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dimanche 6 janvier 2013

Le plan B ? C'est maintenant qu'il faut le construire.

Il y a un véritable avantage à l'explosion de la gauche en plusieurs chapelles différentes : cela suscite des débats.

Il y a quelques jours, je me suis retrouvé dans un repas avec un ami de mes parents, assez proche idéologiquement de François Hollande et par ailleurs très satisfait de ses premiers mois à la tête du pays. Évidemment, il me connaissait de longue date et se doutait que je n'étais pas dans les mêmes dispositions. Comme beaucoup de socialistes, il a commencé à se plaindre de l'action de sape des autres partis de gauche, particulièrement du FdG. Heureusement, on a assez vite dépassé cette discussion pour se replonger dans l'histoire récente de la gauche française.

On est revenu sur le TCE et son référendum. Mon contradicteur (dont j'ai oublié la nature du vote en 2005) m'assena le célèbre "plan B", qui avait beaucoup occupé les commentateurs de l'époque. Son argument était simple : "on a voté non en 2005, mais rien n'a changé. Il est où, votre plan B ? Au final, l'Europe n'a pas changé du tout, et c'est même presque pire."

Le TCE était une très large synthèse de tous les traités européens précédents, dont celui de Maastricht déjà adopté par les Français par référendum. C'était un texte d'une lourdeur extrême, nécessitant de réelles compétences en droit européen pour en décrypter de larges parties. Sans le coup du président Chirac, ce texte aurait été validé par les parlements et on aurait continué comme avant sans aucun problème. Or, quatre pays ont décidé de consulter les peuples. A partir de là, la question changeait totalement de nature. La France, l'Espagne, le Luxembourg et les Pays-Bas demandaient de fait à leurs peuples de valider toute la construction européenne. Cela aurait permis de sortir l'UE de son petit cadre élitiste pour en faire une institution confirmée par les peuples. 

A l'époque, on nous a annoncé une catastrophe d'ampleur mondiale en cas de "non", qui n'est pas arrivée puisque tous les autres traités restaient en vigueur. Depuis, la construction par nos élites s'est poursuivie et se poursuit toujours, sans aucune inflexion réelle, à part qu'on est pas prêt de redemander leurs avis aux peuples. Nos élites ont pourtant poursuivi l'objectif de la constitutionnalisation. Avec le TSCG, voilà la règle d'or qui est entrée dans les lois fondamentales. Pourtant, malgré ce coup de jarnac, on peut relativiser.

Les ouiouistes utilisaient l'argument du plan B en suggérant que les nonistes de gauche n'avaient pas d'alternative. A posteriori, je ne suis pas vraiment sûr qu'ils en avaient vraiment une (ce qui est le cas aujourd'hui, si on prend la peine de lire le programme du FdG). Cependant, ce n'était pas la question posée. Dire "non", c'était refuser d'inscrire dans le marbre d'un texte dit constitutionnel une vision très idéologique de l'UE. Certes, de nombreux types de "non" se sont associés pour faire battre cette idéologie, mais le message était clair : la majorité des peuples français et néerlandais s'opposaient à cette Europe. Le "oui" des Espagnols et des Luxembourgeois ne pouvaient pas permettre l'adoption du traité (unanimité oblige...).

Tant qu'il n'existe pas de consultation référendaire touchant toute l'UE et imposant un résultat même si certains pays votent "non", aucun principe de celle-ci ne sera gravé dans le marbre. De fait, ce sont les gouvernements qui continueront à construire l'Europe. Il est donc possible qu'à un moment, on change de doctrine si les gouvernements changent.

Le "oui" de la France et des Pays-Bas aurait interdit cela. L'austérité et le libéralisme, la concurrence entre pays et le moins-disant social auraient été légitimés. On n'en est pas là.

Malheureusement, l'Europe reste encore trop peu présente dans les campagnes électorales de nos pays (contrairement à l'Europe du Sud). C'est pourtant une thématique primordiale à mettre en avant, avec des effets concrets sur la vie des gens : les Grecs, les Espagnols, les Portugais et les Italiens en savent quelque chose !

Doit-alors regretter notre "non" ? Certainement pas ! Ce "non" nous a laissé la liberté, un jour, de prendre l'UE en main, de réfléchir, de construire des projets alternatifs, de les défendre et de les présenter au moment des élections à des peuples. Au travail, donc !

lundi 7 mai 2012

Très vite, François Hollande va pouvoir montrer s'il a du cran !

Certes, cher lecteur, on est content que Sarkozy ait perdu et on peut savourer ce moment. Je ne me fais que peu d'illusion sur les capacités du président élu à imposer une autre politique à l'Union européenne, mais on va le savoir très vite. En effet, le président élu va devoir rapidement se mettre à l'ouvrage.



Dès aujourd'hui, l'Europe doit affronter la crise grecque qui vient de connaître un nouveau rebondissement. Les médias français se sont focalisés sur l'entrée au Parlement du parti néo-nazi Chryssi Avghi et on ne peut que le déplorer : voir des nazillons au Parlement dans un pays où, pendant la seconde guerre mondiale, un Grec sur sept a trouvé la mort, c'est affligeant. Cependant, la Grèce souffre terriblement et ce score est un signe de cette crise. 

Pourtant, il faut largement le relativiser. Ensemble, tous les partis de gauche ont la majorité en voix (et personne ne le dit ici). Ils ne peuvent cependant pas gouverner ensemble car le parti conservateur a reçu un bonus de 50 sièges pour être arrivé en tête, et le PASOK et les autres s'opposent totalement sur l'austérité. Le parti conservateur va tenter de trouver une majorité avec le PASOK, qui a assumé avec lui les plans de rigueur. Il lui manque juste le soutien d'un autre parti pour pouvoir gouverner (les deux partis ont 149 sièges sur 300). S'il n'y parvient pas, François Hollande va rapidement pouvoir montrer ses capacités de leader de caractère européen en essayant de pousser Angela Merkel à bouger sa position sur la gestion de la crise de la dette, avant que la Grèce ne claque la porte de l'euro et fiche la monnaie unique en l'air.


A propos de la Grèce, les médias ne disent rien, ou très peu, sur les scores très importants des partis équivalents à notre Front de Gauche, avec une des formations qui se place devant le PASOK et un total de plus de 30% des voix. On reproduit ici ce qu'on a fait en France ces deux dernières semaines, en occupant la scène avec une extrême-droite très minoritaire et en nette baisse, puisque le LA.O.S. (équivalent du FN) a nettement baissé suite à sa participation au gouvernement. On évite ainsi de parler des différents choix possibles face à la crise de la dette. 

