Cependant, je souhaite maintenant revenir au fond du débat, un peu plus politique cette fois-ci. Je suis enseignant depuis 2001, et en poste dans mon lycée dit difficile depuis 2002. Depuis, la commission Descoings n'est pas la première à avoir réfléchi à la politique à mener dans l'éducation pour essayer d'améliorer le système. En 2003, nous avions eu la commission Thélot et en 2007, la commission Pochard. Ces commissions, mises en place par les gouvernements de l'époque, avaient bien évidemment des buts politiques très clairs. La commission Thélot, censée produire un rapport sur l'avenir de l'école, avait pour but de calmer l'éducation après l'énorme grève de 2003. La commission Pochard visait à habiller le programme de Xavier Darcos d'un sceau donné par des personnalités de diverses obédiences, dont Michel Rocard ou Eric Maurin.
La commission Descoings ne déroge pas à ces règles. En 2007, Xavier Darcos annonce une réforme du lycée. Cependant, il se consacre d'abord à la suppression des postes et à l'école primaire. Résultat, alors que Sarkozy voulait une réforme achevée avant la fin de son mandat, Darcos se met réellement au travail en juin dernier et avance trop lentement. Fin octobre, aucun projet clair n'est annoncé, mais il apparaît nettement que cette réforme va être une nouvelle tentative pour permettre des suppressions massives de postes. Devant la grogne montante, mais surtout, à mon avis, devant l'évidence que sa réforme ne sera pas prête à temps (la Grèce a sans doute joué aussi), Darcos, sous l'amicale pression du président de la République, reporte sa réforme à 2010.
Or, notre cher président est un fin politique. Conscient que son ministre vient d'en prendre plein la tête et ne souhaitant pas de mouvements lycéens dans un contexte de crise économique grave, Sarkozy encadre Darcos de divers adjoints : Martin Hirsch à la jeunesse, Yazid Sabeg à la diversité et Richard Descoings pour renégocier la réforme des lycées, dont on reconnaît ainsi les graves défauts.
La commission Descoings a adopté un mode de fonctionnement intermédiaire entre les deux commissions précédemment citées. La commission Thélot avait fait organiser des débats dans tous les bahuts de France, entre élèves, parents et enseignants, créant des échanges parfois fructueux mais parfois très bordéliques, et amenant des milliers de rapports. Au final, le rapport Thélot reprenait globalement les idées du gouvernement. La commission Pochard s'était contentée de recevoir les leaders des différentes organisations représentatives, et quelques personnalités, dont la première avait été Claude Allègre, un vrai amoureux de l'éducation comme tu le sais. Descoings est en position intermédiaire : il sillonne la France pour rencontrer des enseignants, des lycéens et des parents, il rencontre aussi les chefs d'établissement et devrait voir les dirigeants des grandes organisations représentatives.
Les deux blogueurs participant au site internet Descoings avec qui j'ai discuté à la dernière RDB m'ont semblé totalement convaincu que Descoings, plutôt proche du PS auparavant, pourrait vraiment présenter un projet alternatif qui serait suivi d'effets concrets. L'homme est populaire, bénéficie de la réussite des conventions ZEP-Sciences Po, et a de l'ambition. Pourtant, les mêmes m'ont expliqué que la crise de l'éducation venait aussi du blocage que représentait le politique d'un côté, le syndical de l'autre.
Autant, il est tout à fait possible que Descoings ignore totalement les arguments des syndicalistes (ce ne serait pas la première fois), autant je ne vois pas comment il pourra s'affranchir de suivre, au moins en partie, les projets du gouvernement. D'ailleurs, Darcos, en lançant les expérimentations de sa réforme précédente dans une centaine de lycées, a déjà donné sa réponse.
Soit Descoings produit une vraie synthèse totalement en décalage avec un gouvernement pour qui l'éducation n'est pas une priorité, c'est-à-dire un rapport dont le seul objectif n'est pas de justifier pédagogiquement la suppression des postes. A ce moment-là, ce rapport en rejoindra une multitude d'autres dans les cartons de la rue de Grenelle. Soit il est obligé de se conformer en partie au discours gouvernemental et dans ce cas, je ne vois pas l'intérêt de mener toute cette consultation. Autant faire comme la commission Pochard, dont le rapport était déjà écrit avant la réunion de la commission et les auditions.
C'est là qu'il faut s'intéresser au site internet qui, à mon avis, donne une vraie réponse sur la tendance que suivra Descoings. Je vous en reparle au prochain numéro.
Moi, ce que je ne comprends toujours pas, c'est pourquoi Darcos s'est attaqué au lycée qui reste le maillon fort de la chaîne éducative en France.
RépondreSupprimerLe collège, dont on sait qu'il produit en 2 ans plus d'inégalités sociales que toute la scolarité antérieure (et encore, cette stat date d'avant la suppression de la carte scolaire), n'était-il pas un sujet un tantinet plus urgent?
Enfin si, je ne le comprends que trop bien. Il s'agit de dégraisser le mammouth, de mettre en concurrence ses différents éléments. Et quand le naufrage sera proche, on donnera des chèques éducation aux parents pour qu'ils aillent inscrire leurs enfants dans le privé.
À te lire, j'ai l'impression moi aussi, que toutes ces commissions, ces rapports, etc, ne sont que des variations sur l'art de travestir des réductions d'effectifs.
RépondreSupprimerCela n'a sans doute aucun rapport, mais j'ai repensé néanmoins en te lisant à ces collèges et lycées que l'on supprime déjà çà et là…
@ Etiam : en fait, tu as totalement compris le processus...
RépondreSupprimer@ LCC : mais non, Coucou, le processus ne se voit pas dans les bahuts. La preuve, Darcos l'a dit la semaine dernière.
Toutes les réformes proposées par Darcos ressortissent du processus suivants:
RépondreSupprimerObjectif n°1/ supprimer des postes
Objectif n°2/ quelles réformes pour parvenir à l'objectif n°1?
Les rapports, commissions,... servent surtout de ballons d'essai afin de mesurer les éventuelles résistances.
C'est malheureux car l'éducation est un investissement pour l'avenir.
@ Ferocias : nos dirigeants pensent surtout à leur avenir...
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