samedi 28 novembre 2009

Deux mauvaises interprétations de la place de la contraception dans les lycées.

En lisant ce billet, j'ai dû me résoudre au fait que se révélaient deux points de désaccords entre moi et deux personnalités publiques d'importance nationale.

Il y a quelques semaines, la présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal, s'était réintroduite dans le jeu médiatique en annonçant la mise en place de chèques contraception à destination des lycéennes le désirant. Les infirmiers scolaires auraient dû gérer ces dispositifs. La hiérarchie de l'Education nationale a tout fait pour faire échouer ces distributions.

Mon premier point de désaccord apparaît avec Luc Chatel, se prononçant dans le Monde du 19 novembre sur la question : « Distribuer des chèques contraception dans les lycées, c'est donner le sentiment que l'école ne fait rien en matière de prévention […]. Or ce n'est pas vrai. La distribution de préservatifs y est généralisée. » Le problème, c'est que notre ministre est hors-sujet. Certes, des préservatifs sont distribués dans les lycées. En général, un distributeur est localisé à l'infirmerie du lycée. Pourtant, ces capotes en libre-accès (payantes tout de même) n'ont jamais eu pour but de faciliter la contraception, mais de lutter contre le SIDA. On a tendance à oublier que le préservatif joue un double-rôle, et qu'il est encore le seul moyen complètement efficace pour éviter la transmission de la maladie. Il est d'ailleurs étrange que Chatel utilise cet argument, car finalement, l'école ne s'est jamais mêlée de la sexualité des ados, autrement que pour y jouer un rôle de prévention des IST. Le ministre se trompe donc de prévention, même si certains jeunes peuvent avoir les deux idées en tête. Je suis persuadé que si le SIDA était éradiquée, les préservatifs seraient rapidement éradiqués des lycées.

Et de là surgit mon second point de désaccord, avec Juan de Sarkofrance cette fois-ci. Dans son billet, il dit ainsi : « Voici donc la conception de Luc Chatel: les garçons peuvent être autonomes, les filles n'ont pas le droit à la maîtrise de leur sexualité. » Juan, toi aussi, tu oublies le problème du SIDA. Même si les gamines avaient accès à la contraception dans les établissements scolaires, l'emploi du préservatif resterait une nécessité absolue. Même autonomisée sur la contraception dans l'école, les jeunes filles devront encore être dépendantes de la capote. Que l'Education nationale fasse du soutien à la capote sa priorité n'est donc pas incohérent, même si Chatel l'instrumentalise ensuite à des fins politiques. J'ai parfois entendu des élèves prétendre que la pilule les protégeait du SIDA. De plus, une femme peut très bien avoir des préservatifs sur elle et les imposer à son partenaire, non ?

Pourtant, la question reste importante, car les grossesses précoces existent. Chaque année, dans mon lycée dit difficile, des élèves cessent brutalement de venir en cours pour avorter ou deviennent jeunes mamans. Certes, elles ne sont pas nombreuses, mais elles illustrent le fait que la contraception n'est pas encore une évidence pour une partie des Français et que le SIDA reste négligé. Là encore, il me semble que le discours, s'il devait y en avoir un, devrait uniquement se situer sur le terrain de la prévention, et que la faciliter n'est pas une mauvaise idée.

J'aurais tendance à proposer une gratuité des moyens de contraception (masculins et féminins) pour les moins de 18 ans, avec soutien de la CNAM, mais en articulant bien les IST et la question de la reproduction (les deux sont liés dans le même acte). La distribution doit-elle pour autant avoir lieu à l'école ? Pourrait-on le faire dans les pharmacies, sans avoir besoin d'aucun chèque, avec une simple carte d'identité ? Et pourquoi ne pas lancer le débat ?

4 commentaires:

  1. Et si l'on parlait éducation ? En quoi cela consiste-t-elle ? Deux heures de SVT en cinquième, soit autant que pour le système digestif, deux heures avec le médecin et l'infirmière scolaires en quatrième quand il y en a (ce sont les postes que l'on a le plus réduit) et je ne l'ai pas vu souvent. Ensuite au lycée, en SVT ou en VSP, ce n'est pas exactement au programme de la seconde générale ou professionnelle. C'est noyé dans la masse de l'organisme et son fonctionnement. Bref, il n'y a aucune information réelle dans le temps, aucun suivi. Les élèves se débrouillent comme leurs parents à leur époque : magazines, émissions, on-dit de copains et copines, et maintenant internet. Il y aurait beaucoup à dire aussi à propos d'une culture nouvelle qui a débarqué depuis dix-quinze ans et qui vient directement des films pornographiques, ce qui laisse supposer des pratiques à risque et un traitement dégradant des filles. Ce sont les populations les plus fragiles qui sont les plus exposées, je pense notamment aux élèves en LP ou en apprentissage et dans ces cas il n'y a aucune action, alors que l'on en sort beaucoup contre les addictions, contre internet, pour l'équilibre alimentaire, pour sauver la planète, pour l'engagement, etc. C'est comme si l'on voulait ne pas voir, ne pas entendre. Bref, la sexualité des jeunes n'existe pas. Or cela devrait être un sujet constant dans le parcours du secondaire en SVT-VSP et il faudrait plus d'infirmières, de médecins, d'assistantes sociales afin de faire plus de prévention ou d'information. Mais sur ce sujet notre ministre ment éhontément, car il a été embauché comme responsable RH pour gérer la baisse des postes.

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  2. @ Dominique : sur les mensonges de Chatel, on sera d'accord.

    Sur le reste, n'étant pas prof de SVT, je ne sais pas car je ne connais pas leurs programmes. Je sais que les infirmiers font régulièrement des interventions sur le sujet, mais dans mon bahut, on se heurte aux idées préacquises des élèves, souvent redoutablement solides, comme l'idée apparemment très répandue que la pilule protège aussi du SIDA.

    Pour l'influence du porno, j'en avais déjà parlé dans ce billet. Je ne crois pas que les ados soient très différents. Cela doit jouer plutôt sur les premiers rapports, sauf pour les ados déséquilibrés, mais ceux-là l'étaient déjà il y a 20 ans.

    Maintenant, je n'ai jamais mené d'étude à grande échelle sur les conceptions de mes élèves sur leur sexualité. Je suis prof d'histoire, pas psychologue ni sexologue...

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  3. Il n'y a pas besoin d'être psychologue ou sexologue, il suffit de lire les devoirs de ses élèves notamment en français, d'écouter leurs réflexions, leurs ricanements sur certains mots ou de laisser traîner ses oreilles dans les couloirs. Ce n'est plus de la gaudriole traditionnelle, mais bel et bien du vocabulaire issu des films pornos avec ce que cela suppose comme rapports de soumission. Et il y a un vrai problème que l'on ne veut surtout pas voir, parce que cela mettrait aussi en cause les parents.

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  4. @ Dominique : je ne suis pas convaincu. J'ai regardé des films pornos, comme tout adolescent boutonneux qui cherche à passer son temps, et je n'ai pourtant jamais traité une femme comme elles le sont dans les films pornos. Là encore, cela dépend du contexte de chaque enfant.

    Ensuite, entre les discours des ados et la réalité des faits, il y a un écart.

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