Il y a quelques semaines, j'ai reçu, comme des centaines de blogueurs je suppose, un mail des Restos du coeur me proposant une opération de soutien. Le principe semblait simple. Il me suffisait de faire un billet dans lequel j'insérais un code qui produisait une jolie image. Grâce à cela, deux grandes transnationales françaises offraient dix repas à l'association. A priori, rien de scandaleux.
Pourtant, il m'a été impossible, idéologiquement parlant, de produire ce billet.
J'en ai très rarement parlé, mais cela fait maintenant douze que je suis bénévole dans l'une des plus grandes associations caritatives de France. Comme les Restos, nous avons organisé à plusieurs reprises des collectes alimentaires, qu'elles soient nationales ou locales. A chaque fois, ce mode d'action permet de récolter de substantielles quantités de nourriture, même si les gains varient beaucoup en fonction des années. On a par exemple pu mesurer, ces dernières années, l'impact de la crise économique sur nos concitoyens par rapport aux années 2000-2007.
A cette occasion, j'ai pu participer à des négociations avec les dirigeants locaux de supermarchés pour organiser ces opérations. Les supermarchés ne sont jamais à l'origine de ces collectes et ils répondent aux sollicitations des associations. En général, ils posent de nombreuses conditions qu'avec le recul, j'estime totalement scandaleuse, à l'exception des conditions de sécurité élémentaire et des conditions pour le bon fonctionnement du magasin. En effet, lorsqu'une association fait une collecte (et c'est encore plus vrai lors de la collecte alimentaire nationale de novembre) , le supermarché y gagne deux choses considérables : une très bonne image auprès de la population locale (la collecte est annoncée à l'avance, moult annonces au haut-parleur ponctuent la journée et le speaker rappelle sans cesse l'importante contribution du centre) et surtout une hausse très importante des bénéfices sur la/les journée(s). Il y a quatre ans, un directeur de supermarché m'a confié, sur le ton de la confidence, qu'il doublait son chiffre ce jour-là. D'ailleurs, les directeurs cherchent surtout à prévoir ces évènements pour multiplier leur stock...
Là réside toutes les limites de la charité dans notre société. Les compagnies qui soutiennent les associations ne le font jamais gratuitement. Cela fait totalement partie du jeu et est intégré par tous les responsables associatifs. Elles en attendent toujours un retour au plan de l'image qui devrait entraîner de bons profits pour plus tard. Au total, tout cela est bien loin de la bonne vieille charité chrétienne.
L'opération proposée aux blogueurs par les Restos est du même acabit. Il s'agit d'une campagne de publicité totalement gratuite pour les deux groupes qui financent, et pour un coût ridicule. Je ne sais pas si tu peux imaginer, cher lecteur, quel est le coût d'un repas servi dans une association ou d'un colis alimentaire, mais il est bien plus faible que ce qu'aurait coûté un paiement de tous les blogueurs pour qu'ils fassent deux publicités.
Alors, je voudrais aujourd'hui te dire, cher lecteur, une chose très simple : si tu veux aider une association, tu n'as pas besoin de faire des opérations médiatiques qui bénéficient surtout aux groupes qui se cachent derrière. Saisis-toi de ton carnet de chèque et envoie un petit montant à l'une des grandes associations qui pratique la distribution alimentaire : les Restos, la Croix-Rouge, le Secours populaire, le Secours catholique et de multiples associations locales. Tu n'as même pas besoin d'écrire au siège central : en regardant dans ton bottin, tu trouveras sans difficulté une antenne locale d'une de ces structures qui sera très heureuse de recevoir ton chèque. Tu recevras en plus une déduction fiscale de 66% de ton don sur l'IRPP (l'Etat creuse le trou).
Et puis, si tu as un peu de temps à consacrer à cela, le mieux est encore d'aller faire du bénévolat. Depuis la fin des années 1990, les associations caritatives n'ont pas cessé de perdre des bénévoles. Certes, on peut faire beaucoup avec des repas ou avec des chèques, mais s'il n'y a personne derrière pour transporter les colis, pour tout préparer et pour distribuer, cette argent ira juste dans un compte en banque pour thésauriser. Autant garder ce montant pour aller boire un verre.
Quant à nos deux compagnies, si leurs responsables ont vraiment un esprit charitable, qu'ils prennent donc leurs chéquiers et qu'ils donnent. Cela est d'autant plus facile que notre Etat, toujours prêt à creuser ses trous, accorde de généreuses déductions fiscales aux entreprises qui font du mécénat...
Je me suis posé les mêmes questions, en recevant le même mail que toi .
RépondreSupprimerJe manquais de formulation.
Merci
@+
@ Eric : de rien, je suis assez agacé sur ces questions et j'ai dû reprendre le texte plusieurs fois avant de pouvoir le publier.
RépondreSupprimerMerci, Mathieu, j'ai aussi été mal à l'aise par rapport à cette démarche sans savoir comment réagir "justement", cet éclairage me conforte dans notre choix "ignorer" la demande...
RépondreSupprimerAu Raincy, il y a l'ERAC qui travaille avec la banque alimentaire et a une boutique, au grand dam de notre élu préféré, heureusement, loin, loin sur le plateau...
@ Domitille : de rien.
RépondreSupprimerPourquoi serait-il gêné par une banque alimentaire ?
J'ai pour une fois relayé l'information et participé au truc, en ayant bien conscience que ça faisait une super pub gratuite à deux énormes sociétés. Mais je me suis dit que c'était "gagnant-gagnant". Après tout, si ça peut rapporter un peu plus aux restos.
RépondreSupprimerMais je comprends aussi ton/votre point de vue, j'ai un peu hésité...
@ La belle bleue : je ne faisais aucun procès en sorcellerie...
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