lundi 20 juillet 2009

Démontons la manipulation des résultats du Bac 2009.

Ah, les résultats du bac sont tombés. Chaque année, ils suscitent une multitude de commentaires de la part des autorités, et cette année particulièrement. Le rectorat de Créteil, à la pointe du soutien au gouvernement, comme d'habitude, a de suite annoncé que les excellentes performances de nos élèves, lors de cette session 2009, ne pouvaient être dues qu'à l'accompagnement éducatif développé par Xavier Darcos depuis deux ans.

Cet argument est assez drôle pour nous. Certes, l'accompagnement éducatif existe en collège depuis deux ans, mais cela signifie qu'aucun élève étant passé par ce système ne peut s'être présenté au bac cette année. En lycée, les différents stages de vacances et d'été n'ont été mis en place que dans 200 établissements, au niveau national, et seulement depuis un an, donc à destination d'une minorité de lycéens. On ne peut imputer cette victoire à ces réformes. Cependant, il est clair qu'il y bien une raison à cette hausse significative des résultats de nos élèves.

Le 7 juillet, je me trouvais aux résultats avec un certain nombre de collègues de sciences, vu que j'avais la chance d'enseigner à une terminale scientifique cette année. Étonné par le grand nombre de mentions dans ma classe (certes assez forte, mais pas tant que cela comparativement aux résultats), je demandais à un professeur de mathématiques et à un professeur de physique comment ils expliquaient la chose : « Globalement, pour la première fois depuis au moins six ou sept ans, toutes les épreuves étaient abordables en sciences. Il suffisait d'un peu de jugeote et d'une bonne préparation pour avoir des notes tout à fait convenables. »

Ce n'est pas tout. Depuis quelques années, le discours du ministère est plus qu'ambivalent. Certes, lors des séances d'inspection, nos inspecteurs ne cessent de nous dire à quel point nous devons être sévères dans notre manière d'évaluer, particulièrement avec le niveau de connaissances, la maîtrise de l'argumentation et l'orthographe. Or, lors des réunions d'harmonisation (on se réunit et on essaie de construire des barèmes pour les grandes épreuves), le discours est tout autre : les inspecteurs essaient de nous pousser à la plus grande indulgence, ne cessant de regimber lorsqu'un collègue est arrivé à une moyenne inférieure à 10/20. Maintenant, dans certains cas, il arrive même qu'on t'appelle à mi-correction pour te demander de relever tes moyennes. La tendance est donc à permettre aux élèves les plus moyens de passer la barre plus facilement. En histoire-géographie, cette tendance est d'autant plus lourde que nous avons la réputation de noter très sévèrement : les notes du bac en HG tournent à 9 de moyenne, alors que les autres matières sont plus proches du 10.

Je ne dis pas que l'accompagnement éducatif ne pourra pas avoir des effets à terme, même si je reste persuadé que c'est en cours que tout se joue. Cependant, la cause des bons résultats de l'année n'est pas là. Elle réside, à mon sens, dans la volonté forte du ministère de pousser les résultats pour légitimer sa politique.

Bon, je ne voudrais quand même pas dire aux élèves qui viennent d'avoir le bac qu'ils ne le méritent pas, mais que certains d'entre eux ont évité l'oral de rattrapage ou ont peut-être eu une mention supérieure à celle qu'ils auraient eu normalement. D'autre part, il faut rappeler aussi, cher lecteur, que seulement 35% des gamins d'une classe d'âge passent un bac général, ce qui en laisse 65% avec un autre type de diplôme, voire sans diplôme du tout. Ne t'inquiète donc pas, cher lecteur angoissé par la baisse du niveau, le bac général français reste bien très élitiste, par rapport à ce que font nos voisins européens.

PS : dans les mesures qui rapporteraient un peu d'argent à l'État, et vu que notre gouvernement trouve l'accompagnement éducatif si formidable, pourquoi ne pas supprimer les abattements fiscaux qui te permettent de mettre ton gosse chez Acadomia et consorts ? Je ne vois pas pourquoi on financerait un service public d'éducation d'un côté, et des entreprises privées qui font la même chose de l'autre côté, en sous-payant leurs employés. Voilà une manière efficace de récupérer un peu de pognon...

10 commentaires:

  1. 35% d'une classe d'âge obtient le bac général, c'est à peu près comme les chiffres des années 60-70, non ?

