vendredi 8 janvier 2010

Pourquoi on aime tous Philippe Séguin.

J'ai toujours été impressionné par l'impact que la disparition d'une personne pouvait avoir sur les vivants. C'est vraiment le cas pour Philippe Séguin, décédé jeudi.

Certes, malgré son réel ancrage à droite (je me demande encore pourquoi tout le monde le trouve brusquement social), le personnage attirait un certain respect de part son passé politique et son action récente à la Cour des Comptes. Cependant, il y a encore quelques jours, je suis persuadé que la majorité des Français ne savait même pas que Séguin en était le président, ni même que la Cour des Compte existait. En clair, il était difficile de prévoir un tel déferlement d'hommages qui ont perturbé la dernière tentative de retour de Lionel Jospin sur la scène politique.

Il y aurait cependant une explication qui pourrait nous permettre de saisir les réactions, autant des militants de droite que de gauche. En effet, on peut déjà s'étonner que les personnes de droite, qui ont exclu Séguin de la vie politique (souvenons-nous de la manière dont il fut étrillé après son échec à la mairie de Paris en 2001), le regrette tant aujourd'hui. Fallait-il dans ce cas le réserver à la Cour des Comptes ? A gauche, c'est encore plus étonnant ! Certes, on peut respecter un adversaire, mais tout de même, rendre un tel hommage à un homme qui a pleinement participé aux politiques de démantèlement de l'État-Providence... Heureusement que l'anniversaire du décès de Mitterrand nous a permis de changer d'hommage.

L'explication réside à l'Élysée. Sarkozy est devenu tellement impopulaire, et sa gestion du pouvoir tellement problématique, que nous avons tendance à nous accrocher à tout ce qui est possible pour nous rassurer. En ce moment, Séguin devient un grand homme, et Chirac reste en nos mémoires comme un président tout à fait acceptable. A gauche, nous sommes tous tellement désespérés de l'état de notre camp que nous en sommes à espérer une belle issue grâce à des hommes de droite. On regrette Séguin, on espère que De Villepin parviendra à s'en tirer, on se demande qui pourrait faire chuter le président, au plus bas dans les sondages.

Cet hommage unanime nous permet de sentir l'état de l'opinion, et ce que l'on peut se dire, c'est que ce n'est pas réjouissant...

7 commentaires:

  1. Je pense qu'au delà de ses positionnements politiques, ce qui est aimé, chez Seguin, c'est sa fidélité à ses idées, ce qu'on ressentait comme une vraie probité.
    Un homme qui semblait carré, sans détours.
    Un orateur, une finesse exceptionnelle.
    Relire son intervention à l'AN lors du débat sur la peine de mort (rappelée par Eolas) force l'admiration.
    Et on n'a pas tellement l'occasion d'admirer, par les temps qui courrent ...

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  2. Plusieurs choses dans ton billet...

    D'abord je crois que la soudaineté de la disparition, cette brutalité, explique bien des choses. Il aurait succombé d'une longue maladie, l'emoi aurait été moindre...
    Une heure avant d'apprendre sa mort, je finissais l'article du Marianne de samedi dernier "qui a peur de Philippe Seguin ?"...

    Après, la dimension sociale du personnage t'interroge. Je le comprends. Si on prend comme référence 1986, c'est léger. Maintenant, il y a à droite une mouvance politique qui se fait appeler "gaullisme social", qui est ce qu'elle est, sans doute plus à droite que le parti communiste c'est vrai, et qui a une réalité.
    Mais non, Seguin n'était pas un socialiste. Nous sommes bien d'accord avec toi.

    Après, tu parles de l'épisode mairie de Paris. Et de ceux qui l'ont exclu à droite et qui lui rendent hommage. J'en fais sans doute un peu parti, et personnellement il m'était difficile de ne pas parler de la période 99'-2001, où je me suis personnellement très éloigné de lui.

    Enfin, tu es étonné. Je peux comprendre.
    Moi, ce que je comprends pas trop, c'est pourquoi avoir envie de parler d'une personne morte pour le fracasser (ce qui n'est pas ton cas). J'ai lu quelques billets ou remarque sur le web, que j'ai trouvé conne, blessante, insultante. Qui aussi me confirment pourquoi je vote ce que je vote et pourquoi je n'ai pas envie de voter ce que je ne vote pas.

