Dans ce petit billet de cette journée de vacances, je voudrai revenir sur la condamnation de M. Laboureur, professeur de technologie qui est frappé d'une amende de 500 € pour avoir donné une gifle à un élève. A l'époque, les syndicats enseignants, et particulièrement le SNALC-CSEN, avait pris fait et cause pour ce professeur. La condamnation de celui-ci semble discréditer un peu les enseignants qui manifestaient leurs angoisses de perte d'autorité sur des élèves de plus en plus contestataires et indisciplinés.
Je ne vais pas revenir sur cette décision de justice, mais plutôt sur le fond de la réaction des enseignants. La dégradation de la relation prof-élèves est loin d'être une nouveauté. Elle a en fait commencé dès la massification de l'éducation dans les années 1970. Ce processus s'est accompagné de la naissance d'un échec scolaire certes restreint mais insurmontable à ce jour, qui a suscité chez certains élèves des comportements violents. La dégradation du climat social a aggravé le phénomène, faisant penser à certains jeunes profs qu'ils ne sortiraient pas vivants de leur première année d'enseignement.
En réalité, le trouble des profs vient, à mon avis, de l'organisation même du système scolaire français. Chez nous, l'enseignant, comme le policier, l'inspecteur des impôts, le député, le président de la République (même l'actuel...), est vu comme quelqu'un de tout puissant, dont l'autorité ne peut être contestée. Il a donc plus ou moins tout pouvoir sur des élèves qui se doivent de recevoir les connaissances qu'il veut bien transmettre. L'éducation est donc un lien d'autorité, sanctionné par des concours d'accès très relevés (entre 1 et 10% de réussite chaque année selon les disciplines) qui font penser aux profs que la réussite entraîne automatiquement le respect des élèves.
Pourtant, après huit ans de pratique, je dois te dire, cher lecteur, que nos élèves sont encore très respectueux de l'autorité des enseignants, malgré des contestations permanentes. Souvent, dans les discussions avec eux, ils expliquent que les profs bordélisés sont de trois types : ceux dont les cours sont médiocres (et c'est souvent le cas des jeunes profs, que j'ai été et j'ai souffert au début), ceux qui sont injustes et ceux qui ne sont pas assez sévères. Les élèves d'aujourd'hui ne considèrent donc plus l'autorité comme due, parce que l'État a validé ce prof, mais comme devant se gagner par du sérieux, du travail, de la qualité et du respect.
Pour moi, cette évolution est très positive, car elle ne peut que pousser à la démocratisation de notre école. Il est après tout normal que nous ne soyons pas vraiment tout puissant. La contestation est aussi un moyen de se former pour les élèves. La question bascule lorsque l'on se retrouve face à des violences.
Chaque jour, dans les bahuts dit difficiles, se produisent des incidents, souvent bénins, mais parfois graves, et qui passent très rarement dans la presse, alors qu'ils se diffusent chez les enseignants. Ces faits inquiètent même les profs les plus tranquilles, et la baffe, à ce moment-là, peut apparaître comme une défense. Cependant, elle maintient l'idée du prof-père, qui n'existe plus dans la réalité.
Au début, comme beaucoup, je me suis senti concerné par le cas de ce prof, car je suis persuadé qu'il est tout à fait possible que je dérape moi aussi un jour. Les profs ne sont que des femmes et des hommes, des humains avant tout, avec leurs faiblesses et leurs qualités. On ne peut pas toujours être des modèles, mais c'est à nous de faire le travail pour tenter de s'en rapprocher.Je crois cependant que le discours que les médias, les politiques et les syndicats ont tenu derrière le procès est inadapté. Il faut évidemment condamner toutes les violences des élèves comme des profs, mais il faut aussi accepter que notre école doit évoluer, comme évolue le reste de la société. Aujourd'hui, l'autorité n'est plus acquise, elle se mérite, et franchement, c'est une bonne chose.
Je ne vais pas revenir sur cette décision de justice, mais plutôt sur le fond de la réaction des enseignants. La dégradation de la relation prof-élèves est loin d'être une nouveauté. Elle a en fait commencé dès la massification de l'éducation dans les années 1970. Ce processus s'est accompagné de la naissance d'un échec scolaire certes restreint mais insurmontable à ce jour, qui a suscité chez certains élèves des comportements violents. La dégradation du climat social a aggravé le phénomène, faisant penser à certains jeunes profs qu'ils ne sortiraient pas vivants de leur première année d'enseignement.