Une seconde échéance permettra à François Hollande de montrer qu'il a du cran : le sommet de l'OTAN a lieu à Chicago à partir du 20 mai. Le président élu s'était positionné pour un retrait d'Afghanistan d'ici à la fin de l'année, avançant d'un an l'échéance fixée par Nicolas Sarkozy. On verra vite s'il parvient à résister aux pressions de nos alliés pour rester dans ce pays. Tiens, si on quittait l'Afghanistan, on réduirait les dépenses publiques au passage.

En attendant, le nouveau président peut profiter, pour très peu de temps, du bénéfice du doute...

lundi 8 août 2011

Pendant que le système économique s'effondre, on se mord la queue.

J'ai beau être sexy et intelligent, voire même parfois capable de certaines fulgurances, il y a vraiment quelque chose que je ne comprends pas, dans cette crise.

Comment est-il possible, alors que le PIB des pays occidentaux, globalement, a quasiment doublé depuis les années 1970 (époque où les Etats-providences existaient déjà et où le poids des impôts et de toutes les cotisations sociales de tout poil était lourd), nous soyons tous en train de nous effondrer sous le poids de nos dettes publiques et/ou privées aujourd'hui ?

Je ne sais pas s'il y a un déclin de l'Occident, mais si ce déclin existe, sans doute est-il bien plus idéologique et intellectuel qu'économique...

vendredi 23 juillet 2010

Dégradation de la dette française par une agence chinoise : réponse.

L'ami Disparitus, emporté, me demande ce que je pense de la décision d'une agence de notation chinoise de dégrader notre note. Une note dans quelle matière ? Dans la matière "empruntons de l'argent pour financer les dépenses de l'État". Apparemment, les capitalistes chinois estiment qu'il est risqué maintenant de prêter de l'argent à la France. Disparitus y voit une illustration de la menace chinoise. Même si mon avis sur la question est loin d'être arrêté, je le partage, mais je ne vois pas dans cette décision-là une volonté conquérante d'une Chine elle-même menacée par la crise.

Évidemment, on peut s'étonner que la France se retrouve au même niveau que le Japon, le Royaume-Uni ou les États-Unis. L'endettement public est certes en croissance régulière, mais notre pays bénéficie d'un endettement privé encore assez faible par rapport aux pays n'ayant pas de systèmes sociaux et ayant poussé leurs populations à la consommation sans augmenter les salaires.

Cependant, je crois que, fondamentalement, cette agence a raison. Il faut souligner la gestion désastreuse de l'État et de ses finances par l'équipe en place, qui a consisté à sabrer les recettes tout en augmentant sans arrêt les dépenses, qui a visé à favoriser les plus riches contre les autres, et les électeurs de l'UMP contre les autres groupes de la population. Depuis 2002, la droite gère notre budget n'importe comment, et il faudra bien payer à un moment.

Il y a bien des moyens de résoudre ce problème de la dette. La gauche a des propositions, la droite en a d'autres, avec à chaque fois de multiples composantes. L'inaction actuelle est la pire de toutes.

vendredi 16 juillet 2010

Un dixième pays légalise le mariage homosexuel.

L'information est passée relativement inaperçue en France, mais l'Argentine vient de légaliser le mariage homosexuel et de légaliser l'adoption d'enfant par des couples du même sexe.

Pour un pays d'Amérique latine dans lequel l'Église a mené une violente campagne contre cette loi, on ne peut que souligner le courage de ce texte. Les divisions de la société argentine était d'ailleurs très forte.

On se souvient d'ailleurs, en France, de l'âpreté des débats autour du PACS, débats qui semblent très loin aujourd'hui, alors que le PACS est complètement rentré dans les mœurs et se rapproche de plus en plus du mariage.

D'où mon interrogation du moment : comment se passerait un tel débat en France ? Le Parlement parviendrait-il à voter un tel texte ?

mardi 13 juillet 2010

Faut-il tester systématiquement la population pour détecter le SIDA ?

En lisant le Monde d'aujourd'hui, je suis tombé sur ce communiqué de presse d'ONUSIDA. Kesako ? Il s'agit de l'agence de l'ONU chargée de surveiller et de coordonner la lutte contre l'épidémie.

Ce texte nous révèle des perspectives intéressantes, en particulier l'idée de combiner les trithérapies dans un seul cachet à prise unique et quotidienne, qui rendrait le traitement beaucoup plus facile à prendre. D'autre part, l'institution demande le développement massif de génériques pour réduire le coût de la prescription.

Il nous annonce aussi que la prise des traitements réduit massivement la contagion, en faisant diminuer le nombre de virus dans le sang. De fait, si on traitait tous les malades pouvant répondre positivement au traitement, on pourrait amener une diminution importante des contagions (10 millions de décès en moins d'ici à 2025) et rendre la vie bien plus facile aux malades.

Cependant, et la question arrive bien vite à l'esprit, pour arriver à un tel résultat, il faudrait développer une détection systématique de la maladie. A ce jour, aucun pays ne s'est engagé dans cette voie. Le SIDA reste, malgré notre soi-disant modernité, une maladie honteuse. Il est clair que la population, surtout dans les pays pauvres mais aussi en France, supporterait très mal une détection systématique.

Et pourtant, ne devrions-nous pas y venir, tant que nous ne possédons pas de vaccin approprié ? On pourrait oublier l'idée si nos concitoyens avaient le réflexe de se faire détecter eux-mêmes, mais à l'évidence, les pratiques ne sont pas encore suffisamment ancrées. D'autre part, l'obligation aurait sans doute l'avantage de dédramatiser un peu le sujet.

Je n'ai pas vraiment d'idée arrêtée sur le sujet, et il est clair que je ne vivrais pas bien que l'on m'impose un test, alors que j'estime ne pas avoir eu de comportement à risque. Cependant, la question mérite d'être posée, car il s'agit d'un problème de santé publique et d'une maladie toujours mortelle et contagieuse.

dimanche 6 juin 2010

Israël commet une erreur en refusant l'enquête de l'ONU sur l'attaque de la flottille.

L'affaire de la flottille continue de susciter le débat dans de nombreux espaces. Ce soir, nous apprenons qu'Israël a rejeté l'idée d'une enquête internationale sur les tenants et les aboutissants de cet incident. Israël vient de faire une nouvelle bourde.

Pour justifier son refus, l'ambassadeur israélien aux États-Unis, Michael Oren, a affirmé qu'Israël étant une démocratie, elle pouvait très bien mener impartialement l'enquête elle-même.

C'est vrai... et faux en même temps. En effet, on semble oublier que l'attaque s'est produite dans les eaux internationales. Or, cette zone ne relève d'aucun État directement et une intervention militaire ne peut y avoir lieu sauf si les bateaux attaqués effectuaient de la piraterie, du transport d'esclaves, du trafic de drogues ou l'émission d'ondes radio-électriques interdites par la convention de l'ONU sur le droit de la mer. En clair, cette affaire relève de l'ONU qui peut statuer sur la légitimité, ou pas, de l'intervention israélienne, en s'appuyant sur le droit public international.