    Quand quelqu'un meurt (un acteur, un homme politique, un Mickael jackson, ou autre), pourquoi y a t'il toujours certains qui ne peuvent pas s'empêcher de le démonter et de se foutre de la gueule de ceux qui peuvent être tristes. Légitimement tristes. Pourquoi ceux là ne peuvent ils pas avoir la réserve bête de simplement se taire, et laisser ceux qui sont tristes être tristes ?

    Supposons que le père d'un proche décède. Qu'on ai pas aimé cet homme. Et pendant le deuil, on va voir la personne qui vient de perdre son père et qui a les yeux rouges et on lui dit "mais franchement, ton vieux c'était un gros con... et je te le démontre avec des arguments forts et irrémédiables...". Qu'on se prenne ou non un poing dans la gueule est anecdotique...

    Excuse moi de mon long commentaire, j'aurais pu (et du) écrire un billet. Mais c'est une réponse moins à ton billet (qui est bon, complet, et surtout digne, et je t'en remercie) qu'à des réactions que j'ai trouvé détestables et désespérantes. Et qui malheureusement me montrent que le monde politique des militants manque peut être d'un humanisme que le naïf que je suis aimerait trouver...
    Je reste naïf. Je sais que c'est Sarkozy le méchant, donc...

    Bon weekend copain (pardon pour mon long message)

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  3. Je n'ai pas le temps de lire le commentaire du faucon, je me rattraperai plus tard, toutefois, je suis moi aussi étonné de voir Seguin placé presqu'à côté du Général en terme de louanges, et de compliments venus de toute part... On loue et morts et on fracasse les vivants.

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  4. Passé le tapage médiatique de l'annonce de son décès, et moins assourdis par les mérites de P. Seguin, je me rapproche de ton point de vue. Il y avait tout de même chez lui une réputation d'intégrité qui me semble fondée, et puis, sa relative popularité à la fin (je crois qu'elle existait) venait de l'éclat qu'il avait donné à sa fonction en se montrant capable d'épingler les abus de N. Sarkozy.

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  5. @ Audine : je ne suis pas convaincu par la fidélité car il existe de nombreuses personnalités politiques qui restent fidèles à leurs idées mais qui ne sont pas aussi appréciées. Par contre, c'est vrai que cette intervention à l'AN est très intéressante.

    @ Faucon : concernant les morts, on peut ne pas casser, mais on peut aussi ne rien dire. Un simple "mes condoléances" suffit amplement. Dresser un éloge a un autre sens. En fait, mon billet s'adressait plus à la gauche finalement, et à mes camarades blogueurs.

    @ Manuel : d'un autre côté, fracasser un mort n'a plus grand intérêt, sauf s'il inspire encore des vivants pénibles.

    @ LCC : je ne remets absolument pas en cause son intégrité, j'espère que c'est clair dans le billet.

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  6. Mathieu,
    Je ne me sentais pas visé par ton billet : je sais ma peine sincère.
    Et je sais que quand une disparition m'indiffère, ou concerne quelqu'un que je n'aime pas, je me tais. Simplement. Je respecte la peine de ceux qui sont tristes, mais je n'ai pas envie d'avoir la bétise de demander un droit d'inventaire sitôt le dernier souffle de la personne arriver, ou de crier mon indifférence à la tête de tout le web.

    Tu as raison aussi sur l'hypocrisie de certains. Ca me rappelle le déces de certains artistes appréciés par l'intillégencia, et tout le monde de se faufiler derrière pour l'hommage. J'ai le souvenir de Bashung : sa mort m'avait ému parce qu'on l'avait vu à la télé, aux victoires, la semaine d'avant. Mais à part "la nuit je mens", j'étais assez peu connaisseur de son répertoire. Ben je me suis tue.
    Ca ne m'a pas empéché d'être triste et compatissant vis à vis de ceux qui l'étaient, tristes.

    Des fois, ne pas se sentir obligé de dire obligatoirement ce que l'on pense, ce n'est pas non plus un tort... et franchement, beaucoup auraient pu se taire ces deux derniers jours.

    Finalement, je pourrais écrire mon billet aussi, plutôt que de te squatter (pardonne moi ^__^)

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  7. @ Faucon : pas de problème, tu es ici chez toi. De plus, ton billet est déjà écrit en fait...

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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