    Beaucoup de lycéens obtiennent un bac pro assez âgés souvent, après un parcours comprenant la plupart du temps un ou deux redoublements au collège et une orientation "négative" (si vous ne faites aucun effort, vu vos résultats minables, vous irez en techno). C'est autre chose que le baccalauréat "général", c'est un diplome professionnel qui prépare (parfois en alternance avec un travail en entreprise)à la vie active ou donne accès au BTS, DUT, donc ça ne signifie rien de dire que 86% d'une classe d'âge a le bac. 86% d'une classe d'âge a été scolarisée jusqu'à l'âge de 18-20 ans, c'est plutôt ça.
    Avant le collège commun, (réforme Haby) on orientait dès la sixième les collégiens vers des cycles d'études courts ou longs (les CET et les CEG). Maintenant, on met en 4ème techno des adolescents qui ont parfois plus de quinze ans en fin de cinquième et n'ont acquis qu'une très faible partie du socle de connaissances communes. Qu'est-ce qui est le mieux ?

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  2. Mathieu, pourquoi est-ce qu'il y a de la pub pour des officines de cours particuliers sur votre blog ? Le bandeau en haut.

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  3. 35% seulement de mes élèves de CP de cette année passeront un bac général dans 11 ans ? (si les chiffres ne changent pas) Tu m'as déprimée d'un coup Mathieu... Alors ok, restent les Bac pro. Je n'ai rien contre mais j'avoue que je préfère les bacs généraux et ce n'est pas que je considère que ce sont les seuls qui valent quelque chose. On est d'accord ; les bacs pros sont davantage dans la formation directe, c'est moins théorique et ça permet donc d'avoir un emploi plus facilement. Mais en tant que prof, pour moi, l'éducation ne sert pas unqiuement à donner un travail !! J'en ai ras le bol de cette conception ! Le rôle de l'école est d'instruire, pour donner une culture à tous, pour que les futurs citoyens soient capables de décrypter ce qu'il y a entre les lignes, d'apprécier une ouevre littéraire ou artistique, de s'intéresser à la génétique et aux progrès de la science, etc. 50% de mon boulot de prof est tourné vers ce but, 50% vers leur emploi futur ! Sinon autant demander aux entreprises de créer leurs formateurs et de les envoyer directement aux élèves... Alors quand tu me dis que seulement 1 sur 3 sera en filière générale à l'âge du bac, ça me désespère...

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  4. @ Suzanne : non, les chiffres ont évolué. En 1960, obtiennent un baccalauréat 10% d'une classe d'âge. 35%, c'était le chiffre du début des années 1980. En tout, 65% d'une classe d'âge obtient un bac, dont 35% un général et 30% un professionnel ou un technique.

    Le bac pro est certes un diplôme professionnel, mais il est un progrès par rapport à ce que vous évoquez, car les jeunes restent plus longtemps à l'école et restent au contact de la culture générale, même si elle est minime, ce qui n'était pas le cas avec le CAP-BEP. Par contre, cela dépend pour les orientations. Certains bacs pro sont très recherchés, d'autres pas.

    Il est clair, en tout cas, que l'orientation ne devrait être que positive.

    @ Nathalie : je ne suis pas du tout d'accord. Le bac pro est un vrai diplôme qui a permis une élévation du niveau des classes populaires. Cela n'est pas du tout négligeable. De plus, l'école sert certes à ouvrir l'esprit des élèves, mais aussi dans le but de leur permettre d'avoir une vie professionnelle meilleure. Les deux sont intimement liés. Le fait qu'un tiers de tes élèves aille en pro ne devrait pas être considéré comme un échec.

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  5. Non, le véritable échec, ce ne sont évidemment pas les bacs pro.

    Ce sont tous ces élèves qu'on incite à passer des bacs généraux sans leur faire comprendre que l'intérêt d'un bac général, c'est de faire des études longues.
    Etudes longues qu'ils ne pourront pas faire, pour la bonne raison que le lycée assure de moins en moins l'acquisition de techniques comme la dissertation, le commentaire de texte ou, en langues, la traduction, qui sont censées aller de soi à la fac. D'où les taux d'échec catastrophiques en 1er cycle.

