lundi 27 décembre 2010

Plan d'investissement exceptionnel pour les collèges en Seine-Saint-Denis : le PS risque de payer un taux politique très lourd.

Cher lecteur, dans un département comme la Seine-Saint-Denis, marqué par la pauvreté, les enseignants n'ont cessé de constater l'état affligeant des collèges du département. Je ne parle pas ici des efforts de l'Etat mais bien des bâtiments eux-mêmes et de leurs équipements.

Le département a été géré depuis sa création par le PCF. Il symbolisait la banlieue rouge et le parti n'a perdu le département que lors des dernières élections cantonales, supplanté par le PS et son dirigeant local, Claude Bartolone. Durant les vingt dernières années, le PCF a clairement laissé les collèges à l'abandon. Il n'y a qu'à voir, par exemple, l'état de l'équipement au niveau du numérique, les cantines ou encore l'état des bâtiments eux-mêmes. Les constructions, alors que l'explosion démographique est réelle dans l'Est du département, sont lentes.

Or, le nouveau président du conseil général a annoncé en octobre dernier un très ambitieux "plan d'investissement exceptionnel pour les collèges" de près de 700 millions d'euros. Dans l'Education, cette annonce nous a tous surpris. En effet, nous savons que le conseil général est dans une situation financière catastrophique. La majorité précédente a joué avec de nombreux emprunts toxiques typiques de la période de délire financier que nous traversons. En tout, ce sont près de 886 millions d'euros, à 97% constitués d'emprunts toxiques que le département doit honorer, pour des annuités de 82,5 millions d'euros. De plus, il est aussi fortement gêné, comme tous les départements du pays, par le fait que l'Etat ne reverse pas ce qu'il devrait dans le cadre de la décentralisation.

Dans ce cadre, ce plan exceptionnel étonne, d'autant plus que les élus locaux PS ne cessent de s'en vanter. Ce fut le cas lors de la dernière séance du conseil municipal du Raincy, durant laquelle M. Lapidus, leader de l'opposition PS, signala à plusieurs reprises que le collège public de la commune (Jean-Baptiste Corot, situé sur le Rond-point Thiers) serait reconstruit.

Les enseignants réclamaient depuis longtemps un plan de rénovation de cette envergure, malgré les difficultés financières de la collectivité territoriale. Déjà, mes collègues de collège trépignent et demandent à participer à la conception des futures constructions. Cependant, on a pu découvrir que les syndicats enseignants du département avaient massivement voté contre la partie "construction" du projet lors du CDEN convoqué sur ce sujet.

En effet, le PS a trouvé une voie étonnante pour financer son projet, permettant le contournement de sa dette abyssale. La partie construction sera réalisée en "partenariat public-privé" pour 324 millions d'euros. En clair, les bâtiments vont être construits par de grands groupes privés (les groupes pouvant le faire sont peu nombreux : Eiffage, Vinci, Bouygues...) qui demanderont un loyer. Au bout de 25 ans, le département pourra devenir propriétaire. Sur le papier, la structure est claire : cela permet de ne pas avancer de fonds et de ne pas emprunter, tout en menant les constructions quand même.

Plusieurs points soulèvent une grande inquiétude :

  • Sans vouloir casser du sucre sur le dos des grands groupes immobiliers français, nous savons tous, cher lecteur, qu'ils se fichent pas mal du service public et qu'ils souhaitent faire du profit. En clair, ils vont faire payer un loyer largement au-dessus du niveau d'un emprunt pour le département. Alors que la partie "rénovation" est financée par des emprunts à 2%, les loyers équivaudront à des emprunts à 9%. Certes, au début, cela paraîtra peu de choses, mais il faudra fournir ces mensualités pendant 25 ans et les prélever sur les impôts locaux. En clair, ce seront les Dyonisiens qui paieront la note sur cette longue période à venir, nettement plus qu'avec des emprunts. Il faut ajouter à cela que le département a déjà voté un budget en déséquilibre en 2010 de près de 75 millions d'euros.
  • Ensuite, que se passera-t-il dans la gestion quotidienne ? Certes, le département a annoncé que les personnels resteront publics, mais il est bien évident que le propriétaire cherchera d'autres moyens de rentabiliser ces constructions. On pourra donc louer ou ouvrir le bâtiment hors du temps scolaire, et dans ce cas, ce sont des salariés de droit privé qui vont pénétrer dans les murs. De plus, les collèges actuels sont déjà surchargés très souvent et il est à craindre que les activités se concurrenceront.
  • Enfin, que se passera-t-il dans 25 ans ? Je te fais le pari, cher lecteur, que le propriétaire va bien entretenir au début, puis, l'échéance approchant, va gentiment laisser le bâtiment se dégrader. La collectivité récupérera donc des locaux en mauvais état au final et risque de ne pas avoir d'autre choix que de rebâtir et/ou de resigner de nouveaux PPP avec de nouvelles entreprises.
Au delà de ces critiques, il faut tout de même admettre que la situation du département est telle que, de toute façon, les habitants devront payer ces établissements qui sont nécessaires, mais il est très grave de se lancer dans ces dispositifs de privatisation des impôts, qui sont d'ailleurs sans arrêt invoqués par le gouvernement actuel comme la solution idéale à tous les problèmes des collectivités territoriales.