En refusant l'enquête, Israël continue à refuser de se placer dans le cadre juridique international. Nétanyahou va sans doute pérorer en affirmant la force de son gouvernement face à une communauté internationale hostile, mais très vite, certains diront que son refus de voir une enquête se dérouler est fait pour cacher une culpabilité quelconque, et la Turquie a déjà commencé à le faire.

Il aurait été bien plus cohérent pour les Israéliens d'accepter l'enquête. Quelle qu'aurait pu être sa conclusion, qu'importe. Le blocus de Gaza, s'il soulève un rejet de l'opinion mondiale, reste soutenu par les grandes puissances qui craignent la menace iranienne dans la région. Ce refus ne fait que marquer un affaiblissement réel de la position d'Israël et sa crainte de la communauté internationale.

Sans doute les politiciens israéliens, comme les dirigeants islamistes palestiniens, ne sont-ils pas encore prêts aux nombreux sacrifices qu'il faudra faire pour avoir la paix. Verrons-nous un jour la conclusion de tout ça ? Certains en doute, mais il n'est pas interdit d'espérer, car je suis persuadé que les citoyens israéliens comme palestiniens ont soupé de tout cela et aimeraient bien que le monde change.

vendredi 7 mai 2010

Comprendre les dépenses militaires grecques : un échec de l'Union Européenne.

Hier, sur France Inter, Jacques Attali s'étonnait de l'absence, dans le plan d'aide à la Grèce, de demandes de l'Union Européenne concernant le budget militaire. Il est vrai que la Grèce entretient l'un des budgets d'achat d'armement les plus élevés au monde, se situant en 2008 à 2,8% du PIB, mais en croissance de 11% cette même année.

Depuis quelques jours, nombreux sont les éditorialistes à hurler contre cette étonnante dépense militaire, oubliant que la France est l'un des principaux fournisseurs d'armement de la République Hellénique. Cette croissance des dépenses militaires grecques symbolise l'un des échecs les plus flagrants de l'Union Européenne.

Reprenons un peu le fil de l'histoire. Depuis la chute de l'Empire Byzantin, la confrontation avec la Turquie est au cœur de l'identité nationale grecque. Dès la guerre d'indépendance, les Grecs ont construit un discours national autour de cette confrontation pour une reconquête de l'ensemble de l'espace grec, se rattachant à l'histoire ancienne, en confrontation avec les Turcs (la "Grande Idée"). Les difficultés de l'Empire Ottoman amène les grandes puissances européennes à soutenir la Grèce durant le XIXe siècle et pendant la Première Guerre Mondiale, les Turcs ayant choisi l'alliance avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Les traités de paix (celui de Sèvres en particulier) donnent à la Grèce d'importants territoires en Asie Mineure.

Or, c'est là que le processus s'enraye. Au début des années 1920, la Turquie d'Atatürk défait la Grèce et empêche l'application des traités. Plus d'un million de Grecs quittent l'Asie Mineure et viennent s'installer sur le territoire grec, première humiliation d'une bonne série.

En effet, l'évolution de la scène internationale défavorise de plus en plus la Grèce. Les débuts de la Guerre Froide font de la Turquie un allié important de l'Occident contre l'URSS. La Turquie rentre dans l'OTAN puis devient une plaque tournante pour l'armée américaine alors que la Grèce peine à se remettre de la guerre civile qui l'a déchirée dans les années 1940. Il apparaît de plus en plus net à l'État grec que ce pays ne pourra pas s'appuyer sur les grandes puissances occidentales en cas de conflit avec la Turquie.

La crise chypriote illustre parfaitement cette situation. Le 20 juillet 1974, suite à une tentative de coup d'État contre le président chypriote et craignant une tentative de la Grèce des colonels de réaliser l'Enosis, c'est-à-dire la fusion de la Grèce et de Chypre, la Turquie lance une opération militaire d'envergure et prend le contrôle d'un tiers de l'île, sans que les autres membres de l'OTAN puissent réellement intervenir, y compris les Britanniques présents militairement sur l'île. La Turquie était un allié et un membre de l'OTAN, et négociait avec l'Union Européenne depuis 1963.

La Grèce compte donc sur elle-même car elle se considère seule sur une scène internationale hostile plutôt favorable à son puissant voisin. On peut ainsi expliquer les importants investissements de la Grèce dans un matériel militaire moderne et capable d'agir, alors que la question chypriote reste pendante et que les incidents de frontière sont fréquents entre les deux pays. Il est impossible aujourd'hui qu'un chef d'État grec puisse annoncer une diminution des dépenses militaires, vu le ressentiment de la population locale, sans risquer d'avoir de grandes difficultés politiques.

Cette situation aurait pu évoluer par une intervention de l'Union Européenne. Aujourd'hui, deux membres sont directement concernés : Chypre et la Grèce. Il semblerait donc normal que l'UE s'investisse massivement dans la résolution d'une crise entre des pays qui sont importants pour nos intérêts. Chypre, en particulier, sert de pointe de l'Union en Méditerranée et a servi de base humanitaire lors de la guerre au Liban en 2006. Pour régler cette difficulté, il faudra bien négocier avec la Turquie et obtenir des concessions de sa part.

Nous avions pour cela un merveilleux moyen et une offre fabuleuse pour les Turcs : les faire entrer dans l'UE. Nous avons, à cause de nos frilosités, fait échouer ce projet, ne laissant plus aucun intérêt à la Turquie de résoudre ses conflits avec les Grecs.

La Grèce est donc toujours seule, avec ses craintes et ses fantasmes, face à la Turquie. Une idée domine toujours : si un nouveau conflit se déclenche, les grandes puissances européennes ne feront rien. Il faut donc poursuivre l'effort militaire.

Ces dépenses, étonnantes dans une telle crise, sont pourtant évidentes lorsqu'on prendre la peine de regarder notre passé et la situation actuelle de la géostratégie régionale. Elles illustrent l'échec de l'Europe en tant qu'organisation pouvant assurer une sécurité à ses membres et résoudre des conflits. On peut être sûr que le gouvernement grec ne diminuera les budgets militaires qu'en dernier recours, au grand bénéfice de notre industrie de l'armement...

dimanche 11 avril 2010

Pourquoi se passionne-t-on pour la mort du président polonais ?

Il y a de quoi se surprendre devant l'ampleur de la réaction médiatique face à la mort du président polonais Lech Kaczynski.

Certes, l'événement est exceptionnel. Bien évidemment, on peut comprendre le choc en Pologne. Les partisans du président en souffrent forcément, et les autres camps politiques doivent se préparer à une campagne électorale très rapidement. Les équilibres européens en sont aussi modifiés, et on peut espérer que les Polonais élisent dans les semaines à venir un président un peu moins eurosceptique...

