jeudi 30 avril 2009

Les syndicats français souffrent de l’état désastreux de l’ensemble de la gauche française (et internationale).

Hier, cher lecteur, je te faisais part de mes doutes concernant la manifestation de demain. Pour moi, cette manifestation, dernier développement des mouvements de janvier et de mars, est l'aboutissement d'un processus qui illustre la décomposition avancée de nos organisations syndicales.

Regardons un peu la situation. Je suis, cher lecteur, enseignant depuis huit ans maintenant. J'en ai fait, des grèves et des manifs, à tel point que je suis incapable de t'en dire le nombre exact. En tout cas, j'y ai mis des centaines d'euros. Tout cela pour quoi ? Depuis 2001, le syndicalisme enseignant n'a remporté aucune victoire significative. En 2003, nous avons fait une grève très dure et très longue. Personnellement, j'ai perdu un mois de salaire sans aucun résultat positif. Depuis, nous allons de journée de grève en journée de grève. Nous avons eu 0,5% d'augmentation par ci, 0,8% par là, mais nous avons été incapables de bloquer les suppressions de postes et l'évolution libérale de l'offre éducative.

Pour les mouvements interprofessionnels, les résultats sont similaires. Certes, il y a bien eu la victoire contre le CPE, mais je reste convaincu qu'elle est davantage le résultat de la défaite politique de Dominique de Villepin contre Sarkozy que de l'ampleur des manifestations. A part ça, depuis 1995, je ne vois rien, absolument rien de positif qui ait été obtenue par la lutte sociale.

Souvent, on lit que ces échecs sont liés à la division du syndicalisme français. On met aussi en avant le fait qu'un syndicat unique rendrait de bien meilleurs services aux salariés. L'histoire démontre pourtant le contraire. Le Royaume-Uni est dominé par un syndicat, le Trade Union Congress, qui a été incapable d'appuyer la grande grève des mineurs de 1983 et de bloquer les réformes néolibérales de Margaret Thatcher. Aujourd'hui, le mouvement syndical anglais est moribond et la situation des pauvres et des classes moyennes de ce pays s'est largement dégradée. En France, on a fait un peu mieux avec des syndicats divisés. Après tout, cet éclatement illustre la situation idéologique actuelle du paysage idéologique syndical français (en particulier la différence entre syndicalisme révolutionnaire et syndicalisme réformiste) et est aussi un gage de démocratie : le salarié a le choix et peut aller où bon lui semble selon ses convictions.

Le problème est bien davantage lié à la crise idéologique que connaît le syndicalisme, comme d'ailleurs l'ensemble des mouvements progressistes, depuis la dépression des années 1970 et les succès idéologiques de la droite néolibérale. Nous souffrons d'un manque de courage certain, de difficultés à sortir des modèles marxistes-léninistes et à rénover nos idées, d'absence d'une perspective politique crédible, et d'une dégradation des conditions de travail des salariés qui a affaibli les mouvements sociaux. A ce jour, les syndicats, enseignants et/ou autres, n'ont pas été capables de mener le travail nécessaire et se sont embourbés dans la gestion et l'accompagnement du mécontentement.

Les mouvements récents en sont la démonstration. Le contexte de crise a fait croître les contestations. L'échec du modèle néolibéral de croissance par la dette a subi un el camouflet que le contexte est idéal. Or, les centrales parviennent à se mettre d'accord sur un appel mou pour le 29 janvier, histoire d'occuper le terrain. Surprise : l'action est un succès ! Devant cette attente des travailleurs, les syndicats mollassons sont obligés de rappeler au 19 mars, avec un nouveau succès. Or, comme on ne sait pas quoi faire de cela, on parvient à un appel unitaire unique dans l'histoire, mais qui devrait s'arrêter là. Certains évoquent un nouvel appel le 19 mai mais sans grève. A l'évidence, les centrales sont démunies et craignent qu'un mouvement les déborde, sans aucune suite possible.

Pourtant, l'attente existe chez les salariés et elle est forte. Dans les mouvements en cours localement, les représentants syndicaux jouent un rôle positif. Les Français manifestent massivement et les syndicats conservent malgré tout une bonne image, bien plus que les partis. Le mouvement social a remporté dans le passé de réels succès. Les Français sont en attente d'une alternative autant sociale que politique.

C'est donc à nous, à gauche, de faire des efforts, de proposer, de déconstruire les discours de nos adversaires, de montrer que nos propositions valent le coup d'être tentées. Il ne faut surtout pas renoncer.

Et demain, on va montrer au gouvernement et au patronat qu'on veut autre chose. Cela ne va peut-être pas avoir de résultats tangibles de suite, mais une chose est sûr : ça défoule !

PS : rendez-vous, pour les Parisiens, à 14h30 à Denfert-Rochereau. La manifestation empruntera le boulevard Denfert, le boulevard Saint-Michel, le boulevard Saint-Antoine, la rue de Rivoli et s'achèvera à la Bastille.

mercredi 29 avril 2009

Manifester le 1er mai or not ?

Cher lecteur, je sais que tu es en ce moment en train de constituer tes stocks de tamiflu, mais je te rappelle que ce vendredi 1er mai (j’en ai déjà parlé), les grandes centrales syndicales nous appellent à manifester, plutôt que de nous rendre à la campagne (avec un masque de protection bien sûr). Lors des derniers grands mouvements, j’ai affiché un soutien indéfectible à nos syndicats. Cependant, aujourd’hui, je doute…

A la base, on pouvait se satisfaire de ce nouveau mouvement. D’abord, il réunit l’ensemble des syndicats importants, ce qui, en France, est en soi un tour de force. Ensuite, il se place dans la continuité des deux grèves déjà effectuées en janvier et en mars, et qui ont été des succès. En plus, de nombreux manifestants, que l’on ne voyait plus dans les cortèges depuis des années, ont rejoint les habituels fonctionnaires qui se permettent d’habitude ce type d’action. Dans ce cadre, une manifestation le 1er mai peut apparaître cohérente, vu qu’elle permet à des gens pour qui la grève est une grande difficulté, de se rallier. Elle autorise aussi les Français à manifester leurs soutiens à des actions en cours comme à l’université ou dans les services hospitaliers.

Pourtant, il y a, à mon sens, une énorme faiblesse à cette action : les suites ! En effet, que va-t-il se passer derrière ? On va manifester bien gentiment, derrière nos syndicats et leurs banderoles. Et ensuite ? Lundi, on reprendra le travail, avec en perspective une éventuelle nouvelle manifestation, avec peut-être une grève, à la moitié du mois de juin. Qu’en retirera-t-on ? Certes, le gouvernement verra que la population est mécontente, mais jusqu’à ce jour, on ne peut pas dire que ces grandes manifestations aient eu un quelconque impact sur la politique menée par Nicolas Sarkozy. Le plan de lutte contre la crise n’a pas réellement été modifié. Les quelques annonces factuelles restent sans réponse. Il est amusant de voir que le MEDEF ne parvient toujours pas à mettre en place sa commission éthique sur les rémunérations, pourtant réclamée à corps et à cris par nos autorités.

Qu’aurait-il fallu faire ? Déposer, dans la suite de cette manifestation, un préavis de grève, sans limite de durée, par exemple à compter de lundi 3 mai, et voir si cela pouvait prendre ou non, avec des revendications claires. Malheureusement, la volonté des syndicats de trouver des accords entre eux, mais aussi leur absence de propositions solides face à la crise les empêchent de proposer quoi que ce soit. On est pas près, avec ce type de situation, de remettre en forme le mouvement syndical en France.

J’irai donc manifester vendredi (j'aime toujours autant cet acte social et politique), mais sans réelle illusion. Il est dommage que nos syndicats se contentent de faire de l’accompagnement de la contestation, sauf dans quelques cas locaux. Cela risque de raidir la base, et de susciter des mouvements violents si jamais un mouvement d’ensemble démarre sans nos organisations…

mardi 28 avril 2009

Interruption momentanée du service : non, je ne reviens pas du Mexique.

A nouveau, cher lecteur, me voici privé de blogage du fait de mon installation internet. Cette fois-ci, c'est ma box ADSL qui a brusquement décidé qu'elle ne voulait plus vivre. En rentrant du boulot hier soir, je l'ai trouvé agonisante sur son bureau, tous feux éteints.

Normalement, j'aurai une nouvelle boite demain soir. Cependant, comme je serai à la République des Blogs, en train d'écouter Jean-François Kahn ou de me disputer avec quelques blogueurs à la dent dure, il y a des risques que je ne revienne pas avant jeudi sur les blogs, sauf en prenant quelques minutes au boulot. Aussi, cher lecteur, je te demande un peu d'indulgence, si tu me laisses des commentaires. Je répondrais dès que je le pourrais.

Bien sûr, tu peux toujours aller consulter les Gueules. Aujourd'hui, Manuel s'énerve contre le traitement médiatique de la grippe porcine.

