Le vendredi soir, je quitte mon lycée dit difficile entre 17h30 et 18h00. Pour rentrer dans ma commune de résidence, je dois traverser la moitié du département. Durant mon trajet, j'emprunte une ligne de tramway.
Ce soir, je me trouvais tranquillement assis, en train de m'amuser avec mon smartphone. J'étais à deux stations du terminus et je venais de lire mes mails et de constater que Manuel avait dégainé cinq billets en trois jours, provoquant les habituels sarcasmes bienveillants de Fabrice. J'ouvrais donc mon reader pour voir si Manuel avait réussi à parler d'autre chose que d'Israël.
A ce moment précis, j'ai eu un drôle de sentiment, comme une menace pendante qui se trouvait près de moi. Nous étions à un arrêt et le chauffeur du tram était en train de faire retentir la sonnerie indiquant qu'il allait boucler définitivement les portes. Une main se posa sur mon téléphone et tenta de l'arracher.
J'ai eu un pot énorme, pour deux raisons simples. Tout d'abord, mon téléphone est équipée d'une coque en plastique qui peut être assez glissante, d'autant plus qu'elle a une lourde tendance à retenir tout ce qui traîne sur mes mains lorsque je me retrouve dans les transports. Surtout, à ce moment précis, j'étais agrippé au téléphone, impatient de lire la prose de mon petit camarade.
J'ai tiré sur le téléphone, me demandant ce qui allait se passer. Le gamin, parce que c'en était un, d'après ce que j'ai pu apercevoir, pouvait très bien me décocher une mandale, histoire que je lâche, d'autant plus que j'étais assis et que je ne pouvais riposter ou me défendre sans lâcher le téléphone. Or, le gosse a fait un choix stratégique tout autre. Voyant que je ne lâchais pas, il a préféré filer vers la porte qui se refermait pour éviter de se retrouver coincé avec moi dans la cabine du tram. Il a réussi, d'autant plus que personne n'a tenté de l'arrêter.
Je suis resté estomaqué quelques secondes, puis j'ai repris ma lecture, en espérant que Manuel avait été bon. Malheureusement, je suis tombé sur un billet sur les futures coupes du monde de foot...
Je pourrai me lancer ici dans un billet sur la dangerosité congénitale du 93, sur la gravité de la délinquance juvénile ou sur la mauvaise qualité des transports en commun. Franchement, non... Cela fait 33 ans que j'habite ce département, et c'est la première fois que je subis un truc pareil. Cela fait donc une agression tous les 33 ans, ce qui fait tout de même une bonne moyenne. Par ailleurs, on sait tous que le vol existe, même dans les sociétés les plus policés. Je suis juste atterré de voir un gamin qui n'avait sans doute pas plus de 15 ans se lancer dans des actes pareils.
Par contre, je dois te dire que je ressens un véritable agacement à l'égard des autres passagers de la rame. Certes, il leur était impossible d'intervenir : le gamin avait parfaitement préparé son coup. Il passait simplement dans le couloir, et il n'y avait absolument personne entre moi et la porte. Même la dame en face de moi n'aurait sans doute rien pu faire, du fait de la rapidité du geste.
Mais après, cher lecteur ? Certes, la dame assise en face a levé les yeux de son livre et m'a fait un sourire mais personne n'a daigné m'adresser la parole. Quelqu'un aurait au moins pu juste me dire un mot. Non, rien, absolument rien. Seul un homme est venu me voir, lorsque le tramway est arrivé à son terminus (5 mn plus tard) et que je me dirigeais vers le RER, pour me proposer un témoignage. Je l'ai remercié de sa sollicitude, mais comme le portable était toujours dans ma poche et que je n'avais pas vu le visage de l'enfant, on en restait là.
Cette absence totale de solidarité est tout de même étonnante. Je n'attendais pas non plus un élan massif, mais un simple "ça va, Monsieur ?" aurait pu suffire amplement. Certes, il n'y a finalement rien de grave et la vie continue, avec mon téléphone. Elle aurait continué de la même façon sans.
Mais ce soir, je suis de bonne humeur, parce que j'ai eu un coup de chance. Tant mieux. Je vais aller jouer au loto.
Bon, en gros, si t'as encore un Iphone, c'est grâce à moi.
RépondreSupprimerSinon, tu t'attendais à autre chose?