Cependant, en période normale, parle-t-on de la Pologne ? Généralement, les médias français n'évoquent l'actualité politique que de quelques pays européens de manière régulière. On entend parler de l'Allemagne, du Royaume-Uni, un peu de l'Espagne et de l'Italie, quelques fois de la Belgique et encore plus rarement de la Suisse, mais les autres pays européens ne sont que très rarement évoqués, sauf quand ils sont au bord de la faillite. La Pologne n'échappe pas à la règle, et il faut se rendre à l'évidence : la grande majorité des Français ne doit pas savoir grand-chose de ce pays et de sa culture. Ils doivent aussi ignorer qu'à certaines périodes historiques, la France et la Pologne ont entretenu des relations diplomatiques et culturelles très intenses. La coupure de la Guerre Froide a cependant laissé des traces, et la Pologne et la France se sont souvent démarquées, comme lors de l'offensive américaine en Irak en 2003. Enfin, n'oublions pas la vieille affaire du plombier polonais, marquante de l'évolution de notre société face aux étrangers.

Est-ce à cause de ces changements géostratégiques que les médias français font des éditions entières sur le sujet ? Est-ce un souvenir de l'alliance franco-polonaise ? Peut-être s'agit-il de ce lien fort entre deux vieux pays catholiques ?

Mais non, rassure-toi, cher lecteur ! Les médias français ont simplement flairé une niche intéressante au niveau de l'audience. Ils savent que les accidents d'avion, comme les catastrophes naturelles, attirent les auditeurs. Ils savent aussi que nos concitoyens ne se gêneront pas pour ressentir une certaine jouissance devant le fait que même un chef d'État puisse se tuer en avion.

Nos médias jouent sur les bas instincts, une fois de plus...

dimanche 7 mars 2010

Les Islandais votent non. Bravo !

Ils ont dit non ! Même si à peine plus de 50 % des Islandais se sont déplacés pour voter, ils ont rejeté l'accord signé avec les Pays-Bas et le Royaume-Uni à plus de 93 % des suffrages exprimés. Il est à craindre que ce vote n'ait pas plus de poids que celui de la France et des Pays-Bas en 2005, mais il faut saluer toutes les fois où un peuple affirme sa souveraineté (même si c'est parfois pour dire n'importe quoi...).

Suite à mon billet d'hier, l'un de mes commentateurs m'a signalé, assez justement, que les peuples, s'ils ne voulaient pas payer les créances des banques, ne voulaient pas non plus qu'on les laisse faire faillite et perdre leurs capitaux, et soutenaient donc aussi la socialisation des pertes.

Cette réflexion est totalement juste, mais finalement, n'est-ce pas normal ? Les épargnants placent leurs économies dans une banque. Ils ne savent absolument pas ce que les banquiers en font. Il est donc normal qu'ils récupèrent leur argent. Le seul problème, et ce que nous pouvons dénoncer avec force, est que ce soit les États qui mettent la main à la poche, et donc les contribuables eux-mêmes, payant leur propre capital.

La situation est d'autant plus drôle que nous avons sauvé les banques deux fois : une première fois en leur prêtant de l'argent ou en les rachetant (en fonction des pays) ; une seconde fois en sauvant l'économie réelle par une multitude de soutiens divers et variés, évitant aux banques de se retrouver avec une multitude de dettes non-payées.

Évidemment, on va me dire que les citoyens ont aussi soutenu le sauvetage de l'économie réelle, pour sauver leurs jobs. C'est vrai, mais les citoyens sont aussi les victimes de la crise que, s'ils ont souvent participé à sa mise en place par leurs propres modes de vie, ils n'ont pas voulu non plus.

Rien n'est simple, dans cette crise, mais il y a de quoi se poser des questions, travailler idéologiquement et proposer d'autres visions du monde.

Au boulot, camarades !

samedi 6 mars 2010

Demain, l'Islande vote.

On en parle peu dans la presse et les médias en ce moment, et très peu dans la blogosphère. Pourtant, la question est d'importance pour notre avenir. Demain, l'Islande vote sur une question très importante.

Rappelons le contexte. Au début de la crise, la banque Icesave se casse la binette, comme de nombreuses banques islandaises. Or, celle-ci est implantée dans plusieurs pays européens, et en particulier au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Ces deux Etats décident d'indemniser leurs concitoyens, puis demandent à l'Islande de payer les 3,9 milliards d'euros de différence. Le gouvernement islandais, de mauvaise grâce, négocie un accord mais, sous pression de la rue, le président de la République décide de soumettre l'accord à référendum.

Là encore, on se retrouve, comme en Grèce, face à une situation de socialisation des pertes. Le citoyen islandais moyen n'est pour rien dans ce cataclysme bancaire. Pourtant, c'est lui qui va payer. Ni l'État islandais, ni les banquiers, ni les États anglais et néerlandais, qui ont laissé cette banque mener ses activités tranquillement, ne semblent prêts à assumer leurs responsabilités.

Attention, cher lecteur, il ne s'agit pas ici de la dette de l'État islandais, mais d'un financement de la dette privée par les contribuables. Il est évident que les Islandais ont totalement raison de refuser de payer ça, d'autant plus qu'on annonce à ce peuple qu'il va falloir sabrer dans les budgets publics pour payer la dette publique. Le même raisonnement est à l'œuvre partout, et l'on prépare tranquillement le démantèlement de l'État-providence.

Voilà donc un peuple qui va prendre une décision démocratique, de manière libre et en se comportant, lui, de manière responsable. Et là, nos pays vont s'empresser de les sanctionner en dégradant la note du pays, en bloquant son entrée dans l'Union et en imposant ainsi une aggravation financière de l'État islandais. Comme pour la Grèce, nous allons sortir notre gros bâton et dire à un peuple libre : "Eh, dites, les gars, vous n'êtes pas libre, hein ? Faut arrêter un peu de vous y croire. Rentrez dans le rang et payez la note !"

Cher-e-s camarades islandais, allez-y. Vous avez la possibilité de dire m... à toute cette irresponsabilité, à tout ce mépris, à cette corruption et à cette idéologie minable. Votez non, et affirmez votre souveraineté !

dimanche 28 février 2010

Désignons les vrais responsables de la crise grecque.

La crise grecque occupe grandement l'actualité et les blogs français réagissent souvent avec une grande sévérité.

Pourtant, il y a deux choses, souvent ignorés dans les commentaires, qui devraient être signalées.

La Grèce est rentrée dans l'euro en 2001. A l'époque, je préparais mon agrégation d'histoire. Je suivais donc des cours de géographie (tout est cohérent) et je me souviens d'un point qui avait été fait sur l'élargissement de l'euro par un de mes enseignants. Chez les géographes, tout le monde disait ouvertement que deux pays avaient fraudé avec les instances européennes pour entrer dans l'euro : la Grèce et l'Italie. Tous les spécialistes connaissaient donc cette situation. Je suis même persuadé d'avoir lu, dans des journaux, des articles remettant en cause le bien-fondé de l'accession de la Grèce et de l'Italie à l'euro. En clair, nos gouvernements ont laissé un pays qui ne répondait pas à leurs critères entrer dans l'euro. Le ver était donc dans la structure idéologique des créateurs de l'euro dès le départ.

