicales illégales. Les actions contre les OGM, menées par la Confédération paysanne, ont souvent le soutien des Français, mais elles sont exclues de la loi. Xavier Mathieu a aussi gagné une image positive du fait du comportement de son entreprise, bien plus méprisable. Par contre, l'opinion s'est souvent montrée sévère avec la CGT du Port de Marseille ou de la SNCM, ou encore avec la CFDT de Brittany Ferries.

Quand on analyse le texte voté par le Sénat (en rappelant que l'Assemblée nationale doit encore s'en saisir et peut largement l'élaguer, car le FdG ne peut rien faire dans cette institution), on constate que seuls les petits délits sont amnistiés. En soi, je pense que ce n'est pas plus mal. Et puis, les grévistes de 1948 bénéficient enfin d'une amnistie, ce qui répare, en l’occurrence, une vraie injustice. S'il devait rester quelque chose de ce texte, c'est bien ce premier article.

Pour le reste, même si le FdG en a fait un marqueur de son action politique, je reste assez d'accord sur le fait que la population se moque complètement de cette loi. En gardera-t-elle un mauvais souvenir ? A droite, oui, on l'utilisera comme un hochet pour effrayer l'électeur, mais on s'en fout : on ne fait pas de la politique pour satisfaire des gens avec qui on est en désaccord et qui viennent de perdre les élections. Par contre, je pense que l'électorat socialiste s'en fichera. Quand à l'électorat FdG, ce n'est pas ce texte qui le fera changer d'avis sur le PS. En clair, politiquement, l'opération est à somme nulle.

Reste que le PS tente quand même de séduire les militants syndicaux, dont certains sont membres de ce parti. Là encore, je doute du succès.

Est-ce que l'existence de ce texte changera quelque chose à l'exercice de mon action syndicale ? Non. D'abord parce que je n'ai pas eu l'occasion d'enfreindre la loi (en tout cas pas suffisamment gravement pour qu'on m'en tienne rigueur) depuis sept ans que je milite, et ensuite parce que j'ai milité sous Sarkozy alors que cela pouvait être dangereux, sans trouver que cela ait pu avoir une quelconque importance.

lundi 25 février 2013

Rythmes scolaires : les enseignants peuvent-ils encore communiquer en France ?

La situation de la réforme des rythmes scolaires dans le premier degré illustre les difficultés de plus en plus grandes dans lesquelles se trouvent les enseignants pour faire passer un quelconque message positif.

Lorsque Vincent Peillon a décidé de poursuivre la réforme des rythmes entamée par son prédécesseur, il était évident que le sujet serait très glissant. Il touche en effet de nombreuses personnes et de nombreux acteurs de notre société :
  • les parents qui doivent réadapter leurs emplois du temps,
  • les profs qui doivent changer leurs modes de vie, mais aussi tous les autres personnels travaillant dans les écoles,
  • les communes qui doivent éventuellement embaucher et/ou débaucher du personnel pour la semaine et pour les périodes de vacances,
  • les associations et clubs sportifs, les groupes d'activité artistique, les religieux qui font du cathé... : beaucoup d'entre eux voyaient les gamins les mercredis,
  • les entreprises du tourisme, si jamais on touche aux vacances et à leurs durées...
En clair, c'est très compliqué. Et sur ce sujet-là, personne, parmi les spécialistes auto-proclamés ou pas, n'est vraiment d'accord. Je l'avais déjà évoqué dans ce billet, et je ne vais pas y revenir.

De toute façon, le ministre, même s'il vient de se relancer sur la question des vacances, a finalement adopté une réforme a minima (redéployer une partie des heures de cours sur une matinée de plus, sans augmenter le temps effectif de cours ni toucher aux vacances). Il doit pour cela obliger les communes à embaucher des personnels. Certaines vont sûrement fermer les écoles plus tôt ou les ouvrir plus tard.

Globalement, pour résumer très schématiquement, les gamins vont avoir le même temps de cours (24 heures par semaine) contre 27 avant la réforme Chatel, mais avec une demi-journée de plus dans la semaine. Le temps dégagé sera occupé par les communes, qui feront ce qu'elles pourront.

Ayant pas mal de professeurs des écoles dans mon entourage, j'ai pu entendre des réactions très diverses. D'abord, avant les annonces, j'avais trouvé que les collègues n'étaient pas forcément mécontents de retravailler une demi-journée de plus, car les cours du samedi matin se passaient souvent très bien. La division apparaît plutôt sur la demi-journée à choisir : dans mes connaissances, un tiers sont pour le samedi et deux tiers pour le mercredi, mais c'est très schématique, parce que cela porte sur six personnes...

Par contre, l'arrivée des communes dans le temps scolaire obligatoire est très mal vécue, car cela va avoir des conséquences lourdes de deux façons différentes :
  1. d'abord, le principe est gênant, car, de fait, les enfants de tout le pays vont voir arriver tout et n'importe quoi, parfois de très bonnes choses, parfois n'importe quoi. Les collègues auraient souvent préféré revenir à 27 heures dans ce cas (le programme est très dur à tenir en 24h)...
  2. ...car les communes vont souvent mettre ces activités en place sur la pause de midi. En effet, elles avaient déjà des personnels pour surveiller les cantines sur ces moments-là. Elles ne seraient donc pas obligées d'embaucher. Par contre, les profs resteront toujours autant de temps (mais avec 2h15 libérées le midi au lieu de 1h30), ce qui fait qu'ils resteront autant de temps qu'aujourd'hui à l'école les quatre jours de la semaine, et il faudra y ajouter les trois heures de la demi-journée supplémentaire.
Personnellement, je pense que ce type de réforme aurait pu passer si les collègues pensaient que les gamins y gagneraient des choses. C'est l'avantage de la grande majorité des fonctionnaires : n'ayant pas le profit comme appât, nous sommes heureux quand le service est bien rendu. On pourrait donc faire passer une réforme allongeant le temps de travail, même si c'était difficilement, avec l'idée derrière d'un travail mieux fait.

