dimanche 6 janvier 2013

Le plan B ? C'est maintenant qu'il faut le construire.

Il y a un véritable avantage à l'explosion de la gauche en plusieurs chapelles différentes : cela suscite des débats.

Il y a quelques jours, je me suis retrouvé dans un repas avec un ami de mes parents, assez proche idéologiquement de François Hollande et par ailleurs très satisfait de ses premiers mois à la tête du pays. Évidemment, il me connaissait de longue date et se doutait que je n'étais pas dans les mêmes dispositions. Comme beaucoup de socialistes, il a commencé à se plaindre de l'action de sape des autres partis de gauche, particulièrement du FdG. Heureusement, on a assez vite dépassé cette discussion pour se replonger dans l'histoire récente de la gauche française.

On est revenu sur le TCE et son référendum. Mon contradicteur (dont j'ai oublié la nature du vote en 2005) m'assena le célèbre "plan B", qui avait beaucoup occupé les commentateurs de l'époque. Son argument était simple : "on a voté non en 2005, mais rien n'a changé. Il est où, votre plan B ? Au final, l'Europe n'a pas changé du tout, et c'est même presque pire."

Le TCE était une très large synthèse de tous les traités européens précédents, dont celui de Maastricht déjà adopté par les Français par référendum. C'était un texte d'une lourdeur extrême, nécessitant de réelles compétences en droit européen pour en décrypter de larges parties. Sans le coup du président Chirac, ce texte aurait été validé par les parlements et on aurait continué comme avant sans aucun problème. Or, quatre pays ont décidé de consulter les peuples. A partir de là, la question changeait totalement de nature. La France, l'Espagne, le Luxembourg et les Pays-Bas demandaient de fait à leurs peuples de valider toute la construction européenne. Cela aurait permis de sortir l'UE de son petit cadre élitiste pour en faire une institution confirmée par les peuples. 

A l'époque, on nous a annoncé une catastrophe d'ampleur mondiale en cas de "non", qui n'est pas arrivée puisque tous les autres traités restaient en vigueur. Depuis, la construction par nos élites s'est poursuivie et se poursuit toujours, sans aucune inflexion réelle, à part qu'on est pas prêt de redemander leurs avis aux peuples. Nos élites ont pourtant poursuivi l'objectif de la constitutionnalisation. Avec le TSCG, voilà la règle d'or qui est entrée dans les lois fondamentales. Pourtant, malgré ce coup de jarnac, on peut relativiser.

Les ouiouistes utilisaient l'argument du plan B en suggérant que les nonistes de gauche n'avaient pas d'alternative. A posteriori, je ne suis pas vraiment sûr qu'ils en avaient vraiment une (ce qui est le cas aujourd'hui, si on prend la peine de lire le programme du FdG). Cependant, ce n'était pas la question posée. Dire "non", c'était refuser d'inscrire dans le marbre d'un texte dit constitutionnel une vision très idéologique de l'UE. Certes, de nombreux types de "non" se sont associés pour faire battre cette idéologie, mais le message était clair : la majorité des peuples français et néerlandais s'opposaient à cette Europe. Le "oui" des Espagnols et des Luxembourgeois ne pouvaient pas permettre l'adoption du traité (unanimité oblige...).

Tant qu'il n'existe pas de consultation référendaire touchant toute l'UE et imposant un résultat même si certains pays votent "non", aucun principe de celle-ci ne sera gravé dans le marbre. De fait, ce sont les gouvernements qui continueront à construire l'Europe. Il est donc possible qu'à un moment, on change de doctrine si les gouvernements changent.

Le "oui" de la France et des Pays-Bas aurait interdit cela. L'austérité et le libéralisme, la concurrence entre pays et le moins-disant social auraient été légitimés. On n'en est pas là.

Malheureusement, l'Europe reste encore trop peu présente dans les campagnes électorales de nos pays (contrairement à l'Europe du Sud). C'est pourtant une thématique primordiale à mettre en avant, avec des effets concrets sur la vie des gens : les Grecs, les Espagnols, les Portugais et les Italiens en savent quelque chose !

Doit-alors regretter notre "non" ? Certainement pas ! Ce "non" nous a laissé la liberté, un jour, de prendre l'UE en main, de réfléchir, de construire des projets alternatifs, de les défendre et de les présenter au moment des élections à des peuples. Au travail, donc !