Avec le recul, on peut entièrement comprendre cette décision. Les États ont toujours considéré que l'Union ne pourrait leur imposer une politique. La Grèce entrait en annonçant faire preuve de bonne volonté, et cela devait suffire.

Une deuxième chose concerne la réaction des syndicats et des salariés au plan d'austérité lancé par Athènes, malgré un soutien sans doute provisoire de la population, du fait d'un discours général très culpabilisateur. Comme les gouvernements européens, les citoyens grecs ont voulu croire les discours gouvernementaux. Ils ont géré leurs vies, ont fait des plans d'avenir, se sont endettés... Et voilà qu'on leur apprend que, du fait des demandes des financiers et des manœuvres du gouvernement, ils vont devoir se serrer la ceinture et changer leurs modes de vie. On peut comprendre cette réaction de la population, car, encore une fois, ce sont les bas et moyens revenus qui vont payer le plus durement cette crise. Une nouvelle fois, voilà un bel exemple de socialisation des pertes à laquelle cette crise nous habitue.

Or, dans les discours qui ressortent, on observe le courroux des gouvernements européens, et en particulier de l'Allemagne, pourtant totalement au courant de la situation grecque, et l'affliction de toute l'Europe face au comportement irresponsable des Grecs. Pourtant, il y a deux responsables oubliés : un gouvernement grec incapable de se réformer et de résorber la fraude fiscale et la corruption (tout en laissant les écarts de richesse se creuser : souvenez-vous des émeutes de l'an dernier) au grand bénéfice des élites grecques, et des gouvernements européens qui ont joyeusement laissé les choses en arriver là en laissant la Grèce entrer dans l'euro dès le départ et en ne laissant pas l'Union faire pression sur la Grèce, pour éviter que cela leur arrive plus tard.

Aujourd'hui, cher lecteur, par une politique irresponsable, l'État français creuse sa propre dette, histoire de nourrir ses affidés, et dans quelques mois, on dira que c'est la faute des fonctionnaires (trop chers) et des Français dans leur ensemble (trop habitués à être couvés). Je rappelle à mes chers lecteurs que le PIB de la France a augmenté d'un tiers depuis 1980.

dimanche 7 février 2010

Le poids de la dépense éducative dans le PIB.

Cher lecteur, je voulais te transmettre aujourd'hui cette note du ministère de l'Éducation nationale, qui évoque l'évolution des dépenses d'éducation dans notre pays.

Elle montre qu'après avoir augmenté depuis le début des années 1980, les dépenses d'éducation sont en nette régression depuis 2000. De plus, elles indiquent aussi que, si nos dépenses sont situées 0,2% au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE, elles sont aussi égales à celles du Royaume-Uni et de la Finlande, et inférieures à celles de la Suède et des États-Unis.

Je vous en conseille la lecture, et je remercie le collègue qui me l'a envoyée.

lundi 4 janvier 2010

Le Privilégié aux Etats-Unis : deux aspects de la réforme du système de santé peu évoqués en France.

Je ne sais pas si l'information est bien passée en France, mais les États-Unis ont vécu un événement important pendant que je m'y trouvais. Le Sénat américain a adopté le projet de réforme du système de santé, après l'avoir largement édulcoré, principalement pour obtenir le vote du sénateur indépendant Joe Lieberman. Or, le chemin législatif de cette loi n'est pas terminé. Les deux chambres doivent trouver un accord sur un texte commun, ce qui ne sera pas facile : la Chambre des représentants a adopté l'idée de l'offre publique d'assurance, alors que le Sénat ne l'a pas incluse dans le projet. Barack Obama n'a pas fini de négocier.

Il est intéressant d'évoquer deux aspects très au cœur des réflexions des Américains actuellement, et qui ne sont pas beaucoup relayés ici.

Le premier concerne la libération que représente ce projet pour beaucoup de salariés. En effet, même si l'offre publique ne passe pas, les entreprises seront désormais obligées d'assurer les salariés. Aujourd'hui, un employeur n'est pas obligé de le faire, un citoyen pouvant aller s'assurer lui-même, en théorie tout du moins. De plus, une personne au chômage pourra avoir accès aux assurances à coût beaucoup plus réduit. Dans une période de chômage comme aujourd'hui, de nombreux salariés se sentent rassurés par l'idée de ne plus avoir à prendre le risque de perdre leurs couvertures-maladies. Évidemment, cela va aussi diminuer la force des employeurs sur des salariés très isolés. Il ne faut pas oublier que, depuis les années 1970, les syndicats américains se sont écroulés, sauf dans le secteur public où l'État fédéral et les États locaux continuent à négocier avec eux.

Le second est encore plus intéressant. En France, les médias évoquent surtout le coût des assurances pour les salariés, mais on oublie de dire que les entreprises paient aussi des primes d'assurance considérables, parfois six à huit plus élevées que la part des salariés. Comme quoi, la concurrence ne génère pas forcément une baisse des coûts pour les entreprises. Or, celles-ci ont apparemment souvent utilisé l'argument des primes d'assurance pour justifier les blocages des salaires. Les salariés américains, en particulier les classes moyennes qui paient des assurances, attendent donc beaucoup de la limitation inscrite dans le projet de loi des primes payées par les entreprises. Pourquoi, cher lecteur ? Tout simplement pour récupérer la part libérée ainsi, les employeurs ne pouvant plus invoquer les assurances. Cependant, une lourde inquiétude subsiste : la loi n'oblige pas les entreprises à reverser la part libérée aux salariés, et la crise inquiète beaucoup. Tout va se négocier dans chaque boite, et, dans un contexte de crise, rien n'indique que les employeurs ne vont pas récupérer la différence.

Ces deux enjeux pèsent lourds sur le projet en discussion actuellement, autant pour les lobbies des employeurs et des assurances que pour les salariés. De plus, le président américain sait qu'il joue gros si les citoyens ne voient pas leur situation s'améliorer réellement suite à la réforme, alors que le déficit public va s'accroître.

Ne perdons pas, cher lecteur, l'évolution de cette réforme de vue…

dimanche 27 décembre 2009

Le Privilégié aux Etats-Unis : "ôtez vos chaussures, s'il vous plaît."

Dans l'actualité américaine, le vote in extrémis par le Sénat de la reforme de l'assurance-maladie a été occultée par la tentative d'attentat menée par un jeune Nigérian dans un avion qui se posait a Detroit. La tentative a échoué, mais je ne peux m'empêcher de faire éclater ici ma colère d'honnête citoyen.