Avec cette réforme, les profs des écoles pensent que les conditions d'enseignement ne changeront pas, que la qualité de l'enseignement ne sera modifiée qu'à la marge (programmes identiques, temps identiques, personnels identiques...), qu'ils resteront plus longtemps à l'école (autant les quatre jours + trois heures le mercredi) et que les gamins, pendant ce temps, feront un peu tout et n'importe quoi avec les personnels des communes.

Ce qui ressort de cette réforme, c'est que le gouvernement pense résolument, sans que je comprenne bien pourquoi, que les collectivités territoriales sont les solutions à tous les problèmes du système éducatif. J'en reparlerai.

Reste que les grèves sont arrivées, et qu'elles ont été très bien suivies, bien plus que sous Sarkozy. Les syndicats ont diffusé deux types de messages : soit il ne faut rien changer (FO, SUD, CGT), soit qu'il faut faire la réforme mais en mieux (SNUIpp-FSU, certaines sections du SE-UNSA). Globalement, ce dernier message n'est pas passé dans les médias.

Ceux-ci, imbus de leurs idées anti-profs nantis, ont répercuté une seule idée : les profs se fichent des gamins et ne veulent simplement pas bosser plus. Et bien sûr, plutôt que d'aller interviewer des personnes qui réfléchissent à tout cela et qui ont des pensées nuancées, on va pêcher n'importe quel guignol dans une manifestation, on coupe l'interview pour qu'on entende simplement "touchez pas à mon mercredi !", et pendant que le pays s'effondre dans le marasme, on construit la vision d'un monde éducatif arc-bouté sur le temps de travail, sans aucune réflexion derrière et qui se moque de la situation des autres citoyens de ce pays.

Les médias ont été pitoyables, et les politiques pourtant de gauche au pouvoir aussi, avec des gens qui ont pourtant voté François Hollande à 75% au premier tour.

Globalement, ce qui ressort tout de même, c'est que les syndicats des profs du premier degré, pourtant mieux vu en général que ceux du second, n'arrivent pas à faire passer un quelconque message à travers le plafond de verre des médias.

Un dernier point : le SNUIpp-FSU, syndicat majoritaire, ne voulait pas faire grève sur ce sujet, justement à cause du piège médiatique potentiel et des risques pour l'image des collègues. Cela démontre bien les difficultés pour les syndicats, même pour les plus gros, de communiquer. Or, il y a été forcé par sa base. Des copains du SNU m'ont raconté que les AG avec les personnels avaient été très tendues, et qu'ils auraient eu de gros problèmes s'ils n'avaient pas choisi d'appeler.

En ce moment, on peut vraiment dire que l'on se mord la queue...

jeudi 21 février 2013

Fin du jour de carence : l'exemple d'une mesure inefficace pour les finances publiques mais symbolique pour gagner (ou perdre) des élections.

Les Echos l'annoncent ce matin : au dernier trimestre de l'année 2013, le jour de carence pour les fonctionnaires, lorsqu'il y a prise d'un arrêt-maladie, sera abrogée.

Depuis quelques temps, dans l’Éducation nationale, on voyait bien les effets de la mesure. D'abord, il est certain que cela avait un impact à priori positif pour le gouvernement : la nette diminution de la participation aux journées de grève. Cela s'était vu lors de la journée de grève du 31 janvier 2013, pourtant appelée pour refuser le jour de carence, qui avait amené peu de monde dans les rues dans l’Éducation nationale. Plusieurs collègues, dans mon lycée dit difficile, évoquèrent les deux ou trois jours de carence déjà assumés depuis le début de l'année scolaire, interdisant de fait la perte d'un trentième supplémentaire.

Par contre, la mesure avait aussi un réel côté pervers. Depuis le début de l'année, j'ai aussi entendu, venant de plusieurs salles des profs, l'idée que, si on pouvait avoir tendance autrefois, par conscience professionnelle, à réduire les arrêts au minimum (un jour de repos suffit souvent, il faut bien le dire), pourquoi se limiter lorsqu'on vous sucre un jour de carence ? En clair, une fois un jour perdu, autant accepter quand le médecin vous propose trois jours et qu'on avait autrefois le réflexe de n'en demander qu'un. Du fait de ses grosses difficultés de remplacement, l’Éducation nationale ne pouvait que souffrir de ces évolutions, particulièrement dans le premier degré où il faut qu'il y ait un adulte devant une classe. On peut donc espérer que le retour à la situation antérieure fera disparaître ces comportements nuisibles aux finances du système de santé comme au système éducatif.

Reste que la mesure reste en place dans le privé, où on sanctionne les salariés qui sont malades. Certes, dans les grosses boites, les mutuelles prennent en charge (les jours de carence étant alors un simple transfert de charge de la Sécurité sociale aux mutuelles), mais il reste sans doute au moins 40% des salariés français du privé qui sont ainsi sanctionnés, entraînant un refus de leur part de s'arrêter en cas de petites maladies, et donc, de fait, une dégradation globale de leurs conditions de vie.

