Cher lecteur, il y a des gens qui argumentent avec cohérence et d’autres qui sont prêts à émettre de coupables omissions pour faire passer leurs idées et leurs valeurs.
C’est le cas, ce matin, du journaliste du Figaro Ivan Rioufol. Revenant sur les négociations en cours en Guadeloupe pour obtenir une hausse de salaire de 200 €, Rioufol nous explique que les acteurs sont en train de parvenir à un système tripartite : le patronat mettrait 50 €, les collectivités territoriales 50 € et l’État 100 €. Bizarrement, Rioufol ne semble pas s’offusquer du système proposé : au total, si on regarde bien, 50 € de cette soi-disant hausse vont être fournis par l’impôt (que les Guadeloupéens devront payer par eux-mêmes) et 100 € vont être supportés par les contributions sociales des autres citoyens. On pourrait entièrement comprendre que la solidarité républicaine s’exerce pour un territoire en difficulté, mais on ne peut que voir que le salaire est en fait augmenté de 50 €. Quand on pense à 35 jours de grève pour arracher au patronat guadeloupéen une hausse de 50 €, il y a de quoi piquer de vraies colères.
Et, au passage, encore 100 € de recettes qui sont jetés en l’air par le gouvernement. On ne change pas une recette qu’on maîtrise.
Par contre, Rioufol utilise cette affaire pour dénoncer le scandale des charges sociales scandaleuses qui pèsent sur les salaires. Une phrase m’a particulièrement fait sourire :
Ce qui Rioufol ne dit pas, c’est que ces cotisations correspondent à des dépenses totalement contraintes que les citoyens ont forcément à assumer à un moment ou à un autre : le chômage, la santé, l’accident du travail, la retraite, la parentalité… Si on supprimait les charges sur les salaires, cela signifierait qu’on s’attendrait à ce que le citoyen contribue de lui-même à tous ces risques. Soit il économise tout seul et prie que rien ne lui arrive de trop grave, soit le citoyen souscrit à des assurances privées pour sauver les meubles en cas de problème. Globalement, quand on voit les deux choix, soit le citoyen est un irresponsable et préfère dépenser tout son argent à consommer, réduisant nettement son espérance de vie, soit il est responsable et il s’assure.
Dans ce cas précis, à performance équivalente, l’assurance privée est forcément plus coûteuse, car les actionnaires réclament logiquement leurs dividendes. La santé étant par nature une activité à perte, les assurances sont obligées de limer les coûts au maximum pour survivre et verser des dividendes. Au total, cette soi-disant libération des revenus va entraîner une hausse réelle du coût de la protection sociale pour les citoyens avec sans doute une qualité moindre. N’oublions pas que nos amis américains ont un système de santé qui leur coûte 3 points de PIB de plus pour une efficacité moindre, et que les retraités de ce pays ont une qualité de vie plus basse par rapport aux nôtres…
Ce système n’est réellement intéressant que lorsqu’on a des revenus confortables. Étonnant que ce soit ces milieux-là qui prônent ce type de programme…
Ces débats me fascinent toujours autant, car nous avons tout de même connu, dans le système capitaliste, une époque pas si lointaine durant laquelle la Sécurité sociale n'existait pas. C'était avant 1945...
PS : je te signale au passage ce jeune blog, découvert aujourd'hui. Bonne lecture.
C’est le cas, ce matin, du journaliste du Figaro Ivan Rioufol. Revenant sur les négociations en cours en Guadeloupe pour obtenir une hausse de salaire de 200 €, Rioufol nous explique que les acteurs sont en train de parvenir à un système tripartite : le patronat mettrait 50 €, les collectivités territoriales 50 € et l’État 100 €. Bizarrement, Rioufol ne semble pas s’offusquer du système proposé : au total, si on regarde bien, 50 € de cette soi-disant hausse vont être fournis par l’impôt (que les Guadeloupéens devront payer par eux-mêmes) et 100 € vont être supportés par les contributions sociales des autres citoyens. On pourrait entièrement comprendre que la solidarité républicaine s’exerce pour un territoire en difficulté, mais on ne peut que voir que le salaire est en fait augmenté de 50 €. Quand on pense à 35 jours de grève pour arracher au patronat guadeloupéen une hausse de 50 €, il y a de quoi piquer de vraies colères.
Et, au passage, encore 100 € de recettes qui sont jetés en l’air par le gouvernement. On ne change pas une recette qu’on maîtrise.
