samedi 10 octobre 2009

Les enjeux de l'Europe du XXIe siècle ?

Cher lecteur, je suis actuellement aux Rendez-vous de l'Histoire de Blois, rassemblement annuel des historiens qui s'y montrent et, parfois, démontrent, et des enseignants d'histoire-géographie qui ont eu la chance de se libérer de quelques heures de cours pour venir entendre des conférences.

Ce matin, j'ai assisté à une communication donnée par un historien spécialiste de géopolitique, Paul Verluise, qui enseigne à l'école de guerre. Ces conférences sont toujours très intéressantes, car ces historiens, qui enseignent une discipline à la marge et très spécifique, sont assez mal connus des historiens plus classiques.

Cette conférence visait à montrer comment le contexte historique avait un impact fort sur le processus de la construction européenne. A la fin de son exposé, l'historien a essayé de lister les enjeux posés à l'Union Européenne actuellement. Certes, il en manque sans doute certains, comme le travail sur le niveau de vie et sur la répartition des richesses. Cependant, je livre ces cinq enjeux à ta sagacité et te propose, éventuellement, d'y réagir. Évidemment, il s'agit d'éléments pris en note, qui peuvent parfois avoir été un peu déformés.

Premier enjeu : la démographie. L'Union compte près de 500 millions d'habitants (contre 305 millions aux Etats-Uni), mais cela ne veut rien dire, car nous ne sommes pas dans la même dynamique démographique. Les Etats-Unis ont une fécondité de 2,1 enfants/femme et bénéficient d'une immigration forte. Par contre, l'UE a un véritable problème sur ce sujet. Les Etats-membres ont mis du temps à le considérer comme un problème, le Royaume-Uni s'opposant à l'intervention de l'Etat sur ce sujet et l'Allemagne rejetant une intervention publique sur la natalité à cause du passé nazi. Or, les pays de l'Est sont engagés dans une dynamique de vieillissement (1,3 enfants par femme en Pologne) et de dépeuplement. Des régions entières se vident complètement, comme l'Est de la Pologne.

Les autorités communautaires ont enfin pris conscience du problème, et le Parlement en a parlé en février 2008. Plusieurs axes d'action sont évoqués : une politique familiale (la France est considérée comme un modèle, avec un taux de fécondité à 2,0 enfants/femme), la question des retraites (le Parlement impose le recul de l'âge de la retraite, laissant aux Etats le soin de le faire passer aux opinions), la question de la politique migratoire. Chaque année, solde migratoire est positif de 2 millions d'habitants.


Deuxième enjeu : l'impact des déficits publics et le poids de la crise économique en cours. L'UE est confrontée à une extrême hétérogénéité de son territoire, qui est totalement inédite. La Pologne est à 56% du niveau de vie moyen européen, la Roumanie à 30%, la France à 106%, l'Irlande à 141%, le Luxembourg à 200%. Les fonds communautaires allant vers l'Est sont considérables (ils sont automatiques vers les régions à moins de 75% du niveau de vie). Combien de temps pourra-t-on assurer ce financement ??? On ne sait pas, ces régions ont connu une croissance du niveau de vie de 1%/an, ce qui pose de vraies questions sur un financement pérenne. L'historien estimait qu'il fallait donner uniquement aux États vertueux et sanctionner les pays corrompus comme la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce. La dette pose la question de la survie des fonds européens, et des manières de les financer.


Troisième enjeu : le traité de Lisbonne. Il reste la Pologne et la République Tchèque pour qu'il rentre en application.


Quatrième enjeu : les problèmes militaires. 21 des pays-membres sont membres de l'OTAN. La France a tout fait, durant les années 1990, pour empêcher cette évolution mais les autres ont souhaité la pérennité de l'OTAN. L'Europe de la Défense est donc une aberration politique et n'a plus aucun avenir en Europe. Verluise explique ainsi le choix de Sarkozy de retourner dans l'OTAN car il aurait intégré le fait qu'on ne pourrait pas construire une Europe de la défense en se proclamant en opposition avec l'OTAN. Le président souhaiterait la changer de l'intérieur.