Cette mesure reste assez incompréhensible, car un travailleur qui refuse de se soigner s'abime, devient moins efficace et finalement, nuit au fonctionnement de son entreprise ou de son service public comme à lui-même.

La droite avait mis en place cette mesure pour satisfaire son électorat, une partie de celui-ci étant persuadé que les fonctionnaires passent leur temps en arrêt-maladie. La gauche, après avoir arrosé l'électorat de droite avec cadeaux fiscaux aux entreprises et au MEDEF (alors qu'il ne votera jamais pour lui), semble enfin se souvenir de ses électeurs. On peut déplorer ces mesures à courte vue et uniquement à but électoraliste. Les politiciens feraient mieux de trouver de vraies solutions plutôt que de s'amuser à flatter tous les côtés bas et mesquins de leurs clientèles.

Il ne reste plus maintenant qu'un petit pas à franchir : faites sauter les jours de carence dans le privé (et les franchises médicales par la même occasion), laissons nos concitoyens se soigner en paix, et vous verrez qu'on observera une amélioration globale des conditions de santé de nos concitoyens, voire même une diminution des déficits de la Sécurité sociale.

samedi 6 octobre 2012

Leçons des salmigondis des divers pigeons de la semaine.

L'affaire des Pigeons, ce mouvement de droite apparu sur internet cette semaine contre une réforme de la taxation des autoentrepreneurs, est révélatrice de plusieurs phénomènes.

Tout d'abord, des militants de droite savent utiliser Twitter, y compris en racontant n'importe quoi. Bon, on s'en fiche, tu vas me dire, cher lecteur, mais enfin, c'est bon à savoir...

Deuxièmement, le gouvernement s'est couché assez rapidement, même si ce n'est que partiellement, devant un mouvement qui s'est contenté d'envoyer des twits sans rien faire de plus.On se demande ce qu'il se serait passé si ces pigeons avaient décidé de manifester physiquement. Heureusement qu'à droite, on ne manifeste qu'une fois tous les vingt ans...

Ce qui amène à une leçon que tout femme ou homme de gauche doit méditer : on ne peut faire reculer ceux qui ont du pouvoir et construire un modèle social plus juste sans un important mouvement social qui accompagne fortement et massivement l'équipe au pouvoir, qu'elle soit sociale-démocrate ou plus radicale. Ce fut le cas en 1936, en 1945 ou encore en 1968 et 1981.

Et aujourd'hui, cher lecteur, tu vois un mouvement social d'ampleur ?

C'est la principale faiblesse de ce gouvernement socialiste : la population française a massivement intégré les solutions rigoristes et ne souhaite pas se battre pour une autre société, même une société plus régulatrice et plus redistributrice que pourrait éventuellement nous vendre le PS. Même si les Français ont renvoyé Sarkozy à ses chères études, ils restent majoritairement de droite économiquement et socialement.

Et c'est une bonne leçon pour nous, au Front de Gauche. Si Hollande n'a même pas le soutien populaire pour renvoyer les pigeons dans leurs volières, peut-on vraiment imaginer que Mélenchon aurait pu réaliser une véritable rupture avec le capitalisme ? J'ai beau en avoir une envie furieuse, j'en doute furieusement.

Alors, si demain, il faut descendre dans la rue pour donner du poids au gouvernement et faire des réformes, j'y serai prêt. Encore faut-il que quelqu'un nous y appelle...

Et à part le FdG dimanche dernier, que fichent les syndicats et le PS ? S'ils ont besoin d'aide, on est là. Hou hou, on est là. On veut bien la faire, la guerre à la finance. Eh, y a quelqu'un ?

samedi 28 avril 2012

Ah, enfin un 1er mai où il y aura du monde !

Le titre du billet est provocateur, cher lecteur, je le sais très bien, et il faut que je m'en explique.

Cela fait maintenant onze ans que je travaille. N'étant pas issu d'une famille ancrée dans les rites syndicaux, ma participation aux défilés du 1er mai avait été avant très épisodique. Depuis, je m'y suis mis progressivement, et le moins que l'on puisse dire est que le 1er mai ne mobilise pas massivement les foules.

J'ai souvenir de trois 1er mai relativement important : le premier était de loin celui de 2002, à cause du passage de Le Pen au second tour, très politique celui-là ; le deuxième celui de 2003, lorsque nous étions en plein démarrage du mouvement contre la réforme Fillon des retraites, où il y avait eu énormément de monde ; le dernier était celui de 2010, alors que la réforme Woerth des retraites s'annonçait, commençant à faire bouger les foules.

A part ces deux dates, et sans renier nullement la charge symbolique de cette journée, il faut quand même admettre que la masse des travailleurs a cessé de considérer cette manifestation comme un passage obligé pour s'en servir uniquement dans des situations difficiles ou conflictuelles. Le reste du temps, le 1er mai est un rassemblement de personnes souvent engagées ou très concernées, qui peut être important, mais qui ne réunit pas non plus des foules délirantes. L'affaiblissement régulier des syndicats ces trente dernières années explique sans doute cela de même que la capacité à rédiger des appels unitaires, mais aussi la difficulté du travail pour de nombreux salariés et la volonté de profiter d'un jour férié bienvenu ou d'un pont très bien placé, comme celui de cette année d'ailleurs. Peut-on leur en vouloir ? Non, bien sûr...

Or, ce mardi, le 1er mai reprend un ton politique, comme en 2002, mais pour des raisons différentes. En effet, notre président a choisi d'en faire un moment de clivage de sa campagne. En dehors de tous les délires de dénonciation saisissant les deux camps, il faut faire quelques rappels bienvenus.

