samedi 25 juillet 2009

Derrière le cas Refalo, le jeu entre communication politique et réalité des réformes.

Une camarade professeur des écoles me signale, à juste titre, que je n'ai encore rien dit de la résistance pédagogique initiée par Alain Refalo. Maintenant que ce collègue a été abondamment sanctionné par la hiérarchie, il est intéressant, en effet, d'y revenir. Cet enseignant avait fait le pari de rendre public sa désobéissance en contournant habilement la loi. Il avait organisé, sur ces deux heures destinées à l'aide individualisée, un atelier théâtre pour l'ensemble de sa classe, rendant ainsi les deux heures de cours supprimés à tous les élèves, avec le soutien des parents de la classe. Finalement, le gouvernement a poussé à la sanction contre l'enseignant, du fait de son positionnement médiatique. Refalo réplique sur son blog, et semble vouloir poursuivre son action.

Souvent, on argue que ce comportement est très isolé. En réalité, les autres professeurs des écoles restent très silencieux sur cette réforme. En général, elle est très peu appliquée. Dans les écoles maternelles de Seine-Saint-Denis, devant la faible mobilisation des parents (ils s'en servaient davantage comme garderie), de nombreuses écoles ont rapidement interrompu ces aides, transformant ces heures en réunion pédagogique. Il est vrai qu'il est étrange de vouloir imposer du soutien dès la maternelle. Cette situation me confirme dans une vision claire sur la fonction publique (mais est-ce différent dans le privé ?) : un changement ne passe pas si les personnels n'y adhèrent pas. Globalement, les profs ne soutiennent pas ces mesures. On peut difficilement croire qu'ils défendent un intérêt corporatiste ici : cette réforme n'a pas modifié le temps de travail et elle a même réduit le temps de présence devant élèves, passant de 26 heures à 24 heures par semaine. Pour les profs, cela a aussi permis une libération du samedi matin.

Aujourd'hui, l'Hérétique affirme qu'il s'agit là de la seule réforme de Darcos dont il se satisfait. Personnellement, je ne suis absolument pas contre le fait que l'Éducation nationale organise un service de soutien scolaire pour tous, permettant ainsi d'abattre les officines privées de soutien scolaire. D'ailleurs, les termes d'« accompagnement éducatif » viennent de la FSU, dans des mandats datant des années 1980. Cependant, il faut bien comprendre que cette réforme-là n'a eu pour but que de supprimer des postes. Je m'explique.

Dans le primaire, le soutien scolaire pour les élèves en grande difficulté existait déjà. Le RASED (réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté) visait à prendre en main des élèves en souffrance pour les aider autant scolairement que socialement. Ce système a été créé en 1990 : il était donc jeune et aurait mérité des évaluations sur le long terme. Il mobilisait plus de 13 000 professeurs qui avaient reçu une formation spécifique. N'étant plus en cours, ils passaient leurs journées à prendre des élèves en petit groupe, les sortant un peu de la classe pour leur permettre d'avancer différemment. Ce service public accessible à tous était un véritable investissement public.

Or, depuis 2007, la suppression des postes s'est accélérée. Dans le secondaire, on a pu tenter de remplacer les profs par des heures supplémentaires. Dans le primaire, la suppression d'un poste entraîne automatiquement un alourdissement des classes des autres, surtout que nous sommes en pleine hausse démographique. Or, Darcos découvrit l'existence de ces 13 000 postes et décida de se servir de ceux-là pour faire avancer les suppressions. Comment fait-on ? C'est simple :

  • On annonce qu'on supprime 3 000 postes de RASED, et les autres dans les années suivantes, ce qui permet de remettre les enseignants qui occupaient ces postes en classe. On réduit cependant mécaniquement l'offre de soutien.
  • Pour compenser, on oblige tous les enseignants, qui ne sont pas forcément compétents pour le faire, à organiser du soutien deux heures par semaine. Or, voilà qu'on vient d'augmenter le temps de travail des autres.
  • Donc, pour ne pas se mettre la profession à dos et éviter de payer deux heures de plus, on réduit la semaine des élèves de 26 heures à 24 heures en maintenant un programme assez semblable.

Au total, on casse un système existant non-évalué, on propose un soutien moins efficace et on réduit le temps de cours de tous les élèves en maintenant les mêmes objectifs. Évidemment, le gouvernement a beau jeu de dire que tout se passe bien, puisqu'il légitime ainsi une politique destructrice.

Refalo a trouvé une réponse à cette réforme comptable, mais les autres profs agissent à leur manière. Certains font pareil sans le dire, d'autres tentent de faire du soutien, les anciens profs du RASED sont dégoûtés de s'être investis dans ce projet pour rien, la qualité globale du service pour tous les élèves a diminué.

Même si elle ne change pas la vie des profs, cette réforme ne sera pas soutenue en l'état. Dommage, car l'idée d'un soutien scolaire public est une bonne idée en soi, du moment que les cours eux-mêmes sont faits dans de bonnes conditions.

7 commentaires:

  1. Salut, Privilégié :-)

    La suppression progressive du RASED est un scandale. Mais le RASED et l'aide individualisée ne touchent pas nécessairement le même public.
    Je trouve scandaleux, en revanche, que des enseignants, en Seine Saint-Denis remplacent cette précieuse aide par de la réunionite pédagogo à la con. Ça ne sert à rien. Ces réunions sont dans 95% des cas de la perte de temps. L'enseignement n'en a jamais été amélioré.
    Je ne vois pas non plus cette aide comme du soutien scolaire. Non, vraiment, il s'agit bien d'une aide individualisée : des groupes de deux à trois enfants dont une enseignante ou un enseignant s'occupe pour les faire progresser.
    En revanche, je pense qu'il est mieux de placer ces heures sur le temps de la cantine qu'après les cours.