En réalité, le trouble des profs vient, à mon avis, de l'organisation même du système scolaire français. Chez nous, l'enseignant, comme le policier, l'inspecteur des impôts, le député, le président de la République (même l'actuel...), est vu comme quelqu'un de tout puissant, dont l'autorité ne peut être contestée. Il a donc plus ou moins tout pouvoir sur des élèves qui se doivent de recevoir les connaissances qu'il veut bien transmettre. L'éducation est donc un lien d'autorité, sanctionné par des concours d'accès très relevés (entre 1 et 10% de réussite chaque année selon les disciplines) qui font penser aux profs que la réussite entraîne automatiquement le respect des élèves.
Pourtant, après huit ans de pratique, je dois te dire, cher lecteur, que nos élèves sont encore très respectueux de l'autorité des enseignants, malgré des contestations permanentes. Souvent, dans les discussions avec eux, ils expliquent que les profs bordélisés sont de trois types : ceux dont les cours sont médiocres (et c'est souvent le cas des jeunes profs, que j'ai été et j'ai souffert au début), ceux qui sont injustes et ceux qui ne sont pas assez sévères. Les élèves d'aujourd'hui ne considèrent donc plus l'autorité comme due, parce que l'État a validé ce prof, mais comme devant se gagner par du sérieux, du travail, de la qualité et du respect.
Pour moi, cette évolution est très positive, car elle ne peut que pousser à la démocratisation de notre école. Il est après tout normal que nous ne soyons pas vraiment tout puissant. La contestation est aussi un moyen de se former pour les élèves. La question bascule lorsque l'on se retrouve face à des violences.
Chaque jour, dans les bahuts dit difficiles, se produisent des incidents, souvent bénins, mais parfois graves, et qui passent très rarement dans la presse, alors qu'ils se diffusent chez les enseignants. Ces faits inquiètent même les profs les plus tranquilles, et la baffe, à ce moment-là, peut apparaître comme une défense. Cependant, elle maintient l'idée du prof-père, qui n'existe plus dans la réalité.
Au début, comme beaucoup, je me suis senti concerné par le cas de ce prof, car je suis persuadé qu'il est tout à fait possible que je dérape moi aussi un jour. Les profs ne sont que des femmes et des hommes, des humains avant tout, avec leurs faiblesses et leurs qualités. On ne peut pas toujours être des modèles, mais c'est à nous de faire le travail pour tenter de s'en rapprocher.Je crois cependant que le discours que les médias, les politiques et les syndicats ont tenu derrière le procès est inadapté. Il faut évidemment condamner toutes les violences des élèves comme des profs, mais il faut aussi accepter que notre école doit évoluer, comme évolue le reste de la société. Aujourd'hui, l'autorité n'est plus acquise, elle se mérite, et franchement, c'est une bonne chose.
Depuis quelques jours je réfléchis sur ton billet (sans que ma réflexion n'aboutisse ...).
RépondreSupprimerJ'appartiens à un corps de métier souvent agressé, celui de l'inspection du travail.
La comparaison entre les deux situations est délicate. D'un coté un corps enseignant qui est là pour transmettre - et qui est dans le don - de l'autre un corps de contrôle qui est là pour contraindre. D'un coté des élèves, dans une relation où ils ont le rôle de "mineur" (dans le sens de celui qui dépend, qui attend, qui est position de recevoir), de l'autre des "égaux" pris "en faute", et donc renvoyés au blâme de l'institutrice, ou de celui qui est garant de l'ordre, des règles et de la normalisation.
Même si c'est schématique, c'est tout de même assez paradoxal, quand j'y songe, de voir que c'est l'enseignant, qui est dans la transmission et non dans la contrainte, qui cède à la force physique alors que celui qui est dans la normalisation, dans le rappel à la loi, n'y a jamais recours mais est au contraire (de plus en plus) agressé.
Le corps de l'inspection du travail est un corps d'autorité et son intervention est nettement encadrée et (et parce que) très intrusive. Les inspecteurs et contrôleurs sont "protégés" par la loi, pour faire leurs missions.
Ici, nous ne sommes pas dans une autorité qui se "mérite", mais qui est accordée par la loi.
Je suis choquée qu'un enseignant puisse gifler ou violenter un élève, qu'il puisse perdre sa maitrise de lui-même. Je pense qu'il y a un problème de pratique professionnelle.
