mardi 10 novembre 2009

Camarades, réjouissons-nous de la chute du Mur.

Bon, maintenant que l'ensemble de nos élites a célébré la fin du bloc soviétique, il est temps de s'exprimer sur ce sujet, totalement d'actualité malgré les vingt années qui nous séparent.

Contrairement à de nombreux militants de gauche, et même si j'étais encore un tout jeune homme en 1989, je dois dire que la chute du Mur a été une véritable joie. En effet, enfin, la version totalitaire du socialisme s'écroulait. La gauche avait été polluée, depuis le début du siècle, par ces théories basées sur les avant-gardes éclairées et sur les révolutions et dictatures sanglantes, qui ne faisaient que reproduire des systèmes identiques à ce qui pouvait se faire de pire dans le monde capitaliste. Certes, l'effritement du marxisme-léninisme était perceptible depuis les années 1960, mais cet effondrement aurait dû nous permettre de passer un cap.

En effet, la leçon est claire : pour construire un système alternatif au capitalisme, la seule voie possible est la démocratie. Nous devrions tous être prêts à envisager que la critique d'un autre système subsiste, toujours, continuant sans cesse à nous montrer ce que nous faisons mal. L'URSS a fait faillite à cause de cette incapacité d'entendre toute critique de son système, de l'impossibilité de remettre en cause ses apparatchiks, de son inefficacité économique et sociale. L'URSS est morte, et c'est tant mieux.

D'autant plus que le vainqueur de ce conflit n'est pas le libéralisme. Ah, cher lecteur, depuis trois jours, les libéraux affirment leur triomphe. Pourtant, ne soyons pas dupe. Le système qui a existé dans les pays développés durant les Trente Glorieuses n'avait rien de libéral. Au contraire, les pays européens ont développé des systèmes sociaux complexes, des relations sociales denses avec un vrai poids des syndicats, une intervention régulière de l'Etat, tout cela dans un cadre démocratique et quelle que soit la couleur de la majorité en place, très souvent conservatrice. Cette organisation a produit une des croissances les plus fortes de l'histoire humaine et une formidable amélioration des conditions de vie en Occident, dans un cadre totalement démocratique. Nos camarades de l'Est ont perçu cette réussite, et ont bien compris que leur modèle, malgré ses bonnes intentions, ne leur permettaient pas de vivre mieux et les obligeaient à supporter le poids d'une dictature sans aucune légitimité.

Le libéralisme nouvelle version n'a commencé à s'imposer qu'au début des années 1980, et on peut douter qu'il ait eu un impact réel sur l'URSS et ses satellites. Les défauts du système, la crise économique, la guerre en Afghanistan, les souffrances des populations ont eu bien plus de poids. Par contre, le libéralisme est le premier à se targuer d'une victoire usurpée. Je rappelle que ce sont les économies libérales des années 1920 en Europe qui ont échoué et ont failli basculer dans le communisme, pour finalement s'écraser dans le fascisme (heureusement que la Tchécoslovaquie jusqu'en 1938, la France jusqu'en 1940 et le Royaume-Uni ont sauvé l'honneur).

Nous n'avons pas, camarades, à avoir honte de nos ancêtres et du passé de la gauche. L'idéal communiste pouvait largement séduire, l'existence d'un pays socialiste aussi influent que l'URSS leurrer. Au contraire, nous pouvons nous dire que tout est encore à faire, que nos idées ont eu des succès mais qu'elles sont encore largement perfectibles, et qu'il est temps de reprendre l'offensive contre une société capitaliste et de plus en plus libérale qui soulève questionnements et critiques sur l'ensemble de la planète.

Rangeons le Mur dans nos souvenirs, dans le dossier des leçons importantes de l'histoire, et avançons. Contrairement à ce que nous pensons souvent, le meilleur est devant nous !

PS : dans les idées démocratiques et à soutenir, Luc Mandret souligne une phrase cohérente et pleine de bon sens de Ségolène Royal. Pour une fois, il faut en profiter.

12 commentaires:

  1. C'est ma foi une bonne idée d'associer le libéralisme nouvelle mouture aux années 80.

    Pour le mur, à l'époque, je ne me souviens pas d'avoir vibré. A peine le temps de sortir le violoncelle... La révolution en Roumanie a été un événement qui nous a tenu en haleine de manière beaucoup plus forte.

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  2. Aller où? Tu nous ressors les éternels violons de gauche, mais je n'ai jamais entendu de plan de gauche, d'alternative crédible.
    il faut attendre les 20 ans de la chute du mur pour en profiter... Pour faire quoi? Du pseudo socialisme ramolli?
    J'y crois plus du tout à l'alternative.

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  3. @ Mtislav : une bonne idée, je ne sais pas, mais cela est assez proche de la réalité historique.

    Personnellement, je n'ai que peu de souvenirs de la chute du Mur. Par contre, je me souviens très bien, c'est vrai, de la mort des Ceaucescu. C'est drôle d'ailleurs...

    @ Manuel : dis, tu as bien lu le billet ?

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  4. Oui, mais j'ai écrit le commentaire tard le soir après quelques bières entre autres...