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  2. Personnellement, j'etais contre ce soutien pour les raisons que tu as évoquées, principalement parce qu'il n'existe que pour tenter de justifier la suppression du RASED. Je l'ai testé cette année : en CP, je gardais de 16h30 à 18h30 4 élèves. L'une s'endormait sur les coups de 17h, les autres étaient dans un état d'énervement tel que je finissais par les laisser jouer avec des Playmobils... C'était les mêmes résultats dans les autres classes ; aucun collègue n'est venu me dire que ces heures avaient vraiment aidé leurs élèves. Au mieux, elles ont permis à un petit nombre de timides de prendre davantage confiance en eux (oh, mais n est ce pas l'une des missions du maitre G du RASED ? Oh mais si, ah ben dis donc, ça servait donc !..)cependant, chez nous, pas de désobéissance publique : les premiers soutiens ont été réalisés avec une bonne volonté et même des projets ! Et puis, lorsqu'on a vu le résultat... On les a saccagés : au mieux, elles se sont transformées en réunion, au pire on a laissé les élèves dessiner et jouer. Une gentille garderie ! J'étais la seule à vouloir annoncer à l'inspection un boycott pur et simple. Et je suis réaliste : seule gréviste dans une école ça ne mène à rien. J'essayerai quand même à la rentrée d'amener mes collègues de nouveau sur le chemin de la résistance en brandissant la déclaration de notre collègue. Ce qui serait génial c'est qu'un grand comité de soutien se crée, qu'on collecte les 7000 euros dont il va être pénalisé. Je pense que ça serait un message calme, posé mais fort.

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  3. @ l'Hérétique : premièrement, ces réunions sont à 5% des réunions où, épuisés, les collègues discutent des pires cas de leur classe. Ca pourrait passer pour une réunion à la con, comme vous dites, ce n'est pas le cas car je pense que ce moment est important pour éviter les pétages de plomb.Les autres réunions, donc 95%, sont très importantes car elles nous permettent de faire le point sur nos programmes, sur des évaluations à mettre en oeuvre, sur des exercices pour remédier aux difficultés des élèves, etc. Nous demandons chaque année davantage d'heures de concertation, ce n'est pas pour papoter et boire un verre, promis ! Et encore, je n'ai pas parlé de tous les dossiers que nous avons à remplir pour tout et n'importe quoi (comme un 4 pages pour demander un intervenant en sport alors que le même papier a déjà été rempli par une collègue le mois précédent !). Ensuite, concernant l'aide personnalisée telle que vous la concevez, on en revient toujours aux mêmes problèmes : où trouve-t-on le temps pour préparer des "outils pédagogiques" différents de ceux utilisés en classe pour aider les élèves en difficulté et est-ce qu'on est sûr d'être formé à cette aide ? Pour être prof dans le RASED il faut théoriquement une formation d'un an. Au nom de quoi puis-je croire détenir le savoir de ces profs, moi qui n'ait pas reçu cette préparation ? Enfin, concernant l'heure de cette aide, nous allons tester l'an prochain la plage du midi. Nous savons déjà que les parents vont râler : il y aura un décalage avec les frères et sœurs en maternelle, ça va poser des problèmes d'organisation. Moi je pense aux élèves que je vais retenir en classe et qui vont entendre leurs copains jouer dans la cour ou le préau ; si avec ça ils ne se sentent pas punis !.. Pas sûre alors qu'ils soient à 100% concentrés et plein de bonne volonté !Sans compter que si je les prends avant la cantine ils auront faim, donc seront inattentifs, mais que si je les prends après, ils seront en pleine digestion... Que du bonheur !

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  4. @ L'Hérétique : je ne suis pas d'accord avec toi sur le RASED. Ces deux systèmes touchent le même public. De plus, l'aide a été très utilisée, cette année, par les parents comme un système de garderie annexe qui permet de venir chercher les gamins une demi-heure plus tard. Rien à voir avec l'aide ici.

    Désaccord total avec toi sur les réunions aussi. Les réunions, si elles sont bien ciblées et bien organisées, sont comme partout : elles servent. Si elles sont mal organisées, elles ne servent pas.

    Enfin, à partir du moment où l'objectif de cette réforme était "supprimer les postes" et non pas "aider les gamins", elle est morte et enterrée de fait. J'espère seulement que certains gamins ont quand même tiré quelque chose de ces deux heures de soutien.

    Pour le moment où la placer, je n'ai pas d'avis, n'étant pas prof des écoles et n'ayant pas les connaissances réelles sur les rythmes des gamins de cet âge.

    @ Nathalie : bel exemple de la nullité de cette réforme. De toute façon, les gamins les plus faibles considèrent toujours ce type d'aide comme une punition par rapport à leurs petits copains qui rentrent s'amuser.

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  5. J'ai été enseignante et je peux vous dire que même avant la réforme je gardais des enfants de 11H 30 à midi pour faire du soutien.Cette aide a souvent été bénéfique pour la plupart d'entre eux. Il s'agissait d'enfants qui avaient besoin d e plus de temps que les autres pour comprendre un concept et n'avaient pas forcément besoin de voir le RASED.
    Il est vrai que c'est un scandale de vouloir supprimer les RASED mais on pourrait se poser la question s'ils étaient TOUS véritablement efficaces ...

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  6. @ Cath37 : certes, mais cette expérience que tu menais n'entraînait pas la suppression des RASED. Sur leur efficacité, comme d'habitude dans notre ministère, je suppose qu'aucune étude n'a été réalisée, et en tout cas pas pour étayer cette réforme.

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  7. @ Cath37

    Ce sont exactement les remontées que j'ai.

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Laissez-moi vos doléances, et je verrai.

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