dimanche 5 octobre 2008

Les politiques se moquent de nous avec la dette : l'interdiction de l'usage de la planche à billets (partie I).

Il y eu un temps économique où la dette publique et la dette privée, cher lecteur, n'était pas des objets d'inquiétude comme elles le sont aujourd'hui. Ce temps, vas-tu me dire, doit être lointain, sans doute dans les tréfonds du XIXe siècle puisque l'État n'y avait pas d'activité très diversifiée comme aujourd'hui. Tu ne peux pas, privilégié, parler de la période pré-révolutionnaire, car je me souviens, trace de mon apprentissage scolaire, que la monarchie absolue s'effondra aussi à cause de l'immense dette qu'elle avait accumulée. Mais non, cher lecteur, tu te trompes, je te parle ici de l'époque dite des Trente Glorieuses (Jean Fourastié), période durant laquelle l'État, les entreprises et les particuliers s'endettèrent beaucoup mais où cela n'eut pas grande importance, période durant laquelle la France connût une croissance à 5%/an en moyenne, chiffres que tous les productivistes actuels regardent la bave aux lèvres.

Mais comment cela était-il possible, privilégié ? Que me racontes-tu là ? La période des Trente Glorieuses est très intéressante à étudier historiquement. En 1945, la France sort de la guerre avec un potentiel économique totalement détruit : n'oublie pas, cher lecteur, que l'Allemagne a affronté sur notre sol les armées américaines, canadiennes et anglaises pendant dix mois, et cela laisse des traces. En plus, la même Allemagne avait largement pillé le potentiel économique de notre pays durant l'occupation. Il fallait donc reconstruire et, pour cela, investir. Certes, notre pays a pu compter sur la manne américaine à travers l'aide du Plan Marshall, mais l'État dû aussi emprunter, et en grande quantité. Souviens-toi, cher lecteur âgé, du plan Pinay par exemple. A la même époque, les ménages empruntèrent aussi, pour s'équiper de tous les biens modernes qu'offrait cette période (automobile, réfrigérateur, maison individuelle, lave-linge...). Le phénomène a été accru par la création de la Sécurité sociale, système d'épargne forcée, qui obligeait les citoyens à mettre de côté une partie de leur épargne, mais qui les dégageait de la nécessité d'épargner par eux-mêmes dans tous ces domaines : la part de l'épargne personnel consacrée à ce domaine s'effondra. Les entreprises suivirent le mouvement, Si on se trouvait dans la période actuelle, un tel investissement aurait dû provoquer un endettement considérable qui aurait dû couler littéralement les consommateurs, les entreprises et la puissance publique.

Il n'en fut rien. Bien au contraire. Comment ? Grâce à un outil très intéressant : la planche à billet. Imaginons : je suis un État et j'emprunte beaucoup. Je dois donc, pour payer mes intérêts et rembourser le capital aux capitalistes qui me l'ont prêté, prélever des impôts sur les citoyens, qu'ils travaillent dans le secteur privé ou dans le secteur publique. Ces citoyens réclament donc des hausses de salaire. Dans une période où les syndicats sont forts, le chômage faible, les investissements et les profits massifs, les entreprises et l'État accordent ces hausses pour permettre la consommation, mais cela entraîne mécaniquement une hausse des prix. Les salariés réclament donc à nouveau des hausses de salaire et ainsi de suite. Ce phénomène provoque, et c'est là le noeud du problème, une baisse régulière de la valeur de la monnaie.

Tu pourrais me dire, cher lecteur, que cela devait être horrible. En fait, pour l'État, il y avait un avantage fort : les intérêts et les capitaux à rembourser perdaient chaque année de leur valeur, ce qui maintenait la dette à un niveau faible et permettait à la puissance publique de ne pas trop augmenter les impôts et surtout de continuer à investir. Pour les ménages et les entreprises, le calcul était le même : le poids d'un emprunt immobilier ou des dans le budget déclinait régulièrement, l'achat devenait facile sur le long terme, et la construction était entretenu par le phénomène. Pour les entreprises, le calcul était identique : l'immobilisation se réduisant chaque année en poids budgétaire, on peut en remettre un peu plus.

