samedi 7 février 2009

Dans le 93, cher lecteur, on prépare la constitution de ghettos scolaires.

Il y a parfois des actions administratives qui dénotent le vrai fond d’une politique.

Comme tu le sais sans doute, cher lecteur, depuis maintenant deux rentrées scolaires, la carte scolaire a été relâchée. Répondant à quelques vagues valeurs libérales, et suivant un modèle déjà expérimenté (malheureusement négativement) au Royaume-Uni, l’idée était de permettre aux parents de choisir l’école, le collège ou le lycée de leurs enfants. Darcos avait légitimé cette politique en disant que les bahuts perdants des élèves conserveraient leurs moyens et pourraient adapter leurs politiques en fonction des problèmes locaux. Or, ces dernières semaines, le 93 illustre un virage politique.

En ce moment, cher lecteur, tous les enseignants sont dans l’angoissante attente des moyens que nous aurons l’an prochain. Cette Dotation Horaire Globale (DHG), en période de suppressions de poste, est déterminante, car elle indique si des collègues vont partir, ou pas.

Cette année, du fait du creux démographique des années 1990, les collèges classés du 93 perdent environ 1 000 élèves. On s’attendait donc à ce que l’inspection d’académie ferme environ 1 000 places dans ces bahuts. Or, bizarrement, ce sont près de 1 400 places qui devraient être closes l’an prochain. Tu vas te demander, cher lecteur, où vont aller les 400 élèves manquants ? Attends, cela vient.

Dans les collèges non-classés, il était prévu une hausse de 17 élèves. Or, l’inspection d’académie y ouvre 400 places ! Tiens, c’est marrant, cela correspond à la différence. On retrouve ces phénomènes dans des communes mixtes socialement où coexistent des classes défavorisées et des classes moyennes, les places se transvasant entre collèges difficiles et collèges en meilleure forme, comme à Drancy, Montreuil ou Bagnolet. Parfois, le phénomène est même intercommunal, puisqu’à Gagny, on installe les classes que l’on ferme à Montfermeil.

La logique est donc la suivante : l’administration anticipe les demandes futures des parents et prépare la migration des bons élèves vers les collèges calmes, incitant les parents, même s’ils ne le souhaitent pas, à partir, et soutenant aussi les réputations mauvaises des bahuts classés. En parallèle, et contrairement à ce qui était promis, les collèges difficiles perdent leurs places et devront affronter les élèves restants, les plus durs, avec des moyens moindres, ce qui permet à l’État de maintenir des dépenses à niveau constant.

Pour le moment, cette politique va vider les collèges durs et bourrer les autres, jusqu’à ce que le conseil général dise stop à cause des limites des bâtiments. Quelques collèges ZEP fermeront peut-être. Or, la baisse démographique ne va pas durer. Les classes se remplissent dans le primaire, du fait de la hausse démographique du début des années 2000. Dans trois ans, les collèges vont recommencer à voir les effectifs croître. A ce moment-là, les collèges centraux ne pourront plus fournir les demandes des parents.

Là, le processus s’inversera : les familles ne choisiront plus. Les collèges centraux prendront les meilleurs, et les autres iront remplir les collèges difficiles qui auront de la place, puisque les bâtiments permettront de revenir au dosage actuel, mais avec les mêmes structures que dans les bons collèges (surtout qu’on ne recrute plus d’enseignants).

Et ainsi, cher lecteur, on aura constitué, dans notre beau pays, et surtout dans notre belle région, de magnifiques ghettos de niveau scolaire, battant totalement en brèche l’idée d’égalité des chances. Il est encore possible de revenir là-dessus. Certes, les profs vont sans doute le dire, mais tant que persistera chez les familles cette peur sociale qui mine notre système, on est pas prêt non plus de progresser.