Par contre, Rioufol utilise cette affaire pour dénoncer le scandale des charges sociales scandaleuses qui pèsent sur les salaires. Une phrase m’a particulièrement fait sourire :
« Pour autant, la négociation met le doigt sur l'un des non-dits les mieux protégés : le coût exorbitant des charges sociales supportées par le salarié, qui ne jouit en réalité que d'une partie des fruits de son travail. »
Ce qui Rioufol ne dit pas, c’est que ces cotisations correspondent à des dépenses totalement contraintes que les citoyens ont forcément à assumer à un moment ou à un autre : le chômage, la santé, l’accident du travail, la retraite, la parentalité… Si on supprimait les charges sur les salaires, cela signifierait qu’on s’attendrait à ce que le citoyen contribue de lui-même à tous ces risques. Soit il économise tout seul et prie que rien ne lui arrive de trop grave, soit le citoyen souscrit à des assurances privées pour sauver les meubles en cas de problème. Globalement, quand on voit les deux choix, soit le citoyen est un irresponsable et préfère dépenser tout son argent à consommer, réduisant nettement son espérance de vie, soit il est responsable et il s’assure.
Dans ce cas précis, à performance équivalente, l’assurance privée est forcément plus coûteuse, car les actionnaires réclament logiquement leurs dividendes. La santé étant par nature une activité à perte, les assurances sont obligées de limer les coûts au maximum pour survivre et verser des dividendes. Au total, cette soi-disant libération des revenus va entraîner une hausse réelle du coût de la protection sociale pour les citoyens avec sans doute une qualité moindre. N’oublions pas que nos amis américains ont un système de santé qui leur coûte 3 points de PIB de plus pour une efficacité moindre, et que les retraités de ce pays ont une qualité de vie plus basse par rapport aux nôtres…
Ce système n’est réellement intéressant que lorsqu’on a des revenus confortables. Étonnant que ce soit ces milieux-là qui prônent ce type de programme…
Ces débats me fascinent toujours autant, car nous avons tout de même connu, dans le système capitaliste, une époque pas si lointaine durant laquelle la Sécurité sociale n'existait pas. C'était avant 1945...
PS : je te signale au passage ce jeune blog, découvert aujourd'hui. Bonne lecture.
Plus efficace ou pas, plus coûteux ou pas, plus social ou pas... J'en sais rien. Ce que je sais, c'est que quitte à laisser 30% de mes revenus en cotisations diverses et variées, j'aimerais autant choisir moi-même à quoi je cotise, quand, comment et chez qui.
RépondreSupprimerToute personne ayant eu une fois dans sa vie, de près ou de loin, maille à partir avec l'URSSAF est de mon avis. C'est plus de la solidarité, c'est du racket.
Je pense que le système de répartition des cotisations est un plus unique qu'il ne faut pas perdre: RCO, chômage ou retraite, on est tous bien content lors d'une crasse d'avoir cotisé (ou qu'on ai cotisé pour nous). Faut pas que ça change. C'est indispensable. Sinon, les plus pauvres gagneraient certes plus - et dépenseraient plus !-, mais en cas de coup dur, ce serait la fin des haricots. Pas de chômage. Pas d'aide. Rappelons que nous avons un modèle de société que nous envie le monde; avec une Sécurité Sociale qui nous aide bien, malgré les abus de certains.
RépondreSupprimerPour en parler avec Rubin, en tant que salarié agricole, je cotise à la MSA (le tout-en-un) et ils sont bien sympa et proche de l'adhérent. Un exemple à suivre?
@ Rubin : là, tu es spécieux dans ton raisonnement. Tu pars définitivement du principe que l'URSSAF est une institution de voleurs, et donc, tu veux partir ailleurs.
RépondreSupprimerOr, dans notre beau pays, comme dans toutes les démocraties, les systèmes institutionnels se réforment aussi. Il est tout à fait possible de faire évoluer l'URSSAF, sans devoir forcément la supprimer ou la mettre en concurrence avec d'autres organismes qui auront d'autres travers et ne feront rien gagner aux citoyens.
Je suis persuadé qu'il est moins coûteux d'améliorer que de tout casser et de reconstruire.
@ Homer : nos commentaires se sont croisés. Entièrement d'accord avec toi...
RépondreSupprimer... sauf sur un point. La MSA est sans doute bien sympa, mais elle est massivement financée par les budgets publics, vu que les cotisants sont devenus très peu nombreux. Évidemment, le gouvernement n'en parle pas parce que les agriculteurs votent à droite majoritairement.
Personnellement, je suis pour la fusion des régimes, pour une vraie solidarité nationale et la fin des particularismes professionnels, avec extension au mieux-disant. Par contre, si le système de la MSA est bien rôdé, autant l'étendre.
L'URSSAF est, dans son fondement, dans ses modes de fonctionnement ainsi que dans ses objectifs, toute entière tournée vers la confiscation coercitive des revenus.
RépondreSupprimerTu connais ma modération en matière générale. Mais en l'espèce, il faut bien dire les choses comme elles sont :
1. Le mode de fonctionnement de l'URSSAF rend tout dialogue avec le cotisant impossible, puisque les seuls modes de communication sont la mise en demeure, l'avis à tiers détenteur et le contrôle.
Juste pour voir, essaie, demain matin, de joindre un conseiller URSSAF : tu vas comprendre le problème.