Sinon, je te propose aussi de faire le petit test sur les élections européennes déniché par Romain et Nicolas. Il m'a situé quelque part entre le PS et les Verts. Il faudra que je consacre quelques billets à ce scrutin dans les prochains jours.

A demain !

lundi 27 avril 2009

Aux Lilas, l’église va tomber.

Depuis plusieurs années, une polémique occupe la ville des Lilas, où j'ai la joie d'habiter. Il s'agit de la situation de l'église. Je vais pourtant revenir au plan local et me détacher de mes grands sujets habituels.

Et pourtant… L'église des Lilas (consacrée à Notre-Dame du Rosaire) n'est pas un bâtiment particulièrement remarquable. Elle a été construite en 1887, pour être provisoire. Cependant, comme dans de nombreux cas, le provisoire est devenu permanent. Et aujourd'hui, l'église est dans un sale état. De plus, elle est localisée dans une petite rue de la ville, la rue Jean Moulin, et n'est donc pas facilement repérable par les passants.

En 2002, la ville, propriétaire du bâtiment depuis 1905, suite à la loi de séparation de l'Église et de l'État, a lancé une étude pour détruire l'église et en construire une nouvelle qui doit marquer le rajeunissement de la commune. Cette construction prend place dans d'importants projets immobiliers dans la zone, et marque aussi l'arrivée au pouvoir de la gauche, dans un vieux fief de la droite en région parisienne.

Entre 2002 et aujourd'hui, les conflits politiques ont été nombreux : la droite et la gauche se sont écharpés sur ce projet, la gauche a aussi beaucoup discuté en interne (cela vaut-il la peine de mettre autant de moyens dans cette nouvelle église ?), des croyants attachés au lieu ont essayé de défendre l'idée d'une rénovation plutôt que d'une démolition. La municipalité a été obligée de publier un important dossier sur le site internet de la ville et de consacrer à plusieurs reprises des numéros du canard municipal à ce sujet, voulant montrer que le projet valait le coup d'être mené, avec le soutien mesuré du prêtre de la paroisse. Les Lilas ont ainsi la gloire d'accueillir la première église de Seine-Saint-Denis bâtie au XXIe siècle et c'est une mairie de gauche qui le dit !

Au départ, je ne m'étais pas particulièrement intéressé à cette affaire, dont je trouvais le retentissement disproportionné par rapport à d'autres questions concernant la vie de la commune. Les travaux sont nécessaires : j'ai beau ne pas porter les catholiques dans mon cœur, je ne leur souhaite pas de finir sous les toits de leurs églises. Seul le prix de la nouvelle construction (2 millions d'euros) peut réellement être critiqué, mais je préfère autant que ce nouveau bâtiment porte quelque chose de moderne et fasse du bien à cette ville, plutôt que de construire un machin sans aucun intérêt. Une église dure longtemps, et autant ne pas supporter un bâtiment infâme juste à côté de chez nous.

Pourtant, la démolition a commencé par les bâtiments annexes. Je ne suis lilasien que depuis cinq ans, mais j'ai ressenti une réelle émotion, ce qui n'avait pas été le cas pour les constructions alentours. C'est là qu'on voit poindre les symboles qui structurent notre espace géographique. On est élevé dans le fait que l'église est un lieu marquant de la vie d'une communauté. Même si celle-là n'a pas grand intérêt, on s'attache rapidement à ce lieu symbolique. Dans de nombreuses villes, l'église est un point de repère de l'espace vécu, et symbolise l'existence de la communauté, même si on n'est pas croyant. Aux Lilas, c'est la mairie, situé à un important carrefour routier, qui tient ce rôle de point de repère spatial. Un autre symbole pourrait être la redoutable tour du fort de Romainville, mais je ne peux pas dire que j'y sois vraiment attaché…C'est là tout le défi de reconstruire un bâtiment pareil : nos concitoyens y tiennent. Si on fait une construction infâme, tout le monde en souffre.

En tout cas, en tant que bon gauchiste estampillé, je m'étonne toujours autant de cette mélancolie que je ressens en passant devant l'église encore intacte… Sans doute mon côté conservateur qui fait tinter sa petite clochette.

samedi 25 avril 2009

Bénévole dans l’humanitaire : pour quoi faire ?

Aujourd'hui, cher lecteur, je vais te parler un peu de moi, et de quelques expériences. L'envie m'est venue en entendant Éric Besson parler des humanitaires qui assistent les sans-papiers, puis en lisant ce billet de Maître Eolas.

Il y a dix ans, je me suis engagé dans une grande association humanitaire. J'en tairais le nom, d'abord parce que j'en suis encore membre et que je suis tenu au devoir de réserve dans les médias, et ensuite parce que ce billet ne la concerne pas directement, mais est consacré à l'ensemble de ces organisations. J'admets que je n'arrive plus à démêler les raisons qui m'ont poussé dans cet engagement-là. D'abord, je sortais d'une histoire sentimentale assez complexe, qui m'avait donné envie de changer d'air et de faire quelque chose de différent. Ensuite, la notion d'engagement me fascinait du fait de mon grand intérêt pour la politique, mais je ne parvenais pas à me décider à me lancer là-dedans, ce que je n'ai toujours pas fait, malgré les grands événements de ces dix dernières années. L'association était un bon compromis, qui m'engageait, mais pas trop. Enfin, l'un de mes plus proches amis se trouvait déjà dans cette organisation (non, il ne s'agit pas d'une des deux gueules…).

J'ai travaillé à différentes actions humanitaires, avec différentes responsabilités. J'y ai rencontré la misère et ai pu me confronter avec les aspects violents de notre société, j'y ai appris à mener des projets, à gérer des équipes, à affronter la redoutable problématique du financement, et, tant bien que mal, à communiquer avec mes semblables. Cette association m'a aussi permis de rencontrer le monde politique directement, avec de bonnes et de mauvaises surprises.

Durant ces dix années, j'ai été assez fasciné par les motivations qui poussaient des individus, sans raison apparente, à passer des heures à se consacrer aux situations les plus difficiles, sans aucun profit ostensible. J'ai toujours eu tendance à croire qu'on n'entreprenait rien sans y trouver quelque chose, un intérêt individuel, qui s'enfouit dans le parcours personnel de chacun. C'est déjà le cas dans les études, puis dans la vie professionnelle, mais la survie joue aussi un grand rôle là-dedans. On travaille, même si on y prend plaisir par ailleurs, pour un revenu.

Dans une association, pas de ça. Il est clair que tu ne toucheras pas un kopeck, mais qu'en plus, cher lecteur, tu donneras beaucoup, parfois de l'argent et systématiquement du temps. Or, le temps est une richesse tout aussi importante que l'argent, même si notre société ne valorise plus du tout cet aspect de la vie. A certains moments, j'ai consacré près de 500 heures par an à cette association, ce qui représente 14 semaines de travail à 35 heures, ce que j'aurai jamais fait au boulot. En tant que prof, je suis particulièrement attaché à ce qui est sans doute l'un de mes deux seuls vrais privilèges : un temps libre important pour organiser mon travail comme je l'entends.

De plus, je pensais naïvement trouver dans cette association des gens plutôt aisés, et traversés par la culpabilité de leur richesse. La réalité est tout autre : beaucoup de bénévoles ne sont pas plus riches que les gens qu'ils soutiennent, et nous avons parfois dû nous-mêmes assister des bénévoles de notre propre équipe.

En discutant, assez systématiquement, avec mes collègues, j'ai pu repérer des discours qui reviennent assez souvent et qui justifient finalement cet engagement dense et lourd. C'est d'abord la solitude qui revient, et la volonté forte de la briser autour d'un projet. C'est ensuite l'envie de tromper un quotidien pénible : j'ai entendu plusieurs fois des bénévoles me dire qu'ils étaient mieux là qu'à la maison avec bobonne, et qu'au moins, ils faisaient quelque chose d'utile et ne passaient pas leurs temps à s'astiquer le poireau tous seuls dans leurs coins. Certains sont incapables de verbaliser les causes de cet investissement : parfois, on les devine, mais pas toujours, et ces bénévoles-là sont d'autant plus mystérieux. D'autres cherchent une réalisation sociale et une fierté d'eux-mêmes qu'ils n'ont pas trouvées ailleurs. Enfin, il y a les vrais, les exaltés, ceux qui y croient et qui pensent qu'ils vont enfin changer le monde : ils font beaucoup, très vite, puis s'arrêtent tout aussi vite, quand ils ont compris que les petites victoires du quotidien ne changent rien. On ne fait qu'accompagner la misère et essayer de la rendre supportable (quoique…), on ne la traite pas.

Cette dernière catégorie devrait être une composante majoritaire du monde des bénévoles, mais ce n'est pas le cas, parce qu'ils ne tiennent pas longtemps et papillonnent entre les différentes organisations. Les autres tiennent, s'investissent, supportent et font un boulot que le pouvoir politique n'a jamais affronté réellement, par idéologie ou par démission.