Depuis les attentats du 11 septembre, les personnes entrant et sortant des États-Unis sont la cible de contrôles relativement drastiques. Avant, les Français subissaient, a l'aller, un interrogatoire assez dense de la part des douaniers américains. Au retour, on pouvait se refaire contrôler par les douanes et le voyageur devait obligatoirement subir un contrôle complet avant de monter dans l'avion : retirer ses chaussures, sa ceinture, l'ensemble des objets métalliques qu'il pouvait transporter et allumer son ordinateur portable pour démontrer qu'il en était bien un. Or, les conditions se sont encore durcies.

Lundi dernier, nous avons emprunté deux vols de Swiss pour nous rendre a Boston. Avant le voyage, il nous a fallu remplir un formulaire en ligne nous autorisant a nous rendre aux États-Unis. Nous avons subi une fouille complète une première fois a Paris, et une deuxième encore plus sévère a Zurich. A chaque fois, on a regardé nos passeports sous toutes les coutures. Enfin, nous avons eu droit à la même procédure à Boston qu'auparavant, malgré le système de référencement sur internet.

Toutes ces mesures sont justifiées par la lutte contre le terrorisme (et contre l'immigration, mais c'est moins affiché). Or, voila qu'un Nigérian, qui a donc dû demander un visa et qui était fiche par le FBI (le Royaume-Uni l'avait refoulé cette année), a pu prendre un avion vers les États-Unis. Personne n'a remarqué que ce gamin avait avec lui un explosif attaché a sa jambe.

Tout cela ne peut que nous amener a la conclusion suivante : ces mesures, que l'on fait subir à des gens honnêtes tous les jours, n'ont aucune efficacité. Tout terroriste déterminé trouvera toujours un moyen de faire sauter un avion.

Le seul effet est de nous rappeler que les autorités de nos pays démocratiques jouent de plus en plus avec les droits de l'homme et se permettent de nous traiter, tous, comme des criminels en puissance, alors que notre société devrait s'appuyer sur la présomption d'innocence dans toutes ses mesures de sécurité.

On peut se demander combien de temps nous continuerons a accepter ces restrictions de nos droits fondamentaux sous des prétextes totalement fallacieux, pour lutter contre des terroristes qui trouveront toujours les moyens de nous tuer. Vu l'évolution des contrôles, je crains que cela ne soit pas pour demain...

mardi 22 décembre 2009

Le Privilégié aux Etats-Unis : début d'une série.

Cher lecteur, après une fin d'année relativement difficile, j'ai la joie, en tant que bon privilégié que je suis, de jouir de vacances pour les fêtes de fin d'année.

Cette fois-ci, avec la Privilégiée, nous nous sommes rendus visiter ma soeur et sa famille aux Etats-Unis, dans la banlieue de Boston. Je débute donc une série de billets sur mes observations et mes ressentis sur ce sujet.

Hier, lorsque mon beau-frère nous ramenait chez lui, après un voyage éprouvant, il m'annonça : "vous allez voir, depuis l'élection d'Obama, ce pays a changé".

C'est ce que nous allons vérifier...

mardi 10 novembre 2009

Camarades, réjouissons-nous de la chute du Mur.

Bon, maintenant que l'ensemble de nos élites a célébré la fin du bloc soviétique, il est temps de s'exprimer sur ce sujet, totalement d'actualité malgré les vingt années qui nous séparent.

Contrairement à de nombreux militants de gauche, et même si j'étais encore un tout jeune homme en 1989, je dois dire que la chute du Mur a été une véritable joie. En effet, enfin, la version totalitaire du socialisme s'écroulait. La gauche avait été polluée, depuis le début du siècle, par ces théories basées sur les avant-gardes éclairées et sur les révolutions et dictatures sanglantes, qui ne faisaient que reproduire des systèmes identiques à ce qui pouvait se faire de pire dans le monde capitaliste. Certes, l'effritement du marxisme-léninisme était perceptible depuis les années 1960, mais cet effondrement aurait dû nous permettre de passer un cap.

En effet, la leçon est claire : pour construire un système alternatif au capitalisme, la seule voie possible est la démocratie. Nous devrions tous être prêts à envisager que la critique d'un autre système subsiste, toujours, continuant sans cesse à nous montrer ce que nous faisons mal. L'URSS a fait faillite à cause de cette incapacité d'entendre toute critique de son système, de l'impossibilité de remettre en cause ses apparatchiks, de son inefficacité économique et sociale. L'URSS est morte, et c'est tant mieux.

D'autant plus que le vainqueur de ce conflit n'est pas le libéralisme. Ah, cher lecteur, depuis trois jours, les libéraux affirment leur triomphe. Pourtant, ne soyons pas dupe. Le système qui a existé dans les pays développés durant les Trente Glorieuses n'avait rien de libéral. Au contraire, les pays européens ont développé des systèmes sociaux complexes, des relations sociales denses avec un vrai poids des syndicats, une intervention régulière de l'Etat, tout cela dans un cadre démocratique et quelle que soit la couleur de la majorité en place, très souvent conservatrice. Cette organisation a produit une des croissances les plus fortes de l'histoire humaine et une formidable amélioration des conditions de vie en Occident, dans un cadre totalement démocratique. Nos camarades de l'Est ont perçu cette réussite, et ont bien compris que leur modèle, malgré ses bonnes intentions, ne leur permettaient pas de vivre mieux et les obligeaient à supporter le poids d'une dictature sans aucune légitimité.

Le libéralisme nouvelle version n'a commencé à s'imposer qu'au début des années 1980, et on peut douter qu'il ait eu un impact réel sur l'URSS et ses satellites. Les défauts du système, la crise économique, la guerre en Afghanistan, les souffrances des populations ont eu bien plus de poids. Par contre, le libéralisme est le premier à se targuer d'une victoire usurpée. Je rappelle que ce sont les économies libérales des années 1920 en Europe qui ont échoué et ont failli basculer dans le communisme, pour finalement s'écraser dans le fascisme (heureusement que la Tchécoslovaquie jusqu'en 1938, la France jusqu'en 1940 et le Royaume-Uni ont sauvé l'honneur).

Nous n'avons pas, camarades, à avoir honte de nos ancêtres et du passé de la gauche. L'idéal communiste pouvait largement séduire, l'existence d'un pays socialiste aussi influent que l'URSS leurrer. Au contraire, nous pouvons nous dire que tout est encore à faire, que nos idées ont eu des succès mais qu'elles sont encore largement perfectibles, et qu'il est temps de reprendre l'offensive contre une société capitaliste et de plus en plus libérale qui soulève questionnements et critiques sur l'ensemble de la planète.

Rangeons le Mur dans nos souvenirs, dans le dossier des leçons importantes de l'histoire, et avançons. Contrairement à ce que nous pensons souvent, le meilleur est devant nous !

