lundi 20 décembre 2010

La Seine-Saint-Denis risque d'être la victime n°1 des suppressions de poste de l'Education nationale en 2011.

La nouvelle est tombée vendredi 17 décembre : l'Académie de Créteil devra rendre, pour le secondaire, 426 postes à la rentrée 2011, devenant ainsi l'une des académies les plus touchées cette année par les suppressions. Le ministère maintient le système mis en place depuis deux ans, qui est finalement très simple. On annonce que le rectorat devra sabrer 426 postes, mais on ne lui donne aucune consigne sur la manière de s'y prendre. Le recteur doit donc innover et inventer pour trouver un nouveau moyen de s'acquitter de cette tâche. Je suis d'ailleurs sûr qu'il existe un système d'évaluation des recteurs par lequel on note ceux qui réussissent le mieux sans déclencher trop de grèves et de mouvements sociaux.

Les années précédentes, le rectorat de Créteil a utilisé plusieurs leviers. Ce fut d'abord les remplaçants titulaires, dont le nombre n'a cessé de baisser, puisqu'ils sont aujourd'hui à peine 5% des corps, alors qu'ils étaient 10% en 2005. Puis, le rectorat tapa sur les stagiaires l'année dernière, bénéficiant de la fantastique réforme de la formation des maîtres qui supprima le stage. Cependant, on est arrivé au bout des possibilités sans remettre en cause directement l'obligation qui est faite au service public de mettre en oeuvre des programmes et des horaires d'enseignement.

Il reste pourtant, dans le secondaire, quelques marges de manœuvre.

Tout d'abord, le lycée n'a finalement pas connu de suppressions massives jusque là. L'an dernier, la réforme du lycée a été installée sans qu'on retire trop de moyens, pour éviter que les enseignants ne râlent trop. Or, cela ne pourra pas durer. Je vois deux leviers que le rectorat pourrait actionner sans difficulté. Tout d'abord, il peut parfaitement nous débarrasser de l'accompagnement personnalisé (deux heures par classe pour y faire un peu n'importe quoi prises sur des cours l'an dernier) en prétextant que les enseignants et/ou les établissements n'en font rien de bien. Il suffira d'un rapport fait par un inspecteur général aux ordres pour enterrer cette belle usine à gaz, alors que le gouvernement a communiqué énormément là-dessus et le fait encore. Cela permettrait de sabrer trois à quatre postes par lycée. Ensuite, les heures dédoublées, qui étaient autrefois imposées nationalement (maths, histoire-géographie, français, anglais en seconde) mais qui sont maintenant laissées à la disposition des établissements, pourront elles aussi disparaître : cela représenterait plusieurs postes par lycée là aussi. Enfin, la structure de la nouvelle première permet de regrouper tous les élèves de général sur certains cours communs, ce qui permettrait là encore de grosses économies, au dépend des élèves les plus en difficulté.

Mais l'académie a un autre gros problème : la logique démographique. Depuis la fin des années 1990, la France connaît un boom démographique. Notre pays a beau être le plus décadent du monde, voilà que ses habitants se reproduisent, suffisamment vite pour menacer réellement la belle logique de suppressions de poste de notre ministère. Sur Créteil, les effectifs dans les collèges du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne sont en hausse constante, et le phénomène est d'une durée suffisante, puisqu'il se poursuit aujourd'hui, pour que cela perdure.

En toute logique, la Seine-Saint-Denis devrait être la victime de ce phénomène. D'abord, le département bénéficie des restes des politiques de l'éducation prioritaire en collège, ce qui donne aux établissements du cru des moyens supplémentaires importants, en particulier au niveau du nombre d'élèves par classe. Vu le tapage que nos dirigeants ont fait autour du soi-disant échec de l'éducation prioritaire (alors que ce sont leurs politiques qui sont des échecs cuisants), il leur sera facile de justifier politiquement des coupes dans ce domaine. Cela sera accentué par le fait que le nombre d'élèves dans le 93 augmente peu, du fait de la fuite que connaissent les collèges de ces zones, en tout cas certains d'entre eux. On pourrait d'ailleurs dresser une carte passionnante de l'évitement en Seine-Saint-Denis : on y verrait des collèges pleins à craquer, et, à parfois 200 m, des établissements qui se vident de leurs élèves.

Personnellement, je table sur des coupes plus fortes dans les collèges de Seine-Saint-Denis que dans les lycées, mais le rectorat a de tels objectifs qu'il est à craindre qu'il utilise les deux leviers. En effet, peu de gens défendront l'éducation prioritaire que les médias se sont échinés à dévaloriser.

Cher collègue, je crains que la quatrième en Seine-Saint-Denis à 27 élèves soit une réalité dès l'an prochain, comme nous verrons revenir les secondes à 35-40 dans les lycées considérés statistiquement comme difficiles. L'année 2011-2012 s'annonce particulièrement drôle...

7 commentaires:

  1. "Je suis d'ailleurs sûr qu'il existe un système d'évaluation des recteurs par lequel on note ceux qui réussissent le mieux sans déclencher trop de grèves et de mouvements sociaux."
    Pour confirmation entendu sur France Inter;
    -Prime attribuée aux recteurs d'académies allant jusqu'à 20 000€ à l"appréciation du ministère.

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  2. @ Jan Pretemeyer : comme quoi, même en voulant caricaturer, j'arrive à atteindre la vérité...

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  3. je suis d'un quartier , pour vous résumer ma pensée je m'en fout , car c'est pour votre intérêt , ca change rien pour nous un prof de plus ou de moins ,diplômer ou pas c'est le pôle emploi qui nous attends .en fait ca m'arrange ca évitera au tocard de politique de parler de milliards que nous recevons dans les quartiers , si y a des milliards y aucune génération qui en a vu la couleur .
    karim

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  4. @ Karim : ce blog est en effet un blog où je parle de mes intérêts, puisque c'est mon blog !

    Pour le reste, puisque tout est déterminé, je ne vois même pas l'intérêt de faire ce commentaire.

    Quant aux couleurs, vous devriez vous intéresser au budget que l'Education nationale a mis dans l'éducation prioritaire. Cela n'a peut-être pas servi, mais l'argent était là.

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  5. Bonjour,

    je suis un parent d'élève en Ille-et-Vilaine confronté à des remplacements absurdes de profs de brigades par des stagiaires sans formation ni encadrement. J'ai décidé de créer un forum dédié à tous ces problèmes pour mettre en exergue l'ampleur du phénomène au niveau national, et je me suis permis de citer votre note ici, si vous n'y voyez pas d'inconvénient :

    http://ecoles-sacrifiees.leforum.cc/t16-La-Seine-Saint-Denis-risque-d-etre-la-victime-n-1-des-suppressions-de-poste-de-l-Education-nationale-en-2011.htm#p37

    A propos des primes accordés aux recteurs zélés dans la casse du service public, j'ai justement posté une information qu'on m'a transmise ici :

    http://ecoles-sacrifiees.leforum.cc/t17-Des-Recteurs-encore-plus-riches-et-encore-plus-obeissants.htm

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  6. Juste un mot pour vous dire à quel point ce blog est chronophage pour quelqu'un qui vient de le découvrir.
    Amicalement.

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  7. @ Ecoles sacrifiées : merci d'avoir repris ma note. Je n'y vois pas d'inconvénient du moment qu'on me cite et qu'on ne trafique pas mon texte, ce qui est le cas ici.

    Merci pour la confirmation sur les recteurs.

    @ Lambertine : merci beaucoup pour le compliment.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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