9 commentaires:

  1. Excuse moi de ne pas être trop au courant, mais comment les établissements vont accepter ou refuser des élèves ? Il y a-t-il une sélection sur dossier ?
    Si tel est le cas, finalement qu'il y ait des bons et des mauvais collèges peut accroître la mixité sociale, puisque les bons élèves de ZEP et non-ZEP vont se mélanger, idem pour les élèves moyens et ceux en difficulté.

    RépondreSupprimer
  2. Êtes-vous sûr que l'on prépare des ghettos ? Ne s'agirait-il pas plutôt d'entériner leur existence, d'ores et déjà avérée ?

    D'autre part, allez donc parler de "mixité sociale" et autre fadaises à des parents dont le principal souci est que leur enfant réussisse au mieux ses études...

    RépondreSupprimer
  3. Le but est de faire de la sélection, les élèves moyens plus auront peut-être la chance de se retrouver dans les bons collèges et les moyens moins seront catalogués et puis il faut justifier la baisse des effectifs en envoyant peut-être plus de gamins dans les filières de garages..
    mais je n'ai peut-être pas bien tout compris...

    RépondreSupprimer
  4. @ Paul : je crains que cela ne soit pas aussi simple. Pour moi, les choix ne sont pas une question de mélange des bons et mauvais élèves, mais une question de refus du mélange des groupes sociaux. L'institution pourrait corriger cela à la marge, mais pas totalement.

    @ Didier : d'une certaine manière, on entérine, oui, mais en légitimant le phénomène.

    Les parents qui croient qu'en mettant leurs enfants avec d'autres enfants pareils qu'eux, ceux-ci réussiront plus, sont au mieux de doux rêveurs.

    @ Christie : en fait, je n'ai pas bien compris la fin de ton commentaire, mais tu sembles avoir compris le processus.

    RépondreSupprimer
  5. Tout cela est bien ardu à suivre! En somme, le gouvernement organise une pénurie de profs pour l'avenir. En tirant un poil les choses par les cheveux, on pourrait comparer avec la pénurie de médecins spécialistes dans mon département —six mois minimum pour un RV avec un ophtalmo, par exemple. Et la solution sera simple: organiser des scolarités sur RV bisannuels. Les plus rapides s'inscriront pour une 6e, 5e… en 2010 par exemple, les autres pour 2011, tandis que les précédents prendront des vacances. Pas de panique, donc, il y a toujours des solutions!

    RépondreSupprimer
  6. @ LCC : pour moi, il s'agit plutôt de réduire la qualité du système pour préparer sa réforme voire son démantèlement. Les Français sont cependant très attachés, malgré tous ses défauts, à l'Éducation nationale. Tout n'est donc pas joué.

    RépondreSupprimer
  7. @ Le coucou et Mathieu : Je trouve ça un brin paranoïaque et en tout cas très excessif de se faire croire que le gouvernement essaye de détruire le système éducatif français. Il faut arrêter de se raconter des histoires qui font peur le soir pour s'endormir. Les gouvernants de droite ne cherchent pas à faire le malheur de la France.
    Je ne suis pas certain que le "démantèlement" de l'EN soit envisagé par qui que se soit au ministère.

    RépondreSupprimer
  8. @ Paul : si ce n'est pas cela, je ne vois pas l'intérêt de rendre le système de plus en plus difficile et de moins en moins vivable pour les élèves comme pour nous. La réduction des dépenses a quand même bon dos...

    RépondreSupprimer
  9. @Paul: Vous trouvez cela un brin paranoïaque, aussi je vous suggère de suivre ces liens:
    http://braizy4.over-blog.com/article-24062072.html (Xavier Darcos en octobre 2008)
    http://8foncin.wordpress.com/2008/12/22/un-article-paru-sur-charlie-hebdo-en-2004-rapporte-les-propos-du-ministre-de-la-reforme-de-letat-ou-comment-demanteler-les-services-publics-strategies-et-objectifs/ (Charlie Hebdo octobre 2004, mais qui semble encore d'actualité...)

    RépondreSupprimer

Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

La modération des commentaires est activée 14 jours après la publication du billet, pour éviter les SPAM de plus en plus fréquents sur Blogger.