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  5. A propos de ton "PS" ouaf! je sais comment décoder le sigle du parti maintenant! Le postscriptum par la voie de son ex egérie, nous délivre donc son dernier avatar, sa bonne idée du moment: élire le président de l'Union au suffrage universel! Pour paraphraser quelqu'un: quand on commence à être d'accord avec Ségolène Royal, c'est le début de la fin... Si on était sérieux on se poserait la question deux minutes: comment fera t'on pour procéder à l'élection? Je pense qu'il n'y aura pas de quorum parce que les électeurs refuseront de se déplacer... C'est curieux cette propension à éloigner toujours plus haut la démocratie alors qu'à la base elle fait à ce point défaut. On attendra encore longtemps l'élection des juges au suffrage universel parmi le corps des magistrats par exemple. Je comprends aussi pourquoi personne ne défend sérieusement le maintien des conseillers généraux dans la réforme en cours. C'est incroyable cette propension contemporaine à détourner toujours davantage l'électeur de son devoir de contrôle. L'enfermement de nos élites sur elles même est plus que jamais à l'oeuvre. C'était mieux avant la chute du mur, parcequ'on ne serait jamais laissé abuser par ce genre de mirage avec l'armée rouge à nos portes!
    Gauthier

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  6. Entièrement d'accord sur la chute du mur proprement dite. J'avais 18 ans à l'époque et je n'envisageais certainement pas de voter autre chose que socialiste. Le soir du 10 novembre, un vendredi, j'étais rentré chez mes parents pour le week-end et je suis resté jusqu'à une heure avancée de la nuit scotché devant la télé pour regarder la joie des allemands des 2 côtés du mur.

    Sur le reste du billet, je suis plus réservé. Le mot libéralisme n'y est pas à sa place car il y est réduit à son seul volet économique.
    Quant à établir une corrélation "trente glorieuses"/"système non libéral" et "après choc pétrolier"/"système libéral", faut-il vraiment commenter ? C'est vraiment faire peu de cas des progrès technologiques propres à chaque période.

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  7. Personnellement, je crois que le socialisme est mort et bien mort. Je ne souhaite pas son retour.
    En revanche, je crois en une évolution de la socio-démocratie vers l'idéologie démocrate.
    Mais doit-on considérer les errances des systèmes communistes totalitaires comme ayant un lien de parenté avec la socio-démocratie malgré le schisme du début du XXe siècle?

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  8. Dire que depuis les chocs pétroliers la société est devenue "plus libérale" que pendant les trente glorieuses est contestable.
    Entre 1975 et 2005 les prélèvements obligatoires ont crû dans tous les pays de l'OCDE, en moyenne de 5 ou 6%. En France, 10%.
    Il y a un paradoxe très intéressant dans cette évolution. D'un coté, une réelle révolution libérale à laquelle ont autant contribué les partis de droite que de gauche. Ainsi : radios télés libres, privatisations, dérèglementation de l'économie, fin des plans etc...
    Mais d'autre part, la taille de l'Etat n'a cessé d'augmenter, et celui-ci manipule de plus en plus d'argent dans la sphère économique, aide les entreprises, les consommateurs, donne tout un tas de petits avantages pour inciter à tel ou tel comportement économique. Encore une fois, cette évolution ne peut être pensée en terme de clivage conservateur/socialiste.

    Tout ça pour dire que je ne comprend pas très bien ce que tu appelles la "gauche". Il y a ceux pour qui la foi communiste passe avant la démocratie et les droits de l'homme, et ceux pour qui les priorités sont inverses. Ces gens là n'ont rien à faire ensemble ; pourtant, ils s'appellent "camarades"...

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  9. Tiens Paul, parce que c'est quand même...

    ...C'est un joli nom camarade
    C'est un joli nom, tu sais
    Qui marie cerises et grenades
    Aux cent fleurs du mois de mai
    Pendant des années camarade
    pendant des années tu sais
    Avec ton seul nom pour aubade
    Les lèvres s'épanouissaient
    Camarade, camarade

    C'est un nom terrible camarade
    C'est un nom terrible tu sais
    Quand le temps d'une mascarade
    Il ne fait plus que frémir
    Que venez vous faire camarade
    que venez vous faire ici ?
    Ce fut à cinq heures dans Prague
    Que le mois d'août s'obscurcit
    Camarade camarade

    C'est un joli nom camarade
    C'est un joli nom tu sais
    Dans mon coeur battant la chamade
    Pour qu'il revive à jamais
    Se marient cerise et grenade
    Aux cent fleurs du mois de mai.

    Ferrat

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  10. @ Manuel : arrête de picoler !

    @ Gauthier : la démocratie doit exister à tous les niveaux, et si je suis d'accord avec toi sur la démocratie locale, je souhaite ardemment une vraie démocratisation de l'Europe. Quelques billets sur ce sujet :

    http://www.pearltrees.com/mathieul./map/1_42961/

    @ Oaz : pour beaucoup de libéraux français, le libéralisme se réduit à l'économique.

    Je ne vois pas bien ce que tu veux dire sur les progrès technologiques. Peux-tu développer ?

    @ Nemo : je crois que nous n'employons pas le même vocabulaire. Pour moi, le terme "socialisme" n'est pas synonyme de "marxisme-léninisme".

    @ Paul : la question n'est pas de savoir combien l'Etat prélève mais comment l'Etat distribue ces fonds prélevés. C'est là qu'on voit comment fonctionne une société. Actuellement, l'Etat ne mène plus la même politique que dans les années 1960.

    Je suis entièrement d'accord : je n'ai rien à faire avec des idéologues qui ne rêvent que de tyrannie pour arriver à leurs fins.

    @ Nathalie : Ah, Ferrat...

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  11. @Mathieu L.
    Je voulais juste dire qu'il ne faut pas exagérer l'impact des choix gouvernementaux sur l'évolution de la société

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  12. @ Oaz : si on regarde les écarts entre bloc soviétique et bloc américain, il y a pourtant de quoi constater les écarts entre différents types de politique.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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