Il y a quelque chose que je trouve terrible depuis la fin du marxisme-léninisme, c'est le consensus général de notre société autour de l'idéologie libérale. Alors que la fin du bloc de l'Est aurait dû nous amener à une démocratie apaisée et à un pragmatisme plus grand, nous nous sommes lancés en courant dans la direction inverse. Il est dommage que nous soyons toujours obligé d'aller aussi loin dans un sens pour se rendre compte qu'on aurait pu réfléchir un peu avant.
Je suis sûr, cher lecteur, que tu connais même vaguement les fondements du libéralisme. Il faut différencier avant tout le libéralisme politique du libéralisme économique. Cette deuxième vision dit que le marché est toujours plus efficace grâce à l'effet positif de la concurrence. L'Etat a cependant une place dans le libéralisme: il doit assurer ce qu'on appelle les fonctions régaliennes. Ainsi, cher lecteur, pour un libéral pur sang, l'Etat doit battre monnaie, entretenir une armée pour nous protéger de l'extérieur, entraîner une police pour protéger l'individu de l'intérieur et faire respecter les droits fondamentaux de l'homme, rendre la justice et doit prélever un impôt pour faire fonctionner tout cela. Tout le reste est du ressort des individus qui ont à se débrouiller par eux-mêmes pour survivre. Cette doctrine s'accompagne d'une morale sur la valeur de l'effort et du travail, mais d'un effort purement productif.
Pourtant, je trouve qu'il y a dans tout cela une contradiction fondamentale. Les libéraux reconnaissent que seul l'Etat peut détenir le pouvoir de la violence. On pourrait pourtant pousser leur doctrine jusqu'à considérer que l'individu a aussi à assurer sa sécurité par lui-même, car l'Etat risquerait de profiter de cette possibilité pour s'arroger un pouvoir menaçant nos libertés. Il est tellement difficile de contrôler la police et l'armée, et cela se voit régulièrement (voir les rapports d'Amnesty International sur les pays développés). Loin de s'engager jusque-là, comme le font les anarchistes, les libéraux sont prêts à remettre leurs droits entre les mains de la force publique. Cela veut donc dire que les libéraux admettent que l'Etat est indispensable, car sinon, ce serait le désordre au niveau de la sécurité. A partir de là, si l'Etat est capable de gérer un domaine aussi sensible de la meilleure manière possible, il est évident qu'il peut gérer tout le reste.
En effet, un Etat peut vous embêter dans votre vie courante de multiples façons: il peut prélever des impôts, ne pas vous rembourser à temps vos soins, peut vous tracasser avec son administration, peut vous gêner avec ses fonctionnaires en grève... Mais, un policier ou un militaire peuvent te tuer, c'est-à-dire (accroche-toi, cher lecteur car on arrive au noeud) mettre un terme à ton existence, sans que tu puisses t'y opposer, puisque seul l'Etat a le droit à la violence. Les libéraux ne sont donc pas prêts à confier leur santé ou leur éducation à l'Etat mais sont prêts à lui confier leurs vies? On a l'impression de marcher sur la tête.
Et pourtant, en réfléchissant bien, non! Les libéraux reconnaissent que la défense personnel de chaque citoyen aboutirait à une situation dangereuse pour l'individu; l'Etat est alors nécessaire. Dans ce cas, pourquoi la gestion de la santé n'est-elle pas équivalente? Celle de l'école? Celle de la culture? Au total, les libéraux se contredisent car ils ne veulent pas voir disparaître totalement l'Etat, alors que toutes les autres idéologies qui ont traversé XIXe et XXe siècle le veulent (marxisme, anarchisme, socialisme...) à l'exception notable des fascismes divers. Ils considèrent que l'Etat peut définir quel est le droit pour la sécurité, mais qu'il en est incapable pour le reste. Nos hommes politiques sont donc totalement incompétents et uniquement capable de travailler sur le violence. Malheureusement, ils ne peuvent se lancer dans des choses trop complexes, comme les retraites, la santé, l'éducation, les transports, l'énergie...