Pourtant, je me suis souvent dit que, d'une certaine manière, ces organisations entretenaient le système, car en le rendant un peu moins inique, elles l'aident à survivre. Là-dessus, je ne parviens pas à me positionner réellement. Les SDF vivraient-ils plus ou moins mal sans nous ? Je suis incapable de te donner une réponse, mais ce qui est sûr, c'est qu'ils meurent toujours bien avant les autres, quoi que nous fassions, avec nos petits bras…

vendredi 24 avril 2009

Les ondes sont sinusoïdales…

J'ai été taggé par LOmiG dans une chaîne sur le Grenelle des ondes qui feraient mal à la tête, avec une kyrielle de blogueurs de tout bord. J'admets que le sujet ne me passionne guère, d'abord parce que le principe de précaution pose de multiples problèmes d'interprétation, et ensuite parce que je n'ai pas le niveau scientifique pour y répondre.

Je voudrais d'abord commencer par dire à quel point ce nouveau Grenelle ressemble à une belle opération de manipulation visant à exploiter l'angoisse de nos concitoyens, et ce d'autant plus que les scientifiques boycottent la réunion. En effet, à ce jour, il n'y a pas d'étude scientifique démontrant réellement les dangers des téléphones portables et des antennes-relais. Cependant, il est évident qu'un doute subsiste, et de nombreuses associations luttent sur cette question. Apparemment, un rapport devrait être rendu en septembre. En attendant, les associations demandent un moratoire sur les antennes-relais.

Il est intéressant de constater que l'OMS elle-même semble considérer que nous ne sommes pas face à un réel danger. L'organisation demande qu'une zone soit sécurisée autour des antennes-relais à 5 m de distance. Concernant les téléphones eux-mêmes, elle considère que l'échauffement est régulé par le corps et ne peut prouver d'effets. Cependant, elle conseille tout de même d'utiliser les oreillettes, celles-ci éloignant le mobile du cerveau. Finalement, en consultant le site, on a presque l'impression que le réel problème réside dans l'utilisation des mobiles au volant et dans les hôpitaux, pour des raisons différentes d'ailleurs. Concernant les cancers, rien n'est prouvé, mais il est à craindre qu'on doive attendre 50 ans avant de détecter réellement quelque chose.

Une question me traverse cependant : et s'il y avait un danger, arriverait-on à se passer des mobiles ? Manuel se posait justement la question ce matin. Personnellement, je pense qu'il faut doser le risque. Si on nous dit qu'il ne faut pas s'exposer plus de tant de temps par jour et qu'on nous indique un risque de maladie, on pourra toujours s'adapter. Si on nous dit de stopper, on arrêtera. Cependant, vu les enjeux économiques, il va falloir un réel rapport vraiment menaçant pour que les autorités se décident à bouger.

Le problème du principe de précaution est là : il ne faut pas que nous fassions n'importe quoi, mais il ne sert à rien d'interdire des choses si le risque n'est pas systématique. L'important est de donner aux individus les informations pour qu'il puisse évaluer son niveau de risque de manière éclairée. Sinon, on risque bien de tomber dans le dogmatisme et de s'interdire de nombreuses actions. Attendons donc le rapport de septembre, et pourquoi pas le moratoire en attendant. De toute façon, vu la couverture du territoire, cela ne changera pas grand-chose...

Dans le genre, les OGM me paraissent poser bien plus de questions, mais là encore, je ne suis pas scientifique…

Les autres billets sur le sujet : Nicolas a fait deux billets sur le sujet, l'autre Nicolas, Le Chafouin,

Les ouvertures américaines vers Cuba et le Venezuela : espérons que cela aille plus loin.

Cela est passé assez inaperçu dans la blogosphère, mais la semaine dernière, Barack Obama a commis deux gestes qui méritent d'être relevés. Tout d'abord, il a manifesté une ouverture nouvelle envers Cuba, puis a serré la main d'Hugo Chavez, montrant sa volonté de détendre des relations crispées avec le Venezuela. Voilà donc le président américain tentant de nouer le dialogue avec les frères idéologiques de l'Amérique latine, figures de proue de l'antiaméricanisme. Pourtant, il me semble qu'on n'est pas là du tout face aux mêmes enjeux et aux mêmes questions.

Le blocus de Cuba a commencé au tout début des années 1960, après la victoire des révolutionnaires de Fidel Castro et de Che Guevara contre la dictature de Batista, puis la crise des missiles. Sa justification était basée sur les volontés de nationalisations des propriétés américaines sur place. Très vite, les Cubains se sont tournés vers l'URSS, seul État capable de concurrencer la puissance américaine. Pendant la Guerre Froide, Cuba a donc survécu sous perfusion soviétique. L'effondrement de l'URSS a complètement isolé l'île, où le régime se maintient par un discours nationalisto-communiste et de victimisation face à l'infâme blocus américain. Or, l'arrivée de Chavez au pouvoir au Venezuela a donné un peu d'oxygène au régime cubain. Aujourd'hui, le blocus se justifie-t-il encore ? Déjà, il ne se justifiait pas au départ puisque seule l'ONU a le droit de mettre en place un blocus. A mon sens, il va aujourd'hui à l'encontre des intérêts américains. C'est en ouvrant à nouveau l'île aux échanges internationaux qu'on donnera le coup de grâce à une dictature qui ne tient que grâce à cette fierté du peuple cubain. Rien ne dit que ce qui succédera aux Castro sera meilleur, mais au moins, on améliorera un peu l'ordinaire des Cubains. On peut juste espérer que les Cubains préserveront les importantes conquêtes sociales de leur pays en mettant en place la démocratie : rien ne les oblige à faire ce qu'on fait les Russes au début des années 1990.

Le Venezuela n'a rien à voir avec le cas cubain. Chavez est arrivé au pouvoir par les urnes et est parvenu à s'y maintenir en développant d'importants programmes à destination des plus pauvres, dans un pays où les inégalités sont énormes. Il a profité au maximum de la manne pétrolière du pays pour développer ces actions, mais aussi de l'aide des importants contingents de médecins cubains. Cette position de pays pétrolier, avec pour client numéro un les États-Unis, lui a permis à la fois d'être très violent avec les Américains tout en continuant à faire des affaires avec eux. Aujourd'hui, le régime de Chavez ne se porte pas très bien. Le général s'use progressivement et ne se maintient que parce que les classes populaires craignent un abandon des programmes sociaux et de redistribution des richesses s'il venait à s'en aller, crainte, vu les pratiques antérieures des élites vénézuéliennes, qu'on peut trouver tout à fait justifiées.

Les États-Unis sont face à des États très différents, à propos desquels deux politiques pourraient être envisagés :

  • Pour Cuba, une levée de l'embargo est une nécessité, d'autant plus que ce blocus ne se justifie plus par le contexte international. Il est anormal qu'un pays puisse mettre sous embargo un autre pays sans aucun contrôle des instances internationales. De plus, je suis sûr que rouvrir Cuba est un excellent moyen de faire chuter, à terme, la dictature cubaine.
  • Pour le Venezuela, la situation est différente. Le pays est une démocratie, son président a gagné des élections à plusieurs reprises. La moindre des choses pour les grandes démocraties est de respecter ce choix des Vénézuéliens, quand bien même les programmes chavistes exaspèrent les capitalistes de tout poil. Nous devons pourtant rester vigilants à l'évolution du régime. Si Chavez remet en cause la démocratie, nous devrons clairement nous positionner à l'encontre du régime.

On ne peut donc que saluer les actes de Barack Obama, et on ne peut que souhaiter qu'il poursuive ces ouvertures, même en allant contre les lobbies réactionnaires de son pays qui ne doivent pas manquer de l'attaquer en ce moment.

mercredi 22 avril 2009

Demain, cher lecteur, un an se sera écoulé…

En avril 2008, je me trouvais chez ma sœur, qui habite la lointaine Amérique. Nous devisions tranquillement de son site littéraire et de mon ancien blog, très confidentiel.

Ma sœur et mon beau-frère commencèrent à m'expliquer à quel point je pourrais prendre du plaisir et débattre avec de nombreux lecteurs si j'osais me lancer vraiment sur un blog à large audience, comme Blogger le permet. Après quelques jours de mûres réflexions, je me connectais sur Google et générais ce blog que tu es en train de lire, avec un premier billet qui traitait, et cette première fois sera vite coutume, de la question de l'Éducation nationale, publié depuis la belle ville de Boston. Ainsi, les Privilégiés commençaient leurs carrières.

En parcourant rapidement la liste des 336 billets postés cette année, j'ai l'impression que ces textes, de qualité diverse et au succès très variable, ne m'appartiennent plus, qu'ils vivent maintenant, grâce à Google, une vie autonome et déconnectée de ma personne. Évidemment, je pourrais détruire le blog un jour, ou modifier les billets, mais les textes continueraient à vivre, grâce à la mémoire du réseau mondial...

