Il faut absolument, cher lecteur gauchiste, que tu te passionnes de tout urgence pour le débat qui occupe en ce moment les États-Unis. Tu es sans doute au courant que Barack Obama essaie de faire passer un projet visant à mettre en place une offre publique d'assurance-santé. Attention, il ne s'agit pas de supprimer les assurances privées, mais de mettre en place un contrat public que le président américain veut utiliser pour obliger les assureurs privés, par le jeu de la concurrence, à être corrects avec leurs clients. Il s'agit aussi de permettre aux Américains n'ayant pas d'assurance de se payer une couverture. Dégager quelques points de PIB dans un pays en crise n'est sans doute pas absent dans l'esprit du président démocrate.
L'enjeu est considérable. N'oublions pas que les États-Unis consacrent chaque année 15% de leur PIB à la santé, soit quatre points de plus qu'en France. De plus, il faut mettre cela en proportion avec l'ampleur du PIB américain. Ces assurances privées distribuent des dividendes, et sont craintives car elles seraient obligées de réduire leurs marges pour pouvoir continuer à dégager les bénéfices existants pour les actionnaires. En ce moment, le lobbyisme est à l'œuvre, et on peut être sûr que les cadeaux pleuvent sur les parlementaires américains.
Cependant, lire les journaux américains sur le net est passionnant car cela montre comment ces lobbies tentent de convaincre les citoyens. En effet, et malgré tous les cadeaux, le sénateur et/ou le représentant doivent être sûr qu'un rejet du projet Obama n'entraînerait pas une défaite électorale au term suivant, qui aura lieu en 2010 pour les représentants en particulier. Les entreprises doivent donc convaincre les électeurs, qui se déplacent encore et qui ont élu Obama, que ce projet est le gros délire d'un président américain socialiste.
Il y a plusieurs types d'arguments qui sont mis en avant :
La première idée qui ressort est que la « médecine socialiste » est un échec cuisant. Les médias américains citent en général le Canada, mais ont aussi eu tendance à s'appuyer sur le cas britannique. C'est assez bizarre, car les statistiques de l'OMS, qu'on ne peut pas soupçonner d'être un refuge de gauchistes, indiquent que ces pays ont une santé bien plus performante que la santé américaine.
La deuxième idée est l'argument du coût. Celui-là, on le connaît bien (nos libéraux français n'arrêtent pas de l'utiliser) mais là encore, les statistiques démontrent qu'à résultat moins bon, la médecine américaine coûte plus chère (15% du PIB contre 10% en moyenne dans les pays développés). C'est assez cohérent, puisque les entreprises qui assurent le financement doivent non seulement payer les soins mais dégager des profits en plus pour rémunérer leurs actionnaires, charges que les systèmes publics occidentaux n'ont pas à assumer.
Le troisième concept reste l'individualisme, pilier de la mentalité américaine : « vous n'allez quand même pas payer pour votre voisin ! » Le résultat est une société qui existe de moins en moins, et où l'autre devient toujours un ennemi potentiel qui risquerait de profiter de vous, permettant finalement à quelques-uns d'accumuler plus que les autres...
Suivons, cher lecteur, ce débat avec attention. De loin, et en lisant des médias très engagés, il est impossible de déterminer qui va l'emporter. Cependant, une victoire d'Obama serait un signal extrêmement fort pour l'ensemble de nos pays, avec un retournement idéologique considérable. Or, qu'en pensent les Américains ? S'il y a bien une chose que la lecture de la presse américaine ne permet pas de déterminer, c'est bien ça ! Dans une démocratie censée être mature, ce n'est pas vraiment rassurant...
PS : ce matin est arrivé en kiosque un Courrier International principalement consacré à cette question.
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