On a eu une petite aventure un peu plus violente avec Fabrice il y a une quinzaine d'années, et j'en ai subi quelques unes pas piquées des hannetons et jamais personne n'a même levé la tête pour voir ce qui se passait. C'est la réalité de la grande ville.
Ca va monsieur ?
RépondreSupprimer@ Manuel : ouais, juste déçu de l'article ensuite.
RépondreSupprimer@ Mtislav : oui, merci. Ce n'est pas grave, le gosse a échoué. La vie continue.
Et toi tu es intervenu combien de fois pour aider une nénette qui se faisait emmerder, ou pour demander à un groupe de faire gueuler la musique moins fort ?
RépondreSupprimerC'est à moi que tu parles?
RépondreSupprimerJ'imagine que oui...
Ben j'ai pas souvenir d'avoir assisté à l'agression de qui que ce soit, sauf au Japon ou j'ai vu une nana se faire taper par son mec et où j'ai rien fait, car je me serais retrouvé en cabane.
Mais franchement, si je vois un mec se faire chourrer son Iphone, ben je penserai, tant pis. Et si je vois un groupe foutre sur la gueule de quelqu'un, j'appelle les flics dès que je suis hors de vue, mais je ne jouerai jamais au héros.
Mais je me doute que tu vas faire l'étalage des nombreuses fois où tu as sauvé une veuve et un orphelin d'une mort effroyable ou d'un viol collectif.
@ Fabrice : ne sachant pas à qui tu parles, je réponds aussi.
RépondreSupprimerL'article ne visait pas à réclamer une intervention immédiate (même si l'assistance est une obligation et qu'un coup de fil à la police serait déjà bien) mais à demander de la solidarité à posteriori.
@ Manuel
RépondreSupprimerJe parle à Mathieu.
@ Mathieu
La solidarité à postériori c'est de la connerie. Il faut être solidaire sur le moment, après c'est un alibi de bonne conscience non ?
@ Fabrice : dans ce cas précis, la solidarité dans l'action était impossible, même si le gamin était parvenu à arracher le portable.
RépondreSupprimerPour l'assistance, tout dépend des conditions. Pour moi, il s'agit d'intervenir si tu ne te mets pas en danger toi-même. Pas la peine d'avoir deux victimes au lieu d'une, surtout que la deuxième aurait pu appeler à l'aide et ne le fera donc pas. En secourisme, on fonctionne comme ça : la protection est la priorité.
pfffffff
RépondreSupprimerAlpaguer un gamin de 13 ans par l'épaule et le coller contre un mur c'est donc devenu si difficile pour un adulte ? A 18 ans avec Manu on a réussi à le faire, et pourtant nous ne brillons guère par nos capacités en arts martiaux.
Tu cherches à excuser l'égoïsme et la trouillardise contemporains, pourquoi ?
@ Fabrice : non, je ne cherche à excuser personne. Bien au contraire, je constate que même la simple discussion après l'acte est devenue impossible.
RépondreSupprimerMaintenant, je le redis, cette tentative de vol n'avait aucune gravité réelle et l'intervention était impossible. Ce n'était pas le sujet du billet.
le sujet du billet c'est bien le manque de solidarité non ?
RépondreSupprimerBen voilà : si tu accepte que les gens ne soient pas solidaires sur le moment c'est absurde de leur demander de l'être après coup.
@ Fabrice : hum, intéressant comme raisonnement.
RépondreSupprimerqui tacet consentire videtur ami latiniste...
RépondreSupprimerActa non verba manants !
RépondreSupprimer@ Mtislav
RépondreSupprimerSi je reconnais bien une qualité à Mathieu c'est de toujours associer les actes à ses paroles, lui faire ce procès là c'est se tromper...
Sur le qualificatif de manant aussi il y aurait à dire, tant je doute des compétences agricoles du prof (quand aux miennes il me suffira de dire que mes plantes d'intérieur sont toujours sur le balcon et que je m'étonne qu'elles fassent grise mine).
@ Mathieu
Je viens de me rappeler de ta devise latine favorite... et après tu parles de solidarité ;)
On devrait songer à s'éloigner du sujet.
RépondreSupprimer@ Fabrice : c'est bien pour cela que je me positionne ainsi, tu l'auras parfaitement compris.
RépondreSupprimer@ Mtislav : éloignons-nous, camarade, éloignons-nous.