Depuis, ce blog a poursuivi son chemin, grimpant dans le Wikio mais avec une audience encore assez réduite, en tout cas à mon goût. Le travail se poursuit donc.

En un an, près de 12 000 visiteurs uniques absolus sont passés par ici. En cette belle journée, je souhaitais remercier les dix blogs qui m'ont amené le plus de visiteurs durant cette année, et vous inviter, cher lecteur, à les consulter régulièrement :

  1. Avec nos gueules…
  2. L'Inositol.
  3. Partageons mon avis.
  4. Expression libre.
  5. Marc Vasseur.
  6. Criticus.
  7. Bouche de là.
  8. Rubin Sfadj.
  9. Humeurs de Vaches.
  10. Didier Goux prend ses aises.

Merci de ta fidélité, cher lecteur, et en route pour une nouvelle année.

PS : le 23 avril au soir, je serai à la Comète, sans doute avec Fabrice, pour fêter cet anniversaire. Nicolas fêtera lui aussi le sien (pas celui de son blog, son vrai anniversaire). Si vous souhaitez venir, l'inscription se fait ici.

mardi 21 avril 2009

Le 21 avril 2002, j'étais...

Je vais ce soir reprendre au bond une perche tendue par Juan pour mon article du jour. Aujourd'hui, nous fêtons, si on peut dire, un important anniversaire politique. Il y a 7 ans, Jean-Marie Le Pen accédait, dans la stupeur générale, au second tour de la présidentielle. Le leader du FN avait bénéficié, à la fois des faiblesses de Lionel Jospin mais aussi d'une campagne sécuritaire sur laquelle les médias n'avaient cessé d'insister. Tout le monde se souvient, quelques heures avant le premier tour, de l'agression d'un homme âgé à Orléans qui était passé en boucle sur toutes les chaînes.

C'était ma première élection présidentielle. En 1995, j'étais trop jeune de quelques semaines pour pouvoir m'exprimer. Passionné de politique comme je le suis, j'avais été assez déçu par la campagne électorale, alors que j'étais convaincu que le leader du PS ne pouvait que l'emporter.

Pourtant, pour ce premier tour, je n'ai pas voté. En fait, j'ai bien voté, mais par procuration, car je me trouvais dans les Alpes, en train de suivre depuis 4 jours une formation pour une grande association dont je suis membre. J'étais déconnecté de la campagne, et je n'avais pas suivi les inquiétants revirements des sondages. Vers 19h50 (nous sortions de table), on nous a ouvert un salon où se trouvait une télévision. Je me souviens encore de la tête déconfite de PPDA, et je me rappelle m'être dit que cela devait être assez positif pour la gauche. Et puis, les visages sont apparus.

La salle est devenue atone. Les chocs étaient nombreux : une abstention record, les extrêmes à 30% des voix, le leader de la gauche éliminé et Le Pen tenant, quelques minutes plus tard, un discours d'un triomphalisme vraiment baroque. Je me souviens être sorti de la salle et m'être jeté sur mon téléphone, appelant les membres de ma famille, mes amis à Paris (sauf Manuel qui était à l'étranger à ce moment-là), pour savoir comment cela se passait. Bizarrement, j'ai été très inquiet pour mes proches, imaginant des mouvements de foules et des débordements. Inquiétude inutile, il n'y a quasiment rien eu.

Très vite, dans mon stage, les discussions ont débutées, entre des gens qui ne se passionnaient pas particulièrement pour la politique. Nous nous sommes demandés combien Le Pen réunirait de votants en second tour. Les estimations les plus folles ont émergé : un collègue bénévole donnait le FN à 40% au second tour, et les autres paniquaient autour de lui. Personnellement, je ruminais, me jurant que ça y était, dès mon retour à Paris, je m'engageais en politique. Je ne l'ai pas fait depuis, c'était simplement l'ambiance du moment.

Finalement, je suis rentré à Paris deux jours plus tard, surpris de la tranquillité de la ville. Rien n'avait bougé, en apparence, et la vie poursuivait son cours. Seule la manifestation du 1er mai allait remuer les choses.

Il y avait pourtant une chose qui avait complètement changé : la France représentée par nos médias n'était plus la même. Brusquement, la délinquance avait disparu, tout le monde s'aimait, les petits vieux pouvaient aller faire leurs courses tranquillement. Quant au papi d'Orléans, il avait disparu brutalement des écrans. Le Pen avait rendu la France belle médiatiquement, avec le merveilleux Jacques Chirac pour la sauver de la catastrophe à venir si le leader frontiste l'emportait.

Bon, cela n'a pas duré. Dès le second tour passé, avec l'arrivée de Sarkozy à l'Intérieur, la France redevenait terre d'insécurité, mais d'une insécurité en baisse. Comme quoi, la France perçue s'adapte bien au contexte politique…

lundi 20 avril 2009

Quand le con de Parisien se retrouve dans un bistro en province.

Avec la Privilégiée, je me suis trouvé, la semaine dernière, dans un troquet de Nantes pour manger. Nous attendions tranquillement au bar de pouvoir obtenir une table. A côté de nous, la barwoman parlait avec un trio, deux jeunes femmes et un jeune homme, qui étaient en train d'effacer leurs ardoises. Ces trois jeunes étaient apparemment originaires de la proche Vendée et évoquaient les raisons de leur présence à Nantes.

Le jeune homme expliqua :

  • « On est juste venu passer le week-end à Nantes. En ce moment, en Vendée, c'est pénible, il y a plein de touristes, et les routes sont surchargées.
  • Ben, ce sont les congés en ce moment. Ici aussi, il y a pas mal de monde, mais pour le café, c'est bien, et avec la crise en plus, ça aide…
  • En tout cas, renchérit le garçon, les routes sont pleines. Nous, nos lourds, ce sont les habitants du Maine-et-Loire. Dès que le soleil arrive, ils déboulent sur les plages. Et franchement, quand ils sont sur la route, c'est chiant.
  • Ce sont un peu vos Parisiens, quoi, répondit la barwoman.
  • Euh, non, les Angevins, ils sont pires, parce qu'ils conduisent lentement. Les Parisiens font n'importe quoi, mais au moins, ils roulent vite. Ils sont toujours pressés, eux. On a l'impression qu'ils ont un rendez-vous en permanence, même quand ils vont à la plage.
  • C'est vrai, ça, s'exclama la barwoman. Vous savez, il y a un mois, j'étais à Paris…
  • Oh… » disent les trois jeunes interloqués.

Bon, là, je fais une pause. A chaque fois que je me rends hors de l'Île-de-France, je m'étonne toujours de voir que bon nombre de nos compatriotes n'ont jamais mis les pieds dans la capitale. C'est là que je réalise à quel point les Parisiens sont centrés sur eux-mêmes et oublient qu'il y a un pays autour d'eux qui vit très bien sans eux.

Enfin, reprenons :

  • « Et donc, je me suis rendu à Paris pour voir un ami, qui travaille dans un bar sur place. Je ne vous dis pas comment les clients sont durs à Paris, et… »

Une nouvelle pause, car je me suis demandé si ce barman ne travaillait pas au Kremlin-Bicêtre avec Didier, Tonnégrande et Nicolas, mais enfin…

  • …j'ai pris le métro !
  • Oh ! Cette fois-ci, les trois sont fascinés.
  • Donc, je monte dans le métro, et nous faisons notre parcours. Lorsqu'on arrive dans la bonne station, mon ami descend, et, je n'ai même pas le temps de me retourner que la porte est déjà en train de se refermer après une sonnerie très courte, et mon sac à main se retrouve coincé ! Il a fallu qu'un homme nous aide pour que je puisse dégager ma poche !
  • Ah ouais, le métro, c'est trop dur. Déjà que le tram ici, c'est la jungle…
  • On se demande vraiment comment les Parisiens font pour supporter ça ! » conclut l'une des deux jeunes filles vendéennes.

Comment on fait pour supporter cette vie, cher lecteur de nos régions ? Eh bien, on est habitué, mais on est plus fatigué aussi, tout simplement.

Ségolène et Nicolas, glorioles de notre belle France…

L'avantage, quand on part quelques jours en vacances sans aucune connexion internet possible, c'est qu'on se coupe totalement des remous souvent violents de la blogosphère pour se reposer et essayer de prendre un peu de recul. Durant ces cinq jours, je n'ai eu que deux moyens de consulter un peu l'information : l'écoute de la radio dans notre voiture durant les trajets et la lecture irrégulière de journaux, qu'ils soient nationaux ou locaux.