Qui y perdait ? Les capitalistes et les rentiers bien sûr ! Mais à l'époque, ils acceptèrent la situation, d'abord à cause du contexte politique et sociale (crainte du communiste avec son couteau entre les dents), mais aussi parce que la période et sa croissance très forte permettait des profits très intéressants par ailleurs. Ce système a permis une croissance vigoureuse de notre société. Il a aussi modifié nettement la répartition du PIB entre le capital et le travail, approchant presque du 50-50. C'est grâce à ce système que notre démocratie libérale a survécu au marxisme-léninisme. Attirés par ce système, les pauvres ont finalement pu constater qu'ils vivaient quand même mieux que leurs camarades de l'Est. Grâce à cette croissance, le communisme totalitaire a été vaincu.

Pourtant, bien loin des idéologies, le contexte a progressivement changé. Quelques points là-dessus :
  • Il est vite apparu que le communisme soviétique ne séduisait plus les masses. Certes, le PCF faisait encore, à la fin des années 1960, 21% des voix, mais les Français étaient conscients de l'échec de l'URSS à améliorer la vie de ses citoyens. D'ailleurs, lors de la révolte de mai 1968, ce sont des idées libertaires et en rupture avec le PCF qui se sont exprimées.
  • A la fin des années 1960 arrivent sur le marché du travail les baby-boomers. Diplômés et souhaitant vivre aussi bien voire mieux que leurs parents, ils provoquent quand même une tension sur le marché du travail du fait de leur nombre très important. A la fin des années 1960, le chômage refait surface en France alors que la croissance reste forte, mais à l'époque, on a pas encore conscience de l'ampleur du phénomène.
  • A la même période, débute la révolution technologique de l'informatique. Pour les entrepreneurs, ces systèmes ont de multiples avantages. Ils permettent de supprimer de l'emploi non-qualifié, de faire des économies sur les salaires et de faire des économies sur les qualifiés, en en embauchant moins mais, paradoxalement, en accroissant considérablement la productivité.
  • L'économie mondiale change aussi. De nouveaux pays d'Asie commencent à remettre en cause la domination occidentale sur l'économie, et les usines des NPI et du Japon inondent le monde de produits de bonne qualité et moins chers. Apparaît là une source d'emplois vraiment pas chère, et la révolution des transports peut en permettre l'exploitation.
  • Cette arrivée de nouveaux acteurs suscite un début de hausse des prix des matières premières. A l'époque, seuls les entreprises commencent à s'en inquiéter. Les Etats et les citoyens n'ont pas encore conscience du risque de voir l'inflation augmenter d'un coup et menacer l'équilibre de l'ensemble de l'économie.

Pour essayer de conclure cette première partie, l'analyse historique de la période des Trente Glorieuses permet de montrer que l'épisode keynésien des années 1940-1960 a permis une croissance forte et une bien meilleure répartition des richesses que par le passé. Cependant, dès la fin des années 1960 apparaissaient des signes de faiblesse qui auraient dû être pris en compte par les acteurs économiques de l'époque. Cependant, comme d'habitude, les processus sont allés au bout, et lorsque la crise démarre en 1973, nos amis keynésiens n'ont pas encore mené le travail nécessaire pour faire évoluer l'économie de l'époque.

4 commentaires:

  1. Je ne suis pas sûr que votre explication de ce qu'on appelle la planche à billets soit très claire.

    On fait fonctionner la planche à billets lorsque la banque centrale crée de la monnaie (au lieu de l'emprunter aux banques privées). Cela augmente la masse monétaire et dans la théorie économique classique cela entraine de l'inflation.

    Pour plus d'explications, je vous recommande le bouquin que je mentionne ici:
    http://horizons.typepad.fr/accueil/2008/06/le-casse-du-sic.html

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  2. C'est exactement ce que j'ai essayé de dire, mais aucun problème pour la clarification.

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  3. Entièrement d'accord avec toi : l'inflation n'est pas mauvaise en soi, sauf pour le capital.

    D'ailleurs, la politique de la BCE depuis des années est claire en ce sens : elle veut un euro fort pour permettre aux capitaux européens de garder leur valeur (sans voir que si leur valeur monétaire se maintient, leur valeur réelle elle diminue à cause de tous les effets pervers déclenchés).

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  4. @ CC : oui, je parlerai de tout cela dans ma seconde partie.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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