samedi 5 décembre 2009

Le Téléthon : j’ai beau essayer d’être indulgent, je n’y arrive pas.

En ce pluvieux samedi, dans ma proche-banlieusarde commune des Lilas, la municipalité avait fait fort. Depuis ce matin, une large tente était installée sur la place de la mairie, dans le but de promouvoir le Téléthon. Nous avons donc eu droit à de la musique de mauvaise qualité tout au long de la journée, pour nous encourager à venir faire une promesse de don. J'aurais presque donné pour qu'ils baissent le son.

Depuis le début de cette opération, j'ai toujours ressenti une gêne profonde. Les programmes du Téléthon n'ont cessé de déverser sur les chaînes de télévision française des flopées de bons sentiments. De plus, l'usage des enfants malades pour attirer les dons, l'oubli des autres maladies et le fait que cette initiative vienne du désengagement des pouvoirs publics de la recherche fondamentale, n'ont cessé de faire croître mon rejet.

Pourtant, l'AMF a eu de réels résultats, et en particulier le décryptage de la carte du génome humain, dont les implications futures sont énormes. Ces succès m'ont souvent fait douter de mon propre rejet : si les effets sont positifs, pourquoi maintenir une opposition de principe qui n'aurait pas lieu d'être ? Et ce d'autant plus que peu de personnes ont osé s'attaquer au Téléthon depuis que celui-ci existe. La charge récente de Pierre Bergé sur le sujet ne m'a pas satisfaite. Même si on peut souscrire à certains arguments, la démarche de l'homme ne m'a pas convaincu. Etant directeur du Sidaction, Bergé s'est simplement placé dans un rapport de concurrence avec le Téléthon en essayant de tacler son concurrent, alors que la soirée du Sidaction approchait. La ficelle était un peu grosse, et elle a été vue.

Car le problème est bien celui de la concurrence mis en œuvre dans le principe de la charité. En effet, cette idée structure la logique associative. Il s'agit de ne pas confier une bonne partie des œuvres sociales aux pouvoirs publics mais de laisser chaque citoyen faire ce qu'il désire de ses revenus : les utiliser entièrement pour lui-même ou les donner en partie à des œuvres qui en feront un usage dédié. Or, ce système implique que le citoyen soit séduit par la cause qu'on lui soumet, ce qui impose aux associations d'user de multiples moyens de séduction, voire de culpabilisation, pour le pousser à donner à tel ou tel organisme. Cette contrainte est fixée par le niveau des revenus, qu'on ne peut pas entièrement donner (faut bien manger !). De plus, les associations, comme l'AMF ou le Sidaction, restent soumis aux aléas de l'actualité. Tout le monde se souvient des effets désastreux sur le Sidaction des engueulades entre Act Up et Philippe Douste-Blazy en 1996. Autre exemple : la fédération des banques alimentaires a annoncé la diminution de ses résultats de collecte de 10% par rapport à l'an dernier, du fait de la crise économique.

La solidarité devrait être la seule solution viable à ces questionnements. Quelle est la différence ? On s'appuie sur le collectif. Les représentants des citoyens, élus sur un programme, décident de consacrer des fonds à la recherche. Ces fonds sont financés par tous par un impôt progressif. Ainsi, tous les citoyens contribuent à l'effort pour traiter ceux qui sont malades, et préparent des soins pour eux-mêmes et pour leurs proches.

En théorie, la recherche publique, quel que soit l'institution qui s'en occupe, devrait être détachée de la gestion directe de l'Etat et devrait pouvoir mener ses recherches seules, en rendant régulièrement des comptes aux parlementaires qui lui voteraient son budget. Libre au Parlement de définir la hauteur du financement.

Doit-on complètement se passer de la charité ? Globalement, non, car, et cela me fait mal de le reconnaître, l'émergence d'associations prenant un domaine en main permet à l'ensemble de la communauté et aux pouvoirs publics de prendre conscience de la réalité du problème. Par contre, au niveau de la santé, il semble évident que la recherche publique s'impose d'elle-même, les entreprises ne menant des recherches qu'à courte vue et profitable, et les associations entraînant forcément ces débats finalement très nauséabonds pour mesurer l'importance de la gravité de chaque maladie…

7 commentaires:

  1. Si je n'adhère pas à la position concurrentielle de P. Bergé, le ton larmoyant du téléthon et la campagne à outrance chaque année m'insupportent. En fait, moi, ça me fait plutôt fuir même si je sais l'importance des recherches menées. Je donne à plusieurs causes chaque année mais jamais au Téléthon, en fait. Le battage médiatique me fait me tourner vers d'autres. Il faut croire que je suis pas représentative.

    RépondreSupprimer
  2. Oui Ink.... mais je préfère imaginer que vous n'avez personne (et c'est un bonheur) dans votre famille qui soit atteint d'une maladie génétique....Quant à Bergé sauf à dire qu'il ne réprésente pas (à mon avis) les valeurs qu'il dit vouloir défendre : no comment ...c'est préférable et j'ajoute simplement qu'il faut réveiller la France pour toujours et encore avancer....Bonne continuation et....ça n'arive pas qu'autres autres !

    RépondreSupprimer
  3. Dans ma campagne, le Téléthon a remplacé les grandes fêtes religieuses. Il faut voir l'implication des bénévoles ! On commence à prévoir, à préparer, à organiser, au moins deux mois avant. Il faut voir les kyrielles de dames qui font des crêpes et galettes, les hommes qui grillent les saucisses et décapsulent les Kro, les vieilles qui qui vendent des brioches de porte en porte, (et font leur plein de ragots pour le mois à venir)les enfants qui tiennent des stands de kermesse,toutes les activités qui tournent autour du Téléthon... ça dépasse de loin la quête pour une bonne action.

    RépondreSupprimer
  4. @ lnk : eh bien, moi, je ne donne qu'aux causes pour lesquelles je suis investi personnellement, et dans lesquelles je donne aussi mon temps. Les autres, je n'y arrive pas.

    @ Anonyme : certes, on peut toujours se dire qu'on a de la chance de ne pas avoir de malade génétique dans sa famille. Moi, j'ai eu plusieurs cancers dans ma famille. Ce n'est pas pour autant que je vais aller culpabiliser mes voisins pour qu'ils donnent à l'ARC ou à la Ligue contre le Cancer.

    @ Suzanne : je trouve (c'est ma réaction première à votre commentaire) qu'on ne fait plus assez la fête dans notre société. Sans doute l'individualisation de plus en plus forte de nos pensées et de nos vies.

    RépondreSupprimer
  5. @Anonyme: heureusement, on ne donne pas nécessairement en fonction de ce qui nous touche personnellement ou les nôtres(je suis pourtant atteinte d'une maladie génétique ainsi que l'un de mes enfants-non mortelle) On ne peut pas donner à tous, alors chacun sa sensibilité, et en ce qui me concerne, je suis pas refroidie par tout le battage autour du téléthon. Mais je sais l'importance de la cause, et je salue ceux qui s'investissent pour sauver des vies, maladies génétiques ou pas. Il n'y a pas de hiérarchie dans les maux quand il s'agit de vies.

    RépondreSupprimer
  6. C'est incroyable, j'ai récemment commis un article qui ressemble bigrement au tien... en moins "pointu" et davantage axé sur les "valeurs".
    Charité : non merci !
    Solidarité, fraternité : d'accord !

    RépondreSupprimer
  7. @ Thierry : je vais aller voir ton billet.

    RépondreSupprimer

Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

La modération des commentaires est activée 14 jours après la publication du billet, pour éviter les SPAM de plus en plus fréquents sur Blogger.