A un moment du repas (entre les copieuses entrées et le plat principal), des cousins se sont lancés dans une discussion concernant les jeunes de banlieue qui peuvent parfois faire preuve d'une certaine violence. Un débat démarra concernant les causes de ces situations particulières. Globalement, deux positions furent développées :
- La première, marquée par le poids de l'individualisme, visait à développer l'idée que ces jeunes avaient énormément de chances dans la vie du fait de l'aide de la collectivité et qu'ils se devaient d'en profiter, de travailler et de réussir. Globalement, l'échec et la violence relevaient des choix individuels.
- La seconde tente d'expliquer ces comportements par des phénomènes de masse. Ainsi, on explique les violences des jeunes de banlieue par la pauvreté, les phénomènes de chômage, les difficultés des familles.
Il ne manquait que la théorie raciste et on aurait eu les trois visions traditionnelles expliquant la situation des jeunes banlieusards. Au passage, on n'a pas du tout évoqué les gens plus âgés vivant en banlieue et pouvant parfois aussi être violents. Il est évident que nous étions focalisés sur les adolescents.
J'ai toujours vécu en banlieue, en Seine-Saint-Denis, et je dois te dire que je connais bien ces « jeunes ». A l'école, au collège et au lycée, ils ont été mes camarades de classe. Il en fut d'ailleurs de même à l'université. Depuis, je suis professeur dans un lycée où l'ultra-majorité des élèves sont issus des cités.
Après ces années de pratique, je reste attaché à la seconde hypothèse : vu la masse du phénomène, on ne peut expliquer autrement les comportements des jeunes de cité que par des phénomènes économiques et sociologiques de masse. Cependant, je ne peux que constater que certains individus parviennent à échapper à ce carcan et à vivre une vie totalement différente.
Pour moi, les causes sont multiples. Il y a certes la volonté du gamin, mais aussi celle de ses parents et de sa famille, les amis de l'enfant, ses désirs. En clair, sans que je sois capable d'expliquer pourquoi, une minorité parvient à s'extraire des grands schémas sociologiques qui s'appliquent à la majorité et font autre chose. Le débat est tellement complexe, le phénomène a des causes tellement multiples, qu'on ne peut l'analyser en deux phrases, le réduire en quelques mots.
Durant cette discussion, je n'ai pas participé. En effet, cette opposition entre ces deux positions m'a semblé improductive, car deux opinions se sont confrontées, dans le but unique de convaincre l'autre, sans aucune chance de pouvoir le faire. Ce qui m'aurait plus intéressé, je l'avoue, aurait été de savoir quels ressorts nous amènent à avoir une lecture tellement différente du phénomène. Là, on entrerait dans l'intime de chacun, le jeune de banlieue ne devenant qu'un moyen d'exprimer ce qui fait nos fondements, et finalement, notre identité. De plus, je me demande toujours pourquoi le gamin de banlieue est tant au centre de nos préoccupations. Finalement, ils sortent peu de leurs cités, et il est tout à fait possible à un Français moyen de ne jamais en croiser un seul. Pourquoi nous fascinent-ils plus que les banquiers, les patrons ou les riches qui ont pourtant bien davantage d'impact sur nos vies ?
Trop saoul et risquant de ne pas intéresser grand-monde, je ne me suis pas lancé. Je le fais ici. N'hésite pas, cher lecteur, à te saisir du débat.