Lorsque je lis la blogosphère de droite concernant la crise de l'Education nationale, on y trouve plus ou moins deux responsables à toute cette gabegie. Je vais te rassurer de suite, cher lecteur, il ne s'agit pas de la politique menée par les différents gouvernements qui se sont succédés au pouvoir depuis le milieu des années 1990.
Soit mes camarades de droite accusent les syndicats enseignants, citadelles marxistes ne pouvant se remettre en cause et devenir modernes, soit ils condamnent un gouvernement inopérant dans sa lutte contre ces citadelles marxistes imprenables. Finalement, si l'on synthétise la pensée globale de mes camarades de blogage, ce sont bien les syndicats, pesant de leur poids sur le système, qui cassent tout.
Ce qui est assez mystérieux, c'est de corréler cette constatation avec l'évolution du pouvoir de ces syndicats. Dans les années 1980, la défunte FEN revendiquait un nombre de syndiqués qui recouvrait presque 70% des salariés de l'Education. Ce cas, unique dans le monde syndical français, marquait un pouvoir réellement important. Lorsque la FEN lançait un mot d'ordre de grève, il était suivi. Certes, on peut bien évidemment, avec le recul, relativiser ces chiffres, mais un vieux collègue me disait récemment : "tu sais, quand on rentrait dans le secondaire dans les années 1970 ou 1980, on s'inscrivait à la MGEN et à la MAIF, on prenait sa carte au SNES ou au SNEP et on allait faire ses courses à la CAMIF. C'était comme ça, une espèce d'intronisation normale dans le monde enseignant."
Aujourd'hui, que dire des taux de syndicalisation ? Ils ont suivi la même courbe que dans le reste du monde syndical. Le SNES revendique un taux de syndiqués variant entre 20 et 25% des profs du secondaire, mais que dire des autres centrales ? Pour prendre le cas de mon lycée dit difficile, sur 82 profs, une vingtaine serait au SNES (c'est ce que dit le secrétaire local en tout cas), deux ou trois à SUD, un se revendique du SE-UNSA et un ou deux de FO. Chez les autres catégories de personnel, c'est très difficile à dire : les chefs d'établissement, leurs adjoints, les autres personnels ne s'affichent pas auprès des profs... En tout cas, on obtient un taux de syndicalisation sur mon établissement de 31% environ, et bien peu militent vraiment.
Et puis, il faut mettre tout cela en regard des victoires réelles des syndicats ces dernières années. Si tu lis régulièrement ce blog, cher lecteur, tu sais que je n'hésite pas à suivre les mots d'ordre de grève. Combien ont été gagnées depuis 1995 ? En écoutant les collègues plus âgés, il me semble qu'on ne peut retenir que le mouvement contre Allègre de 1998. Depuis, il n'y a pas eu de victoire. La grève reconductible de 2003 a été un échec et depuis, les syndicats hésitent entre un jusqu'au-boutisme très peu suivi (SUD, FO, CGT, CNT) et une compromission avec le pouvoir aux résultats très pauvres (SE-UNSA, SGEN-CFDT). Quant à la FSU, elle s'enferre dans une stratégie de grèves perlées mais régulières dont on ne peut pas dire qu'elles servent à grand-chose...
Pourtant, les syndicats restent encore écoutés dans les salles des profs. La participation aux élections professionnelles est toujours très élevée (près de 60% de participation en 2008, alors que les élections aux prud’hommes peinent à dépasser les 35%) et les appels à la grève de la FSU sont toujours suivis.
Alors, qu'en conclure ?
Par contre, il suffirait de peu de choses pour que les profs se réinvestissent dans leurs syndicats, d'abord d'un véritable travail idéologique et ensuite de changements de stratégie. Cependant, je te rassure de suite, électeur de droite, cela n'arrivera pas de suite : les nouvelles lois sur le syndicalisme vont faire tellement de mal aux syndicats que c'est loin d'être gagné...