mardi 17 novembre 2009

Les deux heures d'accompagnement éducatif en lycée : dégradation des cours et renoncement des enseignants.

La réforme des lycées est en plein chantier, et ce malgré les rejets de plus en plus massifs de la profession. Cette réforme contient de nombreux aspects vraiment négatifs, que le président a tenté de lisser dans un discours très consensuel. Les médias l'ont soutenu massivement dans cette stratégie, continuant à dire que le projet ne contenait absolument rien de grave, voire qu'il était inoffensif.

En réalité, une fois n'est pas coutume, le gouvernement est en train de mettre en œuvre une réforme dont le but est de réduire massivement les dépenses publiques. Le lycée est parfait pour cela : il coûte cher et le ministère lorgne dessus depuis longtemps. Cela était déjà le cas avec la suppression du redoublement, mais il y a d'autres aspects.

Pour vendre son projet, Sarkozy a insisté sur les deux heures d'accompagnement éducatif. Contrairement aux expérimentations déjà effectuées dans 200 lycées dit difficiles, ce système concerne tous les élèves qui se verront attribuer deux heures d'accompagnement à la place de deux heures de cours. Comme le système devient obligatoire, les élèves pourraient recevoir soit du soutien, soit du renforcement pour les bons élèves, soit de l'aide à l'orientation (sûrement effectuée par les enseignants eux-mêmes, totalement incompétents sur cette question), soit des stages de « correction de trajectoire » pour pouvoir changer de filière en première.

Où se trouve l'économie, vu qu'on maintient le même taux-horaire ? Pour que le nombre d'heures de cours des élèves n'augmente pas, les pouvoirs publics ont décidé de transformer deux heures de cours existantes en heures d'accompagnement. Ces deux heures seront sûrement les deux heures d'aide individualisée qui existaient déjà mais qui ne concernaient que quelques élèves par semaine en maths et en français. Ces heures vont donc devenir obligatoire pour tous, ce qui correspond, bizarrement, à une augmentation de la présence en cours, ce qui peut paraître totalement contradictoire. Or, ces heures vont permettre au ministère de justifier le maintien d'effectifs pléthoriques dans nos classes. La logique est simple : continuer à dire aux élèves que le cours n'est pas le plus important (puisqu'il est chargé à bloc) et qu'on ne peut pas s'y faire aider, mais que l'aide est fournie par le ministère en parallèle. Régulièrement, la présence en cours est ainsi dévalorisée par le système. On poursuit la même stratégie de replâtrage.

Les élèves recevront donc des enseignements différents dans le même lycée, mais aussi au plan national. Même si des textes de cadrage doivent être publiés, on peut supposer que chaque établissement fera sa sauce. Dans mon lycée dit difficile, on fera du soutien ou des ateliers d'écriture, pendant que dans les lycées centraux de Paris, on renforcera encore plus des élèves déjà avantagés pour les préparer aux parcours élitistes.

Pourtant, beaucoup d'enseignants accrochent, convaincus que les cours sont devenus si inefficaces qu'il nous faut mettre en œuvre ces aides. Pourtant, les collègues se posent de moins en moins la question de connaître les causes de ces difficultés en cours. Comment peut-on avoir une attention pour chaque élève dans des classes à 35 voire à plus ? Comment peut-on mettre en place des aides pour les élèves lorsqu'on a un programme énorme à boucler et que l'on voit les élèves 2h30 par semaine, à 35 ? Persuadés qu'ils ne l'emporteront plus, les profs se rabattent sur cette solution-placebo qu'est le soutien scolaire. Système inégalitaire et symbole de notre défaite dans la recherche d'une école de qualité, il est de plus en plus accepté voire soutenu.

Et si, chers collègues, nous redevenions un peu fiers de notre travail et que nous affirmions ce que nous voulons ?

9 commentaires:

  1. Est-ce que vouloir et pouvoir c'est la même chose?

    Il faut être clair notre système comporte plusieurs vitesses, mais je ne crois pas qu'il y ait réellement de systèmes égalitaires.

