mercredi 18 février 2009

Joue-t-on le pourrissement en Guadeloupe ?

Je n’ai pas l’habitude, cher lecteur, de réagir à chaud sur un événement politique, quel qu’il soit. Comme tu as pu le voir hier sur le congé parental, j’ai attendu plusieurs jours avant de me positionner sur cette question.

Or, aujourd’hui, l’évolution de la situation en Guadeloupe me pousse à intervenir.

Comme tu le sais sans doute, un syndicaliste a été tué aujourd'hui, après une série de coups de feu perpétrée par une bande de jeunes casseurs. Les trois policiers qui ont tenté de secourir la victime ont eux aussi été blessés.

Dans un mouvement social, le danger du dérapage est permanent. Comme tu le sais, je suis un pratiquant assez éprouvé des manifestations, et j’ai parfois vu des problèmes survenir. Dans certains cas, les manifestants ou les forces de l’ordre cherchent la provocation, la violence pouvant être une voie de casse d’un mouvement social pour le gouvernement, ou un moyen de forcer la décision du pouvoir pour les manifestants. Régulièrement, des groupes s’introduisent aussi dans les cortèges pour en profiter pour piller les magasins alentours, pour commettre quelques larcins ou pour se castagner avec les flics. J’ai personnellement vu ces bandes opérer durant les manifestations du CPE (où j’ai en mémoire l’intervention très musclée du service d’ordre de la CGT, avec ses ouvriers gros bras, contre une bande de casseurs) et lors des manifestations lycéennes de l’an dernier.

Le problème d’une grève et de manifestations, et surtout quand elles durent, est la tension forte qui s’insinue chez l’ensemble des acteurs, et qui peut, à tout moment, dégénérer. C’est le risque principal du mouvement social. Souvent, les casseurs n’ont qu’un impact finalement modéré là-dessus, sauf quand l’affrontement principal désorganise les services de sécurité.

Apparemment, c’est le cas en ce moment en Guadeloupe. La grève s’éternise, l’aéroport est fermé, les services publics sont désorganisés, et les policiers sûrement totalement débordés. Dans ce cadre, les casseurs peuvent se permettre des choses qu’ils ne risqueraient pas par ailleurs. En plus, en cas de violence, le risque d’embrasement, dans une situation tendue comme celle-là, est réel, même si les violences d’origine n’ont aucun lien.

Dans cette affaire, sans revenir sur les motifs du conflit en lui-même, pour éviter que tout dérape, il faut que les acteurs acceptent de discuter, et de trouver une voie de sortie honorable qui satisfait tout le monde. Tous les processus de conflits sociaux (pétitions, grèves, manifestations, occupations d’usine ou de lieux de travail), ce que j’ai souvent dit, ont pour objectif clair d’éviter la violence. Certes, beaucoup affirment que les Guadeloupéens n’ont pas de motifs cohérents de se plaindre, voire que les problèmes sont structurels et qu’on ne peut rien y faire. Ces arguments ne sont pas des réponses à des gens qui sont en crise : quand on décide de perdre un mois de revenus, c’est qu’on a des choses à dire, et qu’on doit être entendu.

Ce soir, Sarkozy s’exprime. Le 5 février, il n’avait même pas évoqué la Guadeloupe. Je sais qu’il est plus intéressé en ce moment par ses annonces sociales, mais je ne saurais trop lui conseiller, si je puis me permettre, de dire quelque chose. Il faudrait ensuite qu’il se rende sur place. On ne peut pas laisser des gens faire grève pendant un mois sans rien dire ni rien faire, quand on est le chef de l’État.

Si le président continue à être aussi léger, je ne donne pas cher de la tranquillité de la Guadeloupe ces prochains jours…

Je n’oserai croire que le président joue le pourrissement pour renverser l’opinion métropolitaine, ce serait vraiment trop irresponsable…

PS : dans le genre des bêtises du jour, je te conseille cet article publié sur le Causeur, où un journaliste s’extasie devant la disparition de la gauche et essaie de nous convaincre que nous sommes tous de droite, alors que le contexte donne un sacré coup de fouet à nos idées. Franchement, à droite, ils ne savent plus quoi trouver pour tenter de sauver la baraque.

