samedi 9 janvier 2010

Ouh, le beau système de stage pour les enseignants que voilà !

La réforme du recrutement des enseignants suscite de nombreuses inquiétudes parmi les enseignants, et à priori, parmi les organisations de parents d'élèves et de lycéens. Plusieurs questions se posaient et sont en train de progressivement être éclaircies par le gouvernement, à coup de décrets de plus en plus inquiétants. Et puis, il y a des situations qui n'apparaissent pas dans les textes de loi, mais qui vont pourtant poser de sacrés problèmes. La réforme des lycées, très médiatisée depuis l'annonce de la suppression de l'histoire-géographie en terminale S, masque ces transformations de fond.

Dès l'an prochain, le nouveau système de stage va se mettre en place. Un stage, cher lecteur ? Une fois le concours passé, tout fonctionnaire doit passer une année en stage, dans le but d'apprendre son métier mais aussi d'être évalué par les autorités. Pour les profs, ce stage se composait d'une année avec 44% de l'horaire devant élève pour un certifié (soit huit heures de cours par semaine) et par une ou deux journées de stage par semaine à l'IUFM (en fonction des académies et des disciplines). A cela s'ajoutait, entre novembre et février, un stage dans un autre établissement, soit un collège si le stagiaire était affecté en lycée, et un lycée dans le cas contraire. Le ministre avait annoncé que les stagiaires passeraient à douze heures par semaine, avec une formation non plus à l'IUFM, mais à l'université. Les IUFM vont fermer à la fin de cette année scolaire.

Or, voilà que nous venons d'apprendre que les stagiaires feront en fait un temps-plein. Pour cela, les établissements devront supprimer des postes de titulaires et les remplacer par des postes de stagiaire (les titulaires délogés iront combler les trous ailleurs). Ces stagiaires seront encadrés par un compagnon sur place (un prof plus ancien et, à priori, compétent). Ils n'auront donc plus du tout le temps de se former. Qu'à cela ne tienne : pendant six semaines, ces collègues seront libérés de leurs cours et iront à l'université, sur la période janvier-février. Pendant ce temps, un admissible au concours, encore à l'université en master 2, viendra remplacer le stagiaire sur 18 heures/semaine, pendant la durée des six semaines, payé 3 000 euros brut pour l'ensemble de la période. Ces six semaines équivaudront en partie au 6 heures que les stagiaires feront finalement.

Tu pourrais me dire, cher lecteur, qu'après tout, il était scandaleux que des fonctionnaires payés à plein ne fassent que 44% de leur temps et aillent se former sur ce temps-là, et qu'après tout, qu'ils se démerdent et qu'ils bossent, ces fainéants.

Pour te répondre, je vais me placer dans ta position. J'ai un souvenir très difficile de ma première année d'enseignement à plein-temps (et j'avais été formé), car on gère tout en même temps. On doit préparer tous les cours, les élèves nous bordélisent parce qu'on est le petit nouveau du coin, et finalement, on est mauvais et étrillé tout au long de l'année. Les nouveaux vont affronter cela sans avoir eu une première année plus light pour s'essayer un peu. S'ils sont dans des bahuts très durs, il est à craindre qu'ils souffrent considérablement. En clair, ton enfant, cher lecteur, aura un prof mauvais et qui risquera de craquer rapidement, sans être remplacé puisqu'il n'y a quasiment plus de remplaçants. Et cela ne concernera pas que ton gosse : plusieurs classes subiront ce prof, qui ne sera pas contrôlé avant la fin de l'année et qui aura donc le temps de faire beaucoup de bêtises et de bévues.

Et cela ne s'arrêtera pas là : pendant six semaines dans l'année, c'est un étudiant non-formé qui fera le boulot à sa place, pour un salaire finalement assez bas, et qui va sans doute se retrouver rapidement en grande difficulté. Et si on n'en trouve pas, on embauchera bien un vague vacataire… En clair, ton gosse vivra une année pourrie dans la discipline concernée.

Pourquoi faire cela, cher lecteur ? Parce qu'affecter des stagiaires sur des postes complets permet de faire des économies budgétaires, au mépris des élèves et de l'efficacité des futurs enseignants, privés de formation.

Le ministre te dira ce qu'il dit depuis 2007 : il y a un adulte devant chaque enfant. Un adulte, oui, mais un prof…

17 commentaires:

  1. On le sait bien que les économies budgétaires sont l'horizon indépassable pour toutes les politiques mises en oeuvre par notre aimable gouvernement.

    Ce que l'on comprend moins c'est pourquoi dans le même temps le déficit explose.

