Au lieu de se passionner pour les rumeurs sans intérêt, les journalistes feraient mieux de faire leur travail sérieusement et sans parti pris politique.
Comme tu le sais sans doute, cher lecteur, Luc Chatel s'est exprimé ce matin pour répondre à l'action entamée par des parents d'élèves, visant à attaquer le ministère de l'Éducation nationale qui ne parvient pas à remplacer les profs absents.
Cette question est loin d'être nouvelle. Depuis que je suis en poste, en 2001, la situation n'a cessé de se dégrader. A mes débuts, les remplaçants existaient. Ces titulaires sur zone de remplacement (TZR) dans le secondaire étaient affectés à des groupements d'établissement et faisaient des remplacements de courte durée. Certes, ce n'était pas parfait, mais on finissait toujours par trouver quelqu'un, après quelques jours d'absence. Cependant, j'ai pu rapidement observer la dégradation. Dès 2004, on n'a plus remplacé les absences de moins de quinze jours, puis de moins de trois semaines. Aujourd'hui, on sait que, dans certaines disciplines, un prof arrêté pour maladie ne sera pas remplacé. Sur Créteil, c'est le cas pour l'anglais, les mathématiques, la physique-chimie, le français, l'espagnol, l'histoire-géographie...
Pour pallier à cela, les journalistes ont relayé l'idée de Chatel de les remplacer par des retraités et des étudiants. Ce n'est pas nouveau. Nous avons des vacataires dans le système depuis toujours, et des jeunes sans formation depuis quelques années. Quant aux retraités, Darcos leur avait déjà proposé de reprendre des services partiels.
Ce qui est particulièrement énervant, c'est que cette dégradation est uniquement, complètement, totalement due aux suppressions de postes d'enseignants depuis 2003. Évidemment, on a supprimé les remplaçants courte durée, parce que personne n'allait faire grève pour défendre des postes invisibles des autres collègues. Les titulaires ont été mis sur des postes à l'année ou ont été réaffectés à des postes fixes. Nous n'avons vu les résultats qu'après. Pour que le système tourne, il faudrait environ 9 % du nombre de personnels fixes en remplacement. Or, sur Créteil, on sera à 3 % l'an prochain. Dans les journaux, personne ne rappelle cette évidence : le ministre geint aujourd'hui sur une situation qu'il a lui-même contribué à mettre en place, avec ses cinq prédécesseurs. Il serait bon qu'on le dise et qu'on mette la majorité face à ses propres contradictions.
De même, j'ai pu lire que les chefs d'établissement faisaient remplacer les profs à l'interne. Rien n'est plus faux ! Si cela arrive rarement, la plupart des collègues refusent, malgré des heures supplémentaires très bien payées et défiscalisées, parce qu'il est bien trop difficile d'assumer les cours d'un autre enseignant en plus des siens. Le pognon ne fait pas tout.
Mes petits camarades adeptes de la dépense publique en baisse et du vilain employé du public qui râle tout le temps ne devraient pas se réjouir pour autant. L'Éducation nationale, pour compenser la disparition des fonctionnaires titulaires, n'arrête pas d'embaucher des personnels précaires qui, certes, sont moins bien payés et bien moins en grève, mais sont aussi bien moins compétents et, surtout, ont une lourde tendance à démissionner ou à partir en arrêt une fois devant les élèves. Cela explique la valse des remplaçants que les médias ne parviennent pas à expliquer.
En tout cas, si Chatel devait faire quelque chose pour aider la grève du 12 mars, c'était parfait. Merci, Luc, la force est avec toi !
Comme tu le sais sans doute, cher lecteur, Luc Chatel s'est exprimé ce matin pour répondre à l'action entamée par des parents d'élèves, visant à attaquer le ministère de l'Éducation nationale qui ne parvient pas à remplacer les profs absents.