Tout d'abord, est-il normal que le 1er mai se politise ? Bien sûr ! Il faut rappeler que son origine vient de l'internationale socialiste en 1889. Il s'agit donc, à l'origine, d'une date très politique dans laquelle les syndicats s'inscrivent.

Est-ce un problème pour les syndicats ? Je ne vois pas vraiment en quoi, d'autant plus que plusieurs ont appelé à faire battre Sarkozy, en particulier la majoritaire CGT. Les syndicats auraient maintenant du mal à dire qu'ils souhaitent rester totalement en dehors de tout ce qu'il se passe autour d'eux !

Est-il normal que les partis de gauche manifestent avec les syndicats ? Depuis dix ans que je fais des 1er mai, les partis de gauche sont toujours présents, en général sur les trottoirs, et clairement visibles. Le PS est d'ailleurs en général présent aussi, ce qui rend la volonté de Hollande d'atténuer les choses assez mystérieuse finalement. Donc, il n'y a rien d'anormal.

Est-ce un problème que les autres mouvements politiques s'en saisissent ? Cela fait trente ans que le FN a tenté de récupérer le 1er mai, et c'est loin d'être une nouveauté à l'extrême-droite, dont toute une frange a un ancrage social fort. Il s'agit pour elle de cliver face à la gauche et de se trouver une date symbolique qui permet un rassemblement. Quant à l'UMP, il est évident que Sarkozy fait une tentative de clivage et de récupération qui ne tiendra que cette année : il n'y a aucune tradition à droite de ce type de choses, et les manifestations, ce n'est pas le genre de la maison.

Y a-t-il un risque que cela dérape, vu que tout ce beau monde va se retrouver dans les rues ? On se pose chaque année la question, vu que le FN se réunit dans Paris, mais cela n'arrive pas, tout simplement parce que les cortèges ne se croisent pas. D'ailleurs, cette année encore, le FN se réunit le matin devant la statue de Jeanne d'Arc alors que les syndicats ont appelé à Denfert-Rochereau à 15h. Quant au rassemblement de l'UMP, à 13h30 au Trocadéro, il est encore plus éloigné du parcours plus tardif Denfert-Rochereau-Bastille.

Quant aux éventuels affrontements qui pourraient se produire, je n'y crois pas une seconde. En effet, Sarkozy n'y a aucun intérêt, vu que c'est lui qui a souhaité ce clivage et cette confrontation. Si cela dérape, il sera tenu pour responsable de tout ce bordel et je ne pense pas qu'il en ait besoin pour gagner cette élection. On peut donc penser que la mobilisation policière sera elle aussi très conséquente.

Après, restent tous les autres défilés, mais il me semble que la manifestation sarkozyste se cantonnera à la capitale...

Alors, ce 1er mai, souhaitons que le cortège des syndicats soit le plus massif possible et rassurons-nous, tout se passera bien, à priori...

lundi 23 avril 2012

La fête du vrai travail : illustration de cinq années de sarkozysme.

Nicolas Sarkozy propose le 1er mai une fête du "vrai travail", pour les gens qui travaillent dans des conditions précaires et très difficiles, et qui ne viendront donc pas manifester le 1er mai, parce qu'ils ne le peuvent pas.

Ces gens que Sarkozy a passé son temps à enfumer et dont il n'a cessé de dégrader les conditions de vie pendant dix ans.

Ce sera donc une manifestation de militants et de sympathisants UMP.

Sans doute pense-t-il que la vieille agressivité anti-syndicale à droite va permettre de faire l'unité autour de lui.

Au-delà de la provocation à laquelle beaucoup de gens vont répondre, je trouve le procédé minable et signe du désespoir du camp présidentiel.

Pour ceux qui veulent manifester pour des revendications sociales et pour participer à cette fête des travailleurs (et non pas du travail, faut arrêter de dire n'importe quoi), l'appel à la manifestation est ici.

Non mais, est-ce qu'on organise des contre-rallyes dans les rues de Neuilly, nous ?

samedi 26 février 2011

Soutenir les associations n'implique pas d'aider les transnationales à faire encore plus de profit, elles en font assez comme ça.

Il y a quelques semaines, j'ai reçu, comme des centaines de blogueurs je suppose, un mail des Restos du coeur me proposant une opération de soutien. Le principe semblait simple. Il me suffisait de faire un billet dans lequel j'insérais un code qui produisait une jolie image. Grâce à cela, deux grandes transnationales françaises offraient dix repas à l'association. A priori, rien de scandaleux.

Pourtant, il m'a été impossible, idéologiquement parlant, de produire ce billet.

J'en ai très rarement parlé, mais cela fait maintenant douze que je suis bénévole dans l'une des plus grandes associations caritatives de France. Comme les Restos, nous avons organisé à plusieurs reprises des collectes alimentaires, qu'elles soient nationales ou locales. A chaque fois, ce mode d'action permet de récolter de substantielles quantités de nourriture, même si les gains varient beaucoup en fonction des années. On a par exemple pu mesurer, ces dernières années, l'impact de la crise économique sur nos concitoyens par rapport aux années 2000-2007.