Certes, j'ai entendu un peu parler de la polémique entourant les excuses de Ségolène Royal, nouvelle stratégie développée pour tenter de faire parler un peu d'elle. Ce qui est intéressant, c'est que l'ancienne candidate à la présidentielle n'a pas varié d'un pouce depuis 2007 : elle considère que l'attaque massive est son seul moyen de parvenir à percer un peu le consensus mou de la sphère médiatique autour de Nicolas Sarkozy et de sa politique. Sur ce point, on peut dire que cela fonctionne, puisque Ségolène parvient à effacer à la fois l'ensemble des leaders du PS et à émerger comme la seule leader politique prête à se confronter à Sarkozy. J'avais d'ailleurs moi-même déploré que le PS ne réagisse pas davantage au scandaleux discours de Dakar, et il est dommage qu'on ait dû attendre deux ans pour avoir quelque chose.

Cependant, cette stratégie amène aussi à en faire trop. Après Dakar, Ségolène va être obligé de s'excuser pour tout et n'importe quoi pour parvenir à rester la tête hors de l'eau. Pourtant, il se passe tellement de choses qui mériteraient que les leaders socialistes s'expriment et fassent des propositions : il y a les élections européennes (dans un peu plus d'un mois, je le rappelle), l'évolution de l'économie, le projet d'Eric Besson proposé aujourd'hui, la loi HADOPI, les résultats du G20 et du sommet de l'OTAN… Si les excuses à Dakar pouvaient avoir un sens, celles à Zapatero ne servent apparemment à rien, et, en tout cas, ne servent pas Ségolène Royal.

Ce que je trouve redoutable, c'est que mes camarades blogueurs ont repris, relativement à l'unisson, la polémique sur ce point. Eric nous posait la question de notre rapport avec les médias : il est évident que le blogueur est dépendant des médias à la fois sur deux choses : il en tire une bonne partie de son information et il réagit aux polémiques pour espérer s'attirer un peu d'audimat par un article qui parle du même truc que tout le monde mais avec un point de vue un peu différent. Je m'en suis très bien rendu compte avec cet article sur Philippe Val, dans lequel, sans le vouloir, j'ai appliqué cette stratégie.

Au final, cher camarade blogueur, ne vaudrait-il pas mieux nous désintéresser des gesticulations inutiles de Ségolène, ce qui l'encouragera à dire des choses intelligentes, de continuer à critiquer, sur le fond, la politique et la personne de Sarkozy, et de débattre sur les solutions à trouver pour que notre pays s'améliore ? Il ne s'agit pas de faire de la morale de bas-étage, mais simplement d'éviter que nous tombions dans le panneau de la propagande adverse.

La seule nouvelle intéressante de cette affaire est la confirmation que Jack Lang est de plus en plus dans le camp du pouvoir, là d'où vient le vent, mais cela, on le savait quand même depuis un moment…

PS : au passage, allez lire, cher lecteur, cet article de Peuples, qui nous retrace les déboires médiatiques de Sarkozy à l'étranger…

Eric Besson, ministre de la rupture d’égalité nationale.

Le Monde du jour l'annonce officiellement : Éric Besson a eu une idée. Ne t'inquiètes pas, cher lecteur, il ne s'agit pas de changer de politique d'immigration, mais de déconcentrer une nouvelle mission de l'État. Jusqu'à maintenant, l'attribution de la nationalité française se faisait de manière centralisée, à Rezé (44), à la sous-direction à l'accès à la nationalité française. L'idée est de transférer cette mission aux préfectures.

En soi, l'idée ne poserait pas de problèmes réels, si les conditions d'accès à la nationalité étaient claires et que les personnes en faisant la demande n'avaient qu'à remplir quelques critères qui garantiraient une certaine automaticité. Or, dans de nombreux cas, il n'en est rien. A partir du moment où on demande à être naturalisé, la seule condition officielle reste la résidence de cinq ans en France et la référence au texte de loi en vigueur, ce qui signifie qu'interviennent de nombreux critères autres. La préfecture de police de Paris nous résume bien le problème de fond : le candidat doit être assimilé à la société française (ce qui permet tous les flous), être de bonne vie et mœurs et loyal envers les institutions. Pour les cas de naturalisation par mariage, on demande au candidat de savoir parler correctement français, chose qu'on a parfois bien du mal à constater chez certains de nos compatriotes ! Tout cela est tout sauf clair… Actuellement, les préfectures émettent juste des avis : elles deviendraient décisionnaires si le projet d'Éric Besson passe.

Cette réforme pose deux types de problème. Le premier est en rapport avec la notion d'égalité de traitement de nos concitoyens. Si les préfectures décident, les choses dépendront largement des volontés des préfets en place dans chaque département. Or, on sait déjà que le traitement des cartes de séjour amène à de réelles inégalités en fonction du lieu de résidence. Que se passera-t-il alors avec la nationalité ? Sans doute la même chose ! Chaque préfecture fera sa sauce et attribuera sa nationalité selon des critères qui permettront aux fonctionnaires de faire comme ils l'entendent. Étant moi-même membre de cette catégorie, je sais bien qu'il est toujours très dangereux de laisser trop de mou à mes collègues, qui découvrent rapidement les attraits de la fonction de petit chef ayant son petit pouvoir dans son coin.

Le second problème me semble relever de la souveraineté de notre État. La nationalité signifie que nous sommes reconnus comme membre de la communauté, que nous avons accès au vote et à l'exercice des droits politiques, mais aussi que nous sommes protégés par notre État dans de nombreux cas. Est-il normal que cette compétence soit déconcentrée s'il n'y a pas de critère d'automaticité ? Je ne le crois pas. L'État doit conserver en gestion centralisée cet aspect de sa souveraineté, qui consiste à attribuer sa nationalité. Il doit éviter à tout prix les incohérences de traitement et permettre à tous les étrangers demandeurs d'être traités de la même façon. C'est un sain principe républicain que nous devons maintenir à tout prix.

Tiens, je me demande si Ségolène Royal va présenter ses excuses aux candidats à la nationalité française pour cette réforme scandaleuse…

mardi 14 avril 2009

Blog en vacances !

Cher lecteur, je sais que tu vas avoir du mal à le supporter, mais je pars quelques jours en vacances, comme tout bon privilégié qui se respecte. Aussi, ce blog est en pause.

Cependant, n'hésite pas à aller lire mes deux camarades blogueurs ici. Tu trouveras d'ailleurs quelques conseils de lecture .

A bientôt sur ce blog !

lundi 13 avril 2009

L’explosion sociale menace, mais à qui profiterait-elle ?

Il y a deux jours, Maxime Pisano, dans un billet offensif, se posait la question de ce que fiche la droite qui gouverne ce pays. Tirant la sonnette d'alarme sur l'état social de la France, Maxime demandait aux militants de droite ce qu'ils attendent, et pourquoi ils n'entendent pas la colère qui monte de la rue.

La question est intéressante, mais elle est à mon sens mal posée. Demander cela au militant de droite n'a pas grand sens. En effet, la plupart des militants de droite éprouve une aversion certaine pour les mouvements populaires, qu'ils estiment fondamentalement manipulés par la gauche (et particulièrement par les gauchistes), et donc avec des arrière-pensées politiques nombreuses. Je le sais bien lorsque je parle ici des mouvements enseignants. Avant de réfléchir au pourquoi d'un mouvement social dans l'éducation, la plupart de mes lecteurs de droite estiment que ces mouvements sont un mélange d'opportunisme particulariste et d'engagement politique face au gouvernement de droite. Malheureusement, si cela a parfois été vrai dans le passé (je me souviens avoir été manifesté contre le CPE rien que pour emmerder un gouvernement que je n'appréciais pas, même si je n'étais pas concerné), les mouvements qui touchent l'éducation aujourd'hui sont d'un autre ordre, bien plus de l'ordre du désespoir face à l'évolution du système éducatif qu'à la contestation gauche contre droite.

L'absence de réaction gouvernementale est pour moi à chercher justement à cet endroit. Un gouvernement, de droite comme de gauche, vise avant tout à satisfaire son électorat de base. Sarkozy sait pertinemment que ses électeurs n'apprécient pas les mouvements sociaux et se regroupent derrière leurs leaders s'il y a moyen de briser des gauchistes.

Le problème, c'est que le contexte a changé. En ce moment, l'ensemble de l'électorat, y compris de droite, marque un réel agacement face à une politique qui ne correspond pas non plus à ses critères traditionnels. La conduite personnelle de Sarkozy agace, les comportements de certains patrons choquent, y compris à droite, la vision libérale du monde, qui n'était pas naturelle dans la droite française, est vite devenue impopulaire dans la majorité du fait de la faillite du modèle anglo-saxon. Même la situation de la Guadeloupe a parfois touché les soutiens de la droite républicaine, qui se sont malgré tout regroupés lorsque les violences ont surgi.

Dans ce climat, les syndicats ont pourtant largement joué un rôle d'accompagnement du pouvoir. Ayant soutenu les mouvements des 29 janvier et 19 mars, je dois te dire que je suis bien plus dans l'expectative face à la manifestation unitaire du 1er mai. En effet, où va-t-on avec ces grèves et ces manifestations témoignages ? A-t-on l'espoir d'obtenir réellement quelque chose ? Plus ça va, et plus j'ai le sentiment que ce n'est pas le cas. J'ai même la conviction que nos syndicats sont de plus en plus désarmés face à une opposition population-gouvernement-patronat à propos de laquelle ils ne peuvent rien, à part tenter d'éviter une explosion généralisée.