Mais, pour autant, est ce que les enseignants ont le sentiment d'être soutenus par leur ministre, par l'Etat, lorsqu'ils revendiquent un minimum de respect ? Parce que est ce qu'ici on parle de respect ou d'autorité ?
Même si les temps ont changé et que l'autorité n'est plus chose donnée aux enseignants, ça n'est pas une raison pour balancer le respect avec l'eau du bain non ?
Je ne sais pas si je suis très claire, mais autant je trouve que la violence n'est pas acceptable (dans aucun rapport humain à vrai dire), autant je trouve qu'être traité de "connard" ne l'est pas non plus.
Un fonctionnaire de l'inspection du travail "agressé" (je mets des guillements pour limiter à l'agression verbale) dans le cadre de ses fonctions met un PV d'outrage et conduit ainsi l'agresseur à répondre de ses actes devant un tribunal.
Bien sur, il n'est pas question d'emmener au tribunal tous les élèves irrespectueux !!! (déjà que même les gamins ayant jeté des pierres à Bonifacio, j'ai du mal à supporter qu'ils soient en prison ...).
Mais, et c'est là où ma réflexion n'est pas aboutie, rappeler le respect, l'obligation du respect, me semble primordia voir vital ...
To be continued ...
Salut Audine,
RépondreSupprimerEn effet, nos positions professionnelles sont très différentes. Je ne crois pas que l'on puisse se positionner de la même façon. Dans l'éducation, les violences peuvent surgir n'importe quand, et quand cela arrive, il faut évidemment sanctionner. Cependant, le recours à la loi et à la justice doit être, à mon avis, limité à ce qui relève du droit réel, c'est-à-dire d'actes de violence physique ou verbales graves.
C'est vrai que se faire traiter de connard, c'est grave, mais il faut aussi avoir envers les jeunes une position bienveillante. Ils sont des citoyens en formation, et ont donc le droit de se planter. La sanction interne suffit généralement, pour permettre à l'élève d'assimiler les choses. C'est lorsque les faits se répètent que le gamin doit éventuellement être pris en charge par d'autres instances.
Toi, tu n'es pas du tout dans le même cas. Tu es face à des citoyens confirmés, qui se doivent de se comporter convenablement, et en particulier envers vous. La sanction doit donc être systématiquement civile ou pénale en fonction du cas. Là, la tolérance ne devrait pas exister.
Voilà ce que me suscite ton commentaire, mais n'hésite pas à compléter.
Vous etes prof et vous ne lisez que les gros titres des journaux...c'est inquiétant pour vos capacités à enseigner, non?
RépondreSupprimerVoici donc un énième rappel des faits:
La Justice de notre pays, par la voix du Procureur de la République Bernard Beffy, donne de son côté la version suivante :
« Il ne s’agit pas du tout d’une simple gifle, mais bien d’une vraie scène de violence longue de 1 minute qui dépasse largement les bornes. La classe entière a été choquée par ce qui s’est passé, et ce sont deux élèves traumatisées qui, à la fin du cours, se sont rendues à l’infirmerie pour raconter ce à quoi elles venaient d’assister.
A aucun moment le professeur n’a demandé à l’élève de débarrasser son bureau. L’enseignant a tout renversé sans un mot et c’est alors que l’élève de 11 ans, qui en paraît 8 physiquement, lui a demandé pourquoi il avait fait cela. Le professeur l’a saisi par le col et poussé contre le mur, l’enfant l’a insulté, la gifle est partie. Le professeur a ensuite traîné l’élève en larmes, qui ne touchait pas terre, jusqu’à son bureau, puis dans une salle attenante où il a exigé des excuses qu’il a obtenues avant de ramener l’enfant dans la classe en lançant que la parenthèse était refermée et que personne ne devait parler de ce qui s’était passé… »
@ Dieu : je crois que vous avez mal lu l'article. Je ne parle en rien de l'affaire de Berlaimont, mais du ressenti des profs lorsque l'affaire a été diffusée dans ses premiers moments.
RépondreSupprimerAu total, cette affaire n'est qu'un prétexte à un thème beaucoup plus large.
D'autre part, je ne commente de décision de justice que si je la trouve injuste ou en rupture avec les droits fondamentaux. Rien n'a été dit nul part à ce sujet et je n'ai donc rien de plus à en dire.