Durant cette campagne, cher lecteur, je me suis très peu exprimé. Non pas que je me sois désintéressé de tous les petits évènements qui l'ont émaillée, mais j'ai très rapidement éprouvé un certain rejet à l'égard des débats de la blogosphère de gauche. En effet, alors que la campagne débutait à peine, mes camarades de gauche ont passé leur temps à s'étriper entre militants/sympathisants du Front de Gauche (FdG) et sympathisants/militants du PS. Tous ces débats, dans la plupart des cas, étaient totalement stériles et consistaient en des invectives sans intérêt, surtout en considération du faible lectorat de la blogosphère politique française.
Une conclusion s'impose : malgré la dynamique de sa campagne, Mélenchon n'est pas parvenu à prendre la place de 3ème homme, à ma grande tristesse.
Comme l'avait signalé un de mes camarades, j'ai voté pour le candidat du Front de Gauche. Contrairement à d'autres, j'avais fait ce choix depuis très longtemps, quasiment depuis que le PCF avait validé sa candidature commune. Il s'agit maintenant de tirer un bilan pour préparer l'avenir.
Je ne me leurre pas : l'avenir sera rude. Très rapidement, avec les élections en Grèce puis avec les échéances financières de l'Espagne et de l'Italie, la question de la dette publique des Etats européens va se poser avec acuité. Le gouvernement, s'il est socialiste, va avoir un choix très dur à faire : tenter d'obtenir un virage radical de la politique de l'Union Européenne ou se coucher. Je n'ai aucun optimisme à ce sujet : à partir du moment où les élu-e-s PS ont laissé passer le MESF, il n'y a que très peu de chance qu'ils tentent réellement de résister sans une forte pression. Celle-ci est d'ailleurs nécessaire : n'oublions pas que les gouvernements réformistes ont en face d'eux de fortes résistances qu'ils ne peuvent abattre sans un fort soutien populaire. En 1936, c'est la grève générale avec occupation d'usines qui a permis au Front populaire d'arracher les congés payés et les 40 heures.
Si c'est Sarkozy qui l'emporte, le FdG va devoir se relancer dans son discours et se préparer à participer avec force aux luttes à venir, car dans ce cas, les luttes seront rudes.
Dans ce cadre, le rôle du Front de Gauche est maintenant de s'assurer un maximum d'élu-e-s aux législatives.
Pour qu'il y réussisse, il va falloir très rapidement dresser le bilan de la campagne de Mélenchon. J'ai écouté quasiment tous ses discours et j'ai pu assister en direct à celui de la Bastille. On peut en retirer quelques idées :
- Mélenchon est parvenu à revitaliser une gauche qui, contrairement à ce qu'affirment de nombreux commentateurs, n'avait pas disparu mais qui ne trouvait pas de moyen électoral de s'exprimer, du fait de la débâcle du PCF et de la mollesse de plus en plus affichée du PS. Cette gauche avait pointé son nez lors du référendum de 2005, et depuis, plus grand-chose... La tentative du NPA de faire un hold-up sur elle n'a pas réussi.
- Mélenchon, contrairement à ce que rabâche sans arrêt les médias, a parlé des grands thèmes qui auraient dû structurer la campagne de tout le monde : la dette, l'Union Européenne, la crise écologique, le vivre ensemble, la laïcité, le chômage, les salaires, la crise économique et financière... Il a fait tout cela avec des propositions énoncées depuis l'année dernière dans le programme "l'humain d'abord". Ces choix expliquent sans doute une part du score.
- Mélenchon s'est révélé comme un excellent orateur capable de galvaniser les foules, mais cela me pose un gros problème. Le Front de Gauche existe-t-il sans lui ??? Là, j'ai un gros doute, et c'est une problématique qu'il va devoir très rapidement trancher si l'on veut que ce score ne reste pas qu'un épiphénomène sans lendemain.
- Mélenchon a fait le choix d'attaquer principalement Marine Le Pen mais n'est pas parvenu à lui passer devant, loin de là. Même si c'est un échec, il faut tout de même retenir l'idée que l'attaque frontale du Front National peut finalement être une meilleure stratégie que de l'ignorer. Tiens, d'ailleurs, il faut rappeler que l'idée ne vient pas de lui, mais d'un autre homme politique qui avait défié Jean-Marie Le Pen lors d'un débat : Nicolas Sarkozy... L'innovation du FdG a résidé dans le fait d'attaquer sur des contre-propositions et sur des valeurs différentes, et pas simplement de reprendre les thématiques du FN comme l'avait fait le président sortant. C'est une bonne vision pour la gauche. Cependant, l'objectif n'a pas encore été atteint, et il va falloir poursuivre dans cette stratégie, dont les autres partis de gauche devraient prendre de la graine.