Je te lance donc un défi, Ô toi libéral convaincu: je te propose de me démontrer pourquoi l'Etat doit s'occuper de l'armée, de la police et de la justice et serait incapable de gérer le reste sans devenir tyrannique. Je veux que tu m'éclaires. Si tu arrives à me convaincre, je te le jure, je me convertis.
Je prendrais plutôt le problème par l'autre bout.
RépondreSupprimerLe pouvoir militaire et policier doit rester entre les mains de l'Etat car en cas de privatisation, les éventuelles dérives seraient trop dangereuses et pourraient aboutir à une menace pour la démocratie.
Par contre, pour les autres branches de la fonction publique, déjà privatisées ou non, telles les énergies, l'éducation ou la santé, le libéral juge que la privatisation provoquera une plus grande rentabilité, une plus grande efficacité et un moindre coût. Et le danger est sans aucune commune mesure avec les forces armées ou policières, car il ne remet pas en cause la sacro-sainte démocratie de notre société.
J'ai pensé comme ça, et j'en reviens.
Au 20ème siècle, nous avons eu deux grandes idéologies pour notre société, le communisme et le capitalisme. Je pense pouvoir affirmer que le communisme a échoué, n'en déplaise à certains.
Malheureusement, l'échec du capitalisme libéral n'est pas aussi brutal et flagrant, mais a des conséquences mondiales qui pourraient se révéler pires.
Nous avions le l'interventionnisme occidental (U.S) qui a destabilisé nombre de pays par la mise en place de dictatures, par des guerres, qui aboutissent aujourd'hui au terrorisme. Nous avions le problème de l'écologie, de la faim dans le monde.
On peut dire que tout ça est une conséquence directe du pouvoir grandissant des multinationales, du lobbying qui en découle, donc du fait que tout tourne autour de l'argent (je suis sûr que Mathieu nous fera un cours sur tout ça, spéculation sur les matières premières et c...)
J'ai toujours pensé que l'humanité était capable de se bouger quand elle était dos au mur...
Mais ne sommes nous pas dos au mur?
La misère et la faim dans le monde atteignent des sommets, l'écologie est mise au second plan, est passée de mode, le terrorisme est de plus en plus présent, et aujourd'hui, même nos sociétés occidentales "riches" parmi les riches ont un fossé de plus en plus grand entre élite et peuple.
On parlait de chômage, on parle maintenant de pouvoir d'achat pour ceux qui travaillent, de misère (très relative comparée au pays du tiers monde) pour une classe sociale qui travaille mais n'y arrive pas.
Je fais des raccourcis car je pourrais disserter pendant des heures, mais en résumé, tout va de pire en pire, c'est très souvent la cause directe du libéralisme à outrance, spéculation sur le pétrole, les matières premières (blé,riz...) qui aboutissement à une hausse des prix qui touche les plus pauvres.
Je souhaite un interventionnisme important de l'État, une reprise en main de l'économie du pays.
Le système court à notre perte, et court de plus en plus vite.
Je suis désolé d'avoir fait pas mal de raccourcis, mais j'espère que j'aurai été clair.
Je suis d'accord avec toi. Une question reste en suspens cependant: l'Etat est-il la bonne échelle pour reprendre l'économie mondiale en main? Je crains que nos démocraties aient du mal à le faire. Les transnationales ont soixante ans d'avance sur ce point.
RépondreSupprimerJe crois cependant que la hausse des coûts de l'énergie va poser de gros problèmes à la mondialisation. A moins qu'on arrive à trouver un moyen de transport pouvant fonctionner sans énergie fossile, je suis persuadé que le modèle actuel n'aura qu'un temps. Cela ne règle pas la question environnementale (j'en parlerai un de ces jours) mais devrait se poser à nos joyeux économistes. Que fera-t-on lorsque transporter des produits industriels de Chine sera trop coûteux, mais qu'il n'y aura plus de moyens de production en Europe? Mystère...