    Pour avoir travaillé récemment dans une classe à effectif réduit, et avoir suivi ces élèves dans une classe à 35 j'ai pu voir les dégâts que nous faisons nous professeurs sur les élèves quand nous les (sur)protégeons.
    Effectivement, quand on a 20 élèves dans une classe on peut se permettre d'être le plus attentif du monde à leurs problèmes, d'adapter les explications pour chacun d'eux et même de proposer une "pédagogie différentiée" en donnant des exercices plus poussés pour les "bons" élèves alors que ceux qui ont des difficultés peuvent avoir les explications plus poussées de leur professeur.
    Alors vous allez me dire que c'est magnifique et que le monde tournerait bien mieux si tous les élèves avaient accès à une éducation de ce type. Et bien je ne pense pas. Je suis tombé de très haut quand j'ai vu la réaction de ces mêmes élèves quand ils se sont retrouvés en terminale dans une classe à 35. Je n'ai plus pu les porter à bout de bras comme je le faisait ils n'avaient plus à me partager comme en première, mais à prendre ce que je donnais à tout le monde. Je vous rassure je ne fais pas du cours magistral et j'essaye d'aller voir le plus possible les élèves qui en ont besoin mais 55 minutes divisé par 34 élèves ça fait juste qu'un peu plus d'une minute trente par élèves et par cours.
    J'entends, pour sur, mon blogueur préféré dire : "ben tu vois tu serais mieux avec 20 élèves et eux apprendraient mieux". Mais je pense qu'il ne faut pas oublier que nous sommes aussi là pour les éduquer à l'autonomie, et, s'ils sont perdus avec 15 élèves de plus, que se passera-t-il quand nos têtes blondes iront user leurs pantalons sur les bancs de fac avec 300 ou 400 élèves de plus que dans leur petit lycée...

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  2. @ Julien L. : je ne vois pas vraiment le rapport. Je ne cherche pas à les couver, mais à pouvoir plus partager avec eux. Objectivement, j'ai eu des secondes à 35, 30 et 27. Entre 30 et 27, peu de différences. Par contre, à 35, le poids était réel. Je pense qu'en descendant à 25 ou 27 par classe, on serait déjà bien. Je ne demande pas 20 élèves par classe.

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  3. Oui, on peu résumer le projet ainsi: surtout ne plus faire cours. Tout cela est fondé sur ce poison qui ronge la profession: la haine de soi! Pendant des années on a entendu les profs répéter eux-même qu'ils étaient des privilégiés trop payés ou sous employés et surtout, trop callés dans leur discipline au regard de ce à quoi ils en étaient réduits sur le terrain (!) Résultat, on passe notre temps à chasser le méchant prof qui brutalise les enfants par des exigences d'un autre âge, et tout le monde s'accorde pour dire que nous sommes "mal formés". On a donc joyeusement réformé l'université en la "masterisant" pour nous y faire traîner deux années de plus à nous "professionaliser". Pour la réforme du Lycée, je crois qu'il s'agit surtout d'achever définitivement le mythe du lycée égal pour tous. Dans les établissements des arrondissements à un chiffre de Paris, cela fait un moment que tous les profs de maths s'entendent demander par les parents de ne surtout pas respecter les programmes et de s'appliquer à les dépasser pour ne pas faire perdre leur temps aux gamins...

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  4. Je n'ai pris ce nombre de 20 que parce que c'était le nombre d'élève de la classe de première de l'an dernier pas comme un nombre revendiqué... je dis juste qu'en terminale il faudrait qu'ils soient autonome, et qu'une partie de l'autonomie c'est d'essayer de rencontrer son prof a la fin du cours pour demander des explications, de travailler chez soi et de ne pas attendre que tout tombe tout cuit dans le bec... Je ne sais pas pour toi mais moi on ne me tenait pas la main pour que je mette mon nom sur ma copie, et c'est quasiment systématique, j'en ai toujours une sans nom...
    Bref tout ce que je dis c'est que nos élèves ne sont pas mûrs et que les avoir en effectif réduit nous pousse a les infantiliser... je ne dis pas que les classes à 35 les font mûrir mais bon...

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  5. @ Anonyme : c'est une réalité. Pour pouvoir faire avancer les profs, il faut aussi travailler sur leurs mentalités, leurs fiertés et leurs consciences de groupe. Sinon, on va continuer à régresser.

    @ Julien L. : je ne pense pas que l'autonomie soit liée avec le nombre d'élèves par classe. Dans les milieux populaires, à l'évidence, l'autonomie est peu développée. Sur les causes, je n'en dirais rien : il faudrait que je me cultive un peu sur la question.

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  6. disons le simplement: travailler la confraternité et l'esprit de corps. Ce ne sont pas des gros mots! La suppression programmée du concours du capes des certifiés va achever de détruire ce qui restait de cette "conscience de groupe" comme tu dis. Déjà que le Privilégié met nos fiertés au pluriel... c'est dire combien nos manifestations syndicales sont devenues des sortes de "teach pride".

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  7. @ Anonyme : les manifestations de profs sont pourtant plus ternes que la gay pride...

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  8. certes! Le Privilégié a raison, il faudrait réfléchir à les rendre un peu plus funky nos manifestations: ça changerait le regard plein de mépris et de comissération que les badaux portent sur ces sorties de barbus en pantalons à velour cotelés ou en tenue d'étudiant attardé aux armes du Che. A quand un char des responsables de la FSU en train de se déhancher au rythme de la techno, en tenue de gladiateurs et avec un bonnet d'âne sur la tête? Idée à creuser.

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  9. @ Anonyme : vous amènerez déjà des tambours à la manif pour que nous commencions ?

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