A cette occasion, j'ai pu participer à des négociations avec les dirigeants locaux de supermarchés pour organiser ces opérations. Les supermarchés ne sont jamais à l'origine de ces collectes et ils répondent aux sollicitations des associations. En général, ils posent de nombreuses conditions qu'avec le recul, j'estime totalement scandaleuse, à l'exception des conditions de sécurité élémentaire et des conditions pour le bon fonctionnement du magasin. En effet, lorsqu'une association fait une collecte (et c'est encore plus vrai lors de la collecte alimentaire nationale de novembre) , le supermarché y gagne deux choses considérables : une très bonne image auprès de la population locale (la collecte est annoncée à l'avance, moult annonces au haut-parleur ponctuent la journée et le speaker rappelle sans cesse l'importante contribution du centre) et surtout une hausse très importante des bénéfices sur la/les journée(s). Il y a quatre ans, un directeur de supermarché m'a confié, sur le ton de la confidence, qu'il doublait son chiffre ce jour-là. D'ailleurs, les directeurs cherchent surtout à prévoir ces évènements pour multiplier leur stock...

Là réside toutes les limites de la charité dans notre société. Les compagnies qui soutiennent les associations ne le font jamais gratuitement. Cela fait totalement partie du jeu et est intégré par tous les responsables associatifs. Elles en attendent toujours un retour au plan de l'image qui devrait entraîner de bons profits pour plus tard. Au total, tout cela est bien loin de la bonne vieille charité chrétienne.

L'opération proposée aux blogueurs par les Restos est du même acabit. Il s'agit d'une campagne de publicité totalement gratuite pour les deux groupes qui financent, et pour un coût ridicule. Je ne sais pas si tu peux imaginer, cher lecteur, quel est le coût d'un repas servi dans une association ou d'un colis alimentaire, mais il est bien plus faible que ce qu'aurait coûté un paiement de tous les blogueurs pour qu'ils fassent deux publicités.

Alors, je voudrais aujourd'hui te dire, cher lecteur, une chose très simple : si tu veux aider une association, tu n'as pas besoin de faire des opérations médiatiques qui bénéficient surtout aux groupes qui se cachent derrière. Saisis-toi de ton carnet de chèque et envoie un petit montant à l'une des grandes associations qui pratique la distribution alimentaire : les Restos, la Croix-Rouge, le Secours populaire, le Secours catholique et de multiples associations locales. Tu n'as même pas besoin d'écrire au siège central : en regardant dans ton bottin, tu trouveras sans difficulté une antenne locale d'une de ces structures qui sera très heureuse de recevoir ton chèque. Tu recevras en plus une déduction fiscale de 66% de ton don sur l'IRPP (l'Etat creuse le trou).

Et puis, si tu as un peu de temps à consacrer à cela, le mieux est encore d'aller faire du bénévolat. Depuis la fin des années 1990, les associations caritatives n'ont pas cessé de perdre des bénévoles. Certes, on peut faire beaucoup avec des repas ou avec des chèques, mais s'il n'y a personne derrière pour transporter les colis, pour tout préparer et pour distribuer, cette argent ira juste dans un compte en banque pour thésauriser. Autant garder ce montant pour aller boire un verre.

Quant à nos deux compagnies, si leurs responsables ont vraiment un esprit charitable, qu'ils prennent donc leurs chéquiers et qu'ils donnent. Cela est d'autant plus facile que notre Etat, toujours prêt à creuser ses trous, accorde de généreuses déductions fiscales aux entreprises qui font du mécénat...

jeudi 24 février 2011

Le 19 mars, on manifeste pour l'Education ! Retrouvons-nous dans chaque académie.

Le collectif Un pays, une école, notre avenir relance une journée nationale de manifestation pour défendre et promouvoir l'école publique.

Ces manifestations se dérouleront le samedi 19 mars, avec une manifestation par académie et une manifestation régionale à Paris.

Je ne crois pas vraiment à l'efficacité de ce type de journée, qui commence à être récurrent, mais il ne faut pas rater une occasion de s'exprimer. D'autres n'ont pas (encore) accès à cette possibilité...


"L’éducation n’est plus une ambition pour ce gouvernement. Il aura supprimé 50 000 postes dans le service public d’éducation en cinq années mettant en difficulté écoles et établissements, dégradant de façon systématique les conditions d’accueil, de formation et de qualification des élèves, détériorant les conditions de travail de l’ensemble des personnels. La Révision générale des politiques publiques (RGPP) aura déstabilisé les personnels et affaibli les capacités de nombreux services comme celui de la Jeunesse et des Sports. Les universités sont confrontées à des difficultés budgétaires et des promesses non tenues. 
Le service public d’éducation, cible de la chasse budgétaire, est tiré vers le bas.
À la rentrée 2011, ce seront 16 000 postes supplémentaires qui seront supprimés malgré l’augmentation des effectifs d’élèves. Les conséquences auront des effets immédiats sur la taille des classes dans les écoles, les collèges et les lycées, la scolarisation des enfants de deux et trois ans, les élèves en difficulté, le fonctionnement des services et l’offre d’enseignement… Le gouvernement fait le choix de la régression. Il a fait aussi ce choix en supprimant la formation initiale des enseignants entraînant ainsi démissions et effondrement du recrutement. Dans le même temps, la majorité parlementaire a décidé de favoriser l’enseignement privé au détriment du service public.
Le gouvernement ne prépare pas l’avenir. Ses choix dessinent une Ecole où les inégalités seront renforcées, une École plus dure pour les moins favorisés, une Ecole où la concurrence entre établissements, par l’abandon de la sectorisation, sera la règle. Les enquêtes internationales, comme PISA, confirment que les inégalités se creusent. Le gouvernement ne répond qu’avec des effets d’annonce.
La mobilisation citoyenne doit permettre d’inverser ces choix. Les organisations, rassemblées dans le Collectif "L’École est notre avenir", appellent tous ceux et toutes celles qui soutiennent le service public d’éducation et son engagement permanent pour la réussite des jeunes, sans distinction de fortune et d’origine, à une journée nationale d’action déclinée dans chaque académie le samedi 19 mars."


