mardi 24 mars 2009

La stratégie de la CGT envers les travailleurs sans-papiers.

Depuis plusieurs années, la CGT a développé une stratégie auprès de catégories de salariés auxquelles les syndicats s'intéressaient très peu. Ce fut le cas pour les retraités, pour les salariés du secteur tertiaire, traditionnellement moins syndiqués que les autres, mais aussi pour les sans-papiers.

En effet, de nombreux salariés, particulièrement dans la restauration, sont embauchés sans documents officiels en règle. Ces personnes, sûres d'être renvoyées dans leur pays en cas d'arrestation, s'accrochent à ces emplois, travaillent énormément pour satisfaire leurs employeurs éventuels et risquent soit le licenciement sans aucune contrepartie, soit la dénonciation auprès des autorités.

Lorsqu'on aborde le problème de l'immigration clandestine, le discours ambiant vise souvent à dénoncer uniquement les comportements de ces immigrants se refusant à respecter le droit. On oublie, à mon avis avec des intentions nauséabondes, de souligner que de nombreux acteurs économiques sont prêts, dès que possible, à utiliser cette main-d'œuvre bon marché et soumise. Ce phénomène avait largement été démontré dans la restauration et dans le bâtiment.

La CGT s'est beaucoup intéressée ces dernières années à ces travailleurs, les a syndiqués et a entamé des luttes régulières dans de nombreuses entreprises, visant à obtenir la régularisation du contrat de travail mais aussi de l'immigrant. Ces personnes ont ainsi pu sortir de l'ombre, couvertes par le parapluie du principal syndicat français et se lancer dans des luttes pour obtenir une amélioration de leurs conditions de vie. Dans les manifestations, on retrouve souvent ces militants, faisant la quête auprès des autres manifestants pour essayer, vaille que vaille, de soutenir leurs mouvements. Cette émergence sur la scène publique leur permet aussi, dans le cadre de ces cortèges, de rencontrer d'autres personnes et de se promener au grand jour en France : dans le climat actuel et avec une crise économique qui frappe surtout les plus faibles, ce n'est pas rien…

Dans ce cadre précis, la CGT a vraiment rempli son rôle de syndicat. Elle s'est intéressée à des gens en souffrance réelle, exploités par des employeurs délinquants et par un Etat maniant la démagogie sur la question de l'immigration. Ce type de stratégie démontre chaque jour l'utilité du syndicalisme. Aujourd'hui, le Monde annonce que des ex-salariés sans-papiers de Kentucky Fried Chicken ont entamé une occupation après avoir été licenciés. Espérons que ces salariés puissent obtenir rapidement une régularisation de leur situation et une reconnaissance de leurs droits de salariés.

PS : je te signale, au passage, cet excellent article de Peuples sur la situation toujours aussi dramatique du Tibet.

15 commentaires:

  1. « On oublie, à mon avis avec des intentions nauséabondes, de souligner que de nombreux acteurs économiques sont prêts, dès que possible, à utiliser cette main-d'œuvre bon marché et soumise. »

    Mais, non, on ne l'oublie pas du tout ! Un type comme Éric Zemmour (que vous devez détester, mais là n'est pas la question) passe son temps à montrer que ce sont les patrons européens dont les industries ne sont pas délocalisables (bâtiment, restauration, hypers, etc.) qui favorisent l'immigration clandestine pour casser les salaires des non-clandestins. et que, dans cette affaire, les bonnes âmes de la gauche angélique ne sont que les idiots utiles de ce capitalisme rétrograde et féroce.

    Légaliser les clandestins, comme le voudrait la CGT, qui ne sait décidément plus à quoi se raccrocher pour faire du chiffre, c'est automatiquement créer un appel d'air pour la vague suivante de clandestins. Et prouver à ceux qui sont encore en Afrique, que ça vaut le coup de devenir clandestin, puisqu'on ne risque à peu près près rien et qu'on sera de toute façon légalisé. Tactique suicidaire.

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  2. Et arrêtez donc avec cet adjectif "nauséabond", ridicule à force d'être mis à toutes les sauces !

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  3. Il est absolument évident que nombre d'employeurs utilisent en toute connaissance de cause cette main d'oeuvre à la fois bon marché et soumise.

    Il n'est pas moins évident que les services de l'Urssaf par exemple, mais pas seulement, ont TOUS LES OUTILS pour s'en rendre compte dès la première déclaration de travail, ou à tout le moins dès la DDAS de fin d'exercice. Le contraire signifierait que ces fonctionnaires-là sont encore plus inutiles que d'autres.

    Donc, non seulement ces patrons indélicats utilisent sans vergogne la misère des clandestins pour arrondir illégalement leur marge d'exploitation, mais encore l'administration elle-même l'utilise de facto dans le but de générer des cotisations et des impôts qu'elle encaisse sans état d'âme.

    C'est scandaleux dans les deux cas. Mais là où nous différons sans doute aucun, c'est que la solution ne consiste surtout pas à régulariser les clandestins, pour les motifs qu'explicite fort bien Didier.

    La bonne attitude serait de sanctionner sévèrement à la fois ces employeurs indélicats (après avoir prouvé leur mauvaise foi, cela s'entend) et leurs salariés irréguliers. Et pour ce qui est du clandestin en question, la seule sanction logique est l'expulsion. A moins qu'il ne soit pas expulsable pour des raisons X ou Y (politiques notamment, en fonction de son pays d'origine), et dans ce cas, MAIS DANS CE CAS SEULEMENT, il faut le régulariser.

    Sur ce sujet comme sur d'autres, on aimerait qu'une organisation réputée responsable comme la CGT tienne un autre discours que le sien.

    A bientôt.