On a dépassé le problème écologique, ce qui était au centre des préoccupations françaises pendant les élections est retourné dans l'ombre. Les gens ont du mal à boucler leurs fin de mois, c'est ça qui est devenu primordial aux yeux du citoyen moyen.
RépondreSupprimerEt puis, si les états ne peuvent reprendre les choses en main, alors qui?
Les africains mourraient de faim il y a 10 ans, et on nous dit qu'aujourd'hui c'est pire!
La dépendance au pétrole, provoque la hausse du coût des céréales (merci les bio-carburants) et la spéculation empire le tout. C'est la faillite d'un système.
Je ne vois pas en quoi l'européen de base sera plus riche dans 5 ans qu'aujourd'hui, et l'africain moyen, de toute façon tout le monde s'en tape.
Si les classes dirigeantes ne s'aperçoivent pas du problème et ne réagissent pas face aux responsables des problèmes, j'ai bien peur que dans un avenir plus si lointain, le peuple s'en chargera. On voit des émeutes de la faim en Afrique, elles vont se répandre.
Le communisme n'a pas échoué, il a juste montré ses faiblesses, qui sont malheureusement inhérentes à l'être humain, si le modèle d'organisation doit être repensé, le principe humaniste qui le sous-tend reste tout à fait valable, reste maintenant à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain en faisant comme les "sociaux démocrates" qui acceptent le capitalisme comme modèle unique, je trouve que sur ce coup ça manque beaucoup d'ambition intellectuelle, est-ce si difficile de penser à un nouveau système ?
RépondreSupprimerMathieu, pour le coup je suis tout de même plus en accord avec Manu qu'avec toi, la question de la puissance de l'Etat face à la mondialisation est déjà dépassée, c'est le regroupement des Etats qui permet de faire levier face aux industries dominantes, le pouvoir est là, ne manque que le courage aux politiques (je n'ose imaginer que nos gouvernants priorisent les intérêts des industriels avant ceux de la population) qui ont abandonné le rapport de force comme arme, sauf à l'utiliser contre les peuples après les avoir préalablement et artificiellement opposés les uns aux autres.
En fait, je posais juste la question de l'échelle d'action. Je crois qu'il faut commencer d'ores et déjà à imaginer qu'il faut aussi considérer l'échelle internationale comme une échelle d'action. Après tout, ce sont les communistes qui ont imaginé cette échelle à la fin du XIXe siècle, et je suis sûr que nous pouvons à nouveau y penser, même si c'est peut-être encore plus utopiste que d'imaginer que les Etats reprennent les choses en main à l'avantage de la majorité.
RépondreSupprimerEn fait, je serai encore plus ambitieux et je crois qu'il faut tout repenser et repartir de zéro, avec nos moyens. Marx fait partie des penseurs du passé, comme bien d'autres. Il nous a laissé des concepts qu'on peut réutiliser, mais avec notre regard critique. Je pense à la théorie de l'exploitation, à la lutte des classes et aux notions de capital et de travail. Il y a aussi des choses à prendre chez les libéraux, et il faut comprendre pourquoi leur logique a autant de succès aujourd'hui.
salut,
RépondreSupprimerpremièrement, beaucoup de libéraux pensent que la sécurité aussi peut être laissée à la charge des citoyens, sans que l'Etat centralise la chose. Ce n'est pas mon cas. Je reste un libéral "léger", on va dire.
Cependant quand tu dis que l'économie mondiale a besoin d'être reprise en main, c'est une phrase qui fait peur !!!! Pourquoi faudrait-il reprendre l'économie mondiale en main ???
Il s'agit de permettre à la population mondiale d'avoir un minimum de contrôle sur ce qui se passe au niveau des échanges internationaux, pour permettre d'amorcer un processus de redistribution des richesses à l'échelle mondiale, ce qui manque cruellement aujourd'hui et peut-être à l'origine de la fondation d'un nouveau système de régulation mondiale de l'économie, s'appuyant sur l'expérience précédente du système de Bretton Woods. Ce traité a prouvé que la régulation mondiale peut exister et avoir un sens...
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