Cette question est loin d'être nouvelle. Depuis que je suis en poste, en 2001, la situation n'a cessé de se dégrader. A mes débuts, les remplaçants existaient. Ces titulaires sur zone de remplacement (TZR) dans le secondaire étaient affectés à des groupements d'établissement et faisaient des remplacements de courte durée. Certes, ce n'était pas parfait, mais on finissait toujours par trouver quelqu'un, après quelques jours d'absence. Cependant, j'ai pu rapidement observer la dégradation. Dès 2004, on n'a plus remplacé les absences de moins de quinze jours, puis de moins de trois semaines. Aujourd'hui, on sait que, dans certaines disciplines, un prof arrêté pour maladie ne sera pas remplacé. Sur Créteil, c'est le cas pour l'anglais, les mathématiques, la physique-chimie, le français, l'espagnol, l'histoire-géographie...
Pour pallier à cela, les journalistes ont relayé l'idée de Chatel de les remplacer par des retraités et des étudiants. Ce n'est pas nouveau. Nous avons des vacataires dans le système depuis toujours, et des jeunes sans formation depuis quelques années. Quant aux retraités, Darcos leur avait déjà proposé de reprendre des services partiels.
Ce qui est particulièrement énervant, c'est que cette dégradation est uniquement, complètement, totalement due aux suppressions de postes d'enseignants depuis 2003. Évidemment, on a supprimé les remplaçants courte durée, parce que personne n'allait faire grève pour défendre des postes invisibles des autres collègues. Les titulaires ont été mis sur des postes à l'année ou ont été réaffectés à des postes fixes. Nous n'avons vu les résultats qu'après. Pour que le système tourne, il faudrait environ 9 % du nombre de personnels fixes en remplacement. Or, sur Créteil, on sera à 3 % l'an prochain. Dans les journaux, personne ne rappelle cette évidence : le ministre geint aujourd'hui sur une situation qu'il a lui-même contribué à mettre en place, avec ses cinq prédécesseurs. Il serait bon qu'on le dise et qu'on mette la majorité face à ses propres contradictions.
De même, j'ai pu lire que les chefs d'établissement faisaient remplacer les profs à l'interne. Rien n'est plus faux ! Si cela arrive rarement, la plupart des collègues refusent, malgré des heures supplémentaires très bien payées et défiscalisées, parce qu'il est bien trop difficile d'assumer les cours d'un autre enseignant en plus des siens. Le pognon ne fait pas tout.
Mes petits camarades adeptes de la dépense publique en baisse et du vilain employé du public qui râle tout le temps ne devraient pas se réjouir pour autant. L'Éducation nationale, pour compenser la disparition des fonctionnaires titulaires, n'arrête pas d'embaucher des personnels précaires qui, certes, sont moins bien payés et bien moins en grève, mais sont aussi bien moins compétents et, surtout, ont une lourde tendance à démissionner ou à partir en arrêt une fois devant les élèves. Cela explique la valse des remplaçants que les médias ne parviennent pas à expliquer.
En tout cas, si Chatel devait faire quelque chose pour aider la grève du 12 mars, c'était parfait. Merci, Luc, la force est avec toi !
Vous ne deviez pas récupérer les vieux qui s'emmerdent devant Questions pour un champion?
RépondreSupprimer@ Manuel : cela dépend de leur mobilité. Par contre, on embauche en ce moment. Camarades chômeurs, venez voir l'Éducation nationale !
RépondreSupprimerVive Luc Chatel ! Vive Luc Ferry ! Vive Jules Ferry !
RépondreSupprimerMalheureusement dans mon collège du Val d'Oise les remplacements en interne marchent du feu de dieu; les profs se ruent sur les plannings d'absence pour pouvoir se faire des heures sup' en quantité; sans parler des heures d'accompagnement qui profitent aux mêmes, avides d'arrondir leurs fins de mois sans se soucier du fait qu'on supprime des postes et qu'on réduit les horaires d'enseignement.
RépondreSupprimerIl faut que j'ajoute des précisions.
RépondreSupprimer1) Les vacataires et contractuels coûtent moins cher parce qu'ils ne sont pas payés durant les congés scolaires, mais ils bénéficient d'une indemnisation de jours de congés obligatoires selon le régime général au prorata des heures travaillées. J'ai discuté avec une vacataire qui sera arrêtée à la date des vacances scolaires, on lui refera peut-être un nouveau contrat après si elle n'a pas excédé les 120 heures maximum qu'elle peut travailler durant un trimestre (il y a un plafond d'heures, à la demande de nos syndicats progressistes).