Dans son billet du jour, CSP considère que le gouvernement cherche la violence, pour pouvoir reprendre la main et écraser les contestations, et pour préparer un grand train de réforme. Très sincèrement, je crois plutôt que notre gouvernement navigue à vue. Certes, il sait que la répression des mouvements sociaux satisfait son électorat, mais il est aussi conscient des grands changements qui s'opèrent en ce moment dans les mentalités des électeurs français. La gestion de la crise guadeloupéenne, et les solutions catastrophiques trouvées, ont largement montré que nos dirigeants ne savaient pas comment se tirer de là.

Finalement, la vraie question est plutôt de savoir pourquoi, malgré le climat délétère, l'explosion ne s'est pas encore produite. D'abord, les salariés du privé sont dans une situation telle que le climat n'est pas forcément propice à l'action. Ensuite, les fonctionnaires ne se lanceront pas car la violence et le blocage ne sont plus vraiment dans notre culture sociale. Les syndicats pourraient avoir aussi un grand rôle dans un mouvement social cohérent, solide et combattif, tout en n'étant pas forcément violent : leur apathie, voire leur accompagnement social, a pour le moment canalisé la frustration des salariés du privé mais elle accroit le risque d'explosion violente.

En clair, il me semble que si l'explosion se produisait aujourd'hui, ou demain, personne n'en sortirait vainqueur, vu les bouleversements actuels de notre société. De toute façon, la violence, même lorsqu'elle est légitime, ne produit que rarement de bonnes choses. Espérons que nous pourrons faire avancer notre vision du monde sans avoir besoin d'en arriver là.

Et pendant ce temps, les suppressions de postes se poursuivent dans l’Education.

En ce lundi de Pâques, qui est aussi synonyme de début de vacances pour nous, privilégiés de la zone C, je voudrais revenir sur les stratégies développées par les rectorats pour supprimer des postes dans notre belle administration.

La notion de poste, pour bien comprendre le problème, mérite que l'on s'y arrête. Dans l'éducation, tous les établissements du secondaire sont dotés d'un certain nombre de chaires de chacune des disciplines. Comme je te l'avais expliqué ici, les chaires correspondent au besoin de l'établissement pour pouvoir exécuter les programmes mis en place par le ministère à chaque niveau. Les établissements doivent définir, lors de leurs conseils d'administration (CA), le nombre de chaires dont ils ont besoin. Ils sont contraints par le temps de travail des enseignants, défini par les décrets de 1950.

L'existence d'une chaire signifie qu'un titulaire doit y être affecté. Cependant, cela n'est pas forcément le cas. Par exemple, dans mon bahut dit difficile, un certain nombre de postes n'ont pas été pourvu à la dernière rentrée, tout simplement parce que personne ne les a demandés, vu la réputation du coin. Dans ce cas, le poste est pourvu par un titulaire remplaçant, qui va rester au moins un an, et bénéficie, en fin d'année, d'un bonus de points pour obtenir le poste s'il souhaite rester et si le poste existe toujours.

Par contre, l'absence d'un poste ne signifie pas que des heures de cours n'ont pas lieu. Tout d'abord, les titulaires déjà présents peuvent prendre des heures supplémentaires. Les enseignants ont obligation d'accepter une heure sup annuelle, mais ils peuvent ensuite en prendre autant qu'ils veulent, sans aucune limite à part la capacité physique et mentale de l'individu. Ensuite, ces heures peuvent être effectuées par un titulaire remplaçant, par un contractuel ou par un vacataire. Chacun de ces statuts est dur pour les personnels, et particulièrement celui de vacataire : ton salaire est misérable et tu es embauché pour 200 heures, ce qui signifie que tu ne peux pas faire une année scolaire entière. Les élèves voient alors deux ou trois personnes passer dans l'année. Contrairement à ce qu'affirme Darcos, la suppression d'un poste n'a donc rien d'anodin.

La dernière fois, je t'avais expliqué comment le rectorat de Créteil essayait de faire voter des suppressions sans cohérence par les CA. Un nouvel épisode a depuis eu lieu. Montrant la volonté toujours aussi forte de nos politiques de développer l'autonomie des établissements, des postes ont été supprimés dans de nombreux établissements du 93, contre les votes des CA. Contrairement à ce que j'affirmais la dernière fois, les parents et les élèves ont souvent soutenu les démarches des enseignants, estimant que le titulaire valait mieux que le contractuel ou le vacataire plus instable. Les rectorats évitent d'agir aussi brutalement d'habitude, car ils bafouent leurs discours, mais la pression du ministre est telle qu'ils ne peuvent faire autrement, contre, souvent, toute logique structurelle.

Des mouvements de grève collectifs se sont donc engagés pour récupérer des postes qui pouvaient exister sur le papier, sauf en anticipant une baisse démographique qu'il est actuellement impossible de mesurer. Là, notre administration a été plutôt maligne. Les collèges ont globalement échoué à récupérer les postes, et ont fait des mouvements, d'une semaine en général, pour rien. Par contre, les quelques lycées qui se sont agités ont obtenu très vite satisfaction, souvent sans même avoir à déclencher une grève. Plusieurs facteurs expliquent cette décision. Le ministre sait pertinemment que le climat dans l'éducation est tendu, et il doit absolument éviter qu'un mouvement d'ensemble ne démarre. De plus, il faut prendre en compte le mouvement universitaire, toujours actif, et la négociation menée par la commission Descoings dans les lycées. Enfin, voir un mouvement dans les lycées démarrer implique souvent que les élèves s'en mêlent, sans que les enseignants le demandent d'ailleurs, et les mouvements lycéens, le gouvernement n'aime pas. Donc, on a gentiment arrosé les lycées et on a matraqué les collèges.

Les rectorats parviendront-ils, malgré tout, à supprimer les postes avec l'ampleur que souhaite le ministère ? Je doute, vu la tension déjà forte sur les personnels disponibles. En tout cas, je ne vois pas comment, en laissant le système tel qu'il est, le gouvernement pourra supprimer davantage. S'ils veulent avancer, il faudra faire des réformes avec cet objectif-là. Je ne suis pas sûr que ce gouvernement ait encore les reins pour se lancer dans cette aventure, mais attention les conclusions de Richard Descoings sur le lycée…

Pour répondre à la question turque, répondons à la question du sens de la construction européenne.

Suite à mon dernier billet sur la Turquie, quelques commentaires m'ont amené à réfléchir un peu sur ce terme d'Europe qu'on emploie pour qualifier l'Union Européenne. En effet, tout l'argumentaire de refus de la Turquie s'appuie sur l'absence d'européanité de la Turquie.

La fondation de la Communauté Économique Européenne (CEE) répondait à un contexte tout à fait particulier. Il s'agissait de redonner aux pays d'Europe de l'Ouest une place dans un monde où ils n'existaient plus en tant que grandes puissances individuelles. N'ayant pu parvenir à s'entendre sur les projets politiques, avec l'échec cuisant de la Communauté Européenne de Défense en 1954, les dirigeants de l'époque ont lancé un projet appuyé sur la croissance économique, le libre-échange, le développement nucléaire (EURATOM) et ils ont développé un pilier fort : la Politique Agricole Commune, qui a permis à la CEE de redevenir autosuffisante au plan alimentaire. Ce choix représentait un pis-aller, devant les divisions des différents dirigeants de l'époque sur les objectifs à donner à cette communauté. Progressivement, la CEE a grossi, passant de 6 en 1957 à 12 en 1986, et a étendu ses domaines d'intervention économique. Tant qu'on en était là, les choses ne posaient finalement pas tant de problème. Certes, les fondateurs voyaient dans la CEE une version particulière de l'Europe : n'oublions pas que le drapeau, originellement celui du Conseil de l'Europe, représente aussi une symbolique religieuse, puisque le bleu rappelle la vierge Marie, mais on est resté finalement assez flou là-dessus. Le général de Gaulle pèse dès 1958, mettant en avant son Europe des peuples.

Le projet européen a profondément basculé avec la disparition du bloc de l'Est et les transformations de l'Europe du début des années 1990. Les négociations de Maastricht étendent largement les pouvoirs de la CEE, qui devient Union Européenne (UE), inventent l'idée de citoyenneté européenne, mettent en place le concept de monnaie unique, institutionnalise le principe de subsidiarité… En clair, on change de système et on essaie de faire avancer le projet politique de construction d'un grand espace politique démocratique européen. Cependant, je crains que ce changement n'ait pas été vraiment perçu par le peuple. La construction d'une Europe politique imposait que nous puissions, nous, citoyens lambdas, nous approprier ce projet et essayer de l'investir pour en faire quelque chose qui nous permettent de rêver à un avenir meilleur. A l'évidence, cela n'est pas réalisé aujourd'hui, et la démarche de nos dirigeants a été invalidée par les échecs successifs aux référendums français et néerlandais en 2005, et irlandais en 2008.