- Mélenchon a repris quelques valeurs simples qui ont beaucoup plu, comme la fierté d'être de gauche, toute une série de références historiques, le rejet du discours décliniste, le rappel d'une volonté politique volontariste et rejetant le discours du "c'est trop cher", un message d'amour et de fraternité. C'était positif et il faudra le garder.
- Mélenchon, les résultats le montrent, n'a pas réussi à briser cette dynamique stupide du vote utile. Je connais un nombre trop important de gens de gauche disant être plus en accord avec Mélenchon mais ayant voté Hollande. Ainsi, voilà toute une population votant contre ses valeurs par trouille. Vivement qu'on en finisse. Ce point mérite d'être travaillé, mais de toute façon, la réalité va très vite montrer à tous ces copains qu'ils ont fait une belle boulette si Hollande l'emporte.
- Mélenchon n'a cessé de donner des signes de la fragilité du Front de Gauche. Jeudi soir encore, il a appelé les leaders communistes à dire qu'ils ne participeraient pas au gouvernement, en tout cas pas avant les législatives. Là est la faiblesse de tout l'édifice. Je connais beaucoup de monde au PCF qui ont détesté cette candidature et qui sont prêts à tout pour en finir avec Méluche, même si celui-ci leur a apporté un score inégalé depuis 1981. Pour moi, tant que cette question n'est pas résolue, le FdG ne pourra pas réellement aspirer au gouvernement.
Voilà quelques réflexions suite à ces quelques mois de campagne et aux premiers résultats d'aujourd'hui. Maintenant, on va aller voter Hollande, sans aucune conviction mais simplement en espérant mettre Sarkozy dehors, tout en sachant que ses idées, elles, vont potentiellement rester, et d'autant plus avec un FN aussi fort.
Faut-il désespérer pour autant ? Alors là, cher lecteur, la réponse est non, dix fois non !!! Le discours du FdG, s'il n'était pas nouveau en soi dans notre histoire politique, était nouveau dans le globi-boulga médiatique des trente dernières années. Les idées mettent du temps à faire leur chemin. Il ne faut donc pas se relâcher et poursuivre le combat. Ce score, même s'il est décevant, ne doit pas nous désespérer : il n'est qu'un début.
En attendant, cher lecteur, on défile le 1er mai, entre les deux tours, pour commencer à mettre la pression sur la nouvelle équipe dirigeante qui se prépare à prendre le pouvoir.
Et ensuite, on n'oublie pas les 3e et 4e tours, en juin, pour les élections législatives !
Déçu, évidemment. Mais désespéré, certainement pas. En tant qu'enseignants, nous avons eu notre dose de luttes improductives. Cela ne veut pas dire que nous avions tort.
RépondreSupprimerCela fait plaisir de voir que "lesprivilégiés" bougent encore ! Beau billet, on dit je crois !!!
Cdt
Manuel M
La campagne anti-FN n'est pas un échec même si on aurait souhaité mieux : sans cela, Le Pen aurait fait un résultat autrement plus fort. Chacun comparera par exemple les résultats locaux des dernières cantonales et ceux de cette présidentielle.
RépondreSupprimerIl va falloir continuer à cogner là où ça fait mal. Les salaires, le refus d'augmenter le Smic, l'âge de la retraite, la défense des salariés et le syndicalisme, bref ces points où il suffit de montrer le programme FN pour voir fuir les électeurs potentiels.
Le Front de Gauche existe mais il est en construction. Et tout est à faire... Il y a déjà l'enthousiasme, des troupes et la volonté d'en découdre. Mais il est vrai qu'on ne refera pas en jour ce qui se bâtit avec les années. On n'aura pas en un jour les militants chevronnés qu'il faut former longtemps avant qu'ils ne soient aussi aguerris qu'un Mélenchon. On a trente années à rattraper et on ne va pas effacer ça en deux coups de torchon.
http://partageux.blogspot.com
12%, ce serait extraordinaire... si on n'avait pas espéré plus, non? Mais je crois que la plus belle réussite de cette campagne, ce n'est pas le score, c'est le contenu de tout ce qui a été dit, débattu, discuté, clarifié. C'est l'élan donné et c'est l'espoir retrouvé.
