vendredi 10 juillet 2009

Internet : une démocratisation de l’écrit ?

Lorsqu'internet s'ouvrit au grand public, on entendit les loups hurler. Tous les maux furent plaqués sur le réseau, au dos décidément très large. On annonçait la fin de l'écrit, rien de moins. Bientôt, cher lecteur, le courrier disparaîtrait, avec ses jolies formules et son style inimitable ; le langage SMS se diffuserait partout, entraînant une régression linguistique grave ; on passerait à l'oral puisque la visiophonie allait prendre le pas sur les autres moyens de communication. Rapidement, l'usage de l'écrit ne serait plus, et notre civilisation s'effondrerait, submergée par les hordes asiatiques et surtout musulmanes, prêtes à nous supplanter.

Après plus d'un an de blogage, mon constat est tout autre. En effet, et contrairement à ce que l'on aurait pu penser, le blog a permis une véritable démocratisation de la pratique publique de l'écrit. N'importe qui possédant un ordinateur, une connexion internet, un peu de courage et quelques projets ou idées, peut se lancer et tenter de diffuser. Le blogueur lambda a en plus l'avantage de ne pas avoir à débourser un centime et d'entrer sur un marché où il n'y a pas encore de poids lourds qui verrouillent l'ensemble de la blogosphère. En quelques semaines, si le blog est original et intéressant, et en suivant les conseils avisés de maîtres du genre, un blogueur peut avoir un petit groupe de lecteurs et des commentateurs, ce qui reste le plus motivant.

Or, à part en bloguant, quand écrivons-nous, cher lecteur, si nous ne sommes pas déjà des passionnés de l'écriture ? En essayant de me remémorer ma vie d'avant, j'ai tenté de quantifier le nombre d'écrits que je pouvais produire dans le passé. Certes, j'ai rédigé un mémoire de maîtrise lorsque j'étais étudiant. Certes, il m'arrivait bien d'envoyer une lettre de temps en temps, mais rien de bien passionnant. Certes, je rédigeais des cours, mais on ne peut pas dire qu'une leçon soit un écrit en tant que tel : un cours vise à être oralisé, et ne peut donc s'apparenter à un écrit. Il est donc clair que, depuis le mois d'avril dernier, j'écris bien plus que je n'ai jamais écrit durant toute ma vie précédente.

Cependant, et il faut quand même le dire, 90% des blogs ne sont pas des objets littéraires. Quelques blogueurs s'essaient à la véritable écriture, mais je les lis peu, à part les quelques copains que Nicolas m'a fait découvrir et les camarades réactionnaires qui ont l'amabilité de déposer leurs commentaires ici. Les fautes d'orthographe sont récurrentes dans la plupart des publications, et il est clair que la majorité de ces auteurs (peut-on employer ce terme ?) n'auraient jamais été publiés sans un sérieux travail sur leur écrit. Ils ne l'auraient sans doute pas envisagée…

D'un autre côté, on ne peut pas dire que la blogosphère écrive en langage oral. Si vous allez, cher lecteur, explorer les Skyblogs, sur lesquels les adolescents racontent leurs vies, vous verrez qu'on est là dans un écrit catastrophique, mais qui correspond à un registre langagier particulier, non oral, et que, personnellement, j'ai beaucoup de mal à pénétrer. Chez les autres blogueurs, et en particulier les politiques, nous ne sommes pas face à un style oralisé pur. On se localise quelque part entre le langage écrit appris à l'école et le langage oral.

Est-on face à la naissance d'un nouveau registre linguistique, un style d'écrit plus populaire que le langage écrit traditionnel mais plus soutenu que l'oral ? Faudra-t-il que les professeurs de lettres intègrent ce nouveau registre dans leurs cours ? Sans doute pas, mais il est clair que le blog participe, à mon sens, à une démocratisation des idées et de l'écrit.

PS : comme je l'avais déjà écrit, le blog permet aussi une véritable progression de son écrit, grâce aux aimables et bienveillantes remarques des lecteurs. Merci de continuer à en faire.

13 commentaires:

  1. oui vive les blogs qui permettent à nouveau d'écrire

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  2. euh, moi, j'ai appris à écrire avec internet dans un jeu gratuit sur le net (Kraland.org) qui impose aux joueurs d'écrire le plus proprement possible et avec le plus grand vocabulaire.

    je suis passé de -10/20 en dictée à une manie de faire attention à l'orthographe. mais certaines fautes sont tenaces... avec des envies de meurtres quand je tombe sur un site illisible, genre il faut le lire à haute voix pour comprendre les propos...