PS : dans les idées démocratiques et à soutenir, Luc Mandret souligne une phrase cohérente et pleine de bon sens de Ségolène Royal. Pour une fois, il faut en profiter.

lundi 2 novembre 2009

La faiblesse de la grippe A : effet rassurant mais trompeur.

Ce matin, j'ai eu l'occasion de lire un intéressant article publié par le Devoir concernant la gestion de la grippe A. Ce sujet fut sensible, il y a quelques semaines, mais semble maintenant ne plus intéresser personne, alors que la maladie est bien moins dangereuse, à priori, que nous n'aurions pu le craindre au départ.

L'article vise à faire un bilan de l'action de l'OMS sur cette crise. Il conclut que l'organisation a parfaitement joué son rôle en donnant l'alerte sur un risque réel.

Je ne suis pas, cher lecteur, un fanatique du principe de précaution. Cependant, en tant que personne formée en histoire, que les grandes épidémies furent une constante de notre histoire. La dernière grande épidémie, le SIDA, n'était pas aussi dévastateur car c'est une maladie qui nécessite des contacts poussés pour se transmettre. Par contre, restent dans nos inconscients collectifs des grandes épidémies qui firent des dégâts conséquents. Sans remonter jusqu'aux grands épisodes de pestes, le siècle dernier a été marqué par de grands épisodes de grippe.

Or, durant le dernier demi-siècle, notre société occidentale s'est évertuée à se débarrasser de toute conscience de la mort sur nos existences. La mort n'est plus évoquée, n'est plus présente, les malades sont relégués dans les hôpitaux, de même que les petits vieux. Ainsi, nous réagissons de manière assez schizophrène face au risque d'épidémie. Nous sommes parcourus par de grands épisodes de panique généralisée, et en même temps, nous sommes tous persuadés que nous ne serons pas touchés directement par la maladie. Nous développons même une méfiance face aux politiques des autorités, sans doute à raison parfois, comme sur le vaccin, méfiance qui disparaîtra sans doute si la maladie s'avère finalement dangereuse ou si une nouvelle phase de psychose se développe.

Ce calcul est stupide. A l'évidence, nous ne sommes pas débarrassés des épidémies en tout genre. Il n'y a pas de raison que, dans un futur plus ou moins proche, une pandémie ne réapparaisse pas. Dans ce cadre, l'OMS a raison de tirer le signal d'alarme si le risque est réel et de demander aux autorités sanitaires de prendre les mesures qui s'imposent. Ensuite, il y a sûrement des critiques à faire sur les réponses des Etats.

Or, il y a tout de même un danger : s'il y a plusieurs alertes de manière très rapprochée, sans conséquence réelle, il est à craindre que nous nous prenions cela de plus en plus à la légère. Or, après la vache folle, le SRAS et la grippe aviaire, la grippe A est la quatrième épidémie mortifère annoncée qui semble faire pschitt. Lorsque la véritable maladie surgira, nous risquons de mettre du temps à prendre conscience du problème et à adapter nos comportements.

Est-ce la faute de l'OMS ? Pas seulement. Les médias et les politiques des Etats doivent aussi se poser de sérieuses questions, car leurs utilisations de ces alertes, pour des motifs parfois très divers et loin de la santé, risquent aussi d'affaiblir les réponses des individus, le jour où une vraie épidémie se présentera à nous.

dimanche 18 octobre 2009

Les Canadiens vont-ils adopter le TGV ?

En ce moment, cher lecteur, la presse canadienne francophone est captivée par un sujet fondamental : l'arrivée potentielle du TGV sur le continent nord-américain.

Le Canada a une relation particulière avec le transport ferroviaire. Au XIXe siècle, la puissance britannique a utilisé ce moyen pour souder une colonie dont les provinces étaient très diversifiées et menacées par la puissance étatsunienne. Le transcanadien a ainsi relié Halifax sur la côte atlantique du Canada (port ayant l'avantage de ne pas être bloqué par les glaces durant six mois comme Québec ou Montréal) et Vancouver sur la côte ouest. Depuis, l'avion et la route ont supplanté le chemin de fer, mais celui-ci subsiste pour le transport de marchandises. En effet, dans un pays où les distances sont monumentales (en avion, il est plus rapide de se rendre à Paris depuis Montréal qu'à Vancouver), le train, même s'il est très rapide, ne peut concurrencer l'avion. Pour relier Montréal à Vancouver, vous devrez planifier un voyage de quatre jours en train, avec certes un seul changement, contre 5h30 en avion.


En Amérique du Nord, la problématique du train rapide pourrait se poser sur des distances assez courtes, entre des grandes métropoles. L'administration Obama a ramené le sujet sur le tapis pour la Floride et la Californie, avec des métropoles assez proches les unes des autres. Au Canada, ce qui intéresse le gouvernement est l'ensemble métropolitain se situant entre Québec et Windsor (en Ontario). Ce projet aurait l'avantage de pallier une carence importante des transports dans cette zone. En effet, la route est longue entre Québec et Toronto (près de 9 heures). Il existe bien un Express ferroviaire qui relie Montréal et Toronto en cinq heures, pour faire 500 km, mais on ne peut pas dire que la fiabilité soit son fort. J'ai eu l'occasion de l'emprunter, avec un minimum de 30 mn de retard, et près de 3 heures au retour ! J'avais d'ailleurs admiré le stoïcisme des Canadiens face à ces dysfonctionnements…


Le TGV pourrait faire cette distance en deux heures, et changer réellement l'équilibre des entreprises dans une région dominée par Toronto, où les villes québécoises jouent un rôle important, et où le contact avec les Etats-Unis est primordial. Tout d'abord, Air Canada a mis en œuvre un lobbying important pour lutter contre ce projet, craignant qu'une de ses lignes les plus rentables soient vidées de ces passagers, alors que la concurrence des low costs est déjà féroce. De plus, les compagnies de transport par car luttent aussi, du fait de leur importance sur un marché où le rail n'a plus d'importance depuis 50 ans. Enfin, un vrai débat sur la place de la puissance publique existe au Canada, et s'il semble avéré que c'est l'Etat qui financera les voies, les compagnies privées pourraient être tentées de devenir opérateur de TGV, concurrençant ainsi Via, la compagnie publique gérant actuellement le réseau. Parmi ces concurrents potentiels, on trouve… Air Canada.


Il est intéressant de constater que ce sont deux villes québécoises qui ont commandé à la SNCF une étude sur ce sujet : Montréal et Québec. Certes, la campagne municipale en cours n'y est certainement pas pour rien. Cependant, dans un contexte de crise économique, il est révélateur que ces deux cités s'imaginent reliées aux grandes villes de l'Ontario, et particulièrement à Toronto. Pour les Montréalais, la croissance de Toronto a signé, depuis la fin des années 1970, le déclassement de leur cité. Autrefois premier pôle économique du Canada, Montréal a vu partir de nombreuses compagnies pour Toronto, à la fois pour des raisons économiques et pour des craintes quant à une éventuelle indépendance du Québec. Les élites anglophones du Canada ont préféré continuer à faire du business en terrain tranquille.