    On ne voudrait pas croire que notre gouvernement même une politique qui ne cherche pas l'intérêt commun.

    Que Viraconcha veille sur nos guides!

    (euh smileys hein ;) )

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  2. @ Ferocias : soit parce que la droite ne sait pas compter, soit parce qu'elle le fait exprès.

    Je ne sais pas quelle hypothèse je préfère...

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  3. Celle que l'on peut préférer est la première. Mais celle qui est proche de la vérité est sans doute la seconde. Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage...

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  4. @ Ferocias : eh oui, mais cela signifie que l'on peut lutter contre.

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  5. Intéressant, je vais le faire lire à mon pote prof d'histoire.
    Perso, je suis pour la suppression de l'IUFM car je les trouve "à chier". J'aime bien employer cette expression et je le pense. Lorsque j'étais moniteur en droit public, on avait des stages là-bas, c'était l'enfer. Genre : "Mettez des matelas dans vos salles pour que les étudiants puissent faire une sieste".
    Bien à toi

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  6. @ LCDM : je trouve ton raisonnement très court. Supprimer l'IUFM, pourquoi pas, mais est-ce une bonne raison pour laisser les profs sans formation professionnelle ? C'est soigner le choléra en injectant la peste à tout le monde.

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  7. Je ne vois pas ce qu'apporte l'IUFM qui comporte tous les adeptes des pires théories éducatives. Quand on voit le niveau des instit, on se dit que l'IUFM forme très mal.
    Mon pote prof d'histoire me disait lui-même "on testait nous mêmes les profs d'IUFM en papotant sans cesse entre nous"

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  8. @ LCDM : elle permet au moins, lorsqu'on se confronte à ces théories (qui sont multiples et qui questionnent) de se construire. Moi, c'est comme cela que je l'ai vécu.

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  9. Le pote Prof d'hist et Géo de LCDM

    La formation IUFM n'est certainement pas appropriée aux attentes des stagiaires. Je pense pouvoir dire que j'ai conservé et réutilisé 10% de l'ensemble de la formation. De plus, ces 10 % sont plutôt les échanges avec les autres stagiaires ou les questions subsidiaires posées aux formateurs que la vraie formation.

    En revanche les stages de de formation continue sont plus intéressants bien qu'encore trop théoriques avec des classes rêvées.

    Alors fallait-il supprimer les IUFM? L'institution était trop sclérosée pour se remettre en question alors un nouveau départ à l'université pourquoi pas. De toute façon, es IUFM ne disparaissent que de nom, les formations vont se poursuivre.

    Par contre je suis bien d'accord que c'est assassin d'envoyer un bleu faire un temps plein! Mon année de stage s'est très bien passée en Lycée mais mon premier remplacement en collège a été catastrophique à tous points de vue et je n'avais que 3 classes de janvier à juin...
    Je suis aujourd'hui dans 2 collèges plus tranquilles pour ma 2éme année, ça se passe plutôt bien mais encore des progrès à faire.

    Je ne voudrais pas faire le vieux prof aigri qui raisonne à droite en votant à gauche mais... ce collège unique est une bien belle connerie... Penser que jusqu'à 15 ans les élèves peuvent suivre les mêmes cours est complètement utopique et je comprends certains qui décrochent en 4° et 3° et qui, pour attendre la fin n'ont rien de mieux à faire que perturber.

    Au final, beaucoup d'illusions perdues sur l'enseignement, une noyade dans tous les textes officiels mis en place en ce moment au collège, 400 kilomètres chaque semaine, un salaire moins que moyen pour bac +5.... Je m'accroche, je veux faire mieux mais je n'y resterai pas toute ma vie...

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  10. "ces 10 % sont plutôt les échanges avec les autres stagiaires ou les questions subsidiaires posées aux formateurs que la vraie formation"
    C'est exactement ça et je suis d'accord avec sa critique du collège unique. En 6è et en 5è, le collège avait testé des classes de niveaux en français et en math. Toutes les classes étaient dispatchées en 4 groupes. Moi j'étais avec les bons, et ça me gonflait : je trouvais les autres "cons"

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  11. @ Prof d'HG de LCDM : bizarrement, j'ai le sentiment inverse. La formation continue m'a souvent déçu, alors que l'IUFM m'a permis de me confronter à un discours et de me construire. Après, je n'en attendais pas grand-chose, et je ne pouvais donc pas être déçu...