    + on possède de vocabulaire + on est capable de jouer avec la langue + on est apte à comprendre des choses compliquées...

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  3. @ A. Rishnov : jolie manière de faire de la pub pour son site, même si j'éprouve une furieuse envie d'effacer le com.

    Cependant, l'orthographe n'est pas vraiment le sujet de ce billet...

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  4. Joli papier - l'orthographe est à mon avis un thème particulièrement intéressant de la démocratisation du Web.

    Si on cesse une seconde de le considérer comme un trésor de culture accumulé - ce qu'il est certainement - mais qu'on regarde combien il réduit la liberté d'écrire et surtout de publier.

    Il accroit d'abord considérablement le temps de rédaction de la moindre ligne et du moindre papier.

    Il freine la publication immédiate, imposant le passage par un relecture pour tout ouvrage un peu conséquent qui se voudrait digne d'intérêt.

    Surtout, il marque irrémédiablement la classe socio-culturelle de celui qui s'exprime, non seulement par le nombre de fautes mais encore par la nature des fautes qu'il fait.

    En un mot, la belle orthographe est une technologie remarquable, mais une technologie hiérarchique, au même titre que l'imprimerie - à laquelle sa version moderne est d'ailleurs largement liée - voir aussi - quelques isée sans développer - le concept de dictionnaire... la définition d'une orthographe comme stabilisation d'une langue... etc.

    La démocratisation du Web la remet donc immanquablement en cause, et je crois pouvoir prévoir que ce sujet risque de prendre des proportions que nous avons aujourd'hui du mal à imaginer.

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  5. Je ne sais pas si c'est une démocratisation mais c'est bien : l'écrit revient !

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  6. @Mathieu
    Très bon article.

    @Arthur
    Heu beaucoup de vocabulaire c'est bien, mais je suis pas certain que ca permette de comprendre des choses compliquées. Ce qui est top c'est d'expliquer des choses compliquées avec des mots simples: car expliquer des choses compliquées avec des mots compliqués, ca complique encore plus :)
    D'ou mon conseil: change de lecture :)

    @Patrice
    Très bon point mon cher Patrice. Mon blogue est blindé de fautes d'orthographes et mon style peut être parfois... particulier :) Mais les retours que j'ai de mes lecteurs sont plutôt positif: c'est une petite touche perso. L'important c'est que ca reste compréhensible.

    Je m'en retourne benoitement à mes lignes de code, j'ai laissé un ou deux bugs sur le feu ;)

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  7. Une démocratisation de l'écrit ???
    Déjà, c'est une expression qui suppose que, seule une caste pouvait, avant Internet, accéder à l'écrit.
    Ok, mais alors, la caste qui sait écrire en fait (et lire accessoirement).
    Est ce qu'Internet a changé ça ?
    Moi je ne le pense pas.
    Ca n'est pas parce qu'un semi débile peut faire un blog Skyblog sur lequel il communique avec à peine plus que des borborygmes et en exprimant ses états d'âmes à l'aide de signes de ponctuation, que l'écriture s'est démocratisée.
    Une démocratisation de l'écrit (qui à mon avis passe plutôt par l'éducation nationale mais bon ...), ça n'est pas tout le monde peut mettre ce qu'il veut comme il veut sur le Net.
    Raisonner ainsi, c'est comme dire que la qualité de la télé (qui s'est démocratisée ??) s'est améliorée avec la multiplication du nombre de chaines ...
    Et puis, Mathieu, fais un sondage sur le niveau social et culturel des blogueurs que tu fréquentes ...
    Sont ce des blogueurs qui sont arrivés à l'écrit grâce à Internet ? ...

    Bref, pour moi, tu énonces un lieu commun, un lieu commun d'autant plus criticable qu'il camoufle une réalité exactement contraire ...

