lundi 6 septembre 2010

Travailler plus ou moins longtemps : de la parlote, cher lecteur, de la parlote...

La réforme des retraites produit de multiples débats chez les salariés. Les enseignants, qui feront parfois grève demain, n'échappent pas à la règle. Or, dans ce genre de discussion, on ne peut pas échapper à toute une série de tartes à la crème qui volent souvent bas.

Parmi les multiples arguments développés, il y a une tarte que j'ai souvent vu passer : "il est normal de travailler plus longtemps puisque nous vivons plus vieux".

Dans cette phrase, on ne trouve absolument aucun argument comptable mais une idée politique pure. Dans cette logique, il faudrait travailler plus longtemps, tout simplement parce qu'il est normal, voire même bon, de travailler.

Là, on touche à une division fondamentale de la population : la conception du travail. Pour beaucoup, à gauche comme à droite, le travail est bon pour l'homme. Tout individu aurait besoin de travailler, à la fois pour s'entretenir personnellement mais aussi pour que la société fonctionne. Si les hommes se vautraient dans l'oisiveté, l'ensemble de notre groupe cesserait de produire, et tout s'effondrerait. D'autre part, les hommes oisifs deviendraient forcément des personnes mauvaises. A l'opposé, le travail est vu comme un esclavage, une exploitation de l'homme par l'homme. Le travail est une obligation qu'il faut pratiquer pour pouvoir vivre. Cependant, il se pratique au dépend de son bien-être et au profit de multiples personnes. Cette division se retrouve à l'intérieur du débat sur les retraites.

Pourtant, ce débat me semble être une lubie d'intellectuels qui ont la possibilité de choisir leur vie professionnelle, comme c'est souvent le cas des enseignants. Dans ce cas, on peut exprimer son opinion, ses valeurs et annoncer qu'on trouve normal de travailler plus ou moins.

Mais pour la plupart des Français, ce débat ne se situe pas du tout là. Tout d'abord, de nombreux Français arrivent à la retraite réellement fatigués. Les profs, qui pourtant sont souvent les premiers à parler de la difficulté du travail, ont l'air d'avoir du mal à l'envisager. C'est normal, car même si notre métier peut être usant sous de multiples aspects, il ne s'agit pas d'un travail physique, et cela se confirme dans notre espérance de vie, l'une des plus importantes, comme parmi toutes les professions intellectuelles. D'autre part, de nombreux Français, qui aimeraient peut-être continuer à travailler, ne le peuvent tout simplement pas parce qu'ils sont au chômage : il faut rappeler que le chômage frappe massivement les personnes en fin de carrière en France, presque la moitié au-delà de 58,5 ans. Comment, dans ce cas, envisager de faire un choix entre travailler et ne pas travailler... Penser la question des retraites sans prendre cela en compte, c'est bien une mentalité de fonctionnaire qui va au bout de sa carrière, parce qu'il n'est pas viré lorsqu'il est âgé.

Tout cela, c'est une discussion d'intellectuels, de cabinet ministériel mais qui ne résiste pas une minute à la réalité des faits. En France, pour de nombreux salariés, la retraite n'est pas un choix mais une possibilité de se reposer et une sortie de la galère du chômage. Le reste, c'est de la parlote, certes très agréable mais absolument inutile dans le fond.

PS : deux très bons billets parus aujourd'hui sur les retraites, si vous hésitez encore à vous mobiliser demain, ceux de Gaël et de Seb Musset.

4 commentaires:

  1. Voir aussi le billet du jour de Guy Birenbaum.

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  2. A la limite, travailler plus longtemps, pourquoi pas, mais être au chômage plus longtemps, je ne pige pas.
    Par ailleurs, c'est pas comme si on était en pénurie de main d'oeuvre, on a plutôt un problème de chômage, alors pourquoi pas transférer l'inactivité professionnelle des chômeurs jeunes aux futurs retraités souvent chômeurs?

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  3. Très bonne réflexion sur la question, rien n'y manque !

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  4. @ Nicolas : je l'ai lu.

    @ Manuel : on a surtout une contradiction très forte entre une productivité de plus en plus élevé et un temps de travail de chaque individu qui s'allonge sans arrêt.

    On ne peut pas traiter la France, pays en croissance démographique, comme les autres pays riches en train de s'affaiblir progressivement.

    @ LCC : merci du compliment, j'apprécie.

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