* Les organisations à l'initiative de cet appel :
AFL - Cé - CEMEA - CRAP-Cahiers pédagogiques - EEDF - FAEN - FCPE - FEP-CFDT - FERC-CGT - FGPEP - FIDL - FOEVEN - Les FRANCAS - FSU - GFEN - ICEM-pédagogie Freinet - JPA - La Ligue de l'Enseignement - Fédération Léo Lagrange - OCCE - SGEN-CFDT - SUD Education - UNEF - UNL - UNSA Education


Les organisations qui soutiennent cet appel :
AEAT - AFPEN - AGEEM - AMUF - ANATEEP - APBG - APSES - APKHKSES - ATTAC France - CFDT - CGT - CMR - CNAJEP - CNAL - CSF - FFMJC - FNAME - Bureau national FNAREN - FNDDEN - FNFR - LDH - MRAP - PRISME - Solidaires - UDPPC - UFAL - UNSA

mardi 22 février 2011

Les syndicats enseignants n'ont jamais été aussi faibles qu'aujourd'hui...

Lorsque je lis la blogosphère de droite concernant la crise de l'Education nationale, on y trouve plus ou moins deux responsables à toute cette gabegie. Je vais te rassurer de suite, cher lecteur, il ne s'agit pas de la politique menée par les différents gouvernements qui se sont succédés au pouvoir depuis le milieu des années 1990.

Soit mes camarades de droite accusent les syndicats enseignants, citadelles marxistes ne pouvant se remettre en cause et devenir modernes, soit ils condamnent un gouvernement inopérant dans sa lutte contre ces citadelles marxistes imprenables. Finalement, si l'on synthétise la pensée globale de mes camarades de blogage, ce sont bien les syndicats, pesant de leur poids sur le système, qui cassent tout.

Ce qui est assez mystérieux, c'est de corréler cette constatation avec l'évolution du pouvoir de ces syndicats. Dans les années 1980, la défunte FEN revendiquait un nombre de syndiqués qui recouvrait presque 70% des salariés de l'Education. Ce cas, unique dans le monde syndical français, marquait un pouvoir réellement important. Lorsque la FEN lançait un mot d'ordre de grève, il était suivi. Certes, on peut bien évidemment, avec le recul, relativiser ces chiffres, mais un vieux collègue me disait récemment : "tu sais, quand on rentrait dans le secondaire dans les années 1970 ou 1980, on s'inscrivait à la MGEN et à la MAIF, on prenait sa carte au SNES ou au SNEP et on allait faire ses courses à la CAMIF. C'était comme ça, une espèce d'intronisation normale dans le monde enseignant."

Aujourd'hui, que dire des taux de syndicalisation ? Ils ont suivi la même courbe que dans le reste du monde syndical. Le SNES revendique un taux de syndiqués variant entre 20 et 25% des profs du secondaire, mais que dire des autres centrales ? Pour prendre le cas de mon lycée dit difficile, sur 82 profs, une vingtaine serait au SNES (c'est ce que dit le secrétaire local en tout cas), deux ou trois à SUD, un se revendique du SE-UNSA et un ou deux de FO. Chez les autres catégories de personnel, c'est très difficile à dire : les chefs d'établissement, leurs adjoints, les autres personnels ne s'affichent pas auprès des profs... En tout cas, on obtient un taux de syndicalisation sur mon établissement de 31% environ, et bien peu militent vraiment.

Et puis, il faut mettre tout cela en regard des victoires réelles des syndicats ces dernières années. Si tu lis régulièrement ce blog, cher lecteur, tu sais que je n'hésite pas à suivre les mots d'ordre de grève. Combien ont été gagnées depuis 1995 ? En écoutant les collègues plus âgés, il me semble qu'on ne peut retenir que le mouvement contre Allègre de 1998. Depuis, il n'y a pas eu de victoire. La grève reconductible de 2003 a été un échec et depuis, les syndicats hésitent entre un jusqu'au-boutisme très peu suivi (SUD, FO, CGT, CNT) et une compromission avec le pouvoir aux résultats très pauvres (SE-UNSA, SGEN-CFDT). Quant à la FSU, elle s'enferre dans une stratégie de grèves perlées mais régulières dont on ne peut pas dire qu'elles servent à grand-chose...

Pourtant, les syndicats restent encore écoutés dans les salles des profs. La participation aux élections professionnelles est toujours très élevée (près de 60% de participation en 2008, alors que les élections aux prud’hommes  peinent à dépasser les 35%) et les appels à la grève de la FSU sont toujours suivis.

Alors, qu'en conclure ?

Tout d'abord que les syndicats enseignants n'ont sans doute jamais été aussi faibles depuis la fin de la dernière guerre en France et qu'ils ne parviennent pas à bloquer la dégradation du système éducatif. Cette situation vient sûrement d'un grave problème de stratégie et d'orientation idéologique. Les blogueurs de droite se trompent donc de cible à mon sens, car finalement, les réformes gouvernementales passent.

Par contre, il suffirait de peu de choses pour que les profs se réinvestissent dans leurs syndicats, d'abord d'un véritable travail idéologique et ensuite de changements de stratégie. Cependant, je te rassure de suite, électeur de droite, cela n'arrivera pas de suite : les nouvelles lois sur le syndicalisme vont faire tellement de mal aux syndicats que c'est loin d'être gagné...

vendredi 18 février 2011

Est-ce bien le moment de bouleverser le paysage des syndicats enseignants ?