Quand on construit un tel espace politique, il est bien évident qu'on doit se poser une question fondamentale : avec qui ? Après tout, il serait assez cohérent que nous puissions dire avec quels pays nous estimons devoir nous associer. Jusqu'à ce jour, à part les Irlandais qui le font constitutionnellement à chaque fois, les dirigeants ont géré leur tambouille et ont intégré les pays qui les intéressaient, augmentant considérablement le nombre de membres (en 2014, nous serons 28 avec l'entrée de la Croatie). On ne s'est pas posé la question de savoir ce que les populations pensaient de ces intégrations. Nous sentons-nous proches d'un Finlandais, d'un Espagnol, d'un Tchèque ou d'un Slovène ? Jusqu'à maintenant, on a laissé cela de côté mais l'éventualité de l'entrée de la Turquie repose le problème.

Pour répondre à ce problème, il faut se demander ce qu'est l'UE en elle-même. Si on estime qu'il s'agit d'une association regroupant des pays de culture commune, il faut se poser la question de ce qu'est la culture européenne. Répondre à cette question est d'une complexité extrême, et je ne vois pas bien comment y répondre simplement. Les géographes écrivent des kilos de pages là-dessus et s'écharpent régulièrement là-dessus.

Il y a une manière très simple de contrer ces questions. Pour moi, on pourrait tout simplement se dire que le projet politique de l'UE vise à construire un espace démocratique, qui exprime une culture commune par la reconnaissance de la démocratie, des droits de l'homme, de la laïcité et du développement accessible à tous. Cette vision à l'avantage, en plus, de laisser les peuples, lors des élections, définir quel sens ils souhaitent donner à cette construction : libre-échangiste ou protectionniste, libérale ou dirigée, capitaliste ou socialiste, ouverte aux migrations ou fermée. Dans ce cadre, tout pays qui serait une véritable démocratie pourrait très bien intégrer à terme l'organisation qui ne serait plus connectée à la question culturelle. Pour pouvoir faire cela, il suffirait de le demander, une bonne fois pour toute, aux peuples déjà membres de l'Union. Si nos concitoyens estiment que cette garantie ne suffit pas, nous en rediscuterons. Ainsi, la question de la Turquie se pose différemment. Les Turcs souhaitent réellement entrer dans l'UE. Ils font des efforts pour cela. Si on se limite à la définition politique du problème, on peut clairement fixer des conditions aux Turcs qui sont claires et qui évitent le rejet culturel.

Dans les commentaires de ce billet, le Chafouin me disait qu'on pourrait, dans ce cas, intégrer le Canada et le Mexique. J'estime que cela pourrait être possible. Cependant, la question ne se pose pas puisque ces deux pays, jusqu'à preuve du contraire, ne souhaitent pas entrer dans l'UE. De plus, l'état de la démocratie mexicaine risquerait bien d'entraîner un rejet d'une candidature de ce pays.

C'est le cas de la Turquie, et nous ne pouvons pas ignorer ce désir, exprimé par tout un peuple, qui sait qu'il a tout à y gagner. Le jour où la démocratie turque sera solide, il n'y aura plus de raison de refuser cette entrée.

vendredi 10 avril 2009

Un débat sur l’Europe : Turquie or not Turquie ?

On peut remercier Barack Obama au moins sur un point important : grâce au président américain, le débat européen est de retour sur la scène politique française. C'est heureux, car nous sommes tout de même à moins de deux mois des élections européennes. Malheureusement, l'Europe est à nouveau dans l'actualité du fait de l'adhésion, ou non, de la Turquie à l'Union européenne. Je ne vais pas revenir ici sur les motivations de la puissance américaine : Obama défend les intérêts de son pays, ce qui est entièrement normal.

Les opposants à l'entrée de la Turquie dans l'Union emploient des arguments divers, que l'on peut résumer en quelques points très simples :

  • En général, les arguments culturels viennent en premier. La religion dominante de la Turquie, l'islam, pose des problèmes à tous ceux qui considèrent que l'Europe se définit aussi par ses racines chrétiennes. D'autres avancent aussi l'idée que la Turquie n'est pas sur le continent, qui se limite aux détroits du Bosphore et des Dardanelles.
  • Viennent ensuite des arguments sociaux. La Turquie reste encore aujourd'hui, même si certains géographes la rangent dans le camp des pays émergents, un pays bien moins développé que les autres pays européens. Le risque serait donc de voir la Turquie absorber un nombre d'aides européennes considérable, et ensuite de voir déferler une horde d'immigrants vers nos pays qui viendront manger notre pain…
  • Enfin, comme Nicolas Dupont-Aignan hier soir sur France 3, certains utilisent l'argument de la géopolitique. Si on fait entrer un pays aussi peuplé dans l'Union (environ 72 millions d'habitants dans l'Union, et 80 millions dans dix ans à ce rythme de croissance), les équilibres politiques seront totalement bouleversés et les grands pays qui dominent actuellement l'Union (dont la France) devront compter avec la présence d'un nouveau géant.

Aucun de ces arguments ne se justifie réellement. Tout d'abord, l'influence de l'islam et de l'Islam sur l'Europe depuis le haut-Moyen-âge n'est plus à démontrer. La question de savoir si la Turquie est dans l'Union relève de la vision de l'Europe de chacun, vu que l'Europe n'est pas un continent géographique. La Turquie fait partie de l'histoire européenne depuis le Moyen-âge, elle a dirigé le tiers du continent pendant cinq siècles et a laissé une trace indéniable. Certes, elle a servi de repoussoir souvent et a suscité l'éveil des nationalismes de l'Est, mais cela ne justifie pas le refus. Si on se tenait au passé, on n'aurait jamais signé d'accord avec l'Allemagne ou avec le Royaume-Uni. De plus, la Turquie a toujours eu la volonté d'être intégrée à l'espace européen. Depuis la révolution d'Atatürk, l'objectif des successifs gouvernements turcs est d'européaniser de plus en plus le fonctionnement de la Turquie et d'en faire un Etat moderne. Certes, il y a eu des accrocs, comme l'invasion de Chypre en 1974, mais les efforts sont réels. Depuis que la possibilité d'une entrée dans l'Union est ouverte, même les islamistes turcs ont dû s'adapter et se transformer en parti conservateur, en tout cas en apparence.

Pour les arguments de niveau de développement, les choses sont un peu plus construites, mais il faut aussi les relativiser. La Turquie connaît actuellement une croissance économique très forte. De plus, le risque migratoire me semble largement surestimé : il y a déjà de nombreux Turcs en Europe (ils n'ont pas attendu l'UE pour immigrer) et le risque migratoire ne résiste pas à l'épreuve des faits. On avait déjà annoncé, au début des années 2000, un déferlement de Polonais et de Slovaques sur l'Ouest. En réalité, les migrations sont plutôt temporaires, recherchées par les entreprises de l'Ouest, et il n'y a pas eu de déferlement général sur nos pays, en tout cas pas davantage qu'avant l'entrée de ces dix pays dans l'Union. Certes, la Turquie est plus pauvre, mais l'entrée n'est pas pour tout de suite (on est sur un cycle d'une vingtaine d'années) et ce pays peut beaucoup évoluer.

Pour moi, le troisième faisceau d'arguments est le plus fondamental. Cependant, si la population turque est nombreuse, la Turquie reste un pays nettement plus pauvre. On ne peut pas s'attendre à ce que les Turcs puissent s'imposer autant que les Allemands et les Français dans les débats. De plus, stratégiquement, la Turquie est une vraie chance pour l'Union : nous voilà avec un pays fondamental pour le contrôle de la Méditerranée, pour nous permettre de nous projeter vers le Moyen-Orient et le Caucase. Enfin, je trouve, pour le coup, que cette adhésion colle réellement au retour de la France dans l'OTAN, et me demande pourquoi Sarkozy sur ce sujet est en total contradiction avec ses actes. J'ai bien une idée mais je vous laisse l'imaginer par vous-même, cher lecteur.

Cependant, il y a, pour moi, à l'évidence des conditions mais qui pourraient s'appliquer à tout pays, et qui n'ont pas toujours été respectées quand on pense à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Tout d'abord, il faut avoir la garantie que la stabilité démocratique de la Turquie est assurée. C'est une condition qui ne peut être oubliée. Sans l'assurance que l'armée turque n'interviendra plus dans la vie politique turque, sans la reconnaissance de l'existence du génocide arménien, sans la fin des affrontements au Kurdistan, je ne vois pas comment on peut accepter la Turquie dans l'Union. Là encore, il va falloir demander des efforts aux dirigeants turcs. La seconde condition est le règlement, d'une manière ou d'une autre, de la question de Chypre. Il faut se rappeler que la Turquie est intervenue militairement à Chypre en 1974 et qu'elle continue à soutenir cette République turque sans légitimité du Nord de l'île. Comme Chypre est un membre de l'Union (avec la Grèce en embuscade), il est impossible de signer quoi que ce soit avec les Turcs sans qu'on entame un processus de négociation permettant d'aboutir à un règlement de la question.

