Personnellement, j’admets que je ne suis pas particulièrement touché par cette question. Je pense qu’on peut très bien prier son dieu sans avoir un minaret, un clocher ou autre chose. Cependant, je crois que les Suisses, en interdisant un seul type de signe extérieur, ont montré une volonté de stigmatiser l’islam qui n’est pas rassurante.
Et pourtant, cher lecteur, le peuple s’est exprimé. Certes, il a dit une connerie, selon moi, mais ce n’est pas une raison pour nier la légitimité de sa parole. Immédiatement, les opposants au référendum se sont jetés dans la brèche pour essayer de démontrer que cette crise illustrait l’instrumentalisation possible du référendum. Est-ce une raison pour s’en défaire ???
Ma réponse est négative. Ce vote suisse révèle des problèmes importants, mais dire maintenant qu’on va marcher sur la parole du peuple quand elle ne nous plaît pas ne peut être une voie cohérente. Laissons les Suisses assumer la responsabilité de leur choix : nous verrons ce qui se passera dans les prochaines années. Personnellement, j’avais dénoncé les supporteurs du traité de Lisbonne lorsqu’ils avaient écrasé les Irlandais de reproches puis les avaient obligés à revoter, pour leur interdire un troisième revote ensuite, une fois la réponse positive obtenue.
Cependant, il ne faut pas non plus marquer dans le marbre toute parole issue d’un référendum. Les parlementaires le savent bien : eux-mêmes réforment régulièrement des lois qu’ils viennent à peine de voter. Cependant, il faudrait aussi réglementer les procédures pour qu’on ne puisse pas revenir sur un référendum tous les matins, d’abord parce que cela banaliserait le recours au peuple, et ensuite parce que les manipulations pourraient être permanentes.
On pourrait faire la proposition suivante pour la France, que je vous soumets, cher lecteur :
- Tout d’abord, il faut définir les domaines dans lequel un référendum peut se dérouler. Pour moi, il intervient dans le domaine de la loi, et non pas du règlement. Je ne crois donc pas, pour répondre au Faucon, qu’il faille le limiter sur les questions de société par exemple, puisque la loi peut y intervenir. Mais cependant, accrochons-nous bien à l’article 34 de la constitution et n’hésitons pas à invalider, au titre de l’article 37, un référendum sur des questions réglementaires.
- On pourrait ensuite estimer que, suite au résultat d’un référendum, les parlementaires ne peuvent retoucher à la question dans un sens inverse au résultat du vote et un nouveau référendum sur la même question ne pourrait être remis sur le tapis. Donnons le pouvoir aux citoyens de déférer tout cas litigieux au conseil constitutionnel.
- Cependant, comme on ne peut pas figer la loi dans le marbre (à l’exception de la constitution, mais qui doit tout de même être réformée si besoin selon des procédures plus strictes), mettons en place un délai. Par exemple, on pourrait considérer que les Suisses (ou les Français) ne pourraient revenir sur un sujet avant cinq ans, ce qui permet d’évaluer l’impact de la décision prise, de laisser passer une élection présidentielle au moins, et de réfléchir sans la passion du moment. Ce délai écoulé, les parlementaires ou un référendum pourraient revenir dessus.
Dans tous les cas, il est évident que le référendum et l’ouverture de notre système vers une démocratie semi-directe, que je souhaite ardemment, n’aille pas de paire avec une réelle réflexion sur ses enjeux et sur les manipulations populistes possibles. Au travail !