Lorsqu'on est enseignant, cher lecteur, il n'y a pas beaucoup de moyens de s'informer sur l'actualité politique de l'éducation. La presse classique ne parle que peu de ce milieu, sauf lorsqu'un homme politique décide que le moment est opportun. Les blogs tenus par des profs et qui ne sont pas des sites de partage de séquences pédagogiques sont aussi très peu nombreux. Certes, j'ai pu en croiser quelques-uns dans ma courte carrière de blogueur, mais ils ne parlent souvent pas que d'éducation, voire pas du tout, ce qui peut paraître tout à fait sain par ailleurs.

Heureusement, il y a le Café pédagogique. Ce site, qui veut nous transmettre "toute l'actualité pédagogique par internet", a l'avantage de répercuter de nombreuses informations sur notre milieu, autant au niveau national qu'au niveau européen et international.

Le Café est loin d'être neutre. Lorsque j'ai débuté et que je me suis abonné à la newsletter, il roulait très nettement pour le SGEN-CFDT, syndicat réformiste qui a longtemps porté des projets pour l'école très en rupture avec le système éducatif actuel. Dernièrement, le Café a pourtant cessé de retransmettre tous les communiqués de cette centrale (quoiqu'on en trouve encore parfois) pour se tourner vers le SE-UNSA.

Ce syndicat reste très minoritaire dans le secondaire, mais il y est présent par son puissant syndicat des chefs d'établissement (le SNPDEN-UNSA) et il a une implantation plus forte dans le primaire. Pour te situer politiquement ses militants, le Syndicat des Enseignants (SE) a été fondé au moment de l'éclatement de la Fédération de l'Education Nationale (FEN) par ceux qui constituaient le courant majoritaire en déclin de cette ancienne centrale très dominante de l'éducation, "Unité, Indépendance et Démocratie", et qui firent exploser la fédération majoritaire en 1992 en mettant dehors les syndicats dirigés par le courant "Unité et Action", principalement le SNES (pour les profs du secondaire) et le SNEP (pour les profs de sports). Les divergences entre les deux courants étaient nombreuses, mais pour te résumer les choses très schématiquement, cher lecteur, sache que UID se situait dans la sphère d'influence du PS alors que U&A traînait plutôt avec le PCF. Depuis, les choses ont beaucoup changé mais la rivalité subsiste. Les anciens militants UID ont fait adhérer le SE à l'UNSA pendant que les syndicats exclus ont inventé la FSU, fédération beaucoup moins contraignante avec ses syndicats que l'ancienne FEN. La FSU domine largement le syndicalisme enseignant depuis, autant en voix qu'en nombre de militant.

Or, on peut constater, sur le site du Café pédagogique, que les articles tentent systématiquement de lier le SE avec l'un des deux principaux syndicats de la FSU, le SNUipp, qui syndique les professeurs du primaire. Certes, le SE a récupéré une bonne partie des militants du Syndicat National des Instituteurs (SNI), qui était membre de la FEN, mais le SNUIpp-FSU, fondé de toute pièce en 1992 par les militants U&A du SNI, a pris très vite la majorité. Par contre, le Café ne parle quasiment plus jamais du SNES et répercute uniquement les appels FSU (lorsque le SNUipp est d'accord avec le SNES, donc), SE et ceux du SGEN une fois de temps en temps.

Ces recompositions signifient que le SE tente de faire exploser la FSU et de rattraper le SNUipp. Pour le moment, je ne pense pas qu'une telle évolution puisse arriver, mais les choses pourraient bien changer dans un futur très proche et...

Bon, tu vas me dire, cher lecteur : en quoi ces discussions ardues sur les syndicats enseignants me concernent-elles ? Je vais t'expliquer.

Comme tu le sais, l'Education nationale, pour de nombreuses raisons, va assez mal. Les syndicats enseignants ont l'avantage d'être quasiment tous opposés à la vision de l'éducation du gouvernement, même s'ils divergent sur la manière de réagir (le SE et le SGEN ayant tendance à prendre ce qu'ils estiment bon dans le paquet, les autres restant sur des oppositions systématiques, même si le SNES a pu montrer, sur la masterisation des concours, qu'il était brusquement capable de changer de posture...). Par contre, si jamais le PS l'emportait, se poserait la question de savoir quelle position tenir.

Depuis quelques temps, les élus PS jouent clairement le SE-UNSA contre les autres syndicats de l'éducation, et particulièrement contre la FSU, pourtant majoritaire en voix mais dont les dirigeants sont encore jugés trop à gauche. Cela signifie donc que le front syndical se fissurera. Dans ce cadre, la FSU pourrait fortement tanguer et le SE espère bien trouver des militants et des moyens en chopant le SNUipp au passage. En arrière-plan, se trouve les possibilités pour le PS de mener le catastrophique programme qu'il a l'air de vouloir mettre en avant, accroissant à mon sens les dérives actuelles du système.

Ces luttes d'arrière-cour montrent une chose : le PS n'a pas l'air de vouloir rechercher le vote enseignant en 2012 (près de 800 000 personnes quand même) et va vouloir s'appuyer sur des syndicats qui ont plus tendance à défendre une vision de l'école (celle du PS apparemment, mais peut-être est-ce la vision du SE qui est devenue celle du PS ?) que leurs syndiqués et leurs collègues. Le PS va chercher ainsi à flatter le reste de l'électorat, plutôt anti-prof.