RépondreSupprimerCe n'est qu'un début.
Je souscris entièrement à ce discours. J'avais déjà, il y a quelques jours et sur un autre site, dit que même si le FdG n'atteignait pas son but de devancer le FN, il aurait franchi une étape décisive, en redonnant une voix à la gauche, et, mine de rien, en en refondant le discours. Alors, déçu, oui, car j'espérais mieux, abattu, certainement pas, et déjà prêt pour continuer. Petit poisson deviendra grand…
RépondreSupprimer@ Manuel M : ils bougent encore... Merci.
RépondreSupprimer@ Un partageux : ça, on ne sait pas ce qu'il se serait passé sans Méluche. Inutile de faire de la politique fiction. Totalement d'accord sur la jeunesse de notre force politique, par contre.
@ CTJ : tout à fait d'accord.
@ ZapPow : tout à fait d'accord aussi.
(1) Mélenchon n'a pas à rougir de son bilan mais n'a pas non plus à fanfaronner car il n'a pas fait un score "exceptionnel" : il est tout juste dans la moyenne de ce que peut faire la gauche du PS depuis 1981. Il a pu avoir ce score parce qu'à l'extrême gauche il n'a pas eu de concurrent sérieux et solide. Il le doit aussi, et c'est là son mérite, à l'union de plusieurs partis et mouvements de gauche.
RépondreSupprimer(2) Certes il avait un programme sérieux concernant la crise européenne, mais il ne pouvait séduire la classe populaire avec son smic à 1700 euros : les salariés qui ont entre 1,1 et 1,6 fois le smic ne veulent pas être smicardisés, ils tiennent à leur petite avance. Et ils savent bien que porter le smic à 1700 euros NETS n'est pas crédible. Car même si les autres salaires étaient relevés d'autant cela finirait par se traduire par une inflation plus importante qui annulerait le gain nominal de départ. C'est ce genre de mesure qui lui a fait perdre des voix.
(3) Mélenchon occupe désormais une position centrale dans le dispositif du Front de gauche dont même l'appelation est désormais contrôlé par lui puisqu'il en possède le droit d'auteur et d'usage.
(4) Il avait bien commencé son attaque contre le FN en montant l'absurdité de certaines mesures, mais il a fini par s'égarer loin de la raison et à faire la promotion du Maghreb et de l'immigration en niant toute difficulté dans les quartiers autres qu'économiques. Il a négligé la question de l'islam radical, du problème des incivilités et de l'insécurité, du voile... Donc là aussi il a perdu les voix de ceux qui, à gauche, bien que solidaires et accueillants, vivent des problèmes liés à un défaut d'intégration sociale.
(5) Méluche a montré qu'il a du caractère mais Sarko l'avait fait bien avant lui et de façon plus efficace...
(6) Le vote utile n'est pas à comprendre comme celui de la peur. Il est celui de l'efficacité : ceux qui ont voté Hollande en ayant des sympathie pour Mélenchon se sont dit qu'Hollande avait une plus grande possibilité de gagner au 2e tour que Méluche. Au 2e tour, Méluche n'aurait pas eu autant de reports de voix que Hollande, c'est une certitude ! Donc autant voter pour Hollande tout de suite puisque Méluche ne peut l'emporter, au même titre que Le Pen d'ailleurs. Donc voter pour lui ne sert à rien... d'autant qu'Hollande a refusé d'avance tout "compromis".
(1) Je ne crois pas qu'il fanfaronne.
Supprimer(2) Si on augmente le SMIC, les autres salaires augmentent de fait. L'inflation n'est pas forcément mauvaise en soi si elle reste modérée.
(3) Oui, mais il ne maîtrise pas ses alliés pour autant.
(4) Je ne crois pas que ces deux positionnements s'excluent l'un l'autre. On peut penser que la France a un avenir avec le Maghreb tout en reconnaissant qu'il y a des problèmes dans les quartiers. D'autre part, il a soutenu la loi sur la burqa par exemple, et il a été clair dans ses discours sur la tuerie de Toulouse. Il a juste essayé de dire que l'islamisme n'est pas le problème central de la France, et là-dessus, il a raison.
(5) Je ne vois pas le sens de cette phrase. Si Sarkozy a été si efficace, il gagnera.
(6) Le vote utile est une connerie. Si on vote contre ses idées pour faire élire une autre personne, on obtient pas ce que l'on veut au final. Quant aux compromis d'Hollande, s'il n'y avait pas eu le vote utile, il aurait été obligé de céder.