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  8. @ Mathieu
    non, je n'ai guère voulu faire de la publicité pour ce site php que je ne fréquente plus depuis quelques années, mais manque de temps et d'une certaine lassitude. il m'a juste permis d'écrire des histoires, c'est pas grand chose, mais utile si on veut apprendre par soi même à construire quelque chose de lisible et qui peut plaire, comme ton blog.

    autrefois, des écrivains en herbe mettaient leurs récits sur des pages de cahiers qu'ils faisaient lire ou pas à un entourage proche, et au final modifier son écriture et son style pour plaire à cet entourage. c'est cet entourage qui semble être la construction du style d'écriture, enfin, je pense selon ma logique.

    dans le cas des blogs, bah c'est le net, tous ont accès à tes trucs que tu postes et ensuite, + de gens vont t'influencer, mais dans une certaine mesure, on arrive à un cercle restreint qui est le même que celui de "l'ecrivain d'avant" parcequ'il faut être passionné par tout ce qui se dégage des écrits pour poursuivre un lien avec l'auteur des textes. avant c'était le lien quasi physique et de tout les jours, là, c'est un lien d'intérêt qui se base uniquement sur la production des textes et non sur ce que l'auteur est dans la vie normale.

    peut-être que je me trompe, Mathieu, mais je vois cela de cette façon et la démocratisation me semble pas tout à fait vrai, en sachant que la selection que l'on fait soi même élimine l'accès à certains de tes écrits par exemple.
    qui va avoir l'idée subite de taper le nom de ton blog alors que personne ne lui en a parlé et qu'aussi ses potes qui connaissent ton blog, n'ont pas voulu propager parceque ptet c'est trop intello pour eux et entre potes (pour renforcer les liens etc...) on se refile ce qu'on aime et pas ce qu'on déteste.

    pour finir, c'est l'influence qui fait tout, comme en cours, un prof m'a fait interesser le siècle des lumières et me voici étudiant chercheur révolution française... d'ailleurs, jespère que Mr Jeune va bien, ;).

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  9. @ Nicolas
    comment t'expliquer... je pense que posséder et utiliser un large vocabulaire fait que tu maitrises des notions et des subtilités présentes dans chaque mot. Et pour maitriser des mots et vocabulaires différents, il faut les utiliser, si tu dis: "ouais j'connais le mot subsistances", moi j'te dis "ouais cool, tu sais l'utiliser quotidiennement ?" "non", alors ce mot ne te sert à rien et il n'est pas dans ton vocabulaire propre donc tu ne sais l'utiliser et le maitriser.

    et pour expliquer des choses compliquées par des choses simples: oui c'est facile, il faut utiliser le vocabulaire que maitrise celui qui est devant toi ou alors utiliser le tien et demander si il a pigé kekchoz...
    quand ta quelqu'un qui maitrise un vocabulaire de 50 mots... la galère...

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  10. Si je peux me permettre de me référer à ma propre expérience, je pense que pour ceux qui ont le niveau culturel et un minimum de bases en français (ce qui va souvent de paire), le blog est l'occasion d'écrire beaucoup plus et force à écrire mieux tant du point de vue de l'orthographe que de du style "littéraire". Il force a faire l'effort de s'appliquer pour écrire afin d'être compris et de plaire !
    Par contre, pour ceux qui ne savaient pas écrire ou qui ne veulent pas écrire, rien de changé !
    Ils "écrivent" uniquement pour faire passer leurs messages considérant que c'est le contenu qui compte et non pas la forme !
    En cela, je ne suis pas certain que l'on puisse parler de démocratisation de l'écrit.

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  11. L'écrit reviens... ben voyons... J'avais un peu envie de faire le méchant, là, tellement votre bisounourserie me titille les babines...

    Mais, bon, il est onze heures moins le quart du soir (22 h 45, comme vous diriez) : dodo...

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  12. @ Patrice : mon idéal serait que tout le monde maîtrise l'orthographe, moi compris. Merci pour les compliments.

    @ Nicolas : je ne sais pas s'il est jamais venu.

    @ N. Cynober : merci.

    @ Arthur : M. Jeüne va bien. Pour le reste, je pense que tu résumes parfaitement le blogage : tout est une question de lien...

    @ Audine : je suis partiellement d'accord avec toi. Certes, la blogosphère visant à influencer reste minoritaire et élitiste, mais elle est déjà plus importante que le groupe qui se fait publier sur papier ou qui passe dans les médias traditionnels. C'est un processus long, mais il y a une ouverture, et cela suffit à permettre une démocratisation.

    @ Nicolas007bis : ceux qui ne savent pas écrire ne feront pas de blogs. Je lis presque une centaine de blogs, et je n'en vois pas qui soient mal écrits. Il y a des fautes, oui, mais de là à parler de mauvaise écriture... Il faut aller vers les skyblogs pour trouver cela.

    @ Didier : vous faiblissez, Didier. Je m'attendais à un trait qui démolirait en deux mots mon billet.

    Je ne sais si l'écrit revient, mais j'attends toujours que vos piques reviennent. C'est mon côté masochiste...

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