2. Cette institution est impossible à réformer, car jusque dans son objectif elle est anti-démocratique. Elle est également incontrôlable, puisque le tribunal des affaires de sécurité sociale est principalement composé par des délégués syndicaux plutôt que par des juges. En outre, recourir au TASS, c'est s'assurer une série de contrôles sans fin.
Mathieu, pour prolonger ton dernier paragraphe, je recopie un article ignoble datant du 4 octobre 2007, écrit par Denis Kessler, l'ex-numéro 2 du MEDEF :
RépondreSupprimer« Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement Fillon s'y emploie.
Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d'importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme...
A y regarder de plus près, on constate qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !
A l'époque se forge un pacte politique entre les gaullistes et les communistes. Ce programme est un compromis qui a permis aux premiers que la France ne devienne pas une démocratie populaire, et aux seconds d'obtenir des avancées - toujours qualifiées d'« historiques » - et de cristalliser dans des codes ou des statuts des positions politiques acquises.
Ce compromis, forgé à une période très chaude et particulière de notre histoire contemporaine (où les chars russes étaient à deux étapes du Tour de France, comme aurait dit le Général), se traduit par la création des caisses de Sécurité sociale, le statut de la fonction publique, l'importance du secteur public productif et la consécration des grandes entreprises françaises qui viennent d'être nationalisées, le conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite, etc.
Cette « architecture » singulière a tenu tant bien que mal pendant plus d'un demi-siècle. Elle a même été renforcée en 1981, à contresens de l'histoire, par le programme commun. Pourtant, elle est à l'évidence complètement dépassée, inefficace, datée. Elle ne permet plus à notre pays de s'adapter aux nouvelles exigences économiques, sociales, internationales. Elle se traduit par un décrochage de notre nation par rapport à pratiquement tous ses partenaires.
Le problème de notre pays est qu'il sanctifie ses institutions, qu'il leur donne une vocation éternelle, qu'il les «tabouise» en quelque sorte. Si bien que lorsqu'elles existent, quiconque essaie de les réformer apparaît comme animé d'une intention diabolique. Et nombreux sont ceux qui s'érigent en gardien des temples sacrés, qui en tirent leur légitimité et leur position économique, sociale et politique. Et ceux qui s'attaquent à ces institutions d'après guerre apparaissent sacrilèges.
Il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin, la quasi-disparition du parti communiste, la relégation de la CGT dans quelques places fortes, l'essoufflement asthmatique du Parti socialiste comme conditions nécessaires pour que l'on puisse envisager l'aggiornamento qui s'annonce. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait aussi que le débat interne au sein du monde gaulliste soit tranché, et que ceux qui croyaient pouvoir continuer à rafistoler sans cesse un modèle usé, devenu inadapté, laissent place à une nouvelle génération d'entrepreneurs politiques et sociaux. Désavouer les pères fondateurs n'est pas un problème qu'en psychanalyse.
Denis Kessler.
http://www.challenges.fr/opinions/1191448800.CHAP1020712/adieu_1945_raccrochons_notre_pays_au_monde_.html
Même si l'URSSAF n'est pas "humain", essaie donc de mettre de l'argent de côté pour te subvenir en cas de chômage: force est de constater que les cotisations prélevées sur les salariés sont bien inférieures au montant des indemnités reversées (surtout en ce moment). Un mal pour un bien?
RépondreSupprimer@Homer : sauf que tout le monde n'est pas salarié. Et concernant les salariés, même si les cotisations sont, en théorie, prélevées sur le salaire brut, c'est bien l'employeur qui les paie, et à lui que l'URSSAF en demande le règlement.
RépondreSupprimerAvec ce système, aucune PME ne peut faire face plus de quelques mois à une conjoncture économique difficile. Dès que l'argent rentre un peu moins bien, la trésorerie est asséchée par les charges sociales, et c'est la cessation de paiements.
C'est le point que je gardais sous le coude en cas de réponse ;-)
RépondreSupprimerEn effet, c'est la limite du système: les charges qui incombent aux employeurs sont très lourdes, ce qui explique, finalement, les petits salaires. A cela je ne vois pas de solution dans l'immédiat. Une idée?
@ Rubin et Homer : on pourrait imaginer que l'URSSAF puisse, en période de crise, effectué des étalements de paiement, voire même en annuler certains sous certaines conditions. Reste à savoir lesquelles.
RépondreSupprimer@Mathieu : on pourrait, en effet. Encore faudrait-il pouvoir les joindre.
RépondreSupprimer@ Rubin : c'est le politique qui merde, là, ce n'est pas l'URSSAF. C'est à lui de décider de la manière de gérer les recouvrements des recettes.
RépondreSupprimerIls ont dû avoir des suppressions de postes pour ne plus répondre. Ou alors, ils doivent avoir peur des patrons haineux et idéologues qui n'arrêtent pas de les appeler pour les pourrir... ;)
@ Rubin: il suffit d'avoir le numéro "direct". Et j'en ai un ;-)
RépondreSupprimer@Homer : quelle classe !
RépondreSupprimer