Malheureusement, il nous faudra surmonter les tensions internes à Chypre. Vu le résultat du référendum de 2003, il est à craindre que les Chypriotes eux-mêmes nous posent des difficultés.

L'adhésion de la Turquie représente un vrai défi pour l'Union comme pour les peuples européens. Si on parvient à faire entrer ce pays, on aura démontré la force de l'idéal européen et les résultats qu'il produit. Y renoncer serait vraiment une preuve de faiblesse et de repli sur soi, bien plus encore que le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.

jeudi 9 avril 2009

HADOPI rejeté : le gouvernement enterre la double-peine pour téléchargement illégal.

Tiens, le Parlement, par l'intermédiaire de l'Assemblée nationale, vient de rejeter le texte HADOPI. Cet article du Monde nous explique que cela est dû à une géographie complexe de la présence des députés.

Ne trouves-tu pas scandaleux, cher lecteur, que seulement 36 députés soient présents en séance ? Même si je vois bien la stratégie de la majorité (se dépétrer de ce texte en faisant croire à une erreur de gestion), je trouve que c'est vraiment problématique. Cependant, il s'agit à l'évidence d'une manoeuvre : on peut supposer que le gouvernement a demandé aux députés de ne pas venir voter le texte.

Un cas un peu différent s'était produit sur la loi sur le PACS : l'opposition avait réussi à faire rejeter la loi en venant en force, par surprise, à une séance où peu de députés de la majorité étaient présents. Le gouvernement n'avait cependant pas lâché et le projet était finalement passé.

Sur HADOPI, je me demande bien si notre gouvernement va revenir à la charge, vu la polémique qui s'est produite sur cette affaire, par un autre projet de loi. Vu la configuration, cela ressemble bien à un enterrement magistral pour les ambitions des entreprises du milieu artistique. Il est cependant évident que la lutte autour du média internet est loin d'être achevée.

mardi 7 avril 2009

L'UNESCO nous rappelle quelques évidences sur l'éducation, et cela fait du bien.

En cette période agitée dans notre petit milieu blogosphérique politique, je voudrais attirer ton attention, cher lecteur, sur le volumineux rapport que vient de publier l'UNESCO à propose de l'Education pour tous.

Ce rapport, intutilé Vaincre l'inégalité : l'importance de la gouvernance, vise à faire le bilan des engagements pris par les Etats lors de la conférence de Dakar, en 2000. A ce moment-là, les membres de l'UNESCO avaient pris engagement d'assurer à tous les enfants une éducation primaire de qualité et à faire considérablement progresser l'éducation secondaire dans l'ensemble des pays.

Le rapport commence sur une note positive : depuis 2000, le niveau des enfants s'élève rapidement, particulièrement dans les pays pauvres. Cependant, l'UNESCO, du fait de la crise et de la diminution des investissements, semble considérer que les objectifs ne seront pas atteints en 2015, comme envisagés par les Etats à Dakar. De même, le rapport souligne l'écart énorme entre les pays développés et les pays en développement, malgré les importants efforts effectués par ceux-ci.

Sur la France, le rapport rappelle quelques évidences qui sortent du catastrophisme ambiant. Par exemple, l'UNESCO nous signale que 3,1 millions de personnes, entre 18 et 65 ans (la population active en clair) connaissent des problèmes d'analphabétisme en 2004-2005. Ce chiffre est énorme, et laisse à penser que le système est en échec permanent. Pourtant, il faut se pencher sur la structure par âge. En effet, l'étude constate que 14% des adultes de 46 à 65 ans ont des difficultés, alors qu'ils ne sont que 5% chez les Français de 18 à 35 ans. Il y a donc un réel progrès, même si l'étude reconnaît que les hommes maintiennent leur retard sur les femmes (59% des analphabètes sont des hommes). On peut donc en conclure que le système éducatif a globalement progressé dans ces résultats à l'école primaire, et faire le deuil de l'école ancienne version. C'est plutôt une bonne nouvelle, même si je considère, personnellement, que ces 5% de Français analphabètes représentent le défi de notre système éducatif.

Un autre constat m'a intéressé. Le rapport s'interroge sur les dons des grands pays aux pays pauvres pour l'éducation. Le rapport souligne que la France, en consacrant son aide au maintien des établissements français à l'étranger, oublie de soutenir les systèmes éducatifs des pays pauvres eux-mêmes. Voilà une question intéressante qui mériterait débat : j'y reviendrai.

Une dernière chose pour nos amis qui râlent contre les dépenses éducatives : le rapport confirme que les résultats scolaires d'une génération, statistiquement, sont de plus en plus positifs si l'investissement augmente (en $/élève). Voilà une notion importante pour ceux qui considèrent que la question des moyens est accessoire. Evidemment, reste à savoir comment on utilise ces moyens, et c'est là le sens des débats que doit se poser en ce moment, en tout cas je l'espère, la commission Descoings.

dimanche 5 avril 2009

La dame perdue de l’avenue Gambetta.

Lorsque je passe un week-end à Paris, j'ai l'habitude de faire une petite marche digestive le dimanche après-midi. Il m'arrive de faire cette promenade avec la Privilégiée, ou seul, avec ou sans mon Ipod vissé sur les oreilles. Je quitte ma commune de la Seine-Saint-Denis pour me rendre dans la capitale toute proche. J'ai plusieurs parcours que j'emprunte, en fonction de mon humeur du jour : soit je prends la rue de Belleville, et je coupe ensuite par la Place des Fêtes pour traverser les Buttes-Chaumont. Il m'arrive aussi de descendre vers le Parc de la Villette en passant par la place de Rhin et Danube, la rue d'Alsace-Lorraine et la rue Manin. Aujourd'hui, j'ai emprunté l'avenue Gambetta pour descendre ensuite la rue de Ménilmontant et m'enfoncer dans Paris. Il m'arrive de m'arrêter dans un troquet pour prendre un café, un thé ou un demi, mais je ne l'ai pas fait cet après-midi : trop envie de me vider de toute la furie bloguesque de ce week-end. En plus, la Privilégiée étant un peu souffrante, j'étais solitaire et n'avait pas le désir de me retrouver dans un bistro, n'ayant même pas de copies à corriger en ce moment.

En haut de l'avenue Gambetta se trouve localisée la célèbre caserne Mortier, juste après la piscine des Tourelles, à proximité de la Porte des Lilas. Cette caserne est réputée pour abriter le siège des services secrets français. Elle est d'ailleurs surveillée par un réseau de caméras de vidéosurveillances très dense. Ce n'est pas le moment de se gratter les trous de nez ! En face, se trouvent quelques immeubles d'habitation, certains datant du début du siècle et un ensemble de tours des années 1970 ou 1980. Là, quelques bancs s'alignent. La présence de ces bancs sur une avenue parisienne est devenue une originalité. Sur la plupart des artères, craignant le stationnement de SDF trop odorants et trop avinés, la municipalité a fait ôter ces lieux de sociabilité qui nous permettaient de nous reposer un peu, pendant une longue marche.

Peu avant le carrefour de Saint-Fargeau, il y a toujours une petite dame qui est assise sur l'un de ces bancs. Parfois, elle se trouve côté Est, et parfois, côté Ouest. Elle est là tout le temps, jusqu'à la tombée de la nuit. C'est une femme en apparence sans âge, mais j'imagine qu'elle doit se situer au-delà de 60 ans. Elle est facilement reconnaissable : une longue chevelure blanche et un tailleur qui doit dater d'il y a au moins 30 ans. Je n'irai pas jusqu'à affirmer que c'est toujours le même, mais presque.

On dirait qu'elle attend. A chaque fois, je me demande quoi. Peut-être un mari ou un amant, disparu, ou qui est allé faire des courses depuis toutes ces années. Peut-être n'attend-elle rien du tout. Peut-être est-elle seule et perdue. Peut-être s'ennuie-t-elle chez elle et aime-t-elle observer la vie de la rue. Peut-être a-t-elle un poivrot à la maison qu'elle fuit dès qu'elle peut. En tout cas, elle semble brisée, cassée.

Les personnes marquées par la vie, ravagées par des épreuves que nous ne soupçonnons pas, me touchent toujours profondément. A chaque fois que je passe à côté d'elle, je pense qu'elle va tenter de m'aborder. Et puis, non. Finalement, non, jamais. Son regard reste dans le vague, regardant vers je ne sais quelle direction.

Demain, je repasse par là. Je sais qu'elle sera encore assise, mais sur quel banc ?