jeudi 26 février 2009

Les trolls quittent les blogs et investissent les bistros.

Cher lecteur, je vais te raconter une petite histoire qui m’est arrivée ce matin. Bon, je sais que tu attends avec une grande impatience mon compte-rendu de la République des Blogs, mais il viendra un peu plus tard.

Je me suis réveillé totalement épuisé. Certes, je n’avais dormi que sept heures, mais d’habitude, cela ne m’empêche pas de fonctionner à peu près correctement. Peut-être la lassitude des vacances aidant, mon cerveau avait décidé de se manifester par un léger mal de tête avec système de pulsation intégré. Tu sais, cher lecteur, ce type de maux de tête qui ont l’air de battre un rythme en permanence contre ta paroi crânienne.

Or, moment dramatique, j’avais normalement décidé de corriger un paquet de copies en souffrance qui traînait nonchalamment sur mon bureau depuis le début des vacances. A chaque fois, je me dis que je vais me corriger ces paquets au début des vacances, histoire de me débarrasser. Et puis, la fatigue aidant, je laisse traîner. En général, je corrige ça le dimanche après-midi avant la rentrée, mais là, j’avais quand même décidé de m’avancer.

Vu mon état, je décide d’aller corriger dans un bistro, histoire de ne pas passer mon temps à bloguer en douce. J’aime bien bosser dans les bistros. Entre chaque copie, j’en profite pour regarder un peu le monde tourner autour de moi, je laisse traîner une oreille en écoutant ce que se racontent mes voisins, je bois un bon café crème chaud : je profite tout simplement de la vie…

Cela faisait à peu près une heure que je m’étais installé, quand une dame, âgée d’une soixantaine d’années, se pose à la table à côté, commande un verre de Côtes-du-Rhône et entame son Parisien (qui titrait sur une nouvelle aide aux propriétaires). Elle se met à soupirer, puis à grignoter frénétiquement des cacahuètes, avant de dire au barman, qui se battait avec sa vaisselle : « qu’est-ce qu’on s’emmerde, non ? »

Brusquement, elle me remarque et se met à me fixer intensément. Puis, sans se départir de sa fixette, m’alpague : « Vous êtes prof ? » Je me tourne avec l’air méprisant du type qui se demande pourquoi on demande à un gars qui a un stylo rouge en main et un paquet de feuilles grands carreaux grand format devant lui s’il est prof et je réponds par l’affirmative.

« Et vous n’êtes pas en train de travailler ? Forcément, les profs, vous êtes un peu fainéant… »

Évidemment, le fait de bosser dans un café n’est pas une évidence pour tout le monde, mais enfin… Je me décide donc à expliquer à la dame, avec un ton professoral qui s’adaptait bien au moment et à ma fonction, que nous sommes en période de congés scolaires, ce qui correspond à un chômage technique pour nous, et qu’en plus, je suis justement en train de travailler.

« Mouais, enfin, travailler dans un café, hein, à part le serveur, j’vois pas trop qui peut travailler dans un café… et encore, le serveur, hein… » (en regardant le barman qui astiquait son bar)

J’ai failli lui dire que le numéro un de la blogosphère politique faisait des billets depuis un bistro, mais j’ai décidé de baisser la tête vers mon paquet de copies et de laisser tomber.

Semblant se rendre compte de ce que j’étais en train de faire, et sans se démonter, la dame me reprend et me lance :

« Bon, soyez pas trop sévère, hein, parce qu’après, vous allez dire à vos gosses que c’est à cause de moi que vous les avez mal notés. Et moi, j’ai rien fait… »

Aimable, je lui ai juste répondu que j’essayais d’être impartial dans ma notation, et qu’en l’occurrence, ce paquet n’était pas mauvais pour le moment, et qu'il y avait peu de chances que mes élèves entendent un jour parler d'elle. Rassérénée, la dame est repartie dans son Parisien, en soupirant, et en répétant régulièrement « qu’est-ce qu’on s’emmerde, putain… »

Chers camarades blogueurs, le troll n’est plus réservé au blog. On le trouve même dans les bistros.

11 commentaires:

  1. Purée, le boulet :D
    Bravo pour ta patience, je ne l'aurais pas eue je crois.

    (Bon courage pour les copies! Tu m'as rappelé que j'ai aussi des corrections à faire, un vieux truc en plus, argh !)

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  2. C'est marrant tout ça vu d'une ancienne élève(qui cherche un échappatoire à ses interminables devoirs...) C'était donc ça cette petite odeur de café sur la copie :p

    Bon courage mr!

    PS: Vous êtes sûr que vous ne toucherez pas un petit mot de cette rencontre à vos élèves? Moi j'dis ça mais j'dis rien.
    PS 2: J'ai été ce matin également, qq peu "emmerder" par une vieille dame...quelle coincidence.

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  3. L'autre ! Il a besoin des quatre premiers paragraphes pour se justifier d'aller au bistro !

    Imagine que je fasse pareil pour chacun de mes billets où je parle de bistro !

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  4. Avant l'existence des blogs (à la préhistoire) on appelait ça un "pot de colle" :-)

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  5. Trop bon.

    Il y a des tas de gens qui bossent dans les troquets. Je ne parle pas de ceux qui travaillent leur cirrhose, quoique, c'est aussi du taf. Les philosophes ne seraient que peu de choses dans l'arrière-salle, les chanteurs albinos réduits à néant sans le comptoir, les poètes abolis sans leur absinthe. On ferme les troquets, c'est bien simple, la croissance se casse la figure.

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  6. @ MGP : j'ai avancé très lentement, et j'ai pas fini. La suite demain dans un autre bistro.

    @ Sylvie Y. : non, je ne dirais rien de ça aux élèves. Et non, Sylvie, vos copies ne sentaient pas le café, ni le vin, ni la bière, ni autre chose. Je suis un prof sérieux.

    @ Nicolas : on pourrait faire un concours : la meilleure justification pour aller au bistro ?

    @ Polluxe : ou une pauvre femme désœuvrée, mais enfin... Peut-être une future femme engagée, qui sait ?

    @ Mtislav : sans les bistrots, la croissance se casse la gueule, et avec eux, c'est l'ouvrier.

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  7. Tu aurais pu lui rétorquer que Sartre et S. de Beauvoir écrivaient aussi au bistro…

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  8. Je n'en reviens pas, que mon déguisement ait pu vous abuser à ce point !

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  9. @ LCC : je lui ai parlé de Thierry Roland et de Steevy, mais elle n'a pas eu l'air de me croire.

    @ Didier : non, ce n'était pas vous, vous n'auriez pas accompagné votre vin de cahuètes.

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  10. @ Didier : c'est la moindre des choses...

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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