mercredi 4 février 2009

Vive le Québec libre ? Non, pas pour Sarkozy.

Aujourd’hui, cher lecteur, je vais encore te parler de Nicolas Sarkozy, pas de la même manière que d’habitude, juste en prenant le président par un autre point de vue, celui de mes congénères canadiens. En effet, tu ne le sais peut-être pas, mais hier, Nicolas Sarkozy a déclenché une nouvelle tempête au Québec.

Depuis mardi, le Premier ministre québécois Jean Charest, issu du Parti Libéral du Québec, est à Paris, pour mener toute une série de négociations, en particulier sur la circulation des travailleurs entre Québec et France. Or, lors d’une conférence de presse, Sarkozy s’est lancé dans une charge vigoureuse contre les souverainistes québécois, les accusant de férocité et d’"enfermement" sur eux-mêmes, et affichant ainsi son soutien, certes implicites, aux autres mouvements québécois.

Cette prise de position représente une rupture fondamentale. Après le discours de de Gaulle en 1967 (« Vive le Québec libre »), la France avait adopté la position du « ni ingérence-ni indifférence », qui consistait à rester attentiste face aux évolutions du Québec. Lors des deux référendums pour l’indépendance, nos présidents avaient eu l’intelligence de ne pas intervenir dans ces débats, et de laisser les Québécois se débrouiller entre eux, ce qui était tout de même cohérent vu l’importance de l’enjeu. Cette position avait aussi l’avantage de satisfaire le gouvernement fédéral canadien et de ne pas trop agacer Washington, peu satisfaite de voir la France s’agiter au Canada. Je suppose que, frustré par son silence depuis la grève de jeudi dernier, Sarkozy a eu envie de dire quelque chose pour faire parler de lui. Pour le moment, les médias français n’en disent rien, mais au Québec, l’effet fut immédiat.

Ces déclarations sont passionnantes à plus d’un titre. D’abord, Sarkozy plaque les conflits communautaires français sur le Québec, en faisant semblant d’oublier que, au Québec, les Francophones sont largement majoritaires sur le territoire de la province. Le Canada a cette spécificité d’être une mosaïque de groupes qui tentent plus ou moins de vivre ensemble (Québécois, Anglophones, Acadiens, Amérindiens, communautés de l'immigration récente). Ce pays n'est pas à proprement parler une nation, comme la France ou les Etats-Unis. Ce n’est pas toujours simple, pour tous ces groupes, mais, si elles ne m’ont pas toujours satisfaites, les idées du Parti Québécois (PQ) visaient moins à renfermer le Québec qu’à permettre à la culture québécoise de survivre. L'indépendance, dont la possibilité s'éloigne régulièrement, a été un facteur d'une véritable renaissance culturelle. Certes, le Québec n’a pas quitté le Canada, mais la culture québécoise est bien vivante, et au-delà de ce que l’on en perçoit en France.

Il faut aussi ajouter que le PQ a longtemps porté un programme assez marqué à gauche au niveau économique et social, ce qui pourrait justifier les déclarations du président et le soutien aux autres partis québécois. Le PQ et son pendant fédéral, le Bloc Québécois, s’opposent en effet régulièrement au Premier ministre fédéral et néoconservateur Stephen Harper, actuellement en difficulté à cause d’un parlement majoritairement contre lui, mais dont les idées collent assez, au niveau international, avec les valeurs sarkozystes. Cette polémique arrive, en plus, en pleine polémique sur la reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham (qui s'est déroulée en 1759), qui marqua la chute de Québec et la fin de la Nouvelle-France, et qui suscite de vives tensions au Canada.

Toujours en France, Jean Charest a indiqué que le « ni-ni » n’était pas remis en cause. On ne peut qu’en douter. Je trouve d’autant plus arrogant qu’un président aille se mêler ainsi de la vie politique d’une autre partie du monde, dirigé par un régime dont la démocratie n'est discutée par personne, même si elle est majoritairement peuplée de Francophones. Si tout cela ne permet pas juste de nous brouiller avec la population québécoise… La presse anglophone canadienne ironise là-dessus aujourd’hui.

Après des déclarations aussi peu réfléchies, j’attends avec impatience l'interview de demain. Cela promet, il est en forme.

Source de la photographie ici. La photo montre Jean Charest et Nicolas Sarkozy à Paris mardi 3 février 2009.

Je te signale au passage, qu'après la création du blog des femmes blogueuses et politiques, voici Marie-Georges Profonde qui fait le sien. Bonne chance !

Edit : les deux leaders des partis indépendantistes, Gilles Duceppe et Pauline Marois, ont répondu au président dans cette lettre ouverte.

7 commentaires:

  1. Désolé, mais vous parlez sans savoir (comme tous les "maudits Français"...). Votre vision du Québec a au moins vingt ans d'âge.

    Il est tard, je repasse demain...

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  2. @ Didier : euh, désolé, mais j'y vais régulièrement. Mais j'attends demain, on va en reparler.

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  3. Comment ça, le Québec est encore en 1989? Oauh, c'est dingue de vivre dans le passé !

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  4. Intéressant, Mathieu! Ce serait bien que des lecteurs Québécois s'expriment sur le sujet.

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  5. @ Homer : au Québec, c'est comme partout. Certains sont en 2009, et d'autres en 1759.

    @ LCC : Merci. Je ne pense malheureusement pas avoir de lecteurs québécois, mais sait-on jamais...

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  6. La rupture a déjà eu lieu lors du Sommet de la Francophonie de Québec. Pour le reste, et une fois n'est pas coutume, nous sommes d'accord. Comme tu le sais, j'ai passé un an dans la Belle Province.

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  7. @ Criticus : c'est bien que l'on soit aussi capable de reconnaître nos points d'accord.

    Il y avait aussi eu les propos de Fillon à Québec cet été. Dommage que nos dirigeants soient si légers sur ce sujet...

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