Cinquième enjeu : la question de la Russie. Elle a réapparu avec Poutine sur la scène internationale, avec une volonté de s'affirmer en tant que grande puissance. La Russie a bénéficié de la stratégie américaine en Irak, entraînant la croissance des prix du pétrole et du gaz et un afflux de devises. Elle entend maintenant redevenir une puissance à travers l'énergie. Pour l'UE, c'est un gros problème. Les États-membres ont des visions très différentes : la France est positive à l'égard des Russes, l'Allemagne est sécurisée, selon elle, avec le projet de gazoduc signé par Gerard Schröder, les pays de l'Est sont très méfiants.


Sixième enjeu : la question des candidats à l'élargissement. La Croatie, la Macédoine, l'Islande et la Turquie sont candidates. Ces trois pays posent de gros problèmes. La Croatie est en conflit avec la Slovénie sur leurs frontières maritimes ; la Macédoine est en conflit avec la Grèce sur son nom même,la Grèce considérant que la vraie Macédoine se trouve sur son territoire ; la Turquie est rejetée par les opinions publiques, par la France et l'Allemagne et reste liée aux questions chypriotes et irakiennes ; l'Islande n'a jamais manifesté un ancrage européen fort et sa candidature relève davantage de l'opportunisme politique. Il semblerait que la Norvège soit en train d'évoluer aussi dans son positionnement à l'égard de l'UE.


Voilà, cher lecteur, quelques réflexions en vrac au fil d'une conférence. Qu'en penses-tu ?

6 commentaires:

  1. Pour la démographie, ce n'est pas un problème il me semble. Il y a des millions de personnes qui ne demandent qu'à pouvoir s'installer en Europe, il suffit d'ouvrir grand les frontières (oui, je sais, l'utopie libérale...)

    Pour le traité de Lisbonne, il ne reste plus que les Tchèques.

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  2. @ Paul : je suis totalement d'accord avec toi sur la démographie. Cependant, je pense que l'idée d'ouvrir les frontières va être difficile à faire passer sur notre continent.

    Oui, mais cela a été annoncé hier, et ce n'était pas encore arrivé au moment de la conférence.

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  3. Je trouve toujours curieux que des "spécialistes" s'inquiète d'une chute de la natalité. il y a déjà 60 millions d'habitants, en France, on en prévoit quelques 70 dans 20 ans. Vous les mettrez où? Vous leur donnerez à manger quoi? Vous trouvez que le pays n'est pas assez bétonné? Pour ne pas parler de la Grande-Bretagne, ou de l'Italie qui a peut-etre un des taux de natalité les plus bas du monde, mais qui sont aussi peuplés que a France sur une superficie deux fois inférieure.
    C'est drole comme on entend souvent parler de nécessaire "décroissance" ( et pourquoi pas d'ailleurs, ce serait une bonne idée sans doutes) dans tous les domaines sauf pour celui de la natalité, quand à l'évidence hors d'Europe certains pays auraient besoin d'une politique draconienne de la natalité, comme en Chine, plutot que l'Europe d'ouvrir ses frontières. Pour avoir plus de... musulmans?

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  4. @ Floréal : qu'une population ne fasse pas suffisamment d'enfants pour se renouveler pose tout de même des questions...

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  5. Mais on connait la recette pour obtenir une natalité satisfaisante permettant de renouveler la population: permettre et favoriser l'accès des femmes au monde du travail, ce qui signifie assurer les services sociaux adéquats et en nombre suffisant, comme les crèches et les écoles maternelles. Pas d'ouvrir les frontières pour satisfaire les exigences de main d'oeuvre à bon marché du patronnat, dont les femmes sont les premières à faire les frais.

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  6. @ Floréal : oui, et le conférencier a évoqué la pertinence du cas français. Cependant, certains dirigeants européens estiment que la construction d'un système d'allocs comme le nôtre coûte plus cher que de faire venir des immigrés pour stimuler la natalité. Dogme libéral, quand tu nous tiens...

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