Quel que soit le scénario, ces manœuvres sont dangereuses dans la situation actuelle car elles entraînent les syndicats dans des luttes intestines qui ne servent à personne, à part aux militants qui les mènent. Elles montrent à quel point les dirigeants politiques de la gauche sont détachés de la base, et à quel point le système syndical est dans un état déplorable. Est-ce normal qu'un grand parti de gauche s'inspire des idées d'un syndicat qui a fait 8,08% des voix dans le secondaire aux élections professionnelles de 2008 pour concevoir son programme sur le collège et le lycée ?

Or, que vont faire les 60% de profs qui votent à gauche d'habitude si le PS poursuit dans cette veine ? Bonne question que nous allons tous nous poser dans les prochains mois, ce qui ne va pas aider notre moral à s'améliorer.

Bon, encore faudrait-il que la gauche gagne en 2012, ce qui est vraiment très loin d'être fait...

jeudi 6 janvier 2011

Parlons sérieusement du temps de travail : et les profs ?

Les polémiques récentes ont ramené le temps de travail sur la table. Au-delà de la vague actuelle, il est intéressant de constater que cette question structure largement le champ politique français et qu'elle passionne nos concitoyens, quelle que soit leur position par ailleurs.

Dernièrement, le temps de travail des enseignants a largement occupé les médias. Le PS, dans ses récentes propositions, a repris l'idée de Ségolène Royal et proposé un réaménagement de notre temps de travail. La droite expérimente la hausse du travail par la suppression des personnels, obligeant les autres à travailler et anime un grand débat sur les vacances qui suscite de nombreuses réactions dans la profession mais aussi dans les lobbies touristiques.

Estimer le temps de travail réel qu'on utilise est réellement très compliqué. Cela doit être simple pour un salarié utilisant une pointeuse. Pour moi, je ne peux me baser que sur des estimations, forcément très personnelles et forcément très subjectives.

En théorie, notre boulot s'appuie sur différentes missions. Nous devons donner un certain nombre d'heures de cours en fonction de notre statut (15 heures ou 18 heures). Nous devons fournir des cours de qualité durant ces heures, s'appuyant sur la recherche universitaire actualisée (pas celle du moment où nous faisions nos études) et nous devons participer à toute une série d'examens, soit dans nos classes, soit dans des examens divers comme le brevet ou le bac. Notre temps de travail est calculé sur le temps de travail de 1950, qui était de 43 heures pour les salariés de l'époque. Pour moi qui suis agrégé, cela signifie que je suis censé travailler 2,86 heures pour une heure de cours effective. Nous avons de plus un certain nombre de semaines de vacances (j'exclus l'été car nous ne sommes pas payés sur cette période) durant lesquelles on travaille toujours un peu, mais évidemment bien moins que durant les 36 semaines de cours. Personnellement, je travaille beaucoup pendant les vacances de la Toussaint et celle de février, nettement moins en avril et quasiment pas durant les vacances de Noël.

J'avais estimé utiliser, en fonction des semaines travaillées, entre 30 et 45 heures. Ces variations importantes sont liées à l'organisation de l'année scolaire. Je travaille bien plus en début d'année (je prépare tous mes cours en les adaptant aux classes que je viens de découvrir) ou durant les périodes de conseil de classe et au moment des examens. Par exemple, une période assez calme est le mois de mai. On a tellement préparé de cours et on est tellement en retard sur le programme qu'on n'a plus grand-chose à faire en dehors des corrections.

Lorsqu'on interroge les collègues sur le sujet, ils affirment travailler beaucoup. Le billet de Cycee de ce matin en est un excellent exemple. Tous les profs vous diront que "c'est de plus en plus dur", que "les vacances sont encore loin" ou que "y en a marre de ce boulot lourd et si mal payé". En fait, quand on creuse, on constate que deux choses émergent nettement :

  1. ce sont finalement les heures de cours devant élèves qui sont citées comme étant réellement le moment usant du travail, surtout dans les bahuts difficiles, en particulier les collèges,
  2. et les enseignants ont le sentiment qu'on leur rajoute sans arrêt toute une série de trucs inutiles et sans intérêt, que ce soit dans les cours ou hors des cours, qui les éloignent de leur mission centrale qui est déjà assez difficile comme cela.
La droite est clairement vu comme responsable de cette dégradation : les suppressions de poste ont amené à une nette hausse des heures supplémentaires, certes bien payées, mais qui ont alourdi nettement la charge de travail. Elle a aussi contribué à toute une série de décisions qui n'ont cessé de faire penser aux profs qu'ils étaient mal considérés et qu'ils faisaient un peu tout et n'importe quoi.

Les propositions du PS ne sont pas vraiment mieux passés. Les socialistes proposent une diminution des heures de cours et une revalorisation salariale pour continuer à faire des économies en supprimant de nombreuses professions comme les surveillants, les conseillers d'orientation ou les CPE : les profs devraient ajouter bien d'autres missions à leurs arcs.

Je ne sais pas ce que souhaitent vraiment les profs, mais il y aurait deux bases pour discuter je pense :
  • que les changements dans notre temps de travail fassent du bien aux élèves (ce qui n'est pas le cas en ce moment, regardez les résultats de PISA),
  • que ces changements donnent l'impression (au moins) que l'on prend en compte le fait que notre travail premier (donner des cours) est important pour la société.
Si on s'appuie là-dessus, on pourra discuter. Sinon...