Aujourd'hui, le PS communique massivement sur ce plan, matraquant à la fois la droite mais surtout le PCF (qui s'est opposé au plan) du fait de sa responsabilité évidente dans cette situation.

Cher lecteur, je crois qu'il fait là une erreur grave. Je voudrais apporter ici quelques éléments qui devraient faire réfléchir les militants de ce parti à l'échelle nationale et inciter leurs dirigeants à faire très attention :
  1. Le PS co-dirigeait le département avec le PCF et ne peut donc pas lui-même se dégager de la responsabilité des emprunts toxiques.
  2. Le PS sera tenu pour responsable de la hausse importante des impôts locaux qui suivra inévitablement. Il aura beau arguer de la part de l'Etat (qui ne paie pas la décentralisation, je te le rappelle), les citoyens verront le montant de la taxe d'habitation et de la taxe foncière et ne penseront qu'à cela.
  3. Le PS continue à donner du grain à moudre à tous ceux qui l'accusent de mollesse voire de droitisme. Le fait que les élus du 93 soient majoritairement des Fabiusiens va d'ailleurs faire beaucoup de mal à ce courant soi-disant plus à gauche que d'autres (DSKistes et Ségolénistes en particulier).
Que fallait-il donc faire, dans ce cas, cher lecteur ? Il fallait emprunter ou ne rien faire, tout simplement. Tu vas me dire que les PPP vont permettre à mon département d'avoir rapidement de beaux collèges. C'est vrai, mais on entre dans une logique idéologique détestable. La politique, c'est avant tout des idées et des valeurs, et là, on ne sait pas bien où on les trouve. Le PPP est une politique éminemment de droite, puisqu'elle permet à des groupes privés de faire main basse sur les revenus fiscaux à des taux prohibitifs, en tout cas bien plus qu'avec des emprunts souvent réalisés auprès de partenaires publics comme la Caisse des dépôts. Dommage que le PS se vautre là-dedans...

11 commentaires:

  1. Oui, le recours au PPP est troublant et se révèle plus coûteux au final mais sans lui, la moitié du Plan aurait dû être abandonné, soit la rénovation de près de 10 collèges dans un département où, tu l'as souligné en préambule et tu dois le vivre au quotidien, les collèges sont dans un très mauvais état.

    Dans les collèges régis par un PPP, le privé aura à sa charge les gros travaux d'entretien, l'entretien courant restant assuré par les agents techniques du conseil général.

    Cette solution semble malheureusement inévitable dans un contexte budgétaire critique et un désengagement constant de l'Etat.

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  2. Mais pourquoi, mais comment a-t-on privilégié des emprunts délirants à la rénovation des collèges de Seine saint Denis ? Nom d'un chien, je voudrais savoir à quoi ils ont joué !

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  3. @ Nico93 : je signale d'abord que ce sont les constructions qui sont financés en PPP.

    Ils auraient pu faire de l'emprunt, ce qui aurait coûté moins cher.

    @ Fanette : ça, il faut le demander aux élus.

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  4. Cher Mathieu,
    Le recours au contrat de partenariat n’est certes pas la panacée. C’est cependant ce qui permettra à notre Département, à court terme, de rénover nos collèges qui en ont bien besoin. Je vous invite par ailleurs à vous intéresser de plus près à cet instrument juridique, qui, notamment, réserve une place aux petites et moyennes entreprises. Mon cœur est à gauche, mon action quotidienne également, et j’approuve entièrement le choix de Claude Bartolone, qui a le courage d’essayer de sortir la tête des Séquano-Dyonisiens hors de l’eau. Une belle fin d'année à vous !

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  5. @ Anonyme : vous avez parfaitement résumé ce plan et confirmé mes critiques par ces mots : "à court terme".

    N'empêche que Bartolone a lancé un plan authentiquement marqué par des valeurs de droite. Que cela vous satisfasse, tant mieux. Ce n'est pas mon cas. On a assez démontré que le privé gérant du public le faisait à nos frais : pensez à l'eau, à l'électricité, aux transports, au téléphone...

    Quant aux PME, je doute qu'elles aient les moyens de se lancer là-dedans. Vous connaissez le montant annuel des frais d'entretien d'un collège ?

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  6. Le Conseil général ne peut plus investir et pourtant il a l'obligation d'entretenir les collèges alors l'argent il le trouve où ? Dans 25 ans il n'y aura peut être même plus de Départements. Se pacser avec le privé peut permettre au Département de se désasphyxier le temps de se remettre à flot.

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  7. @ Pazmany : l'argent, cela se prélève immédiatement ou cela s'emprunte et se prélève plus tard. C'est simple.

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  8. Comme toujours, ça coûte cher d'être pauvre...

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  9. Merci pour le partage des informations utiles telles ... Je pense que c'est vraiment un poste très agréable. Merci pour l'excellent contenu

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