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  6. On ne s'est pas bien compris Mathieu : le bac pro n'est pas un faux diplôme, je suis tout à fait d'accord. Il peut offrir un boulot direct, et je connais effectivement des diplômés de ce bac qui ont en plus poursuivi leurs études à la fac ou en BTS. Certains deviennent même instits ;-)Donc je ne suis pas de ceux qui le dévalorisent ; no soucy !Par contre comme tu le dis toi même, "les jeunes restent au contac d'une culture générale même minime". Alors bien sûr je serai contente si mes élèves étudient un métier qu'ils aiment, avec des débouchés, mais c'est vrai que je préférerais qu'ils puissent passer du temps à la fac, à étudier plein de disciplines variées comme nous avons pu le faire. Maintenant, je suis bien d'accord ; ne serait-ce que pour des raisons économiques (la plupart des étudiants français sont pauvres) ils ne peuvent pas tous se permettre des études longues. Mais en tant que prof et ancienne étudiante s'éclatant à Paris 8 en allant bosser en philo, en psychanalyse, en criminologie, en breton, etc, je trouve ça dommage... Et, enfin, mon "désespoir" concernait surtout ceux qui, comme tu l'as souligné aussi, n'auront carrément aucun diplôme."35% d'une classe d'âge passent le bac général ce qui en laisse 65% avec un autre tye de diplôme, voire pas de diplôme du tout"bon, javoue en me relisant que je m'étais peut-être mal exprimée ou pas assez, là c'est fait !;-)

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  7. Etiam Rides : oui.
    Mathieu : oui, vous avez raison pour les chiffres.

    Le système scolaire allemand, qui sélectionne très tôt les élèves, a un point fort: il y a très peu de jeunes qui se retrouvent sans formation et sans diplome.
    Le collège commun, de toute façon, pratique une sélection par le jeu des options. Le fils de prof qui a un an d'avance et qui a choisi allemand première langue,, latin et deuxième langue dès la cinquième, a peu de chance de passer ses journées à côté d'un Kevin ou Mohammed qui a redoublé deux ou trois fois et renforce son étanchéité à la culture générale en regardant Secret Story sur son portable en cours.

    Nathalie: s'il y a 3% d'étudiants seulement qui viennent d'un milieu ouvrier ou pas favorisé, peut-on dire que les étudiants sont pauvres ?

    Le bac pro a un avantage aussi, actuellement: c'est un objectif presque merveilleux pour des élèves qui ont eu de grosses difficultés scolaires, qui ont ramé jusqu'à ce que la filière "techno" les réapprivoise à l'étude et qui ont suivi le chemin CAP BEP BAC Pro.

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  8. Et comme on a maintenant le bac pro, on va supprimer le BEP. C'est dommage. Il faudra baisser le niveau du bac pro pour qu'il devienne accessible aux élèves qui ne pouvaient pas dépasser le niveau BEP. On aurait pu, au contraire, mettre un peu plus de culture générale et de la philo au programme du bac pro, et garder le BEP qui présentait un plafond pour certains.

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  9. @Suzanne : pour moi, un étudiant pauvre, c est un étudiant qui va devoir avoir un job pour payer ses études et sa vie quotidienne. Ca ne concerne pas que les familles ouvrières, je rappelle quand même qu'il y a, par exemple, de plus en plus de fonctionnaires qui vont aux restos du coeur !!Ce chiffre m'intéresserait d'ailleurs : combien d'étudiants ont un travail rémunéré parallèlement à leurs études ? On sait à quel point il est difficle de concilier les 2 et peut-être faudrait-il chercher davantage ici les raisons du taux élevé d'échec en 1er cycle non ?

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  10. @ Etiam : je te suis partiellement. Pour moi, le lycée n'est pas une préparation au supérieur, c'est une formation généraliste, avec des spécialisations. On fait encore des dissertations aussi. Par contre, les universitaires se refusent obstinément à faire de la méthode, alors qu'il serait bon qu'ils s'y mettent un peu. Mais tu comprends, ce n'est pas très prestigieux, la méthode...

    @ Nathalie : ok, je comprends mieux ce que tu voulais dire.

    @ Suzanne : je n'ai jamais nié la sélectivité des études en France.

    Pour les BEP, les syndicats enseignants ont tenté de s'opposer à cette évolution. Cependant, le ministère, en raccourcissant les études d'un an, va supprimer un quart des postes du professionnel. La logique budgétaire a été plus forte que la logique pédagogique.

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