18 commentaires:

  1. Et pourtant j'entends déjà çà et là de bonnes dames qui réclament l'envoi de l'armée pour calmer ces sauvageons, il est beau notre pays !

    La crise clive, la peur ressoude, en bon stratège qu'il est NS ne saurait l'ignorer...

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  2. @ Fabrice : allez, je crois en l'homme, cette évolution n'arrivera pas !

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  3. Je viens d'écrire un long commentaire...perdu!
    On a trouvé un nouvel ennemi! Notre bon démagogue devrait s'en servir.
    Jégo se fout de leur gueule, Sarkozy les ignore, les flics balancent deux trois coups de matraques, et certains guadeloupéens pètent les plombs.
    Maintenant on a une rupture assez profonde sur les bras! Notre gouvernement est diplomate, c'est très fort, cette gestion de la crise...

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  4. @Manuel

    NS avait fait sa campagne en promettant une rupture, il avait juste oublié de préciser de quel type de rupture il parlait...

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  5. Je viens aussi d'écrire un commentaire, perdu lui aussi. UN peu marre...

    Donc je sors sans dire les choses pas forcément interressante que j'avais dit avant... (journée à la con, vraiment... soupir...)

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  6. Ben, moi, j'ai rien à dire. du coup, ce blog accepte mon commentaire : je me demande s'il n'y a pas une volonté politique là-dessous, de la part du taulier – de gauche, donc liberticide par nature.

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  7. @ tous : je crois que c'est lié au nouveau widget que j'ai installé. Je vais essayer de faire quelque chose. Désolé pour les commentaires perdus.

    @ Didier : chez moi, c'est ouvert, sauf quand il y a des insultes.

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  8. Voici les patrons de la Guadeloupe !

    L’image est hallucinante. On se croirait revenu dans l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid.

    Les patrons « guadeloupéens » (cf. photo ci-contre) se sont réunis dernièrement pour discuter de la situation de grève générale que vit la Guadeloupe.

    Cette manifestation a été retransmise en direct, pendant deux heures, par la chaîne privée CANAL 10. Tout un chacun a pu voir une salle composée à 95 % d’Européens et de Békés, parmi lesquels étaient perdus une poignée de noirs, mulâtres et Indiens.

    Tous ceux donc qui avaient, ces jours derniers, accusés Elie Domota et le LKP (Lyannaj Kont Pwofitasion) de « racisme » ou « d’incitation à la haine raciale » en ont été pour leurs frais.

    Il est désormais clair que les dizaines de milliers de Guadeloupéens qui manifestent dans les rues sont presque tous d’origine africaine ou indienne, tandis que ceux qui tiennent les rênes de l’économie sont presque tous européens ou d’origine européenne. C’est un constat !

    Chacun en tirera les enseignements qu’il veut...

    http://www.montraykreyol.org/spip.php?article2000

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  9. La BNP va faire faillite.

    Le total des dettes de la BNP est de 2 017 milliards d’euros, alors que ses capitaux propres ne sont que de 59 milliards d’euros !

    La norme, c’est ceci : les capitaux propres de la banque doivent absolument être d’au moins 8 % des dettes de la banque.

    Pour la BNP, c’est un cataclysme : ses capitaux propres ne représentent que 2,9 % de ses dettes !

    Lisez cet article :

    « Par ailleurs, le total des dettes de la BNP dépasse maintenant le PIB de la France ! Ce qui est particulièrement dangereux car il est impossible de sauver la situation en cas de faillite.

    La BNP et la France ressemblent de plus en plus à ces villages Potemkine qui donnent l’impression que tout va bien (le patron de la BNP répète que ses fonds propres sont largement suffisants).

