mercredi 5 août 2009

Politique des autorités locales pour développer le tourisme en Aubrac : pitié, n’inventons pas une identité.

Comme je te l'avais indiqué, cher lecteur, avec la Privilégiée et un groupe d'amis, nous nous sommes lancés à l'assaut des Monts d'Aubrac la semaine dernière, pour une petite randonnée de 115 km. Certes, si tu n'as pas l'habitude de marcher, la distance peut sembler longue, mais en 5 jours de marche, ce n'est pas difficile, surtout que le dénivelé n'est pas si marqué. Nous avons donc réalisé une boucle centrée sur Aumont-Aubrac, empruntant pendant deux jours le GR 65, soit le GR suivant la route reliant le Puy à Saint-Jacques de Compostelle, et pendant trois jours le GR Pays des Monts d'Aubrac. Un GRP est une boucle qui permet de découvrir à fond les différents paysages d'une région particulière. Il en existe un autre, dans le même coin, sur la Margeride, qui vaut apparemment le coup lui aussi.

L'Aubrac est une région qui reste peu connu des Parisiens. Les personnes qui nous ont accompagnés n'en avaient jamais entendu parler. Il s'agit d'un plateau granitique, situé entre 800 et 1 400 m. d'altitude, très travaillé par les hommes. Dans le passé, il s'agissait d'une zone d'estive pour la race de vache locale, la race Aubrac. Des confréries religieuses avaient aussi colonisé le plateau du fait du passage du principal chemin de Saint-Jacques. Ainsi, même s'il subsiste d'importantes forêts, avec une population d'herbivores très protégée, l'Aubrac est marqué par des paysages faisant penser à un grand désert peuplé de troupeaux de vaches. Le paysage est lunaire. La température permet de s'y déplacer sans grande difficulté, même si le soleil reste mordant entre 12 heures et 16 heures : on est tout de même à cheval sur la région Midi-Pyrénées et sur le Languedoc-Roussillon.

Le plateau reste très peu habité. Les troupeaux montent encore en mai pour redescendre dans la vallée de l'Aveyron ou du Lot fin octobre. Quelques villages sont habités toute l'année, mais l'enneigement important durant plusieurs mois gène considérablement la circulation : mieux vaut être organisé.

Pour le randonneur qui découvre le coin, l'Aubrac semble s'être arrêté un siècle en arrière. D'ailleurs, les autorités locales jouent à fond sur ce terrain, en développant une espèce de politique de promotion d'une tradition locale qui serait ancestrale. Ainsi, on peut dévorer à chaque étape les produits régionaux qui sont mis en valeur dès que possible : l'aligot, la viande de bœuf Aubrac, les tripoux, la confiture de myrtilles, le jambon de pays, la fouace, la gentiane et le ratafia (pour mes camarades appréciant la bonne boisson). Certes, ces produits existent bel et bien mais on se demande toujours si l'autochtone en consomme vraiment régulièrement. On voit même apparaître des produits ancrés dans la région car fabriqués par l'industrie locale. La brasserie d'Olt est spécialiste du fait, puisqu'elle produit une bière d'Aubrac (alors que le blé n'est pas vraiment présent dans le coin) et un « Colt Cola ».

En clair, cette région survit grâce au tourisme, et les dirigeants locaux semblent considérer que la recherche de l'authentique artificiel est le seul moyen d'attirer les touristes urbains en quête de repos et de remise en état après une année de labeur. A l'inverse, les discussions que nous avons pu avoir avec les randonneurs du coin dans les refuges montrent une réalité différente. Globalement, le touriste recherche de beaux paysages, ce que l'Aubrac fournit déjà, une bonne marche et un peu de tranquillité intérieure (je passe le cas des pèlerins de Saint-Jacques, qui sont eux en quête de spiritualité).

Actuellement, les communes de l'Aubrac sont en train de créer un Parc Naturel Régional, pour développer des actions communes dans les domaines agricoles et touristiques. L'initiative peut être louable, mais j'espère que les autorités ne s'enfonceront pas dans la création d'un particularisme local dans le but d'attirer le touriste. La région est déjà particulière en soi, et il ne me semble pas nécessaire de draguer le touriste en inventant une fausse identité supplémentaire. Soyez déjà attentif à préserver les paysages, ce sera, à mon sens, une belle œuvre.

PS : à plusieurs reprises, nous avons croisé des paysans qui nous demandaient ce que nous faisions. Lorsque nous expliquions que nous marchions sur le GRP, on nous a répondu : « Ah, oui, vous faites la balade, quoi ! Bon, c'est bien de le faire une fois… » Comme quoi, chacun appréhende sa réalité à sa manière…

PS' : les photos ont été prises par mes soins. Merci de respecter la licence et de ne pas les utiliser à des fins lucratives.

9 commentaires:

  1. @ Nicolas : je l'ai fait. Elle est assez claire, avec un dépôt qui subsiste mais qu'on ne sent pas en bouche. Par contre, elle est à 5,8°, soit une bière assez forte tout de même...

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  2. En fait, il est bel et bien là, le but ultime du métissage universel : que tout homme se transforme en touriste, si possible béat et festif. Béatement festif.

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  3. tssssssss, Didier qui en profite pour ramener ses obsessions ...

    Dis, Mathieu, c'est fait exprès le lien sur le Languedoc Roussillon qui pointe sur un billet de Faucon à propos ... de l'Ardèche ??? M'enfin !

    C'est amusant l'idée des autochtones mangeant à tous les repas de la grosse viande rouge d'Aubrac avec de l'aligot, et en finissant par une tartine de confiture aux myrtilles !!
    Un billet bien sympa, qui donne envie d'aller s'exiler là bas ... une semaine, parce que quand même, faut pas abuser des bonnes choses :)
    (j'aime bien avoir une librairie de 3 étages, une piscine olympique, des lignes de tramway et mon épicier Spar à portée de mains moi).

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  4. @ Didier : moi, du moment qu'il y a du vin, touriste ou pas touriste...

    @ Audine : c'est un hasard complet. Comme le camarade Faucon est de cette région, j'ai fait un lien sur un billet au pif. Mais l'effet est bizarre.

    Oui, une semaine, c'est bien : cela permet d'en profiter et de ne pas se lasser. En tout cas, très belle expérience, que je conseille à tous ceux qui aiment marcher.

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  5. L'Ardèche du sud, un peu Languedocienne et Provençale chère amie ^___^ Vallon Pont d'Arc touche le village gardois de Barjac, qui met une croix Languedocienne bien en vue sur son panneau d'entrée de ville pour dire "attention : je suis à la limite des Cévènnes et de l'Ardèche, mais je suis Languedocienne moi !! et je lache des taureaux dans les rues en Aout tiens !".

    Et pi ça fait toujours plaisir les liens, merci :)

    Beau billet en tous cas, dépaysant. Merci.

    Bonne soirée

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  6. @ Faucon régionaliste : de rien pour le billet. Je croyais que ton village était en Languedoc, j'ai dû me tromper...

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  7. Mon village est bien en Languedoc. Mais limite de PACA et de Rhône Alpes aussi. Disons que mon village est en Provence.

    Mais je me sens aussi très Languedocien, j'adore manger de la gardianne de taureau en écoutant une pena :))

    Bisous et bonne soirée

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  8. @ Faucon : damned, un multiculturaliste !

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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