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  4. Si on prend en compte toutes les mesures mises en oeuvre depuis neuf ans pour alléger la fiscalité des plus riches, le montant perdu chaque année par les finances publiques s’élève à 30,2 milliards d’euros.

    Voir le graphique à cette adresse :

    http://www.alternatives-economiques.fr/index.php?ogn=MODNL_83&prov=&cat=&lg=fr&id_article=42332

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  5. @ Didier : vous aurez beau les empêcher de venir, ils viendront quand même. Ici, pour eux, c'est l'eldorado.

    Merci de me conseiller sur mon vocabulaire, mais je me débrouille.

    @ Peuples : de rien.

    @ René : peut-être l'État est-il en lien avec le patronat, mais je n'oserais vous suggérer cette idée...

    Pour moi, le salarié étant en plus grande position de faiblesse, votre idée est inapplicable. Le patron est un citoyen français. C'est en cassant les patrons véreux que l'on réduira le poids du travail clandestin.

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  6. J'ai attendu durant tout ton article un "mais" qui n'est jamais venu... Ah, ça fait du bien ;-)
    Sans te charrier, je suis encore une fois d'accord avec toi et ça apporte un peu de réconfort de voir qu'il y a encore des rassemblements d'hommes et de femmes solidaires pour aider les plus démunis et les plus exposés aux injustices sociales.

    En parcourant les commentaires, il y a quand même une phrase qui m'a interpellée : "Et pour ce qui est du clandestin en question, la seule sanction logique est l'expulsion." La sanction de quoi ? Une sanction pour avoir tenté de gagner de l'argent en travaillant des tonnes d'heures dans des conditions souvent épouvantables ? Une sanction pour avoir espéré que d'autres humains accepteraient de l'accueillir sur une terre un peu plus prometteuse que celle où il est né ? La question des papiers m'a toujours assez écœurée (peut-être une question à l'odeur nauséabonde ?); au nom de quoi mériterais-je plus qu'un autre de vivre légalement et donc correctement ici, en France ? Simplement parce que je suis née sur ce territoire et que par chance mes parents aussi ? Qui "mérite" le plus d'être Français, qui aime plus la France : moi qui suis née là par hasard ou celui qui franchit des milliers de kilomètres à pieds, en barque ou en camion bâché, qui ne rêve que d'être intégré à la société française, de s'y fondre, d'en devenir citoyen ? Finissons sur une question d'Alain Badiou à mon premier cours de philo : "au nom de quoi pouvez-vous décider que telle ou telle personne a le droit ou non d'habiter dans un pays ? Au nom de quoi pouvez-vous refuser à un Malien par exemple de travailler, de se loger, de vivre en France ?"

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  7. @ Nathalie : oui, j'admets ne pas comprendre pourquoi nos camarades dit libéraux défendent toujours autant le contrôle des frontières. Comme quoi, le gâteau doit quand même exister.

    Je ne parle pas de vous, Didier, lorsque je parle de libéral, bien sûr...

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  8. Ben, j'espère bien ! Ce serait franchement... nauséabond, tiens !

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  9. Oui, oui, oui. Que faire contre des gens qui n'ont rien à perdre? leur force est terrible... Les empêcher de venir est d'une naïveté affreuse, et si l'on prétend pouvoir le faire, c'est de la démagogie. Nous ne pouvons pas comprendre, parce que nous avons des choses à perdre, mais certains n'ont rien. Et comment les convaincre de rester dans des pays où la loi des clans et de la corruption gangrènent les institutions? C'est prendre les gens pour des cons. Et comment s'étonner de leur opportunisme? Ils viennent, pour la plupart, mais pas pour tous, de milieux sociaux dans lesquels la règle c'est fight for life, et si tu ne te bats pas, tu meurs. Alors? Le pire, c'est que, aussi mal qu'on les traite ici, ils fuiront toujours de là bas. Ils rêvent. Face à cette émigration,il n'y a que la politique du chiffre : elle ne sert pas à grand chose, sauf à désespérer quelques uns, mais elle peut se décliner en rapport, Power point, tableau excel, courbes, et ça fait bien. Mais autant arrêter le vent.

    Nathalie : je ne suis pas d'accord sur un point : vous êtes bien naïve quand vous parlez de vous fondre dans un pays et d'en devenir citoyen. Les émigrés et leurs motivations sont variées, on ne peut pas faire de généralités, mais tous ne souhaitent pas "s'intégrer". Je ne vois pas pourquoi ils le souhaiteraient d'ailleurs. J'ai vécu dans plusieurs pays, et n'ai pas spécialement envisagé de m'intégrer. ça pose le problème du communautarisme, sûrement, qui est un débat, mais l'intégration est vraiment un concept fumeux, je dirais une invention politique commode pour distinguer le bon étranger du mauvais : le bon, c'est celui qui devient français, le mauvais reste étranger. Pour répondre à Alain Badiou, si le pays était une maison, au bout d'un moment, il se peut qu'il n'y ait plus de place, donc c'est la loi du premier servi... par ailleurs, si un état est une communauté, "au nom de quoi", mais au nom de ce que la communauté décide par elle-même.

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  10. @ Livia : entièrement d'accord avec toi.

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  11. Oui, et là au passage je précise que quand je dis qu'ils ne souhaitent pas forcément s'intégrer, je ne veux pas dire qu'ils souhaitent, ce faisant, fiche en l'air le pays dans lequel ils habitent, ce n'est pas comme ça que je le ressens, et on retomberait dans le manichéisme.

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  12. Ces étrangers se syndiquent... mais c'est une tradition dans notre pays de voir des étrangers dans la situation la plus précaire qui soit.... résister !

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  13. @ Mtislav : tu parles de l'affiche rouge ? C'est vrai, mais cela ne veut pas dire que les orgas soutiennent ici.

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