    Ces deux ratios d’endettement (par rapport aux capitaux propres et au PIB) sont fondamentaux.

    À partir du moment où ils sont respectés, il est alors possible d’examiner les autres critères d’évaluation qui sont alors significatifs.

    Si ce n’est pas le cas, rien ne va plus, et tout peut se produire brusquement d’un jour à l’autre comme on l’a constaté avec la faillite de grandes banques centenaires. »


    http://www.jpchevallier.com/article-28114182.html

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  10. Je m'inquiète aussi de ce pourrissement. Mais ou est passé le SUPER président? aujourd'hui c'est un véritable sentiment d'abandon qui prone aux Antilles. depuis quand le président laisse un conflit sans réponse durant un mois? Et c'est quoi cette affaire de laisser les pourparlers aux médiateurs moi qui pensait que les ministres étaient fait pour cela...
    Je revient aussi sur les motifs bien plus profond qu'une hausse des salaire
    -le déséquilibre profond au sein même des sociétés antillaises. Quand on sais que 20% de la population majoritairement blanches détient 80% des richesses. Deplus plus de 12% des populations sont en dessous du seuil de la pauvreté.
    -La méconnaissance de la France outre-mer et la France hexagonal qui au final parait comme de la condescendance. Quand on regarde le passeport biométrique on ne voit même pas les départements d'outre-mers si on n'est pas des oubliés... il ne faut pas oublié non plut que la Martinique, la Guadeloupe sont des départements avant même la Corse. Quel est l'intérêt de passer par le ministère de l'outre-mer pour parler d'éducation en outre-mer? Si la France est si une et indivisible pourquoi ne pas passé directement par le ministère de l'éducation nationale?

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  11. @ Stessie : actuellement, le conflit se cristallise quand même sur le pouvoir d'achat.

    Pour le ministère de l'Outre-Mer, c'est une vieille tradition française, reste de l'Empire. Dans le fond, vous avez bien sûr raison.

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  12. A quoi renvoie exactement l'expression "mouvement social" ? Je suis assez perplexe.
    Une personne est tuée : c'est un "dérapage", lors d'un "mouvement social". Moi j'appelle ça un meurtre, et ça n'a rien à voir avec la politique ou le syndicalisme.

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  13. @ Paul : là, tu me fais un mauvais procès. Quand je parle de dérapage, j'explique que des personnes fragiles peuvent profiter d'un désordre généralisé et du débordement de la police pour faire n'importe quoi. C'est pour cela que les conflits pourris sont dangereux.

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  14. Je ne fais pas de procès quand même ! Mais je trouve ça déplacé qu'on considère les casseurs, pilleurs, brûleurs et meurtriers comme faisant partie du "mouvement social", mais ayant un peu "dérapé".
    J'ai l'impression que beaucoup de meneurs extrémistes (mais pas courageux) attendent ces débordements pour pouvoir montrer du doigt la police, et l'accuser de "pourrir" le mouvement social. La défiance du mouvement social envers les CRS permet de couvrir et presque de légitimer la casse. Les casseurs sont contre le système, nous aussi, ils sont donc finalement davantage dans notre camp.
    Je suis pour que la police et les manifestants/grévistes, main dans la main, aillent casser la gueule aux personnes violentes. Enfin, pardon, les interpellent gentiment.

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  15. @ Paul : les casseurs ne font pas partie du mouvement social, ils apparaissent logiquement quand il y a du bordel pour essayer de faire un petit bénéfice.

    Comme je le disais dans le billet, j'ai déjà vu le SO de la CGT castagner des casseurs. La collaboration peut aussi exister.

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  16. Monsieur
    je vous assure que d'après les contacts avec mes parents la-bas si les médias parte de pouvoir d'achat et de revendication économiques je vous assure que c'est pas vécu comme cela en Martinique en tout cas..
    PS: très loin du sujet: J'ai eu mon semestre...

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  17. @ Stessie : c'est vécu comment ?

    PS : bravo pour votre semestre.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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