Aujourd'hui, si les villes du Québec restent dynamiques, elles souhaitent tout de même bénéficier des impulsions des villes anglophones. Or, il n'y a pas si longtemps, les Québécois s'imaginaient se tourner davantage vers les Etats-Unis, et en particulier vers Boston et New York. Ce virage marque une prise de conscience de l'intérêt de l'ancrage à l'intérieur du Canada.


En réalisant une liaison rapide à l'Est du Canada, le TGV pourrait bien symboliser une intégration économique de plus en plus forte du Québec dans le Canada, loin des désirs indépendantistes d'une moitié de la population de la Belle Province. Le train pourrait ainsi être à nouveau un ferment d'unité d'un pays qui se demande toujours comment s'inventer en tant que nation.


Pourtant, une question me taraude. En France, le TGV fonctionne par une alimentation électrique par les caténaires. Or, au Canada, tout le système ferroviaire s'appuie sur des locomotives s'alimentant sans caténaire, à cause des hivers qui abattraient les câbles. Le TGV peut-il fonctionner avec une alimentation par rail uniquement ?

samedi 10 octobre 2009

Les enjeux de l'Europe du XXIe siècle ?

Cher lecteur, je suis actuellement aux Rendez-vous de l'Histoire de Blois, rassemblement annuel des historiens qui s'y montrent et, parfois, démontrent, et des enseignants d'histoire-géographie qui ont eu la chance de se libérer de quelques heures de cours pour venir entendre des conférences.

Ce matin, j'ai assisté à une communication donnée par un historien spécialiste de géopolitique, Paul Verluise, qui enseigne à l'école de guerre. Ces conférences sont toujours très intéressantes, car ces historiens, qui enseignent une discipline à la marge et très spécifique, sont assez mal connus des historiens plus classiques.

Cette conférence visait à montrer comment le contexte historique avait un impact fort sur le processus de la construction européenne. A la fin de son exposé, l'historien a essayé de lister les enjeux posés à l'Union Européenne actuellement. Certes, il en manque sans doute certains, comme le travail sur le niveau de vie et sur la répartition des richesses. Cependant, je livre ces cinq enjeux à ta sagacité et te propose, éventuellement, d'y réagir. Évidemment, il s'agit d'éléments pris en note, qui peuvent parfois avoir été un peu déformés.

Premier enjeu : la démographie. L'Union compte près de 500 millions d'habitants (contre 305 millions aux Etats-Uni), mais cela ne veut rien dire, car nous ne sommes pas dans la même dynamique démographique. Les Etats-Unis ont une fécondité de 2,1 enfants/femme et bénéficient d'une immigration forte. Par contre, l'UE a un véritable problème sur ce sujet. Les Etats-membres ont mis du temps à le considérer comme un problème, le Royaume-Uni s'opposant à l'intervention de l'Etat sur ce sujet et l'Allemagne rejetant une intervention publique sur la natalité à cause du passé nazi. Or, les pays de l'Est sont engagés dans une dynamique de vieillissement (1,3 enfants par femme en Pologne) et de dépeuplement. Des régions entières se vident complètement, comme l'Est de la Pologne.

Les autorités communautaires ont enfin pris conscience du problème, et le Parlement en a parlé en février 2008. Plusieurs axes d'action sont évoqués : une politique familiale (la France est considérée comme un modèle, avec un taux de fécondité à 2,0 enfants/femme), la question des retraites (le Parlement impose le recul de l'âge de la retraite, laissant aux Etats le soin de le faire passer aux opinions), la question de la politique migratoire. Chaque année, solde migratoire est positif de 2 millions d'habitants.


Deuxième enjeu : l'impact des déficits publics et le poids de la crise économique en cours. L'UE est confrontée à une extrême hétérogénéité de son territoire, qui est totalement inédite. La Pologne est à 56% du niveau de vie moyen européen, la Roumanie à 30%, la France à 106%, l'Irlande à 141%, le Luxembourg à 200%. Les fonds communautaires allant vers l'Est sont considérables (ils sont automatiques vers les régions à moins de 75% du niveau de vie). Combien de temps pourra-t-on assurer ce financement ??? On ne sait pas, ces régions ont connu une croissance du niveau de vie de 1%/an, ce qui pose de vraies questions sur un financement pérenne. L'historien estimait qu'il fallait donner uniquement aux États vertueux et sanctionner les pays corrompus comme la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce. La dette pose la question de la survie des fonds européens, et des manières de les financer.


Troisième enjeu : le traité de Lisbonne. Il reste la Pologne et la République Tchèque pour qu'il rentre en application.


Quatrième enjeu : les problèmes militaires. 21 des pays-membres sont membres de l'OTAN. La France a tout fait, durant les années 1990, pour empêcher cette évolution mais les autres ont souhaité la pérennité de l'OTAN. L'Europe de la Défense est donc une aberration politique et n'a plus aucun avenir en Europe. Verluise explique ainsi le choix de Sarkozy de retourner dans l'OTAN car il aurait intégré le fait qu'on ne pourrait pas construire une Europe de la défense en se proclamant en opposition avec l'OTAN. Le président souhaiterait la changer de l'intérieur.


Cinquième enjeu : la question de la Russie. Elle a réapparu avec Poutine sur la scène internationale, avec une volonté de s'affirmer en tant que grande puissance. La Russie a bénéficié de la stratégie américaine en Irak, entraînant la croissance des prix du pétrole et du gaz et un afflux de devises. Elle entend maintenant redevenir une puissance à travers l'énergie. Pour l'UE, c'est un gros problème. Les États-membres ont des visions très différentes : la France est positive à l'égard des Russes, l'Allemagne est sécurisée, selon elle, avec le projet de gazoduc signé par Gerard Schröder, les pays de l'Est sont très méfiants.


Sixième enjeu : la question des candidats à l'élargissement. La Croatie, la Macédoine, l'Islande et la Turquie sont candidates. Ces trois pays posent de gros problèmes. La Croatie est en conflit avec la Slovénie sur leurs frontières maritimes ; la Macédoine est en conflit avec la Grèce sur son nom même,la Grèce considérant que la vraie Macédoine se trouve sur son territoire ; la Turquie est rejetée par les opinions publiques, par la France et l'Allemagne et reste liée aux questions chypriotes et irakiennes ; l'Islande n'a jamais manifesté un ancrage européen fort et sa candidature relève davantage de l'opportunisme politique. Il semblerait que la Norvège soit en train d'évoluer aussi dans son positionnement à l'égard de l'UE.


Voilà, cher lecteur, quelques réflexions en vrac au fil d'une conférence. Qu'en penses-tu ?