    Je suis totalement en désaccord avec vous deux sur le collège unique. Là encore, on prend le débat par le mauvais bout. Aujourd'hui, il ne fonctionne pas parce qu'on a massifié un système qui était prévu pour une élite, sans réfléchir à la manière de faire passer les connaissances à tous. C'est dans cet axe qu'il faudrait réfléchir, pas dans l'idée de le supprimer simplement, ce qui nous ferait revenir au début des années 1950...

    @ LCDM : tu as donc été victime des classes de niveau. Elles sont pourtant inefficaces pour les plus faibles et ne font pas forcément progresser les bons tant que cela. Mais certains s'y accrochent, par esprit élitiste sans doute.

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  12. je suis aussi passée par l'Iufm et j'ai vraiment profité de la formation avec des formateurs performants qui nous ont motivés et remotivés en cas de baisse de régime et de classes difficiles. Et nous n'étions pas à 100% devant les classes. Je n'ose même pas imaginer ce que ce sera dès la première année de stage d'être à 18h devant des élèves sans profiter de ces moments de formation qui étaient notre soupape en zone difficile. et les moments d'échanges de pratiques qui permettaient de ne pas sombrer et de se sentir moins seule. Et lors des absences en janvier nous laisserons les classes avec des étudiants de master sans aucune formation. Quel traitement infligeons nous à nos élèves !!!! Et la dernière vous la connaissez ? il se pourrait que s'il n'y pas assez d'étudiants de master on fasse appel aux professeurs des écoles surnuméraires !!!! Elle est pas belle la vie ??? mais quand va-t-on enfin arrêter d'encaisser et se révolter collectivement. Je pleure dans mon syndicat sur cette absence de révolte collective face à de telles inepties, que vaut l'éducation en France aujourd'hui, que fait-on de nos élèves ?

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  13. @ Anonyme : oui, en ce moment, ça va mal. Sur cette histoire de stagiaire, l'important est de diffuser l'information, de la relayer partout, pour que la réalité de la politique actuelle soit bien visible. Tout cela est de plus en plus une bataille de communication.

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  14. 3 000 euros pour 6 fois 18 heures de cours sans même un diplome n'est "pas cher payé" ? et toutes ces infirmières stupides à 1450/mois pour 151 heures de boulot sans compter les heures sup non payées, irrécupérables le plus souvent... Pauvres profs, vraiment.

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  15. et les MCF à 1700 euros, quand on voit mon agenda qui explose!!!!!!!

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  16. @ Anonyme : d'abord, ce n'est pas sans diplôme mais avec un master 1, ce qui signifie déjà un bac+4. Il me semble qu'une infirmière passe un concours au niveau bac, puis fait ensuite trois ans d'étude, ce qui équivaut à un niveau licence. Cependant, je ne pense pas qu'il failler comparer de cette manière, parce que personne ne vous a obligé à être infirmière et moi à être prof. De même, personne ne vous empêche de vous mettre à votre compte en secteur déconventionné, et personne ne m'empêche de changer de métier et de refaire des études.

    Ensuite, lorsqu'on fait un service de 18h pour la première fois, cela équivaut à un travail de 60 heures par semaine environ. La charge de travail diminue ensuite avec les années, parce qu'on est rôdé et qu'on s'organise beaucoup mieux.

    Enfin, on parle là d'un salaire brut, il faut donc en retirer une bonne partie (environ 30%) pour avoir le salaire réel.

    Cela signifie donc que ce petit étudiant touchera environ 1 450 €/mois pour un contrat précaire. Personnellement, ayant commencé en zone difficile, je trouve que c'est de la boucherie.

    Maintenant, contrairement à toi, Anonyme, je ne jugerai pas de la difficulté de travail d'une infirmière, métier que je ne connais pas. J'estime d'autre part que confronter les professions est une stratégie délétère, qui ne sert que les employeurs et l'État. Maintenant, chacun son mode de réflexion.

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  17. @ LCDM
    avant de critiquer le niveau des instits, essaye juste d'imaginer ce qu'est ce métier :
    Deux le plus souvent, mais trois, quatre, ou ... cinq niveaux (du CP au CM2 par exemple)dans la même salle.
    Pas de vie scolaire, donc gestion des 'à-côtés'.
    Inspections régulières.
    Différenciation des contenus au sein d'un même niveau (qui est en définitive la démarche inverse que celle consistant à se lamenter du calamiteux niveau des élèves)
    Classes surchargées (une maternelle à 34 élèves à 2 kms de chez moi)
    Etc...

    Tu vois, nous aussi nous avons des problèmes pour mener à bien notre mission.
    Mais pour les comprendre,il faut en avoir connaissance.

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