2) Les contractuels et vacataires ne touchent aucune indemnité de déplacement (en langage administratif, des indemnités de sujétion). Or, ces indemnités pouvaient constituer l'équivalent de la moitié d'un salaire de titulaire en fin de carrière, un quasi doublement pour le débutant (maintenant, c'est deux fois moins les IS ne sont plus perçues pour les WE et les mercredis). Le paiement se fait au forfait selon les zones de remplacement et non selon la distance kilométrique. Il y a une zone de remplacement, mais par le biais des extensions, cela peut être tout un département, voire des zones de départements voisins et ceux-ci peuvent n'avoir que deux zones.
3) Un TZR affecté à l'année ne touche pas d'indemnité de sujétion. Mais il est toujours mobile et doit accepter un poste à cent kilomètres de chez lui s'il ne demande pas une affectation académique provisoire (et encore il faut savoir où se trouvent les postes libres), sinon c'est un abandon de poste et donc une faute susceptible de mesure disciplinaire.
4) Le remplaçant doit accepter d'enseigner dans des disciplines voisines pour compléter son service. Il n'a pas forcément de compétences dans la matière, mais cela permet de ne pas créer de compléments de service d'un professeur d'une discipline. Or, on ne s'improvise pas enseignant d'histoire si l'on enseigne le français ou de français si l'on est philosophe de formation. Même enseigner le latin pour un prof de lettres modernes (qui a fait du latin) suppose des connaissances méthodologiques et une pratique de la matière. Cela peut s'apprendre à la longue, mais franchement il ne suffit pas d'avoir une culture pour agir auprès des élèves de manière efficace. Le pire que j'ai vu : un prof d'allemand (l'allemand est l'une des disciplines les plus sinistrées) auquel on a imposé de l'art plastique alors qu'il était daltonien. Il leur a demandé de faire du noir et blanc.
5) Les heures sup sont bien acceptées et réclamées en milieu rural, car il faut payer sa maison, on voit des tableaux d'affichage pour les heures sup et c'est souvent bien rempli. J'ai remplacé une agrégée à 24 heures ! Ses heures sup ne m'ont pas été payées puisque le traitement d'un TZR est du forfait. Un contractuel aurait coûté plus cher relativement, car il est payé à l'heure effectuée.
RépondreSupprimer6) Je vois passer de temps à autre des annonces pour des postes de remplacement dans l'enseignement agricole (je regarde l'actualité de ma région) et c'est encore pire : le Smic horaire pour quelques heures, ce n'est même pas le tarif que donneraient les agences de cours particuliers, mais on exige la licence. C'est un peu se moquer du monde.
7) La pénurie est organisée certes, mais il ne faut pas négliger le poids personnel des chefs d'établissement auprès des rectorats et des inspections académiques. Je sais que le principal ou le proviseur mal vu devra attendre longtemps un remplaçant et les suppressions de postes seront aussi pour lui. C'est eux aussi qui auront par exemple trois profs différents pour un poste de musique ou de dessin qui ferait un temps complet.
8) Je ne sais si l'on peut extrapoler à partir de l'académie de Créteil ou de celle de Champignacie. Les comportements sont très différents, le vivier différent. Je suis dans une académie qui se trouve en excédent d'effectifs (de profs, pas d'élèves) et où on essaye de délocaliser tous les profs en surnombre quitte à leur faire abandonner leur discipline, leur niveau d'enseignement ou leur commune d'affectation, voire leur place dans l'Éducation nationale au nom de la sacro-sainte mobilité des fonctionnaires et de la seconde carrière (sur laquelle il y aurait beaucoup à dire).
9)Les plus grosses difficultés de recrutement de titulaires ou de remplaçants se trouvent dans les matières technologiques et professionnelles, ne l'oublions pas. Les gens qui pourraient enseigner dans ces disciplines sont mieux payés dans le privé. On ne s'improvise pas électrotechnicien ou expert-comptable ou cuisinier, même pour des diplômes peu valorisés.
6) Je vois passer de temps à autre des annonces pour des postes de remplacement dans l'enseignement agricole (je regarde l'actualité de ma région) et c'est encore pire : le Smic horaire pour quelques heures, ce n'est même pas le tarif que donneraient les agences de cours particuliers, mais on exige la licence. C'est un peu se moquer du monde.
7) La pénurie est organisée certes, mais il ne faut pas négliger le poids personnel des chefs d'établissement auprès des rectorats et des inspections académiques. Je sais que le principal ou le proviseur mal vu devra attendre longtemps un remplaçant et les suppressions de postes seront aussi pour lui. C'est eux aussi qui auront par exemple trois profs différents pour un poste de musique ou de dessin qui ferait un temps complet.
8) Je ne sais si l'on peut extrapoler à partir de l'académie de Créteil ou de celle de Champignacie. Les comportements sont très différents, le vivier différent. Je suis dans une académie qui se trouve en excédent d'effectifs (de profs, pas d'élèves) et où on essaye de délocaliser tous les profs en surnombre quitte à leur faire abandonner leur discipline, leur niveau d'enseignement ou leur commune d'affectation, voire leur place dans l'Éducation nationale au nom de la sacro-sainte mobilité des fonctionnaires et de la seconde carrière (sur laquelle il y aurait beaucoup à dire).
9)Les plus grosses difficultés de recrutement de titulaires ou de remplaçants se trouvent dans les matières technologiques et professionnelles, ne l'oublions pas. Les gens qui pourraient enseigner dans ces disciplines sont mieux payés dans le privé. On ne s'improvise pas électrotechnicien ou expert-comptable ou cuisinier, même pour des diplômes peu valorisés.
10) C'est pour faire un nombre rond.
@ dominique, ton com' m'interpèle
RépondreSupprimerMerci pour le lien...
RépondreSupprimerL'idée de Luc Chatel (confier nos élèves à des profs non formés) n'est pas nouvelle, puisque les "contractuels" existent déjà.
Le problème, c'est qu'on a du mal à trouver des volontaires !
Dans l'Aisne, quand on en trouve un, soit il vient d'un département voisin, soit il n'a jamais enseigné (et l'un n'empêche pas l'autre).
Seul intérêt : cette "garderie" évite aux élèves de s'alcooliser pendant leurs heures de "trou".
Cela me fait penser que, dans les années 80, au collège, mon prof de français était aussi mon prof de sport! J'avais oublié ça, en effet! Et je crois même qu'il donnait, à une autre classe, des cours d'histoire et géographie...
RépondreSupprimer;^)
@ Nicolas : ?
RépondreSupprimer@ Delphine : cela dépend des cultures locales. En Seine-Saint-Denis, c'est un flop.
@ Dominique : merci pour ces longs commentaires. J'y souscris. J'ajoute, pour les lecteurs, que les situations varient grandement entre académies. En effet, à Créteil, c'est la pénurie, alors qu'à Paris, il y a des personnels. Le mouvement des enseignants joue aussi là-dessus.
@ Thierry : tiens, c'est marrant. Les miens ne boivent pas mais fument beaucoup par contre.
@ Gildan : on y revient, on y revient...
J'ai aussi enseigné dans le "93" (entre 1996 et 2005). C'est vrai qu'à l'époque, je n'étais pas confronté à l'alcoolisme, étant donné la forte proportion d'élèves prétendument "musulmans"...qui pensaient qu'il y avait des "bonnes drogues" et des "mauvaises drogues" (comme pour le cholestérol). L'alcool c'est pas bien, mais la fumette c'est autorisé.
RépondreSupprimerA présent, je suis au nord de la Picardie, où avoir les cheveux bruns est carrément exotique... Récemment, un de mes élèves a fait un coma éthylique, juste après 11 h. C'est qu'entre 10 h et 11 h, un de ses profs était absent (et bien sûr, non remplacé).
On doit vraiment leur manquer, pour qu'ils se mettent dans des états pareils !
@ Thierry D. : comme quoi, le territoire a un énorme impact sur nos expériences.
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